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Commentaire de Lord WTF !

sur De l'animal à l'homme par l'invention du religieux : retour sur le modèle sacrificiel de René Girard


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Lord WTF ! Lord WTF ! 1er août 2013 20:22

Hmmm…nulle intention chez moi de vous piéger : j’apporte ma réaction à votre article- t come vous m’y avez invité il y a quelques semaines, et joue le rôle de l’agent contradicteur, histoire de faire bonnes mesures. Quant à vous convaincre stricto sensu, vous ayant lu, là n’était pas mon propos. Cela étant dit, je vais revenir sur certains points de votre réponse :

 En premier lieu, votre contre-argument (classique) concernant mon évocation des données archéologiques : l’absence de preuve n’est pas preuve de l’absence.

Certes mais partant de là, vous ne faites que confirmer ce que je disais en intro : la théorie girardienne est avant tout une construction « intellectuelle » (ou « littéraire » : en déconstruisant les mythes, il produit un super-mythe des origines) et de nature « pseudoscientifique » puisque de facto cette théorie est invérifiable : Girard d’ailleurs n’hésitant pas expliquer que si d’autres interprétations des mythes qu’il interprète le contredisent, cela ne fait en fait que valider sa théorie (les mythes=mensonges camouflant le « meurtre » originel) : bref on tourne en rond que ce soit sur le plan (arte)factuel ou simplement intellectuel.

 Pour le reste, bien que l’absence de preuve ne soit pas en soi preuve de l’absence : j’imagine que vous noterez l’importance (que ce soit en termes d’espace géographique, qu’en termes temporels) de cette dite absence : bref quelques centaines de milliers de millénaires…au minimum, reconnaissez que vous ne pouvez rejeter aussi simplement cette « absence de preuve ». En vous suivant, si m’en prenait l’envie, je pourrais à la façon de Girard arguer que les fondations du Religieux ne sont pas la violence (de même que le passage du proto- à l’Humain) mais l’action d’entités exoterrestres : soit donc défendre la théorie des Anciens Astronautes, en utilisant exactement les mêmes sources que Girard : et en les interprétant (avec encore plus de facilité) comme témoignant de l’action « à l’aube de l’Humanité » d’entités exoterrestres sur les dites « hordes primitives » que ce soit en les « éduquant », voir en usant d’eugénisme et d’ingénierie génétique afin d’aboutir à H. Sapiens : après tout, pléthore de mythes, d’artefacts pourraient m’aider à supporter cette théorie : et bien entendu à vos éventuels contre-arguments sur l’absence de preuve (i.e. : cadavres d’aliens ou artefacts préhistorique issus de technologie alien) : je rétorquerai que ces croyances en des agents exoterrestres étant quasi universelles et persistantes pointent vers quelque chose d’incontournable…et si Girard opte pour l’explication par le mensonge/travestissement pour supporter ses interprétations de tel ou tel mythe, j’opterai pour quelque chose de plus simple : mémoire imparfaite des événements évoqués par ces mythes.

 Bref, il faut bien un moment se fonder sur quelques éléments concrets, si l’on veut débattre objectivement.

 Je reviens donc à votre supposition de ma méconnaissance dans le registre éthologique : si je me rappelle bien, vous m’aviez interpellé à la suite d’un com où j’évoquais De Waal ainsi que Goodall (soit les mêmes références que vous employez) : j’y reviens après ce passage de votre réponse : 

 Vous mettez en avant ici, dans votre conclusion, deux arguments qu’on peut (donc) penser essentiels, à savoir :

a) l’absence d’antériorité du sacrifice sur le symbolique et 
b) l’absence de traces de guerres au paléolithique.

 En effet l’antériorité du symbolique sur le sacrifice me semble essentiel : puisqu’elle témoigne d’une capacité de représentation et symbolique (production symbolique) ne nécessitant pas l’existence de rites sacrificielles ; quant à l’absence de traces de guerre au paléolithique : elle venait simplement afin de rappeler les profondes mutations au Néolithique qui non seulement voit la multiplication des conflits guerriers mais aussi de la pratique de sacrifices rituels, humains et/ou animaux : en cela : je me répète la possibilité même de noter ces changements radicaux comparés au Paléolithique, au vu du nombre de sites, artefacts, etc… en témoignant, me semble difficile à rejeter d’un simple revers de la main, quand les évidences (conformes à la thèse girardienne) elles brillent bel et bien par leur absence.

 Ensuite cette absence de groupe « guerriers » renvoie aussi à un autre élément, qui me semble, suffisamment pertinent pour être considéré ici : à savoir l’absence d’armes à fonction « homicide » jusqu’à une période récente (Néolithique avancé, voir tardif pour l’apparition d’armes « spécialisées ») avant cela, et quelque soit le groupe « homo » concerné (donc les diverses familles homo… à outils, les protohominiens, protohumains, les humains « archaïques », les humains « primitifs ») les armes à fonction homicide brillent par leur singulière absence : or si je réfère à la horde primitive girardienne, en état de tension si ce n’est conflit mimétique permanent : l’inexistence de telles armes –notamment comparés à la sophistication dans les autres outils ou armes de chasse/pêche produits- me laisse dubitatif…en effet, dans un tel contexte, doublé de la capacité prodigieuse du genre « homo » à produire des outils et armes adaptés à tel ou tel emploi particulier, l’inexistence d’armes à fonction homicide ou défensive me semble être un contre-argument autant valide que solide à cette idée de groupes primitifs vivant constamment en état de tension mimétique, et toujours sous la menace de l’explosion de violence supposément conséquente.

 Ce simple fait m’amène à supposer que :

(1) vous n’avez pas lu l’original du texte que j’ai présenté à Girard et que...
(2) vous êtes très au fait de la littérature anthropo-éthno-paléontologique mais que vous êtes probablement, moins bien renseigné sur l’éthologie.

 Non, après votre invitation sous un autre article à réagir à votre prochain article, je suis allé sur votre site et ai lu les divers docs disponibles : bon cela date de quelques semaines, mais j’ai encore en mémoire les grandes lignes, notamment vos références aux primates (ainsi qu’aux poules) ainsi que cette approche « évolutionniste » que vous développez à nouveau dans cet article. Passons donc à l’éthologie :

 Vous avez réagi au terme »archaïque« en référence à des usages historiques assez malheureux, je le concède. J’ai sans doute été maladroit mais, pour ma part, quand je pensais archaïque, je pensais protohominien, cad, animal.

 Même en substituent « archaïque » par animal, cela ne change rien à ce que j’entendais : ce type de qualification n’a aucun sens : encore moins lorsqu’on évoque des espèces différentes : ceci est une approche « orientée » de l’évolution avec une sorte d’hiérarchisation interespèces conçue comme « (téléo-)logique » : quand bien même après des milliards d’années d’évolution, la Vie est principalement représentée (en nombre, en volume, etc…) par des bactéries, virus, microbes, etc… qui vraisemblablement sont au sommet en termes de capacité adaptive : ici mon propos est simplement ma réaction habituelle à toute forme de hiérarchisation arbitraire entre espèces ou groupes humains : rien de personnel.

 Or, puisque vous évoquez la question de l’antériorité, je pense que vous conviendrez que l’animal offre un modèle antérieur à n’importe quelle société humaine, actuelle ou passée.

Or, si chez l’animal vous repérez déjà des formes sacrificielles alors que par ailleurs il est clair qu’aucune forme symbolique n’est présente dans son espace vital, je crois que la démonstration est faite que l’argument que vous opposez à Girard ne tient pas.

 Hmmm…visiblement il y a quelques éclaircissements nécessaires à apporter : d’un Girard fait du sacrifice (rituel collectif autant en termes de participation que fonction) la source UNIQUE du Religieux, et in extenso de l’Humain : chez les animaux les supposées pratiques « sacrificielles » (ici « supposées » a pour fonction de rappeler à nouveau un biais opérant lors de l’emploi du terme « sacrifice » principalement entendu selon l’idée-concept de sacrifice dans le paradigme « occidental » (i.e. substrat indoeuropéen, chrétien, monothéiste…) ne se limitent pas à cette définition girardienne, ni même peut-on qualifier ces pratiques de résolution de la violence/maintien de la paix de « rituels sacrificiels » : d’autant plus qu’en termes de régulation de la violence, quantité d’alternatives existent : notamment la diplomatie « femelle », le jeu, le sexe, etc…

 A nouveau ici, votre contre-argument opère de façon très « girardienne », en généralisant d’emblée tel ou tel comportement animal.

 Ensuite, vous semblez faire limiter le degré de développement cognitif des primates (mais aussi d’autres animaux) en évoquant l’absence (supposée) de forme symbolique : ici je répondrai que a) cette absence n’est pas aussi évidente (usage d’outils, les diverses formes de langage animal, la conscience de soi, raisonnement « problem solving », ainsi que capacité à « compter » (i.e. distinguer en termes de quantité, et calcul élémentaire) etc… tous requièrent une capacité à la représentation, à l’abstraction, au symbolisme : même si en raison de diverses contraintes (notamment anatomiques/biologiques) la production « matérialisée » en soi de systèmes symboliques n’apparaît pas : cela concernant autant certains primates, que les dauphins, les éléphants, et plusieurs espèces d’oiseaux…Partant de là, à nouveau : ces rituels à vertu « sacrificielle » se voient précédés par cette capacité « proto-symbolique » chez les espèces concernées : dans les cas qui nous intéressent : conscience de soi (et donc capacité à se distinguer de l’autre), ainsi que langage et usage d’outils…Ces éléments me semblent devoir être intégrés si votre approche vise à formuler une théorie « complète ».

 Mon texte original fournit des exemples qui, à tout le moins suggèrent, que le sacrificiel s’origine dans l’animal et qu’il a déjà une fonction de régulation de la violence intestine.

Le symbolique a toujours été à mon sens hypostasié. On ne saurait en minimiser l’importance mais pour autant, il n’est pas premier. Le modèle animal le montre à l’envi, je crois.

 Soit : partant de là puisque vous m’avez renvoyé à l’éthologie et au règne animal : pourquoi ne considérer QUE ce mode de régulation de la violence intragroupe ? Alors que vous savez pertinemment qu’existent d’autres modes de régulation, et que conséquemment SI c’est le cas chez l’animal (« antérieur ») pourquoi cela ne peut être le cas chez le proto-humain ? Pourquoi les proto-humains n’auraient eu d’autre choix que ce type de pratique, alors que l’éventail d’options alternatives était déjà large (si renvoyé au stade animal antérieur) et que ce qui justement distingue ces proto-humains de leurs ascendants « animaux » sont des capacités cognitives, mentales, etc… plus développés, avec pour conséquence d’élargir encore plus le nombre de modes de régulation possible : j’ai cité en exemple le Jeu, mais je pourrais renvoyer à la diplomatie « femelle », au sexe, etc…et si cela ne suffisait pas : le PARTAGE qui par définition en faisant que tout « objet » est l’objet de TOUS, il ne peut l’objet d’un AUTRE, que les autres par rivalité mimétique désireraient au point de détruire le groupe…

 Ou à quantité d’autres méthodes, employées chez des groupes dits « primitifs » actuels : exemple : dans certains groupes bushmen (où n’existe ni hiérarchie sociale, ni division spécifique du « travail », ni de pratiques sacrificielles, etc…) lorsqu’un chasseur revient victorieux de sa chasse, il laisse son butin du jour sur place, revient au campement et suit le rituel suivant : se présentant devant le groupe, en disant –je simplifie, voir caricature volontairement- "comme d’hab, j’ai rien chopé, je suis vraiment nul, pas même foutu d’attraper un lézard, etc…" bref il se ridiculise volontairement puis continue ainsi " mais si vous allez tel endroit, je crois que j’ai vu quelque chose…" : il donne donc la localisation du gibier du jour, les autres membres du groupe iront le récupérer, tandis qu’un individu fera office d’arbitre (fonction non hiérarchique, et non permanente) :

 Ici simple exemple pour montrer de quelle façon (somme toute simple) un groupe « primitif » peut limiter les débordements « mimétiques » et la violence en résultant, en a) neutralisant les prétentions individuelles (ego) et b) en neutralisant les rivalités potentielles…

 


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