Ce texte philosophique n’est pas pour Onfray ni BHL ; mais est-il pour vous ?

L’été léger se prête à des jeux de plein air mais aussi plus cérébraux. Mais si le sudoku et les mots fléchés vous gavent, alors je vous propose d’essayer de comprendre ce texte philosophique, publié avec l’accord de l’auteur et déniché dans les archives transcendantales de l’église pensante et libertaire. D’après ma propre évaluation, ce texte ne peut pas être compris par Onfray, ni BHL du reste. Et vous, saurez-vous capter quelques enseignements ? Ou à défaut vous amuser de cette savante prose absconse.
I. Expression d’une philosophie Alors qu’un théologien met Dieu au centre de la réalité, un philosophe moderne part d’une position centrale qui est le sujet. Le sujet moderne est peut être en voie de disparition, mais il reste des philosophes. Sont-ils des sujets comme au moment de la Modernité ? Oui et non. De toute façon, il y a bel et bien un individu qui occupe le centre d’un dispositif produisant un discours, et si ce discours veut accéder à l’universalité, l’individu qui philosophe ne peut échapper au questionnement autoréférentiel par lequel il discute du fait qu’il produit un discours. Tel le personnage peint par Escher dans la toile. intitulée Exposition d’estampes, il est à la fois dans le monde où il évolue, tout en étant en retrait de ce monde dès lors que sa conscience lui permet, telle une monade à géométrie variable, de se décentrer du monde.
L’étude présentée dans cet ouvrage est à visée universaliste, et donc, la question autoréférentielle se pose d’une manière assez générale, et en particulier lorsqu’il s’agit de présenter cette étude intitulée l’Expressionnisme. Prolégomènes à une métaphysique des temps nouveaux. Selon les règles de l’autoréférence, l’auteur tente de se décentrer pour voir de l’extérieur quelle peut être la résonance de son étude avec l’environnement socio-historique, afin de justifier son intitulé. Par ailleurs, l’expressionniste connaît les conditions actuelles du champ d’expression philosophique surdéterminé où il tente d’occuper une place et d’atteindre le champ de perception., c’est-à-dire les lecteurs. Il dispose pour cela de quelques pages pour mettre en relief ce qui singularise son propos.
L’expressionnisme est une doctrine philosophique. Celle-ci s’inscrit d’une manière double dans le temps présent. D’une part elle répond à une situation nouvelle du savoir, et nous verrons pourquoi cette étude est qualifiée de Prolégomènes, d’autre part, elle entre en résonance avec son époque. En effet, aux alentours des années 1960, la société s’est mise en mouvement, elle est devenue spectacle ont dit les situationnistes. Des désirs d’expression se sont manifestés au sein d’une nouvelle génération qui explosa avec les événements de mai 68. Puis ce fut l’explosion des cultures et de leurs expressions. Actuellement, le monde spectaculaire est démultiplié, si bien que les médias sont envahis par un flot d’images, d’informations et de musiques, tandis qu’à l’inverse, certaines études montrent que les gens ne se parlent plus. D’où un contraste saisissant qui met le champ d’expression en première ligne du questionnement philosophique contemporain. Qui s’exprime, à quoi sert l’expression, fait-elle avancer I’humanité, engendre-t-elle du chaos ou bien recèle-t-elle de nouvelles possibilités ? Voilà quelques questions auxquelles cette étude ne répondra pas définitivement, car elle ne présente qu’une esquisse de système, mais elle dit déjà une chose importante, à savoir qu’il y a une différence ontologique entre l’expression et les êtres qui s’expriment. De plus, cette étude énonce la possibilité d’une relation entre ces mêmes êtres et un réel transcendant désigné comme Un. Il s’agit donc d’une philosophie théiste qui, selon les correspondances établies avec la physique contemporaine, justifiera qu’on s’intéresse à l’expression du beau dans la nature et dans l’art.
L’expressionnisme est d’actualité, il se veut démarqué du moment philosophique de l’ après guerre, c’est-à-dire de l’existentialisme, du structuralisme, du psychanalysme et autres discours... mais aussi du moment post-moderne actuel. Il ne s’accorde pas non plus avec les matérialismes ou avec les humanismes non métaphysiques.
II. Pourquoi des prolégomènes ? L’expressionniste n’a pas l’intention de discourir uniquement sur les réalités exprimées. Il cherche à savoir quelle est la cause du champ exprimé, et s’agissant des êtres de l’univers, il tente de montrer que ces êtres se modifient intérieurement car ils sont en Procès. De plus, le Un participe (de très loin) à ce Procès de telle manière que des Idées s’incarnent. On comprend dès lors que l’expressionnisme est une métaphysique, et plus précisément une métaphysique théiste. Pour élaborer cette métaphysique, il est nécessaire de faire appel à quelques éléments de théologie, tout en adoptant une attitude critique permettant d’éviter le dogmatisme. La science aussi est importante, et dans ce cas, il faut adopter une attitude herméneutique visant à interpréter les nouvelles configurations du savoir. Ainsi se présente la métaphysique expressionniste dont l’élaboration est rejetée dans le futur, d’où l’idée de désigner cette étude comme Prolégomènes. j’aurais pu simplement dire qu’il s’agissait là d’une introduction à une métaphysique future ou bien, avec un terme plus savant, d’une propédeutique.
Si j’ai opté pour des Prolégomènes, c’est en raison d’un parallélisme assez surprenant entre la situation actuelle du savoir, et celle à la fin du 18ème siècle, lorsque Kant construisit sa philosophie critique, tout en publiant en 1783 Prolégomènes à toute métaphysique future. Plus exactement, la situation actuelle est antisymétrique de celle qu’a connue Kant. Rappelons que ce dernier était aux prises avec les tendances empiristes de la philosophie anglo-saxonne, laquelle résultait d’une situation nouvelle où l’on comprenait un peu mieux la sphère anthropologique, tandis que l’univers prenait soudainement une expression mathématique avec Newton. Kant était aussi face à une tendance dogmatisante imposante, issue de la métaphysique rationnelle classique qui cherchait à raisonner l’ensemble du réel, Dieu compris. La Critique kantienne constitua alors une tentative de maintenir la métaphysique au prix d’une solution médiane judicieusement élaborée. À la fin du 18ème siècle, il n’était plus possible de conserver la métaphysique rationnelle, car elle n’adhérait plus au réel, et on sait ce qu’il advint de cette doctrine. Mais il était également hors de question de foncer tête baissée dans l’empirisme, lequel finit par douter de tout, et par ne plus rien expliquer. Actuellement, la science occupe la place de la métaphysique rationnelle classique. Elle s’est démultipliée dans tous les champs du savoir, et certains imaginent qu’elle va comprendre l’esprit humain, jusqu’au point où elle entrera en concurrence avec la philosophie moderne pour s’occuper de la question du sujet. Pour des raisons que je ne peux développer ici, et qui ne sont pas abordées dans cette étude, je considère la science contemporaine comme un corpus fait de deux éléments dont l’un est légitime, et l’autre dogmatique. Plus précisément, la matière s’associe avec une complexité et une auto-organisation, de la même manière que la raison classique se combinait avec le cosmos, le psychisme et Dieu au moment pré-kantien du savoir. La matière joue actuellement un rôle néo-spinoziste, et se substitue pour ainsi dire au Dieu de la tradition. Voilà en quelques mots ce que j’appelle dogmatisme scientifique. D’un autre côté, et selon une disposition antisymétrique, quelques éléments du savoir vont jouer le rôle de la physique newtonienne. Mais au lieu de s’appliquer au monde empirique, la physique contemporaine contient des éléments propres à une reconstruction tant du sujet que du rapport entre les réalités individuées et le Transcendant. Ainsi, contre la dogmatique scientifique et avec les nouvelles données de la physique, se positionne un champ d’intervention philosophique où la spéculation peut être opérante et légitime. C’est ce champ que tente d’ouvrir l’expressionnisme, tout en ne faisant qu’effleurer les possibilités qu’offre la science contemporaine, en vue d’une reconstruction de la métaphysique.
En résumé, le débat philosophique qui s’ouvre contestera la toute-puissance de la matière (comme explication des choses) qui conduit à l’illusion matérialiste, comme il y eut une illusion sur la puissance de Dieu. Il convient donc de regarder à l’intérieur du réel pour y voir graviter les Lumières de l’esprit et les Miroirs de Platon, car la solution ne viendra pas du cosmos, même si on y dispose le miroir Hubble qui, en permettant d’y voir plus clair, renforce parfois l’aveuglement de l’entendement scientifique. III. Introduction et fil conducteur
(1) L’expressionniste part de la conviction que l’univers complet comprend un réel Transcendant, mais il ne commence pas à philosopher en partant de ce Transcendant. La méthode est autre. Je définis la philosophie comme l’activité visant à distinguer les réalités, ainsi qu’à leur attribuer des assignations ontologiques spécifiques. C’est ainsi que la philosophie a commencé en Grèce, avec Platon et Aristote qui ont discouru sur trois éléments du réel que .1’on met en parallèle avec Dieu, I’homme, et la nature, et que l’on associe à l’évidence de trois territoires ontologiques. L’histoire moderne montre que le Procès cognitif moderne est lié à une construction, avec le temps, de trois territoires épistémologiques que sont la théologie, la philosophie et la science. Le progrès des connaissances fait que les réalités semblent s’éloigner dans un univers ontologique comprenant le Dieu loué, l’homme raisonné et la nature rationalisée. Mais en d’autres circonstances, des penseurs se chargent de maintenir tant bi n que mal une unité, d’où l’idée d’introduire dans un premier chapitre les notions de dérive ontologique et de recentrement ontologique.
(2) On arrive ainsi au deuxième chapitre où l’on effectue une courte mise au point sur la philosophie grecque et son issue moderniste hégélienne, avec le Concept éternel défini comme le Temps existant empiriquement. Les méditations philosophiques de Kojève nous sont précieuses car elles permettent d’effectuer un repérage au sein de l’univers ontologique, et de situer une voie possible de développement d’une métaphysique qui tente de relier le Transcendant aux réalités empiriques. Comme le montre Kojève, il y eut la solution raisonnée hégélienne qui est définitive si on s’en tient aux seules possibilités de la Raison dialectique m9derne, laquelle conçoit l’unité du Concept éternel transcendant. Mais il y a une autre voie inexplorée où le Transcendant ne serait pas un Concept, tout en étant multiple et reliable au réel empirique, tandis qu’au-delà, il y aurait le Un. Cette voie repose en fait sur un retour à Platon et à son Cosmos d’Idées, mais comment relier ces Idées u- topiques aux réalités de l’ici-bas ?
(3) C’est ce que tente d’éclaircir le chapitre 3 dans lequel on propose une mise en perspective de trois conjonctures où une histoire se raconte. On peut notamment visualiser I’histoire des prophètes d’Ibn Arabi, tout en la mettant en perspective avec I’histoire racontée par le poète Hugo. Ces deux auteurs se rapprochent par l’usage des Symboles figurant tantôt les Personnages d’une théophanie biblique puis coranique, tantôt les Personnages d’une anthropophanie moderne. Mais lorsque l’on passe de Ibn Arabî à Hugo, le Temps ne joue pas le même rôle, pas plus que le Transcendant. Une chose reste certaine : l’emploi des Symboles et l’usage d’une Raison non dialectique, algébrique, qui permet de mettre en Relation les Symboles. Pour avancer, il nous faut comprendre un peu mieux ce qu’est le Temps, et le rapport qu’il entretient avec la Raison algébrique qui est aussi une Imagination créatrice.
(4) Pour effectuer cette tâche, on consulte ceux qui ont tenté de comprendre le Temps de l’intérieur, Husserl et surtout Heidegger. On étudie alors le Procès de la conscience qui permet de dégager un questionnement sur la transcendance, tout en signifiant aussi les modalités du champ d’expression intentionnel. Puis on fait basculer l’univers ontologique de telle manière que la réalité se révèle. Il s’agit donc du pivot de cette étude où l’on effectue une révolution copernicienne d’un genre nouveau. Au lieu de décrire comme Kant l’ajustement de l’objet sur la sensibilité et l’entendement du sujet, on tente de comprendre l’ajustement du sujet intérieur face au Transcendant, et suivant la radicalité de la différence ontologique du Transcendant, on doit aussi prévoir l’absence d’ajustement. Cette opération revient pour ainsi dire à prendre « spéculairement » par devers Heidegger pour envisager une relation Un-sujet selon une conversion TemDs- Miroir. les Miroirs sont les vraies Idées de Platon, et le Temps spécifie la modalité de leur Incarnation.
(5) Les dés sont jetés. Il faut faire avancer la ligne de front ontologique où se précisent dans un cinquième chapitre les trois éléments du réel. On construit une triade ontologique avec ces trois éléments qui sont : l’expression, le Procès et l’Incarnation du Mitoir. On teste alors le discours triadique en proposant une interprétation sommaire des débuts de la Modernité à l’époque de la Renaissance, puis en déchiffrant le rôle des Miroirs dans l’intention narrative où la question du sens apparaît.
(6) Le sixième chapitre permet d’introduire le concept de champ, lequel est amené à jouer un rôle aussi important que la notion de substance utilisée diversement par les médiévaux et par les classiques, notamment par Leibniz. Le concept de champ permet de poursuivre l’assignation de la triade ontologique et de faire apparaître le champ exprimé comme causé, le champ du Procès comme causal, et enfin le champ de l’Incarnation comme supracausal. Ce dernier résulte de la rencontre entre d’une part, un champ immané nouvellement introduit, et d’autre part le champ émané depuis l’Un. On poursuit cette construction en examinant l’introduction du concept d’énergie, ce qui coule de source dès lors que l’on prend Ie champ à Ia foi s comme concept philosophique, mais aussi comme concept scientifique.
(7) La dernière étape de notre étude conduit à légitimer la triade ontologique en effectuant une courte incursion dans le’ domaine de la théorie des champs quantifiés. On trace ainsi huit perspectives métaphysiques conduisant àmettre en correspondance le discours philosophique métaphysique et l’assignation du réel issue de la physique quantique contemporaine. J’aimerais pour finir attirer l’attention sur quelques notions nouvellement introduites. En premier lieu, la notion de Procès joue un rôle prépondérant dans le système, et plus spécifiquement un rôle central car il permet de repenser le sujet sous une forme contemporaine, et notamment dans sa réalité transfinie, déterminée par une dialectique transfinie asymétrique. Un lecteur pourra ainsi suivre le fil de cette étude en assimilant en première approximation le Procès au sujet philosophique moderne. De plus, le Procès ne se réduit pas à sa contrepartie anthropologique, et s’applique tout aussi bien aux réalités de la nature, moyennant certaines précautions d’usage évidentes, visant à distinguer I’homme du cosmos et du biologique. La notion d’Incarnation est toute aussi importante, elle désigne la relation entre le Procès et I’Un. Cette relation est duale, et pour cela il faut introduire l’idée d’une réciprocité entre le Procès et l’Un pour faire face aux exigences d’une compréhension moderne de l’Incarnation. Cette réciprocité est désignée comme antisymétrique. Cette propriété apparaît clairement dès lors que l’on prend en compte l’aspect théophysique de l’Incarnation où l’on introduit un concept promis à une postérité philosophique. Il s’agit du concept d’immanation, laquelle désigne en premier lieu une propagation d’un certain type d’énergie en direction du Un transcendant.
La notion d’immanation est claire, elle désigne la figure antisymétrique de l’émanation, tout en précisant le point source de l’immanation qui est le Procès dans sa situation d’immanence et de multiplicité. De plus, l’immanation permet de concevoir l’Incarnation comme une conversion Temps-Miroir. Espérons donc que le Miroir du lecteur puisse apprécier l’Image qu’il se fera de l’étude qui suit...
QU’EST-CE QUE LA PHILOSOPHIE ?
1.1 Le questionnement Dans son introduction à I’histoire raisonnée de la philosophie païenne, Alexandre Kojève propose un critère permettant de distinguer ce qui sépare le discours philosophique du discours scientifique, ainsi que d’autres types de discours comme par exemple le bavardage : les sciences philosophiques sont les seules sciences qui parlent d’elles-mêmes. Ainsi, d’après Kojève, la philosophie produite après Kant se comprendrait comme l’ensemble des discours cohérents qui parlent de tout et ce faisant, parlent également d’ eux-mêmes. Défini de cette manière, le discours philosophique se situe dans une configuration autoréférentielle car ce discours parle également du fait que ce discours est possible, existe, et se développe de manière consistante (non contradictoire). La production de ce discours a commencé en Grèce, avec les philosophes présocratiques. D’après Kojève, ce discours s’achève avec le Système hégélien, c’est-à-dire peu de temps après la révolution copernicienne opérée par Kant. À l’origine de la philosophie, il y aurait eu une question posée à l’insu des philosophes grecs : le Concept est ? et il y eut deux réponses, pour autant que l’on admette que telle était la question. On connaît les deux formulations antithétiques, celle du Concept éternel posée par Parménide, et celle du Concept en devenir qu’aurait posée Héraclite. Ensuite, au cours d’un processus historique de maturation de la pensée occidentale, les discours thétiques et antithétiques se sont développés, croisés, opposés, dans le contexte de la chrétienté. Enfin, avec Kant puis avec Hegel, la rencontre entre la philosophie chrétienne et la philosophie païenne s’effectue de telle manière qu’il n’y a plus de tension entre la philosophie qui parle du monde existant dans le temps, et le discours sur la Révélation chrétienne qui parle de l’incarnation du Dieu éternel à un moment de I’histoire de I’humanité. Selon Kojève, cette rencontre fournit la réponse définitive à la question sur le Concept avec la formule hégélienne : le Concept est le Temps. Ainsi prendrait fin la quête philosophique occidentale avec la forme définitive qui serait le Système du savoir philosophique développé par Hegel, et mis en forme définitivement par Kojève lui-même (qu’il n’a pas pu réaliser). En conséquence, il ne devrait plus y avoir de philosophes après Hegel, ou du moins, de philosophes qui tentent de répondre à la question sur le Concept, tout en adhérant à l’idée selon laquelle la philosophie doit produire un discours cohérent qui parle de tout et surtout, qui parle de lui-même.
En fait, il y a eu d’autres penseurs et d’autres philosophies après Hegel, et cela se comprend dès lors que l’on refuse de circonscrire la pensée philosophique comme le fait Kojève. Juste deux exemples : la question sur le sens de l’Être posée par Heidegger sort carrément du champ philosophique hégélien. D’un autre côté, la compréhension de l’inconscient par Freud ouvre des perspectives anthropologiques qui ont échappé à Hegel (et peut-être même des perspectives métaphysiques que Freud n’avait pas entrevues, ni Hegel bien sûr). Qu’est-ce alors la philosophie si celle-ci ne se réduit pas à une question sur le Concept à laquelle on répondrait par un discours qui serait le Système du savoir ? A moins de vouloir opter pour un totalitarisme intellectuel, on s’aperçoit que l’on ne peut assigner à résidence la philosophie. Telle est la conclusion de la post- modernité qui fait suite à la modernité où le sujet est assigné à résidence. Si la philosophie est le fait d’un sujet assigné à résidence qui pense (y compris en relation avec une Idée absolue et infinie), il est naturel que la philosophie moderne finisse par être elle-même assignée à résidence (c’est ce que refusa Nietzsche).
Au stade actuel de I’histoire de la pensée, ma préférence irait donc vers une définition partiellement indéfinie de la philosophie. Celle-ci serait l’art de poser des questions, certaines plus profondes que d’autres. Et des questions, il y en a un nombre indéfini si on admet de surcroît que philosopher, c’est prendre position sur l’existence, et que l’existence philosophique se multiplie indéfiniment, à concurrence du nombre d’individus qui choisissent de se poser des questions et qui se trouvent chacun dans une configuration d’existence singulière. Bien évidemment, cette prise de position conduit vers un hyper-relativisme, lorsqu’il n’aboutit pas au scepticisme. On laisse alors de côté ce relativisme et on admet que la philosophie est l’art de se poser des questions fondamentales, voire des questions sur le fondement de ce qui existe et de ce qui est. Mieux encore, le luxe du philosophe est de pouvoir se poser des questions que les autres ne peuvent pas se poser. On parle alors de génie philosophique dans le sens où Schopenhauer définit le génie comme un individu qui voit un but que les aptres ne voient pas, tandis que I’homme de talent est celui qui réalise parfaitement une tâche que les autres ne peuvent pas réaliser aussi bien.
Quelles sont alors les questions fondamentales que les philosophes ont posé par la force des choses ou par la volonté de savoir ? En fait, si un nombre important de questions ont été traitées, on admet qu’elles se ramènent à une dizaine de problèmes fondamentaux qui ont cheminé avec l’histoire de la pensée. Pour ma part,j’aimerais définir la philosophie comme l’art de poser ces trois questions fondamentales, et de tenter d’y répondre : (1) Qu’est-ce que la nature ? (2) Qu’est-ce que l’homme ? (3) Qu’est-ce que Dieu ? Parmi ces trois questions, l’une se singularise de par sa situation autoréférentielle qui fait que l’individu qui pose la question ne peut éviter de tenir compte du fait qu’il est impliqué à double titre, en tant que questionnant et en tant que répondant. Il s’agit bien évidemment de la deuxième question. Pour ce qui concerne les deux autres questions, on peut admettre en première approximation que l’on peut questionner et répondre en faisant abstraction de la nature de l’individu qui pose les questions. Ce n’est bien évidemment qu’une approximation car on sait que la nature ne peut être connue indépendamment d’un dispositif qui interagit avec elle et qui est construit par I’homme (la technique) ou bien inhérent à I’homme (la sensibilité). Quant à la question sur Dieu, laissons la en suspens. L’homme est donc un être singulier de l’univers car il peut se poser des questions, y compris la question autoréférentielle sur lui-même
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