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Commentaire de L’Ankou

sur Pourquoi l'homme a créé Dieu ?


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L’Ankou 24 juin 2013 16:43

Vival et Scual, au moins, votre façon de poser la controverse me semble plus intéressante que l’article lui-même et la grande majorité de ses commentaires.

Si vous essayez (en scénariste de fiction, à défaut de pouvoir le faire en scientifique documenté) de vous mettre à la place d’un homme préhistorique, ou peut-être même des premiers pré-hominiens à avoir pu s’interroger sur le Monde, vous vous appercevrez vite que ce Monde, avec ses changements, ses aléas, ses accidents, ses intempéries, ses prédateurs inquiétants, les maladies incompréhensibles, la foudre, les tremblements de terre et les tempêtes, ne pouvait certainement pas passer pour un monde ordonné.

Or, avant même que l’idée de divinités puissent exister, il y a dû y avoir le constat qu’à ce chaos du monde terrestre, s’opposait des faits réguliers, d’apparence constante, récurrents : l’alternance régulière du jour et de la nuit, les phases de la Lune, l’alternance des saisons, et la fixité des étoiles les unes par rapport aux autres, mouvement des planètes et des comètes exceptés. Il était facile à la première espèce consciente de compter les jours, d’organiser les récurrences, d’interpréter le ciel comme un lieu d’ordre, dictant sa loi, commandant mystérieusemnt aux marées, aux retour des saisons, à la croissance des plantes, au migrations du gibier et à la pousse des baies. Il était facile de croire que le ciel avait un sens, et qu’il suffisait de savoir comprendre les signes pour rendre une partie au moins du chaos plus prévisible.

Cette espèce consciente étant déjà dotée d’un cerveau condamné à chercher du sens même où il n’y en a pas (et à en trouver, en plus, coûte que coûte !) devait fatalement, en même temps qu’elle passait ses nuit à observer le ciel (la télévision ne diffusant déjà que des merdes !), inventer le calendrier, l’astronomie, l’astrologie, voire le dicton du jour.

Il y a des travaux scientifiques, je crois, mais dont j’ai perdu les références, qui considèrent que les représentations pariétales les plus anciennes pourraient bien être un zodiac, au sens d’une cartographie céleste.

Du point de vue de nos probables ancètres, la croyance avait, en plus, plein d’avantages : Une croyance, une légende, une histoire symbolique du monde, une narration fictionnelle de l’univers, ça simplifie, ça explique, ça comble les blancs mystérieux de l’inconnu et de l’inexplicable, ça donne prise à la raison sur le monde, ça le rconte, ça permet de le trouver logique, d’associer les conaissances à un récit, et donc de les transmettre d’une génération à l’autre. Ca permet d’expliquer les échecs, les malchances, les épidémies, les coups de bol... Autre avantage monumental : ça permet de croire qu’on peut avoir une action sur le monde, une influence sur la chance... plutôt que de ne rien pouvoir faire contre les agressions chaotiques du monde on peut croire que, par un sacrifice, un rituel, un chant, une danse, on met la chance de son côté, on s’attire la sympathie du monde, on s’allie des entités invisibles qui nous soutiennent. Bref, ça fait sens. Littéralement.

Voilà, à mon avis, les premiers stades du sentiment mystique, à défaut d’être déjà religieux. La question « Comment expliquer qu’à partir du chaos nous parvenions à un univers ordonné et terriblement efficace ? » trouve, à l’époque une réponse assez simple : « apprends à lire l’ordre dans les cieux, et tu y trouveras des logiques et des raisons à ce qui te semble chaotique dans le Monde terrestre (et maritime) ! ». Il me semble que l’Homme ou son ancêtre, a même pu commencer à chercher du sens dans les cieux bien avant de les peupler de divinités.

En tout cas, je te rejoins, sur ce point, Scual : nous avons une façon très contemporaine de reformuler cette question, qui ne se pose pas dans la réalité, mais surtout qui diffère tellement de la façon dont nos ancêtres pouvaient se la poser que ça n’est pas d’une grande utilité pour comprendre comment des hominidés en sont venus à se doter de croyances mystiques et d’une représentation narrative du monde.

Je rectifie quand même mon point de vue trop négatif sur certains autres commentaires précédents : l’anthropologie, la primatologie et l’éthologie nous ont effecivement apporté des regards assez passionnants sur la façon dont ces croyances se sont intégrées aux organisations sociales, pour finir par constituer avec elles un corpus culturel très complexe.

La questtion à se poser, c’est ce qu’il doit advenir de cette culture mystique à laquelle des gens sont viscérealement attachés (certains en font même une question d’Identité, au sens d’un marqueur culturel, voire « civilisationnel »), lorsqu’une meilleure compréhension de l’Univers permet enfin de gommer les traits de (re)construction provisoires que nos ancêtres avaient esquissés pour combler les vides et ne pas céder au découragement devant l’injustice chaotique d’un Monde périlleux...

Il aurait été décourageant et effrayant de voir le monde sans but et sans dessein, sans pouvoir l’expliquer, le décrire, le raconter, sans avoir l’impression de le comprendre. Même erronée, même approximative, même illusoire, la croyance explicative avait son utilité heuristique, pédagogique, structurante socialement, aussi indispensable que le grigri du pêcheur qui prend la mer sur un frêle esquif pour oser affronter les dangers et l’inconnu.

Replacer cette utilité primale dans son contexte probable (quoique peu accessible) reste un pas intéressant vers la remise en question des croyances inutiles, dépassées, celles qui freinent la recherche, la compréhension du monde, la connaissance, la découverte prométhéenne, galliléenne, copernicienne, nietzschéenne... Celles qui, comme l’opium, ont pu apporter un soulagement passager et lointain, duquel il ne reste plus que les addictions, la peur panique du manque, la... crise de foi.

Dans l’urgence historique, ce qui me semble le moins malsain, en tout cas, c’est d’en revenir à une lecture directe du Monde (mystique ou non, peu importe après tout), plutôt que de croire que le monde « réel » est finalement moins vrai que le contenu d’un livre « sacré » qui promet un arrière-monde qui serait le seul vrai (au point que si le monde ne correspond pas au Livre, c’est le réel qui « ment »).

Bien à vous, L’Ankoù


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