Bonjour Msieur Nabum,
J’organise depuis 3 ans des débats réguliers avec des jeunes de 11-14 ans et la pédagogie qui est associée à la mise en place de ces débats est très rigoureuse.
A vous lire, vu la manière de faire de ces animateurs, la séance ne pouvait se passer que comme ça et être contre-productive.
Si les élèves ont posé la question : Êtes-vous homo ?, je suppose que ces animateurs ne se sont pas présenté, ni eux ni leur position claire dans le débat. N’importe qui, vos élèves y compris j’en suis sur, va penser inconsciemment face à ça qu’il à affaire à des gens qui viennent vendre leur bout de gras mais ne l’assument pas eux même, c’est à dire des gens qui aimeraient qu’on dise ce qu’ils n’osent pas dire eux même.
Les élèves ne peuvent que botter en touche devant un mensonge pareil. De façon provocante, ou en accaparant la parole pour raconter n’importe quoi, ou en se désintéressant, ce qu’ont fait vos élèves.
Un peu comme un vote blanc à des élections où il n’y a pas de programme.
D’autant plus si, comme ça a l’air d’être le cas, le « débat » ne consiste qu’en des questions posées aux élèves et des passages vidéo où les personnages ne peuvent pas être confrontés, puisqu’ils sont imaginaires. Où est l’argument dans les questions ? Où est la possibilité de débat dans une vidéo ?
Un débat réussi avec des enfants (collégiens), c’est :
-> Un animateur qui s’expose ! Qui expose sont point de vue, son parcours, ses doutes lorsque son point de vue n’est pas arrêté, ce qui est tout à fait admissible (et ce sera admis par les enfants si le doute est assumé).
-> L’animateur qui mène l’argumentation et la cohérence des échanges ! C’est lui qui est censé disposer des informations clé pour se forger un avis et qui possède déjà un avis propre construit. Les enfants ne mènent pas le débat.
-> Pour autant, ça ne veut pas dire qu’on ne tient pas compte de leur identité et de leur point de vue. Sérieusement, c’est se foutre de leur gueule de leur passer une vidéo de caricature de banlieue. Pensez vous qu’ils vont se sentir acceptés si on leur montre : des jeunes qui écrivent des poèmes (lol), une banlieue (c’est à dire eux même par identification) pas tolérante pour un sou, le méga cliché de « Omar le caïd » ? Franchement... La question à poser pour les concerner, c’est de savoir s’ils connaissent des homosexuels dans leurs connaissances. Et, comme j’imagine que c’était une question sans réponse du début, il vaut mieux avoir préparé des exemples béton (et vrais !) de types qui sont homosexuels et qui correspondent le mieux possible à leur vision de l’adulte idéal et réaliste.
-> L’imaginaire a son importance, surtout lorsque les jeunes sont confrontés à des nouveautés. La « mise en situation » est une manière de se projeter dans le problème et de s’intéresser au débat. Les vidéos sont bonnes à ce titre, si on rappelle qu’il s’agit de mise en situation et non de la réalité. Ou alors si c’est la réalité, de le dire aussi, sinon c’est perçu comme une pub et donc un mensonge.
Conclusion : Les élèves avaient un à priori : « Les valeurs sont claires, on ne peut être chef quand on est homosexuel ». En se sachant pas mener un débat, vos volontaires ont laissé les élèves s’imposer, et en oubliant de se présenter eux et leurs avis, et en montrant des pubs, ils sont passés auprès des élèves comme des menteurs. Cet à priori de votre classe s’est donc retrouvé confirmé par cette mise en situation réelle, pour un joyeux résultat contre productif.
La prochaine fois, ils prendront peut être un peu en compte ce qu’est un enfant collégien avant d’essayer de les persuader insidieusement (parce que de façon non assumée).
A moins qu’ils se fichent complètement des enfants et qu’ils redirigent ce même genre d’intervention marteau vers des enfants plus jeunes, quitte à produire, plutôt qu’un débat, un brainwashing ?
Oh, mais, ne serait ce pas justement le programme de Peillon pour la rentrée 2013 visant les enfants de 3 à 10 ans ? C’est fou, ces coïncidences...