Bonjour.
Pourquoi ce raccourci intellectuel qui semble plus plaider en faveur d’une volonté d’impressionner des invités de salon ou d’enchanter les spectateurs d’une pièce théâtrale que d’une rigoureuse définition de ce noble mode de pensée qu’est la pensée philosophique ? Se contenter de dire que la philosophie est l’art de se poser des questions fondamentales, tant il est su qu’une telle possibilité est loin d’être l’apanage des philosophes, n’est-ce pas dénier au discours philosophique sa singulière profondeur. Des poètes, des littérateurs, des religieux, voire même des enfants, n’ont-ils pas posé un jour des questions fondamentales et tenté même d’y répondre. N’est-ce pas dans la manière de répondre que réside la singularité du discours philosophique ?
Une véritable définition de la philosophie ne saurait faire l’économie d’une réflexion sur les quiddités des choses de l’être, par le truchement d’authentiques concepts, autour de ses trois axes fondamentaux : ontologique, épistémologique et axiologique. Il s’en suit alors que cette acception de la philosophie ne va pas sans requérir une certaine « technicité », un savoir-faire, consistant à manier des concepts, certains connus et d’autres originaux, souvent résistants à l’entendement du profane, dans un cheminement intellectuel capable d’embrasser les trois axes en question et de juguler, avec bonheur, cela va sans dire, les contraintes inhérentes à la perspective d’un discours cohérent.
L’on m’objectera qu’il s’agit là d’une approche systémique de la pensée philosophique, conception désuète depuis que son représentant le plus illustre, Hegel, est dépassé, par des conceptions philosophiques nouvelles élaborées par Kierkegaard ou Nietzsche. Il n’en demeure pas moins que le grief fait par le père de l’existentialisme, à l’endroit de Hegel, concerne moins sa pensée en tant que modèle théorique cohérent, que le fait que ce dernier n’ait pas réservé une place, dans son système, à la question de l’être-humain-là, à la singularité de l’existence humaine avec son cortège de vicissitudes faites d’angoisse, de désespoir et de liberté. Bref, son principal reproche réside dans l’absence, dans la philosophie hégélienne, de la question de l’individu dans sa subjectivité.
Loin de moi l’idée de m’ériger en donneur de leçons, mon propos consiste simplement à mettre l’accent sur le fait que le terme « philosophe » est aujourd’hui outrageusement galvaudé, notamment par les médias de la bien-pensance et les cénacles de la pensée monolithique qui s’empressent de l’attribuer à des apothicaires, tels un certain Bernard Henri Lévi ou autre A. Finkielkraut. Et en cela, je ne fais que vulgariser une idée souvent répétée, dans les amphis de la faculté de philosophie de l’Université de Lyon, par un certain François Dagognet que j’ai eu comme professeur.
Ainsi, après ces considérations sémantiques, dont l’évocation ne me semble pas dénuée d’intérêt, ne serait-ce que pour la salubrité du débat, voici une modeste contribution, dans la perspective d’une discussion sur ce que j’ai cru comprendre à travers la plume de Bernard Dugué, concernant son exposé sur , uniquement sur la base de cet article, puisque je n’ai point lu son ouvrage. À cet égard, une compréhension erronée de ma part est tout à fait possible.
Bernard Dugué nous présente l’Expressionisme comme étant une doctrine philosophique, ayant vocation à s’inscrire dans une perspective épistémologique en résonnance avec son époque. Tout en précisant le champ épistémologique de cette doctrine, à travers les questions qu’elle entend traiter - Qui s’exprime, à quoi sert l’expression, fait-elle avancer I’humanité, engendre-t-elle du chaos ou bien recèle-t-elle de nouvelles possibilités ?- l’auteur affirme d’emblée qu’il s’agit d’une philosophie théiste. Pour lui, l’être de l’expression est ontologiquement différent de celui qui en est l’auteur. Et les deux êtres cohabitent dans une relation avec un être transcendant désigné comme Un.
Par ailleurs, à l’instar d’un Kant s’évertuant à redonner ses lettres de noblesse à la métaphysique, par le biais d’une judicieuse synthèse entre une métaphysique de Descartes, à tendance dogmatisante et détachée du réel, et un empirisme anglais, défendu par D. Hume et J. Locke, lequel finit par tomber dans un scepticisme nihiliste, Bernard Dugué entend aujourd’hui assigner à la métaphysique une place légitime contre le dogmatisme scientifique ambiant, selon lui, en le reléguant à son champ d’intervention naturel : le monde empirique. En contestant « la toute-puissance de la matière (comme explication des choses) qui conduit à l’illusion matérialiste, comme il y eut une illusion sur la puissance de Dieu », il appert que l’Expressionisme de Bernard Dugué est un plaidoyer résolument anti-matérialiste mais non religieux.
Et lorsqu’il affirme qu’« il convient donc de regarder à l’intérieur du réel pour y voir graviter les Lumières de l’esprit et les Miroirs de Platon », en partant du postulat que « l’univers complet comprend un réel Transcendant », l’affirmation que l’Expressionisme est une philosophie théiste prend tout son sens. Car dans ce réel Transcendant, il semble s’agir de Dieu.
Mais, même en tentant de se démarquer d’une pensée théologique, en affirmant, qu’il n’entend pas commencer à philosopher en partant de ce Transcendant, et surtout lorsqu’il affirme que « la notion d’Incarnation est toute aussi importante, elle désigne la relation entre le Procès (le Monde) et I’Un (Dieu) », cela ne manque, inexorablement, pas de rappeler certains accents de la théosophie ésotérique d’un grand penseur arabo-andalous du XIIème siècle, Ibn ’Arabî, que Bernard Dugué cite d’ailleurs. En stipulant que Dieu a créé le monde, et se manifeste dans toutes ses créatures, le penseur arabe développe une théorie nouvelle, au sein de la philosophie musulmane, celle de « wahdat al-wujud » (unité de l’être), faisant du monde un miroir pour Dieu et où les phénomènes et les contingents ne sont que les reflets de Dieu, les champs de son incarnation. Ainsi, Dieu est l’Être au sens absolu, le véritable Être. En dépit de son apparence panthéiste, la doctrine d’ Ibn ’Arabî n’en demeure pas moins dualiste : elle établit une distinction ontologique importante entre l’être de Dieu et l’être du Monde. Certes, pour lui, Dieu se voit dans sa Création, mais comme reflet, sans que son essence ne se confonde avec les substances des choses. Ce que Bernard Dugué exprime à sa façon : « La notion d’Incarnation est toute aussi importante, elle désigne la relation entre le Procès et I’Un. Cette relation est duale ».
En somme, une étude approfondie de l’Expressionnisme de Bernard Dugué ne serait pas sans intérêt, en vue de comprendre, ses lieux d’inspiration, ses apports philosophiques, et d’en mesurer l’originalité à l’aune d’une saine définition de la philosophie.
Philosophiquement..
27/07 08:47 - Claudec
@ L’enfoiré Si plutôt que de vous limiter à ce qui satisfait votre curiosité pour (...)
26/07 14:33 - averoes
Bonjour. Pourquoi ce raccourci intellectuel qui semble plus plaider en faveur d’une (...)
26/07 09:22 - L’enfoiré
Claudec, Répondre à votre question ? Ce serait peut-être ce dessin... Quant à votre blog, si (...)
26/07 07:43 - Claudec
26/07 07:40 - Claudec
@ l’enfoiré Ainsi, selon vous, l’écriture serait la condition de la sagesse ?Et il (...)
25/07 21:14 - Dwaabala
... en fait d’Aristote, à coté de Platon il y a Zeus... allez donc savoir pourquoi (...)
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