Le
début de la fin
Dimanche
13 janvier 2013
Bien
peu d’observateurs d’alors se doutaient que cette fameuse journée du
13 janvier allait sonner le glas de ce qui restait de démocratie
dans ce beau pays de France. Depuis, bien des historiens s’accordent
à penser ce que fut le grand virage, le dérapage décisif qui
poussa la nation dans le chaos et la guerre religieuse, la dictature
et des atrocités sans nom.
Profitant
des maladresses d’un pouvoir socialiste dépositaire de tous les
leviers de commande mais totalement dépourvu devant l’ampleur des
défis qui se présentaient à lui, une droite revancharde et de plus
en plus archaïque pensant mettre simplement un peu d’huile sur le
feu déclencha les premières escarmouches qui allaient mener au pire
avec une maladresse qui frise l’inconscience.
La
loi sur le mariage pour tous fut alors le prétexte rêvé pour
fédérer tous les mécontentements de la réaction. L’église
catholique utilisa alors son formidable réseau d’écoles
confessionnelles pour se lancer dans une croisade dont elle a
toujours eu le secret. Ce qu’elle n’avait cependant pas prévu, c’est
qu’elle fût suivie de la communauté musulmane qui voyait là une
belle occasion de prouver son influence de plus en plus grande.
Tout
l’appareil financier de la droite s’était mobilisé pour fournir des
moyens de transport à la calotte en colère. L’homophobie tenant
lieu à l’époque de catalyseur à ce grand mouvement parfaitement
orchestré par la bonne conscience, les relents de Vichy, les
nostalgiques d’une France ethniquement pure. La famille, le travail
et la patrie, pour chanter Maréchal nous voilà, seule la présence
de quelques barbus fit désordre ce jour-là.
Le
Front National pour d’obscures raisons qui ne sont, bien des années
après toujours pas démêlées, ne se mêla pas officiellement à ce
premier grand rassemblement de la revanche des amis de la vertu.
Certains pensent que déjà un plan avait été fomenté par les plus
adroits stratèges de ce parti. La suite prouvera qu’ils avaient
raison de rester tapis dans l’ombre attendant leur heure pour
récolter les fruits blets de la colère.
Il
faut avouer également que le pouvoir joua les boutefeux avec un art
consommé de la maladresse ou de la stupidité. Vincent Peillon,
alors ministre de l’éducation nationale fut le plus grand pourvoyeur
en manifestants qu’on ait connu depuis fort longtemps. Non seulement
il poussa dans la rue les familles et les élèves des écoles libres
mais il réveilla la guerre scolaire, celle qui sera le ferment des
heurts ultérieurs.
Le
président de l’époque usa de maladresse en évoquant les fondements
des valeurs de la République. Sur un tel sujet, le mot était plus
que maladroit. La communauté homosexuelle vit dans ce dérapage
verbal une provocation supplémentaire qui s’ajoutant aux
tergiversations et aux reculades du pouvoir aggrava les tensions et
les ressentiments.
Si
rien de vraiment notable ne se passa ce fameux 13 janvier, pourtant
tous les ingrédients de la tragédie à venir furent ici mis en
place, les rôles distribués et les mauvais germes semés.
Progressivement, la société se fissura, se lézarda avant de finir
par exploser vraiment. Les uns se dressèrent contre les autres, les
alliés de circonstances devinrent des ennemis jurés, la haine pris
le pas sur l’amour qui n’était que prétexte.
La
France divorça d’avec elle-même sur ce dossier d’une rare
stupidité. Les mauvais prétextes, les idées souterraines, les
arrières pensées, les haines inavouables, les plus bas instincts
éclatèrent au grand jour. Ce fut un déballage honteux de propos
insupportables, de racisme et d’ostracisme. Les familles se
déchirèrent, les religions reprirent la main dans une nation sans
espoir ni repères.
La
situation devint ingérable. Le gouvernement tomba, le président
perdit totalement le contrôle quand les manifestations incessantes
devinrent émeutes inter-raciales. Il fut acculé à la démission.
Les instigateurs de cette pagaille pensèrent tirer les marrons du
feu. Ils ne s’étaient pas encore réconciliés après la farce de la
désignation du premier secrétaire de l’UMp. C’était la pagaille
générale à tous les échelons des institutions représentatives.
Et ce qui devait arriver finit tranquillement par devenir réalité,
ce qu’on appellera plus tard l’apocalypse rose. La France unissait sa
destinée avec un parti autoritaire et xénophobe.
Depuis,
les choses n’ont cessé d’empirer. Les armes sont sorties des caves.
Des quartiers ont fait sécession. Des régions se sont dressées
contre le pouvoir central ou du moins ce qu’il en restait. Des
pogroms, des râtonnades, des chasses aux homosexuels, des attentats
et bien d ’autres abominations se sont multipliés dans une nation
totalement déboussolée. Et tout commença en ce dimanche 13 janvier
2013 sans que personne alors ne mesura la gravité de ce qui était
en train de naître.
Prophétiquement
vôtre.