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Commentaire de Kookaburra

sur Le voile, un signe religieux ostentatoire ?


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Kookaburra Kookaburra 15 juin 2013 12:42

Bonjour Soleil. Merci pour votre commentaire constructif. Nos opinions sur l’islam divergent mais je suis d’accord avec certaines de vos remarques. L’entassement des immigrés dans les banlieues provoque évidement le repli sur soi et les problèmes d’intégration. Il est vrai aussi que la viande hallal est devenue commercialement très intéressante pour l’industrie. Le gouvernement se montre lâche sur ce problème. Sur ces points vous avez raison, mais votre apologie d’islam de me convainc pas. L’accusation d’islamophobie, en l’assimilant au racisme pour étouffer une critique, est une méthode en peu trop usée. Le sujet est vaste, et notre discussion serait trop longue pour ce cadre, d’autant plus que nous sommes en désaccord sur le fond. Je me limite donc à quelques observations.

Si le bonheur de lOccident a été la laïcité, cest-à-dire la distinction entre le spirituel et le temporel, le malheur de lIslam en fut leur irrémédiable confusion. Ici, pas de partage entre Dieu et César, entre la cité de Dieu et celle des hommes. Mohammed est prophète et chef de guerre, fondateur de religion et législateur. Demblée, religion et empire ne font quun. LEtat en terre dIslam a beau être despotique, il nest jamais pleinement souverain. Seul le pouvoir religieux est pleinement légitime. Une loi légitime ne saurait être quune variation sur les préceptes du Coran et la sunna, la tradition fondée sur les propos et les exemples du prophète. LEtat est censé exécuter une Loi qui le précède et le dépasse. Le Coran, « incréé », cest-à-dire existant de toute éternité, contient toute la vérité, délivrée dun coup, une fois pour toutes, et dans la langue même de Dieu, par lintermédiaire de son Prophète.

La liberté de conscience est pour nous un droit naturel, mais dans combien détats musulmans existe la liberté de croire ou ne pas croire ? La liberté de se déclarer athée ? Il est vrai quaussi en Europe lobligation dadhérer physiquement, cest-à-dire par lobservation des rites et coutumes de la religion dEtat, existait jusquau XVIII° siècle, mais lEurope a pu se laïciser. Pourquoi lislam na-t-il pas pu suive la même évolution ? Cest parce que lislam na pas eu un réformateur comme Jésus pour se débarrasser de ses sourates totalitaires. Le christianisme a pu vaincre le totalitarisme clérical en sappuyant sur le message de liberté et de fraternité de lEvangile. Au cours de lhistoire de lislam il y avaient toujours des penseurs éclairés, mais ils se heurtaient à un problème insurmontable, à savoir la particularité du fondement de la religion musulmane, notamment le Coran. Si le christianisme se caractérise par l’incarnation, l’Islam, lui, peut être défini comme une inverbation. Dieu s’est fait Verbe. Le Coran est la “pure parole de Dieu”, une dictée divine déposée dans le cœur de Mahomet (via l’ange Gabriel), et délivrée directement à l’humanité par le Prophète.

Le centre de gravité de la religion musulmane n’est donc pas le même. Il n’est pas dans la vie d’un homme — Jésus —, que le fidèle doit s’efforcer d’imiter, mais dans le Texte, la parole divine, à laquelle le fidèle s’abandonne totalement. Or, cette parole est considérée comme éternelle et incréée, ce qui la soustrait en principe à toute analyse littéraire ou historique. Il est extrêmement difficile pour un musulman religieux d’admettre, à propos du Coran, ce que, par exemple, Spinoza, au XVIIe siècle, disait de la Bible, à savoir qu’elle n’est que “du papier noirci” par des hommes dans certaines conditions historiques et linguistiques contingentes.

La Parole est l’absolu fondateur de l’Islam, sur lequel doit porter l’effort critique

des Lumières. La condition d’une modernisation de la religion musulmane, c’est la rupture avec le dogme selon lequel le Coran serait la parole même de Dieu dans sa matérialité. Voilà qui n’est assurément pas facile à admettre pour les musulmans. C’est pourtant indispensable, comme l’a été pour la religion chrétienne la contestation de la position originelle de l’Eglise dans le système symbolique occidental. Il ne faut donc pas se tromper de combat. Il n’y a pas d’Eglise musulmane à proprement parler, et les imams ne sont pas comparables à nos curés.

Même la question des pratiques rétrogrades imposées par un certain Islam à ses fidèles

(infériorisation de la femme, châtiments corporels, etc.), n’est pas la plus importante, car elle dépend très largement des conditions sociales et économiques dans lesquelles se trouvent les individus. L’enjeu pour un musulman “moderne” n’est pas de réformer telle ou telle obligation, mais de pouvoir approcher autrement le texte sacré, en commençant, par exemple, par lui appliquer les méthodes de la critique historique ou la “déconstruction” littéraire.

Mais voilà que mes remarques sont déjà trop longues pour le présent cadre. Nous devons rester en désaccord - mais amicalement j’espère !


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