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Commentaire de Stof

sur Charles Martel, Le globi-boulga et l'Occident


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Stof Stof 5 juin 2013 23:17

Il n’y a aucun complexe à défendre les valeurs positives de l’Occident, sans pour autant oublier sa face sombre.

Mais j’aimerais rétablir quelques points que l’auteur semble simplifier un peu trop rapidement :
Tout d’abord, la culture Greco-romaine n’est pas tout à fait « européenne », car elle est en fait bien bien plus centrée sur le bassin méditerranéen. Pour un citoyen de l’empire romain, la Judée et l’Egypte étaient deux provinces riches et peuplées, grenier à blé de l’empire. La Grèce et l’Asie mineure et la Judée étaient des centres intellectuels de la philosophie et de la théologie. Même l’Ifrikya (Carthage) avait un poids politique non négligeable. Rome était le centre administratif, culturel et militaire. Mais du côté continental européen, la Gaule, la Bretagne et la Dacie étaient plutôt perçues comme des territoires tampons assez dangereux, peuplés de celtes barbus et turbulents, tout juste bons à faire de robustes légionnaires.
Ces derniers se retourneront d’ailleurs contre eux, tandis que Byzance s’épuisera contre la Perse. Les Arabes s’engouffreront alors dans la brèche, profitant que les légions fussent occupées au nord pour s’emparer des riches provinces romaines du sud méditerranéen.
Ils remontèrent jusqu’en Gaule et tombèrent sur un os, l’autre force montante de l’époque : les royaumes barbares franco-germaniques.
Et comme ces territoires étaient justement relativement pauvres et peuplés de féroces guerriers en grand nombre, ils renoncèrent.
Mais il faut bien comprendre qu’ils auraient de toute façon renoncé à envahir la totalité de l’Europe. Manque d’intérêt économique, difficultés militaires, climat, culture etc.
Il était relativement facile de s’emparer et de piller les reliquats de l’empire romain, mais pratiquement impossible de soumettre une Europe du nord à peine christianisée et en pleine ascension démographique et politique.
La victoire de Charles Martel est donc un évènement certes symbolique mais inévitable sous une forme ou une autre. Ce n’est donc pas un évènement déterminant au sens historique.
Cette suprématie militaire « germanique » s’épanouira durant tout le moyen-âge chrétien. Tandis que le monde musulman, héritier des meilleurs « morceaux » de l’empire romain (hors Byzance), connaitra son âge d’or. Je le répète, en conclusion de cette première partie : en premier lieu c’est le monde arabe qui a hérité de la civilisation greco-romaine.
La Renaissance remettra l’Occident au même niveau, en quelque sorte. Mais cette révolution principalement artistique sera tout de même mise au service d’une religion intolérante ou de potentats italiens. Cette période verra également l’Europe plonger dans de terribles guerres de religions. Pour ce qui est de la merveilleuse tolérance européenne, il faudra patienter quelques siècles encore.


Le Portugal, à la croisée de ces deux mondes (méditerranéen et atlantique), inventa la Caravelle et partit à la conquête du vaste océan. Il entraina le reste de l’Europe occidentale dans son sillage.
La découverte et la conquête du vaste monde permit de désenclaver la petite Europe et de mettre à sa disposition des ressources infinies (pour l’époque) : nouvelles terres cultivables, nouvelles plantes, minerais, débouchés commerciaux, esclaves etc.
Mais cette nouvelle dimension mondiale eut deux conséquences majeures :
- Tout d’abord un choc intellectuel. L’Europe n’était plus au Centre mais seulement un petit continent parmis d’autres. Ils prirent contact avec une multitudes de cultures différentes, dont certaines beaucoup plus riches et puissantes, en particulier en Asie. Le monde était devenu un champs d’expérimentation pour l’Homme. Ce fût le début du relativisme culturel et de l’humanisme, bref, des Lumières.
- La deuxième conséquence paradoxale fût le sentiment grandissant, par une série de succès techniques et militaires, de la supériorité (temporaire...) de l’homme blanc, de l’européen chrétien, sur les autres peuples.
L’Occident inventa donc quasiment simultanément deux concepts opposés : les droits de l’Homme universels et le racisme colonialiste.
Ces deux concepts s’opposèrent violemment au cours des XIX et XXième siècles, lors de guerres particulièrement meurtrières : guerre de sécession, guerres mondiales, guerres coloniales etc. ainsi que dans des luttes idéologiques et sociales.
Où l’on vit, d’ailleurs, la raison et la science, parfois non plus au service de l’Humanisme mais au service de la nation ou de la race.
Finalement, ce sera la relativisme et l’universalisme qui sortit vainqueur. 

Et Charles Martel dans tout ça ? Eh bien, il fût le marqueur symbolique de la ligne de démarcation entre les envahisseurs du sud et les envahisseurs du nord. D’aucuns se félicitent et se glorifient de leur passé romain, ou franc. Mais si l’envahisseur sarrasin avait été victorieux, nul doute qu’on évoquerait son glorieux passé arabe, comme en Andalousie par exemple.
Pendant des siècles, la vie au sein de la civilisation arabo-musulmane était bien meilleure que dans une Europe ravagée par les guerres et l’obscurantisme.
Mais si la qualité de l’occident est son universalisme et son relativisme, pourquoi vouloir honorer un petit chef de guerre germanique ainsi que sa lignée ? Les Lumières de l’Europe n’ont eu de cesse de contester les dynasties monarchiques et la légitimité du pouvoir par la religion ou la seule gloire des armes.
 Ce Charles Martel n’est pas du tout représentatif du citoyen moderne et éclairé que nous sommes censés être devenus. Il est donc à mettre au même rang que l’envahisseur sarrasin.

Le retour identitaire des uns et des autres, ce retour à l’époque des Croisades, est une grave régression culturelle à mes yeux. 


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