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Commentaire de Jean-Philippe Immarigeon

sur La victoire de la défiance


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Jean-Philippe Immarigeon Jean-Philippe Immarigeon 19 février 2007 15:08

Oui Guy, sauf que la méfiance envers les élites est due essentiellement à leur démission depuis 20 ans, et au fait que, élus et disposant d’un mandat pour décider, ils ne décident plus rien. Si Chirac a réuni autour de lui les Français sur la crise d’Irak en 2003, c’est parce que ceux-ci ont vu que dès lors qu’on « décide de décider » et qu’on tire des bords pour mettre en oeuvre cette décision, non seulement on parvient à ses fins, mais on s’en sort par le haut (elles sont où les « sanctions » américaines annoncées par Condi Rice et dont la presse française et nombre d’atlantistes, y compris au PS, avaient peur en 2003, et qu’on nous annonçait comme certaines, terribles et dévastatrices ?)

Et le fond du discours de la rupture de Sarko, c’est précisément de faire croire qu’il sera enfin le décideur que les Français attendent depuis 20 ans. Il peut faire croire aux Français que, une fois à la magistrature suprême, il ne sera pas corseté. Et qu’ainsi, sortant aujourd’hui, il sera libre de mouvement le 6 mai au soir.

Seulement voilà, pour décider il ne suffit pas seulement de vouloir le faire. Il faut d’abord rompre avec le discours dominant de soumission à un ordre transcendant, religieux et monarchique hier, rationnel, causaliste, déterministe et économiste depuis Condorcet, Einstein et Freud. Il faurt se placer dans un autre système de valeurs, celui du libre arbitre, et y attirer tout l’environnement, comme dans la pensée quantique. Et lorsque Chirac redit, plus ou moins sincèrement, son opposition intrinsèque au principe du libéralisme, il faut comprendre que c’est ce refus qui l’a amené et continue à l’amener à s’opposer à l’Amérique, et non cette crise de 2003 qui l’a conduit à rejeter le système américain. Sarko est au contraire précisément le candidat à droite de la soumission qui refuse de sortir du discours sur la globalisation du monde et de sa pensée (comme DSK l’est au PS).

Sarko est l’élu de l’Amérique qui est fondée sur l’acceptation originelle d’une transcendance qu’elle a toujours voulue, contre l’Europe, religieuse ; Sarko est le candidat de l’ex-CNPF qui veut notre asservissement à une globalisation dont il a fait, avec les autres comités des forges réunis chaque année à Davos, une objectivité alors qu’il ne s’agit que d’une idéologie, etc... Sarko est donc bien, de ce point de vue, le candidat sortant d’une idéologie dominante depuis 20 ans qui veut qu’on ne puisse plus rien vouloir. Il peut voir se dresser, entre les deux tours, tous les Français qui comprennent, consciemment ou intuitivement, que son élection serait pour notre vieille nation la grande paix du cimetière libéral.

Mais toute l’équipe de Royal, ainsi qu’elle-même, est plombée par le même boulet au même titre de cette soumission. Ainsi, maintenir Lang comme « conseiller spécial » et réintroduire les éléphants qui se sont couchés à partir de 1983 et dont l’électorat de gauche n’a pas voulus le 21 avril 2002, lui fait perdre au bas mot deux millions de voix. Vasouiller sur la politique étrangère et la politique de défense, où elle ne touche pas une bille et où c’est le dernier qui parle qui a raison, inquiète les Français : elle veut être chef de l’Etat et des armées, pas simplement présidente de région. On ne votera pas pour quelqu’un qui ne sait pas si elle maintiendra ou non un SNLE en permanence en patrouille au fond des mers, et s’en remet à l’OTAN « européen » des généraux du Pentagone et de leurs vassaux du grand duché de Varsovie pour décider - dans de « grands débats participatifs » avec Bush et Rice sans doute - si la France doit ou non constituer avec les Britanniques une task force aéronavale, etc...

Dit autrement, Sarko demande un mandat pour une politique qui est manifestement et de manière avouée contraire à toute la culture et aux intérêts de la France, Ségo ne sait pas pourquoi faire elle sollicite le même mandat.

Et s’ils sont face à face au second tour, le choix va être dramatique entre deux candidats qui ne parleront pas le même langage : l’un sait qu’il veut être élu pour casser la France, l’autre ne sait pas ce qu’elle veut sauf être élue.


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