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Commentaire de hommelibre

sur Les paternités imposées


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hommelibre hommelibre 6 juin 2013 16:48

@ Traroth :

Votre dernier comm ne s’adresse pas à moi mais je me permet de donner mon point de vue.
Est-ce que l’inégalité implique logiquement une hiérarchie, serait-elle globale, et le cas échéant serait-elle une forme d’oppression ? Car c’est bien l’oppression que nous voulons débusquer et combattre dans le combat anti-autoritaire auquel je souscris (même si aujourd’hui je nuance ma définition de l’autorité).

Votre comm contient donc des questions essentielles qui vaudraient pour chacune un débat ! smiley

Est-ce que l’inégalité implique logiquement une hiérarchie ? A un niveau oui, à un autre niveau non. Il me paraît difficile de ne pas d’abord prendre au cas par cas avant d’envisager une hiérarchie globale. Si ma compagne est excellente dans un domaine où je suis incompétent, cela ne lui donne pas de place hiérarchique sur moi, sauf si éventuellement si voulais m’aventurer dans son domaine d’excellence. Et encore, je pourrais choisir de l’apprendre ailleurs et de donner une préséance (donc d’accepter une hiérarchie) à quelqu’un d’autre. Cette hiérarchie est - comment dire ? - conditionnée. C’est-à-dire qu’elle concerne un domaine précis et défini, dans des moments et espaces prédéfinis, et pour une durée limitée si possible prévue dans le contrat. Car il s’agit d’un contrat ponctuel où les niveaux sont distinguée : le niveau de relation teinté d’une hiérarchie limitée et temporaire, et le niveau où cette teinte n’est pas présente.

Je ne suis pas globalement sous l’autorité de cette personne, et quand j’y suis son autorité est bienveillante. Si ce n’est pas le cas je m’en vais ! J’apprécie cette forme d’humilité face à une meilleure compétence, qui évite la confusion de ce que j’appellerais l’égalitarisme revendicateur. Il y a donc deux niveaux : sur le fond , sur la vie en général, cette personne - ou ma compagne - n’ont pas plus autorité sur moi que moi sur elle, mais dans un domaine précis et dans un cadre précis je lui accorde une autorité passagère et limitée.

En réalité cela se passe dans de nombreux domaines. L’enseignant n’est pas l’égal de ses étudiants, en matière de connaissance et de droit de gérer le temps d’enseignement. L’étudiant doit reconnaître cette préséance. Le respect est une manière de reconnaître cette préséance : ne pas couper le prof sauf s’il en laisse l’opportunité, ne pas lui claquer la porte au nez - même le laisser entrer en classe avant soi. J’ai beaucoup aimé "Le cercle des poètes disparus", et j’ai moi-même enseigné de manière interactive, mais même cette forme de rapprochement n’exclut pas l’autorité et la part de hiérarchie qui en découle. Par contre elle change les modèles.

Idem pour un coach sportif, à qui le club de foot reconnaît une compétence et qui le signifie par le respect de sa personne et de ses consignes. Cette vision du respect était développée dans le temps. Mais 68 - qui a apporté à mon avis des choses positives - a aussi fait des dégâts dans l’éducation et la transmission, et dans la reconnaissance qu’une autorité peut être sage et bienveillante. Il faut dire que l’extrême hiérarchie malveillante des fascismes (brun ou rouge) étaient encore dans toutes les têtes et que ce modèle a été rejeté (le père avec, d’ailleurs, et au final l’homme avec. Les femmes allaient faire mieux et elles ne feraient pas la guerre. Hum...).

Je pense donc qu’une autorité peut être conditionnée, limitée, et bienveillante. A partir de là la hiérarchie est une organisation des relations dans un domaine et un moment donné. Par exemple le Président a une prévalence sur le Premier Ministre. C’est fonctionnel, cela ne signifie pas que l’un a plus de valeur personnelle et qu’il aurait des droits sur l’autre plus que ceux qui sont prévus dans le contrat au fin de réaliser un objectif.

Un problème qui vient ensuite est la tendance à admirer et à se soumettre à celui ou celle qui a une autorité conditionnée, et à lui attribuer une autorité et préséance hiérarchique globale. Cela doit être travaillé. La globalité dans ce domaine est une forme de rigidité psychologique. A chaque situation ses règles et conditions. Deux enfants peuvent avoir des relations hiérarchiques qui se construisent spontanément. l’un est plus audacieux, ou plus fort, il donne le mouvement, et l’autre le suit. Difficile à éviter totalement. Par contre on peut développer des domaines d’excellence propres à chaque enfant de manière à ce qu’il y ait des domaines où il ne suit pas. La question des caractères joue aussi dans cette dynamique : certaines personne sont spontanément dans une posture d’initiateurs, et donnent le mouvement un peu partout.

Cette manière de voir me permet de nuancer les relations, de les épaissir, alors que l’égalitarisme est une sorte de rouleau compresseur qui ne tient plus compte de la multiplicité des situations et des mouvements intérieurs et nuances de comportement que cette multiplicité implique.

Si l’on repense au système de répartition des espaces et des tâches selon les sexes, chacun avait des domaines de pouvoir et de compétence. La notion de chef de famille n’était pas simplement une domination sur le groupe familial, mais une représentation juridique de la famille, et une responsabilité devant la loi. Aujourd’hui nous apprenons davantage à fonctionner dans un monde multipolaire où les pouvoir et responsabilités sont davantage répartis (pas partout mais c’est la tendance). C’est une nouveauté, comme le concept d’égalité a été une nouveauté.

Voilà en gros. A part cela je pense que l’on devrait redéfinir avec précision ce qu’est l’égalité et comment l’articuler avec les inégalités rédhibitoires et naturelles, comment gérer les différences sans faire passer un rouleau compresseur dessus, et ne pas cultiver de posture victimaire si notre voisin a des compétences ou des responsabilités que nous n’avons pas. Nous sommes en train d’oublier ce qu’est un monde différencié et comment il fonctionne pour que chacun y trouve sa place sans être victime. Une différenciation discriminante mais au sens premier de la discrimination : la distinction des qualités et compétences, et des conditions temporaires qui en découlent. Donc pas un différentialisme absolu. Un monde dont les relations hiérarchiques internes sont mobiles, limitées, conditionnées, bienveillantes.

Sur ce dernier point il y aurait beaucoup à dire encore pour ne pas être mal compris. Peut-être devrais dire : un monde multiniveau, mobile, où le droit de l’individu est un garde-fou contre les dérives autoritaires. Mais le droit de l’individu est lui-même en partie à repenser, car il y a des nécessités collectives qui doivent aussi être prises en compte. Lesquelles nécessités collectives peuvent aussi n’être qu’une forme de dictature.

... Je m’arrête là pour le moment ! smiley


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