De l’animal à l’homme par l’invention du religieux : retour sur le modèle sacrificiel de René Girard
L’animal protohominien serait, selon René Girard, devenu humain en inventant les pratiques sacrificielles, c’est-à-dire, le religieux dans ses formes les plus archaïques. Tout en faisant miens les postulats et les conclusions de l’anthropologie girardienne, j’ai proposé à René Girard, lors de notre première rencontre, une version plus orthodoxe — du point de vue darwinien — de l’invention du sacrifice. Il est, en effet, possible de concevoir une évolution comportementale progressive plutôt que « catastrophiste » au sens de René Thom. Girard a accepté ma proposition sans émettre aucune réserve. Le texte original écrit en 1989 est disponible ici. Comme il s’agit du second chapitre d’un document de travail plus large intitulé « Tautopoièse, du pareil au même », une version toilettée et aménagée est proposée ici. L’article qui suit constitue tout à la fois une introduction à la problématique et une postface qui vise à souligner l’actualité des questions soulevées.
Introduction
René Girard a développé ce qu’il appelle une anthropologie générale, c’est-à-dire, une théorie de l’Homme qui tente d’en penser la genèse autant que la nature.
Selon lui, l’Homme serait né avec l’invention du sacrifice en tant que mécanisme de réconciliation violente autour duquel se serait organisé le religieux archaïque. C’est cette invention qui aurait fait passer les protohominiens [1] de l’animalité à l’humanité.
Girard postule en effet que la violence intestine ou endogène était le problème principal que nos ancêtres ont eu à résoudre car elle affaiblit considérablement les groupes qui y sont exposés et peut amener à tout moment leur désagrégation. Cette violence est perçue par Girard comme la conséquence inévitable des conflits incessants qu’amèneraient les capacités grandissantes à l’imitation que l’on observe dans la lignée des hominidés.
Loin de se borner à faciliter les relations sociales et les apprentissages, l’imitation, nous dit Girard, porte aussi sur les désirs et donc sur les comportements qui visent à l’appropriation de l’« objet du désir ».
Or, un individu qui imite un désir de possession devient fatalement un des concurrents du congénère qu’il a imité puisque l’un et l’autre seront animés par le même désir de s’approprier l’objet concerné. Le désir imité étant calqué sur le désir modèle, ils se recoupent fatalement sur l’objet du désir et ne peuvent donc que s’opposer.
Non seulement le conflit est inévitable mais il va aussi aller très vite aux extrêmes étant donné que, l’imitation aidant, l’agressivité de l’un viendra renforcer celle de l’autre.
L’augmentation des capacités d’imitation que l’on peut postuler chez les protohominiens serait donc censée, en bonne logique, amener une multiplication et une intensification des conflits au sein des hordes qui, chauffées à blanc par la mimesis, se trouveraient donc régulièrement exposées au risque de désagrégation sous les coups de la violence intestine.
C’est, toujours selon Girard, au moment où dans un vaste processus d’indifférenciation chacun étant progressivement devenu le double mimétique et violent de tous les autres que pourrait advenir, in extremis, le rassemblement tout aussi mimétique du groupe dans une violence exercée sur une victime unique ayant, par un malencontreux hasard, mimétiquement cristallisé sur elle l’animosité de tous.
Dans ce modèle, la victime réduite au silence et donc incapable de se défendre, peut être accusée de tous les maux. Il est tout à fait logique d’en faire la cause première du trouble survenu étant donné que la crise est présente quand elle est vivante et que la crise s’évanouit à l’instant même de sa mort.
Il s’ensuit qu’à l’instar des coups que l’aléa mimétique a fait converger vers un seul être, les accusations, de réciproques qu’elles étaient, ne viseront plus que la seule victime, décédée, silencieuse et, de ce fait même, consentante.
Le groupe se retrouve donc non seulement rassemblé contre un individu devenu inoffensif, il peut aussi se penser totalement innocent face à celui qui devient le coupable absolu de sorte que nul n’a plus de raison de conserver une quelconque animosité vis-à-vis de l’autre. Le groupe se retrouve alors complètement en paix, rassemblé, réunifié.
De quelque manière qu’on prenne les choses, ce passage de la violence du conflit généralisé à la paix miraculeuse du groupe unanime atteste autant de la responsabilité de la victime que de son immense pouvoir.
Elle passe, en effet, pour la cause première de tout ce qui arrive au groupe, le conflit comme la paix. La horde peut logiquement se percevoir comme passive, proprement « agie » par une entité qui, à l’évidence, transcende la vie et la mort puisque de son vivant elle amène la mort de la communauté et sa mort permet à cette dernière de revivre.
Nous avons là les prémisses d’une conception du divin que les rites, c’est-à-dire, les répétitions « religieuses » de la solution qu’a été le sacrifice seront l’occasion de se remémorer et d’affiner.
Girard suggère que les mythes fondateurs sont, précisément cela : le récit des évènements saisissants vécus par le groupe ; récit au travers duquel les protagonistes tentent de faire sens de la crise comme de son issue violente.
Ce récit étant réalisé dans la perspective des survivants, donc des persécuteurs, il est inévitable que la victime soit présentée comme la cause première et dernière, comme la coupable de tous les maux et de tous les bienfaits qu’elle amène au groupe au travers de son destin funeste initié dans la violence et achevé dans la paix grâce à son sacrifice.
Elle est, en cela, aisément reconnaissable en tant que « bouc émissaire » mais seulement pour les modernes que nous sommes ; car il est clair qu’il ne pouvait en être ainsi à l’origine.
Selon Girard, c’est la révélation de l’ancien et du nouveau testament qui aurait amené la lucidité dont nous disposerions actuellement.
Le récit de la passion nous donne en effet à voir la mise à mort du Christ en tant que lynchage d’un parfait innocent par une foule criminelle. Une fois ce schéma intégré dans nos représentations, nous serions devenus capables de le repérer ici et là de sorte qu’au final, toujours selon Girard, le mécanisme de « bouc émissaire » — celui-là même qui serait à l’origine des cultures et sociétés humaines — aurait été rendu inopérant par la révélation chrétienne de la violence fondatrice.
En effet, en repérant les « boucs émissaires » — généralement ceux des autres, pas les nôtres — nous devenons, de ce fait même, les « témoins » de la victime, les témoins de la violence qui lui est faite. Violence qui, étant reconnue en tant que telle, ne peut plus être évacuée vers l’espace du sacré propre aux dieux. Elle reste alors dans la communauté des humains pour continuer à la corroder toujours davantage.
Pour qui essaie de la faire fonctionner, même a minima, la puissance de cette théorie est assez étonnante. Elle permet tout de même à Monsieur Toulemonde de comprendre la genèse du plus mystérieux des phénomènes humains, le religieux, à partir de principes élémentaires, parfaitement intelligibles car très humains, trop humains sans doute, comme l’imitation, le désir, la pulsion d’emprise (volonté de puissance) affirmée non seulement dans l’effort pour posséder l’objet du désir de l’autre, mais aussi dans le besoin d’explication de ces phénomènes saisissants où vie et mort du groupe comme des individus se trouvent intimement mêlées.
Rien à voir avec les abstractions structuralistes ou les aimables fables cognitivistes qui font naître le religieux à la façon d’un « Martine à la préhistoire ».
L’alternative non catastrophiste
Quoi qu’il en soit, tout en étant convaincu de la puissance explicative de l’hypothèse sacrificielle, lorsque j’ai rencontré René Girard pour la première fois, en mai 1989, je lui ai proposé de rendre son modèle plus cohérent d’un point de vue évolutionniste, c’est-à-dire, « non catastrophiste ».
En effet, nous venons de le voir, l’invention du sacrifice se serait, selon Girard, réalisée de manière soudaine dans le contexte d’une communauté protohominienne parvenue au paroxysme de la violence intestine et qui, à tout moment, se serait trouvée menacée d’éclatement.
Il m’a semblé qu’il y avait là un postulat contradictoire avec les principes darwiniens qui, toujours, obligent à considérer des organismes et des organisations sociales « en bonne santé », c’est-à-dire, « adaptées » et évoluant toujours de manière à maintenir cette adaptation dans un contexte changeant. Par principe donc, les formes (sur)vivantes sont celles qui ont connu un succès adaptatif continu. Les autres sont justement celles qui disparaissent.
En conséquence, on peut penser que les capacités et la propension grandissantes des protohominiens à la violence réciproque que Girard postule ont été constamment équilibrées par des stratégies animales de régulation de la violence telles que celles que l’on peut actuellement observer chez les primates anthropoïdes (chimpanzés, gorilles).
De sorte que la dangereuse phase de chaos social postulée par Girard n’a probablement pas pu apparaître à ce moment-là et ne devrait donc pas être considérée comme nécessaire à l’invention du sacrifice.
J’ai ainsi suggéré la possibilité que les stratégies proprement animales de régulation de la violence intestine aient lentement évolué jusqu’à prendre la forme des rituels sacrificiels postulés par le modèle girardien.
Cette perspective m’a semblée pouvoir être étayée par au moins deux observations éthologiques que j’ai détaillées dans le texte présenté à René Girard.
Il s’agit, d’une part, de l’existence d’une véritable dynamique de « poule émissaire » — mise en évidence par les travaux déjà anciens du norvégien Schelderup-Ebbe — qui apparaît très salutaire pour les poulaillers « en crise ».
D’autre part, un collaborateur de Jane Goodall, Géza Teleki a fourni un rapport très détaillé sur les pratiques de chasse des chimpanzés de la réserve de Gombé, en Tanzanie. Celles-ci présentent de forts relents sacrificiels, avec notamment un partage « ritualisé » et complètement pacifique de la chair des victimes entre tous les membres du groupe.
J’aurais aussi pu aussi évoquer l’existence de consommation de bébés gorilles dont Diane Fossey a relevé les indices après des rencontres entre des troupes de gorilles en conflit territorial (cf. son Gorilles dans la brume et cet article). De même, il aurait été intéressant de prendre en compte les pratiques de transe observées par Jane Goodall sur ses chimpanzés de Gombé [2] comme les observations nombreuses qui montrent l’impact psychologique de la mort des congénères chez les chimpanzés ou les gorilles. Mais je manquais alors d’éléments pour intégrer tout cela solidement à ma réflexion.
A priori, je pense que cela ne poserait pas de difficultés, en particulier pour les observations de Fossey, vu leur caractère directement sacrificiel. Les suggestions de Goodall quant à l’existence de dispositions animales à l’émerveillement, la fascination et la transe collective me paraissent elles aussi venir directement à l’appui de la version révisée du modèle girardien que je propose dès lors qu’on se garde d’hypostasier les éléments météorologiques.
Il me semble en effet que ces derniers auront pu être interprétés par les chimpanzés comme la manifestation de « puissances célestes » que le sacrifice, lui seul, aura aidé à situer dans le domaine du sacré, ce lieu tabou quand il n’est pas inaccessible d’où provient la divinité qui punit la communauté en la divisant et qui la rassemble par son départ via le sacrifice.
Quoi qu’il en soit, René Girard a accepté ma proposition sans lui opposer aucune réserve. Ce qui, a posteriori, peut se comprendre en référence au fait que ma proposition darwinienne, « progressiste » a tout simplement suivi une piste à laquelle Girard lui-même avait fait allusion. Sur le coup, néanmoins, ce fut une surprise, surtout pour Jean-Pierre Dupuy qui, lorsque nous en avons discuté tous les trois, se voulait critique.
Conséquences
Un tel renversement de perspective ne va pas sans conséquences.
La plus importante est sans doute la validation de l’idée que si la conflictualité intra-spécifique de l’Homme a pu atteindre le degré exceptionnel qu’on lui connaît, c’était avant tout grâce aux pratiques sacrificielles et à leur pouvoir de réconciliation violente.
Autrement dit, ce serait l’invention progressive d’une solution toujours plus efficace, le sacrifice, accompli dans le contexte de religions de plus en plus structurées, qui aurait permis à l’homme de déployer ses capacités à l’imitation et, par conséquent, de s’exposer aux conflits mimétiques puis à la contagion de la violence comme il l’a fait.
La violence et le sacré auraient ainsi évolué de concert, comme la poule et l’œuf. L’intuition pénétrante de Hölderlin « là où se tient le péril croît aussi ce qui sauve » ne peut, je crois, nulle part s’appliquer mieux qu’elle ne le fait ici.
Le problème de l’époque moderne tiendrait au fait qu'il ne peut plus en aller ainsi. Notre capacité de drainer la violence par le sacrifice d’une victime émissaire aurait, en effet, selon Girard, été anéantie par la révélation néotestamentaire qui nous amène à reconnaître la victime en tant que telle, ce qui interdit le consensus des persécuteurs, condition sine qua non de la réconciliation violente.
Il s’ensuit que si nous voulons la paix et non l’anéantissement, il devient nécessaire d’inventer des stratégies de réconciliation non violente. C’est une question cruciale et toujours ô combien actuelle qui a été abordée dans un contexte girardien [3] mais dont nous n’allons cependant pas traiter à présent car elle est bien trop vaste.
Une autre conséquence significative est que le distinguo tranché que Girard entendait installer en faisant du sacrifice le criterium de l’humain n’est plus tenable. La continuité animal-humain apparaît ici parfaite, même sous le rapport du sacrificiel, même sous le rapport du religieux. Il y a donc là une sacrée matière à réflexion pour qui entend conférer à l’humain un statut privilégié, mais pour cette raison même, là encore, nous n’allons pas nous y risquer à présent.
Conclusion
Pour conclure, il me semble préférable de venir à la question vive que doit susciter le modèle girardien pour toute personne croyante comme l’est René Girard.
Comment comprendre en effet que l’on puisse se donner une explication rationaliste, évolutionniste de l’invention du divin via le sacrifice en même temps que l’on serait croyant en l’existence d’un plan divin ? Comment de surcroît admettre que les prémisses de ce qui deviendra une représentation collective de nature religieuse puisse apparaître au niveau de sociétés animales ? Comment, en somme, l’invention du sacrifice par les protohominiens — processus auto-organisé, naturel, animal — a-t-il pu venir, comme par miracle, à la rencontre d’une réalité « divine » toujours déjà-là ?
Le non croyant ne voit là, bien sûr, aucune espèce de difficulté étant donné que les conceptions religieuses ne renvoient, selon lui, à aucune réalité. Mais pour le croyant, il y a là un mélange des genres assez étonnant car, a priori, ces perspectives semblent complètement inconciliables.
Pour tenter d’en faire sens malgré tout, je n’ai qu’une pure conjecture à proposer.
Il me semble en effet qu’un rapprochement peut être fait ici avec la correspondance surprenante — au point d’apparaître parfois miraculeuse — que la Science ne cesse de constater entre, d’une part, l’arbitraire absolu des structures mathématiques et, d’autre part, la réalité physique. Lorsque les modèles mathématiques permettent d’anticiper des résultats jamais observés précédemment avec une incroyable précision, on peut légitimement avoir le sentiment d’une unité sous-jacente et donc d’une correspondance nécessaire entre la pensée logique et la chose.
Si on conçoit l’univers comme une unité ainsi que la physique quantique nous y invite depuis les hypothèses de Schrödinger et les résultats d’Alain Aspect sur la « non séparabilité », il n’y a rien de trop extravagant à envisager que la partie, aussi infime serait-elle, puisse être à l’image du tout, comme dans un hologramme ou une fractale.
Autrement dit, on ne peut complètement exclure la possibilité que l’émergence « naturaliste », évolutionniste, darwinienne ou « bottom-up » d’une pensée religieuse qui conçoit le divin comme « cause première » se soit trouvée en correspondance nécessaire avec la réalité ultime à laquelle les croyants s’adressent.
Sous ce rapport, n’en déplaise aux sceptiques, une chose est sûre : la pensée scientifique n’a aucun moyen d’exclure a priori ou a posteriori cette possibilité dès lors qu’elle se tient hors de son champ d’investigation.
Elle peut seulement afficher son désintérêt pour la question, ce qui serait bien compréhensible vu les risques auxquels s’expose un scientifique qui s’engagerait dans une réflexion de cette nature.
Pour ma part, je veux croire que la psychologie synthétique [4] à laquelle je me consacre offre la possibilité de penser une unité du physique et du métaphysique, même si, je le reconnais, je coince déjà sur la question de la conscience extracorporelle [5] . Heureusement, il n'est point besoin d'espérer pour entreprendre. Nous reviendrons donc sur cela prochainement.
[1] Le terme protohominien ne sert ici qu’à désigner le stade évolutif immédiatement antérieur à l’accession au statut d’humain. Le fait que ce stade ne soit pas nettement identifié par l’anthropologie physique est dû tant au conflit des interprétations théoriques qu’à l’imprécision et les lacunes des données paléontologiques. Cet état de fait n’impacte en rien le raisonnement girardien qui est avant tout fonctionnel et donc peu dépendant du structurel.
[2] Voir cette intéressante vidéo publicitaire (en anglais) ou l’article « primate spirituality » de Jane Goodall.
[3] Cet article journalistique donne un aperçu du colloque girardien d’Ottawa en mai-juin 2006. Je reviendrai prochainement sur la communication que j’y ai faite. On peut déjà en saisir l’esprit ici et là.
[4] Voir ici la liste des articles déjà publiés sur Agoravox au travers desquels je propose une introduction à la psychologie synthétique sous le rapport de l’autisme.
[5] Notion que l’on peut illustrer par le fait que des personnes en état de mort clinique (avec électro-encéphalogramme plat) puissent par la suite rapporter les paroles et les actes de leurs soignants ainsi que maints détails de l’environnement physique. Cf. par exemple ce témoignage très éloquent de Jean Morzelle .
200 réactions à cet article
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Excellent article, qui permet à ceux qui ne connaissent pas la théorie girardienne de s’y initier par un résumé clair, et à ceux qui y étaient déjà familiers d’approfondir la question.
L’explication que vous donnez dans la conclusion ne ferme pas le sujet mais le laisse tout entier ouvert à l’investigation. Réflexion passionante en tout cas.-
Merci ! ça fait toujours plaisir !
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Une fois ce schéma intégré dans nos représentations, nous serions devenus capables de le repérer ici et là de sorte qu’au final, toujours selon Girard, le mécanisme de « bouc émissaire » — celui-là même qui serait à l’origine des cultures et sociétés humaines — aurait été rendu inopérant par la révélation chrétienne de la violence fondatrice.
J’avoue être très sceptique sur ce point... Je pense au contraire que le mécanisme du bouc émissaire est un mécanisme universel tellement pratique que l’homme n’y renoncera jamais de lui-même.Au sein du christianisme, le fait que le Christ fut innocent n’a absolument pas empêché l’allumage des bûchers...Dans notre monde moderne les massacres collectifs (juifs chez les nazis, ennemis du prolétariat pour nombre de marxistes, etc..) furent légion et ont toutes les chances de le redevenir..Bien que je trouve Girard intéressant je n’ai personnellement jamais pu accrocher véritablement avec sa façon de voir..Je pense que celle de Jung avec le phénomène inconscient de projection qui consiste à « diaboliser » à outrance l’autre, en projetant sur lui des contenus inconscients, qui en fait nous appartiennent, me semble plus pertinente..M’enfin pour ne plus être tenté de projeter sur les autres encore faut-il être capable d’une hygiène mentale dont peu sont capables..Hors l’évolution des personnes, avec une véritable tendance à niveler par le bas, ne porte pas à l’optimisme..D’autre part dans sa prise en compte du religieux il semble faire l’impasse sur les grandes religions qui ne cherchent pas de bouc-émissaire : Hindouisme, Bouddhisme, Taoïsme..Et qui n’ont rien à voir avec ces religions archaïques dont il parle.Je pense qu’il a trouvé une clé mais qu’il veut trop en faire l’explication ultime (et ça c’est un peu la tare de tous eux qui trouvent quelque chose d’exceptionnel) et à mon avis, là il se trompe..-
D’autre part dans sa prise en compte du religieux il semble faire l’impasse sur les grandes religions qui ne cherchent pas de bouc-émissaire : Hindouisme, Bouddhisme, Taoïsme..Et qui n’ont rien à voir avec ces religions archaïques dont il parle.Je pense qu’il a trouvé une clé mais qu’il veut trop en faire l’explication ultime (et ça c’est un peu la tare de tous eux qui trouvent quelque chose d’exceptionnel) et à mon avis, là il se trompe..
Effectivement, René Girard a une certaine tendance au monodéterminisme. Je ne le lui reproche pas, car cela lui permet de développer sa théorie à fond, mais cela m’empêche de faire de la vision girardienne ma seule clé de compréhension du monde. Il est vrai, par exemple, que réduire le fait religieux à un souci d’organisation sociale en exclut la dimension spirituelle et ésotérique.
Cependant, sa théorie reste extrêmement robuste et s’applique à des tas de domaines (comme le rire, par exemple). -
Bonjour Gollum
Sur le premier point, je dirais que l’existence de pogroms et de lynchages dans les deux millénaires d’ère chrétienne n’est pas en soi une preuve suffisante de ce que l’hypothèse girardienne ne tient pas.
Ce qui importe c’est la tendance et là dessus Girard l’a très bien montré dans « Le Bouc émissaire », nous ne trouvons plus de boucs émissaires du côté des sorciers. Nous avons cessé d’y croire, nous ne le brûlons plus et surtout, dorénavant, dès qu’il existe une victime d’oppression, on trouve toujours des témoins pour prendre sa défense et empêcher que le consensus accusateur se réalise contre elle.
Le meilleur exemple, c’est peut-être les juifs dont Girard parle aussi et qui, au sortir du moyen-âge se sont vus souvent accusés et persécutés. Rien de tel n’est plus possible à l’heure actuelle. Après l’Holocauste, non seulement ils ne peuvent plus être des boucs émissaires mais il est proprement interdit de les mettre en accusation.
Alors il est vrai que les accusations contre tel ou tel groupe humain n’ont pas cessé pour autant. Il est vrai que ces accusés peuvent passer à nos yeux pour des boucs émissaires (on peut penser aux musulmans après 9/11) mais il faut comprendre que si nous les voyons comme des boucs émissaires c’est précisément que le mécanisme victimaire mis au jour par Girard a cessé de fonctionner.
Car s’il avait fonctionné, nous ne verrions aucun bouc émissaire, nous verrions seulement des coupables qui n’ont eu que ce qu’ils méritaient.
Par conséquent, ce qu’il faut comprendre et sur quoi Girard n’a cessé d’insister du mieux qu’il pouvait, c’est que PLUS NOUS VOYONS DES BOUCS EMISSAIRES PLUS IL EST ASSURé QUE LE MECANISME VICTIMAIRE NE FONCTIONNE PLUS.
Car j’y insiste, pour fonctionner, il nécessite que la victime n’est aucun témoin afin que puisse s’établir l’unanimité sans laquelle aucune représentation de la réalité ne peut être tenue pour véridique.
Voilà pour la doxa giardienne.
Maintenant, je dois indiquer que j’ai écrit à Girard sur cette question. Car je vois une alternative.
Au sens où je perçois le mécanisme victimaire comme pouvant fonctionner même en mode non unanimitaire.Il suffit pour cela que le consensus soit assez fort et que, surtout, ces outils de construction de la réalité que sont les médias soient sous contrôle. 9/11 me paraît un bon exemple sous ce rapport. J’ai bâti une critique (bienveillante) du modèle girardien à partir de cet évènement et je la proposerai prochainement ici même.
Pour le deuxième point, j’y réponds dans le commentaire suivant.
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@ Gollum & Roungalashinga
Pour ce qui pourrait passer pour une monomanie monothéiste chez Girard, je dirais que oui, l’apparence est là, vu la proportion d’études qu’il a engagées dans le champ biblique.
Toutefois, la réalité, elle est tout autre, dans la mesure où il a, par exemple, investigué les védas avec son hypothèse sacrificielle et que cela marche extrêmement bien (voir son livre « Le sacrifice » qui date de 2003)
Girard, comme il le disait lui-même dans l’émission que lui a consacré Bernard Pivot en 1989, est un sanglier qui creuse son sillon. Il n’est pas comme Michel Serres qui se disait renard qui furète de droite et de gauche.
Cependant, comme tous les grands penseurs, sa volonté d’assimilation est sans borne (à l’égal de celle que Piaget attribuait à Durkheim duquel il disait que s’il le pouvait, il annexerait la cristallographie à sa sociologie
. Il est donc tout disposé à digérer toutes les cultures du monde.
Le problème est juste qu’il s’est fait rattraper par l’âge et que, bien sûr, cela devient plus difficile pour lui d’investir autant qu’il l’a fait par le passé.La dernière fois que je l’ai vu, en mai 2006, je lui ai présenté le livre de Mark Edward Lewis, « Sanctioned violence in early China » et il a été extrêmement intéressé, d’autant plus que j’ai pu lui affirmer que même si l’auteur prenait ses distances avec son hypothèse, le livre dans son intégralité est un plaidoyer pour la pertinence de la théorie girardienne dans la contrée qu’on pourrait croire la plus éloignée qui soit des pratiques sacrificielles.
Il semblerait que la période des royaumes combattants (V eme siècle - 221 avant J.C) ait vu la domination d’une culture de violence institutionnalisée avec guerre, chasse, sacrifice, punition, vengeance, etc. Pas de doute, ici Girard serait tout à son affaire.
Mais, à ma connaissance, il n’y est pas venu et le travail reste à faire.
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Toutefois, la réalité, elle est tout autre, dans la mesure où il a, par exemple, investigué les védas avec son hypothèse sacrificielle et que cela marche extrêmement bien (voir son livre « Le sacrifice » qui date de 2003)
Hum j’avoue mal connaître Girard, faudrait peut-être que je m’y remette, mais je suis débordé, n’ayant lu que le Des choses cachées, etc..Quant aux Védas il y a en effet des aspects sacrificiels : notamment le fait que les existences individuelles soit dues au sacrifice de l’homme cosmique, le purusha, qui s’est fragmenté en divers morceaux.. A l’inverse le yogi doit sacrifier tous ses éléments humains afin de parvenir au divin..Rien que de très classique.. Mais je ne suis pas sûr que ce soit le même genre de sacrificiel que celui étudié par Girard.. Mais encore une fois mes compétences sont faibles.. -
@ Gollum
Je pense que toutes les variétés de sacrificiels que l’on pourra légitimement objectiver ne doivent pas faire perdre l’invariance du phénomène d’une instance à l’autre.
Le sacrificiel est aussi « un » que l’Humain au-delà de toutes ses variations intra-spécifiques.
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Que les Juifs, comme tant d’autres victimes de massacres historiques organisés, aient été présentés comme boucs émissaires, ça ne fait aucun doute. Par contre, je doute beaucoup qu’ils aient occupés, dans l’esprit de leurs bourreaux, la place de victimes sacrificielles. On a envisagé purement et simplement leur élimination froide, systématique, comme on l’aurait fait de nuisibles et n’ont pas décidé, dans un rituel orchestré et à des fins expiatoires, de leur « sacrifice ». Les victimes du nazisme ont été réifiées, leur humanité a été niée tout simplement.
@ l’auteur : j’ai du mal à imaginer le continuum entre l’agressivité animale intraspécifique contre un individu qui conduit à sa mise à mort (et parfois à sa consommation !) et les sacrifices rituels des humains, inscrits dans une pensée religieuse. Qu’il y ait de beaux restes d’animalité chez l’Homme, c’est certain, on en a la preuve chaque jour, et parfois ça nous est bénéfique. Cependant, le « statut d’humain » selon votre expression n’a pu être acquis que par la prise de conscience du temps, et de tout ce qui va avec : bonheurs ou malheurs futurs, notre propre finitude, et donc de la nécessité de faire intervenir des puissances supérieures, qu’ils faut parfois amadouer : ici, le « sacrifice » prend son sens purement religieux. Chez l’animal, l’agresivité de groupe orientée vers un bouc émissaire n’a strictement rien de comparable. Qu’en était-il chez les « proto-hominiens », dont il faut rappeler que l’on sait déjà peu de choses d’un point de vue simplement anatomique ? Nul ne le sait -
@ Jo Gurmall de StafferlaCommentaire très intéressant par les deux points soulevés.
Pour le premier, vous doutez que les juifs aient été vus comme victimes sacrificielles par les allemands. Soit, mais il n’y a pas besoin qu’ils soient vus comme tels pour l’être. Quand les français se retrouvent autour de la « poule au pot », ils ne la voient pas comme victime émissaire alors qu’il y a toutes raisons de penser que le repas dominical voulu par Henri IV est un vestige des rites sacrificiels du passé destinés à rassembler la communauté.
Tant que vous y êtes, demandez-vous aussi pourquoi les anglo-saxons appellent la Shoah l’Holocauste...Pour le deuxième point, je dirais que vous ne voyez pas le religieux dans les rites animaux parce que vous ne le concevez que dans ses formes tardives. Il vous faudrait consentir à le reconnaître dans sa forme native la plus essentielle qu’on peut je crois rattacher à l’idée de : puissante « cause première » extérieure au groupe qui se tient dans le sacré d’où provient la violence capable de détruire le groupe.
Les grands singes sont probablement capables d’une telle apperception. A partir de là, le religieux est déjà dans les murs. C’est ce que je crois... à partir des données éthologiques rassemblées dans le texte original ou toiletté -
Seulement les anglo-saxons ? -
Oui, pour autant que j’ai pu le constater, Holocaust est le terme traditionnel chez les anglosaxons quand le terme Shoah semble dominer partout ailleurs, enfin, pour ce que j’en sais, en France et je suppose en Europe.
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Un essai infructueux d’impliquer la science dans la métaphysique à travers l’étude des rites mortuaires et sacrificiels. Le rôle de la science n’est pas d’infirmer ou de confirmer l’existence d’un plan « divin », sa tâche est bien plus modeste : prédire. Elle n’est pas un but, mais un moyen. Le but est de survivre, le plus longtemps et confortablement possible, la science étant hélas le seul moyen d’y parvenir. Certainement pas la métaphysique, ses prédictions n’égalent même pas le hasard, elle est donc complétement inutile. Même en tant que « nourriture » spirituelle, étant donné que ses dogmes furent établis à une époque reculée, très loin des aspirations humaines contemporaines. Et le code moral qu’elle prêche a pris un sacré coup de vieux, surtout depuis que l’humain utilise les machines qui ont radicalement changé son paradigme social, La démocratisation galopante des machines aboutira à une reforme radicale de la notion de propriété qui sonnera le glas de toutes les religions.
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Le rôle de la science n’est pas d’infirmer ou de confirmer l’existence d’un plan « divin »,
La théorie de René Girard n’a nullement la prétention « d’infirmer ou de confirmer l’existence d’un plan »divin« », mais d’étudier le processus d’hominisation et d’expliquer l’émergence du fait religieux.
sa tâche est bien plus modeste : prédire
Avant de prédire il faut comprendre. Donc le premier but de la science, c’est de comprendre. La prédiction validée n’est que l’élément qui permet de mesurer si on a bien compris ou pas.
Le but est de survivre, le plus longtemps et confortablement possible, la science étant hélas le seul moyen d’y parvenir. Certainement pas la métaphysique
Cela n’a jamais été ni le but, ni la prétention de la métaphysique.
ses prédictions n’égalent même pas le hasard, elle est donc complétement inutile
Est-ce que tu pourrais citer un exemple de prédiction de la métaphysique ?
Même en tant que « nourriture » spirituelle, étant donné que ses dogmes furent établis à une époque reculée, très loin des aspirations humaines contemporaines
Argument fallacieux, étant donné que les êtres humains sont les mêmes aujourd’hui qu’il y a 6 000 ans. Ce n’est pas parce que leur environnement social et technologique a changé que les données biologiques, psychiques et psychologiques ont été modifiées.
Et le code moral qu’elle prêche a pris un sacré coup de vieux, surtout depuis que l’humain utilise les machines qui ont radicalement changé son paradigme social
Il est vrai qu’avec le développement des sciences et des arts l’Homme est devenu globalement plus immoral.
La démocratisation galopante des machines aboutira à une reforme radicale de la notion de propriété qui sonnera le glas de toutes les religions
On voit mal en quoi la « reforme radicale de la notion de propriété qui sonnera le glas de toutes les religions », étant donné le peu de cas que les religions en général font de la propriété. On a donc du mal à trouver la logique dans cette « prédiction » denebienne. -
@ Deneb
Si la tâche de la science était seulement de prédire, ça se saurait.
Le dogmatisme en science ça existe.
Les scientistes prétendent dire le réel et traitent d’illuminés tous ceux qui ne les « croient » pas
Bref, rien de bon à tirer de ce côté.Maintenant, sur le fond, oui, la science devrait être modeste. Et c’est pour cela que je disais qu’elle n’avait rien à dire au plan métaphysique.
Et quand je dis rien, c’est rien. Donc la ferme, pouet pouet camembert, comme disent les enfants, elle doit se taire.Pour finir, merci pour votre vision futuriste très édifiante quant à la force de pénétration des représentations amphigouriques qui font le lit du Nouvel Ordre Mondial. Vous êtes bien en phase, à ce qu’il me semble.
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rounga : « ...Homme est devenu globalement plus immoral. »
Et la Femme, n’en parlons pas, ce qui n’est pas forcément une mauvaise nouvelle.
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LLS : « Si la tâche de la science était seulement de prédire, ça se saurait. »
Et quelle serait, cette autre tâche ?
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Et la Femme, n’en parlons pas, ce qui n’est pas forcément une mauvaise nouvelle
Tu sais très bien que « l’Homme » avec un grand H désigne dans le langage courant l’Humanité au sens large.
Il est vraiment très révélateur que tu ne rebondisses que sur ce point de détail alors qu’on parle de choses beaucoup plus fondamentales. Toujours l’art de la pirouette pour ne pas avoir à répondre sur le fond. -
Rounga : « Est-ce que tu pourrais citer un exemple de prédiction de la métaphysique ? »
Aujourd’hui elle a été évincé du champ des prédictions, donc, elle n’est pas une science. Avant, elle se mêlait de tout, empêchant le progrès scientifique en clamant être plus fiable que la science. Cette dernière a pu se developper une fois libérée du harnais métaphysique.
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Curieux Deneb ce désir de prédiction ! À ma connaissance et à ce jour, seule la connaissance de notre inconscient, aidée, par exemple par l’astrologie, peut prédire. Or, il me semble que cela ne soit pas votre tasse de thé !!
Si la science par ses calculs déduit ( et non prédit) le présence d’une planète jusqu’ici inconnue, je ne sache pas que cela ait un quelconque intérêt pour notre condition d’humain qui n’a guère changé, il faut le dire, depuis des millénaires ! -
LLS : « Si la tâche de la science était seulement de prédire, ça se saurait. »
Deneb : « Et quelle serait, cette autre tâche ? »
Expliquer, donner une représentation du réel.
Celle-ci pourra secondairement servir à l’action, la prédiction, donc le contrôle.
Mais ainsi que l’ont montré les études de Popper, le critère de démarcation de la science n’est pas simple, il ne se réduit pas à la seule prédiction. Sinon les sciences comme la cosmologie ou la paléontologie qui observent et prédisent peu ou pas ne seraient pas des sciences.
L’explication me paraît la meilleure approximation de ce qui définit la science.
Le critère essentiel ici est la cohérence.
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Alinéa, votre commentaire est d’une rare bêtise. Tout est prédiction, à commencer par le calendrier, établi avec précision avec l’acceptation du héliocentrisme. Aucun projet, aucune planification ne serait possible sans les prédictions.
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Aujourd’hui elle a été évincé du champ des prédictions, donc, elle n’est pas une science.
Il faudrait savoir : ou bien elle fait des prédictions, ou bien elle n’en fait pas.
Avant, elle se mêlait de tout, empêchant le progrès scientifique en clamant être plus fiable que la science.
Des exemples, pour corroborer cette affirmation ?
Cette dernière a pu se developper une fois libérée du harnais métaphysiqueC’est pas tout à fait faux ce que tu dis là. Il est vrai que dans l’Antiquité, la philosophie n’était pas conçue comme un système de pensée, mais comme un moyen de conduire sa vie et de pratiquer la vertu. Les philosophes s’intéressaient à la géométrie, à la politique, à la physique, à la métaphysique, car tous ces domaines étaient rattachés à l’éthique. La pensée et la compréhension n’étaient pas le but, mais le moyen pour être bon, pratiquer la vertu, savoir vivre et savoir mourir. Différents mouvements ont émergé (stoïcisme, épicurianisme, cynisme, néoplatonisme, aristotélicisme), avec chacun leur propre système conduisant à pratiquer sa propre version de la vertu. Dans ce cadre-là, il n’était pas possible de voir émerger une science positive, car il aurait fallu que la physique soit détachée de la métaphysique et de l’éthique, ce qui était impensable. Mais un jour le christianisme s’est imposé comme unique éthique et unique métaphysique, et a de ce fait dissocié métaphysique et physique, éthique et physique. C’est ce contexte qui a permis qu’apparaisse une physique positive. C’est du moins la thèse de Pierre Hadot.
Cependant, il ne faut pas non plus penser que les découvertes scientifiques se sont faites totalement indépendamment de la métaphysique. Le calcul intégral de Leibniz, par exemple, est profondément lié à sa métaphysique inspirée par Nicolas de Cues, et le rend complètement différent du calcul des fluxions de Newton, qui pourtant s’exprime par les mêmes formules. La métaphysique n’est donc pas forcément un « harnais ». -
@ Roungalashinga
Merci pour ces très fines explications. J’adopte Hadot !
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Rounga : « Le calcul intégral de Leibniz, par exemple, est profondément lié à sa métaphysique inspirée par Nicolas de Cues »
Les mathématiques ne sont pas des sciences, mais des techniques de modélisation de la réalité, indispensables à la science pour produire des prédictions. Les mathématiques elles-mêmes ne prédisent rien, mais en tant qu’outil de la physique, elles permettent de fabriquer les machines. Il n’est en rien étonnant qu’une démanche de raisonnement abstrait s’approche de la métaphysique. Mais dire qu’elle en est issue est une extrapolation sans fondement.
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Euh, Deneb, et moi, j’aurai droit à une réponse à mon commentaire ?
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C’est toi qui décides que la science est ce qui permet de prédire. Tu peux garder cette définition si tu veux, mais on n’est pas obligé de la partager. Certains pensent que la science est ce qui permet de comprendre, certains pensent que ce qui distingue la science, c’est la méthode...On n’a pas fini de débattre là-dessus.
De plus, il est faux de dire que les mathématiques ne font pas de prédictions. Que sont les probabilités sinon la prédiction que sur un grand nombre de réalisation d’un processus aléatoire, on se rapprochera de certaines tendances ?
Il n’est en rien étonnant qu’une démanche de raisonnement abstrait s’approche de la métaphysique. Mais dire qu’elle en est issue est une extrapolation sans fondement.
Dans le cas que j’ai évoqué ce n’est nullement une extrapolation. C’est un fait que le calcul infinitésimal n’aurait pas pu naître si l’on n’avait pas d’abord eu l’idée que le passage du fini à l’infini n’est pas quantitatif mais qualitatif. Or c’est là précisément une idée de métaphysique développée par Nicolas de Cues. Evidemment, on peut être très fort en maths en ignorant cela, mais on passe à côté de la profondeur du raisonnement. -
Deneb :
Alors, il faut s’entendre sur le vocabulaire !
La planification , semi artificielle, d’un calendrier ! En quoi un calendrier est-il prédictif. Que demain nous serons le 2 juillet ? La belle affaire !
Si tout était prédictif, cher être intelligent, ( et je n’en doute pas, seulement l’intelligence !! une question de vocabulaire là-aussi !), dîtes-moi ce qui est prédit ?
Que le monde occidental s’effondrera sous son arrogance, entraînant avec lui bon nombre de vies sur la planète qui n’en avait rien à faire ?
Ainsi : Dieu ? Un fatalisme ?
très utile alors, l’intelligence !
Quand à la bêtise, j’assume : j’ai toujours recherché l’état le plus animal qui soit, en moi !! -
Luc laurent, je vous ai demandé quelle serait d’après vous le rôle de la science en dehors de ses prédictions ?
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Alinéa : « En quoi un calendrier est-il prédictif. » (?)
Chez les musulmans il est en effet peu prédictif (lunaire), mais le notre permet tout de même de prédire les saisons ce qui permet une géstion des fruits de la terre, qu’on appelle communément l’agriculture.
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Rounga, la méthode, la compréhension ne sont que des étapes, la finalité étant la prédiction.
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Comme tu peux le lire un peu plus haut, je dis exactement l’inverse : c’est la compréhension qui est première, et la capacité de prédiction est le critère qui assure la validité. Car au fond, prédire ne sert à rien, à part à assurer son petit confort et à prolonger un peu sa vie. Ce qui est important, c’est de mener une vie qui vaille la peine d’être vécue, chose qui ne peut se faire sans la connaissance de soi-même et donc la connaissance de l’être humain. C’est là la seule science qui est réellement indispensable. Les autres sciences n’ont de l’intérêt que si elles ne nous détournent pas de celle-ci.
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Rounga : « au fond, prédire ne sert à rien »
bravo, t’en as d’autres comme ça ?
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Pas besoin de calendrier ni de météo quand on est proche de la terre Deneb ; je vous l’affirme, car je n’écoute pas la météo, je n’ai pas de montre et je ne sais jamais quel jour on est ! Néanmoins je sais toujours quand faire ! ( pas besoin de calendrier pour savoir que nous sommes en été !!)
L’homme n’a de cesse de se vouloir rassurer ! C’est tout ; et pour ce faire, maîtriser.. croit-il ! -
Eh oui, la volonté de prédire, de tout contrôler, c’est pour ceux qui veulent se rassurer.
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bravo, t’en as d’autres comme ça ?
On touche là au point fondamental qui me différencie des gens comme toi : je préfère une vie courte et austère mais où je m’accomplis et me connais moi-même à une vie passée à pourrir vainement dans le confort et l’absence de panache. -
Rounga : Non, mais pour ceux qui sont capables de mener à bien les projets, ce qui n’est apparemment pas ton cas. Prédire, c’est pouvoir construire. Sans prédiction, tout s’écroule. Si l’on ne prédit pas de quelle manière il faut empiler des pierres pour équilibrer les forces (la physique), on est incapable de monter un mur et obligé de vivre dans un arbre. Et même là, on est obligé de prédire la hauteur à laquelle les prédateurs sont capables d’arriver (la zoologie), pour se mettre au dessus, dans le cas contraire on se fait manger.
à part ça, bien-sûr, ça ne sert à rien de prédire...
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Ah d’accord : ce qui est prédiction pour vous est empirisme pour moi ; c’est sûr que avenir/passé sens dessus dessous, on ne peut guère se comprendre !
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Moi je parle de la vraie vie. On fait des maisons pour vivre, mais on ne vit pas pour faire des maisons. Dans la vraie vie, un projet qui ne comporte pas de risques, qui ne laisse pas de place à l’imprévu, je n’en veux pas. La vie c’est l’inattendu et l’aléatoire. Pourquoi vouloir tout prévoir et tout contrôler ?
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Pour ma part je préfère habiter dans une maison faite par quelqu’un qui a consacré sa vie à faire des maisons que par quelqu’un qui a consacré sa vie à Dieu, priant tous les jours pour ne pas qu’elle s’écroule.
Quant aux risques, rassure toi, tout, même le plus petit projet en comporte. Les réduire le plus possible, ça s’appelle la responsabilité et voilà un nouveau terme a rajouter à ton riche vocabulaire.
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Tu ne comprends pas qu’on ne parle pas de la même chose ?
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Pour ma part je préfère habiter dans une maison faite par quelqu’un qui a consacré sa vie à faire des maisons que par quelqu’un qui a consacré sa vie à Dieu, priant tous les jours pour ne pas qu’elle s’écroule.
Amusant cette phrase quand on sait que précisément les meilleurs architectes et constructeurs ont été des gens habités par l’idée de Dieu que ce soit les anciens Égyptiens ou ceux qui ont érigé les cathédrales...Mon pauvre Deneb.. -
Qu’ils soient habités par l’idée de Dieu je ne sais pas, mais qu’ils soient payé par l’Eglise, la seule institution suffisamment riche pour pouvoir financer le superflu, c’est certain.
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Je ne suis pas sur de bien voir l’apport de votre idée au schéma de Girard. Le démontage progressif des protections instinctuelles contre la violence au sein du groupe parallèlement a la montée en puissance du mimétisme avec ses risques, peut parfaitement a la fois ’s’inscrire dans une perspective évolutionniste sans exclure un épisode « catastrophique ». On pourrait même se poser la question de la nature du goulot d’étranglement génétique au cours duquel, les homos se réduisent a un groupe, une femme (?), qui est notre ancêtre commun.
Cela donne l’impression de vouloir sauver a tout prix une certaine vision du matérialisme.
En ce qui concerne le rapport entre sa théorie et la croyance, il me semble qu’il en rend bien compte. Ses hypothèses tiennent parfaitement debout sans foi. Son retour au christianisme est indépendant de sa pensée théorique.
Il me semble que le rapport le plus intime des écrits des Girard avec le christianisme, c’est qu’ils sont en réalité presque gênant. Ils pourraient passer comme une « preuve » une « justification fonctionnelle », une béquille, de ce qui se veut être une foi. Un christianisme sans le christ ressuscité en quelque sorte.
Personnellement, j’ai eu l’impression de voir cela chez Dupuy. ( ordre et désordre). Dire qu’il y a un trou noir qui est l’origine du sens, un indéterminé, un hasard non probabilisable, mais quand même quelque part rationnalisable, il me semble que c’est quand même une tentation de réintroduire une possible origine d’un sens ultime au sein de l’humanité avec le risque évident, technocratique, que certains s’imaginent mieux, contrôlent, maitrisent et administrent aux autres au nom d’une objectivité proclamée de leur savoir.
Un peu de Girard rapproche des textes bibliques. Trop d’un Girard rationnel en éloignerait.
A la fin, c’est quand même la grâce seule, qui permet sans illusion de s’accepter comme pécheur et de ne pas attendre son salut de soi même pour transformer sa vie.
Cela ne peut pas être une expérience intellectuelle sauf a rentrer dans un nouveau cycle mimétique.
D’une manière générale, votre démarche me semble s’inscrire dans une tendance qui consisterait a faire un tri dans l’expérience chrétienne. Dans un premier temps, on constate, au besoin en s’appuyant sur Girard, qu’il n’y a que cela qui marche un peu historiquement.
Dans un second temps, on voudrait avoir les conséquences sans les causes. C’est Régis Debray qui voudrait bien une societe chretienne mais sans l’irrationnel des mysteres, BHL, qui cherche un testament de Dieux, etc...L’hypothèse d’un christianisme sans le christ a de quoi faire peur. Quand on voit se dont on été capable les matérialistes socialistes, nazis et autres néo darwiniens au 19 eme avec leurs bases de pseudo science décalquée des théories des vases communiquant et des fonction dérivables, on est pas presse de voir leurs héritiers fonder une nouvelle science de la gestion des rivalités mimétiques fondée sur un trou noir indémontrable et donc non contestable mais quand même entre des mains trop humaines.
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Bonjour Eric,
Merci pour votre commentaire lourd de sens.
J’aime beaucoup même si, en l’occurence, je me sens comme on dit « habillé pour l’hiver » (et même si aussi je ne suis pas sûr d’avoir tout compris).Pour ce qui est de ma révision du modèle girardien, j’entends que vous pensez l’original tout à fait conforme à l’orthodoxie darwinienne. Ce que je conteste fermement.
La reproduction différentielle étant ce qu’elle est, il est évident que les groupes protohominiens qui se sont dotés au plus tôt de mécanismes de régulation de la violence intestine ont eu plus de chance de survivre que les autres et cela, bien avant que n’existe quelque chose que l’on pourrait appeler en propre un sacrifice.
Donc ya pas photos, parmi des groupes de plus en plus mimétiques, de plus en plus conflictuels, ceux qui attendent l’arrivée d’un sacrifice efficace ont toutes chances de disparaître avant que cela n’arrive. Ne serait-ce que parce qu’ils sont en concurrence avec des groupes plus stables et donc plus forts. La plausibilité de l’hypothèse catastrophiste est nulle.Pour ce qui est de l’indépendance entre la théorie girardienne et la croyance chrétienne de René Girard, j’ai longtemps pensé comme vous car j’ai tardé à entendre que, selon lui, cette théorisation est elle-même le fruit de la révélation. Dès le découplage n’est plus possible, en principe. Maintenant il est clair qu’un darwinien athée pourrait se satisfaire de l’hypothèse sacrificielle pour expliquer scientifiquement l’émergence de la pensée religieuse.
Quoi qu’il en soit, comme je l’expliquais, pour qui est croyant et adepte du modèle girardien, vient nécessairement la question de savoir comment il est possible que ce qu’il tient pour la réalité ultime se soit vu réflété dans les représentations spontanées de quelques bandes d’hominoïdes échauffés par la mimésis ?
Comment le divin pourrait-il être ce qu’on le croit être et avoir été conçu par des esprits animaux en passe d’accéder à l’humain ? That is the question !
Pour le reste, je l’avoue, même à la relecture, je ne suis pas sûr de savoir où vous voulez aller. L’évocation de Dupuy est des plus troublantes car je ne le sais pas croyant, et de plus, il dit à qui veut l’entendre qu’il n’est pas girardien. Enfin, je ne vois en quoi son chapitre dans Disorder & Order nous intéresse ici (peut-être s’agit-il d’un autre livre ?).
Le plus troublant pour moi est que vous évoquez l’hypothèse d’un christianisme sans le Christ. Comment êtes-vous venu à cette perspective à partir de mon propos ? Si vous avez suivi les liens qui pointent vers mes premières publications sur agoravox vous verrez que je travaille à un modèle pour la réconciliation explicitement mimétique de l’attitude christique. Mais bon, encore une fois, ça nous mènerait trop loin, donc je m’en tiens là.
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Je suis d’accord, Ce ne sont pas vraiment des sujets a traiter ici. Mais cependant, je pense que la grande différence entre une pensée a la Girard et la pensée de Girard, entre un christianisme revisite a sa lumière et un darwinisme athée, réside essentiellement dans le concept d’incarnation le plus large possible. Incarnation dans une épisode historique ( catastrophisme) , dans un peuple ( Israël), dans un homme, (Christ). C’est cela qui permet la vie, le tragique, l’historique, l’inattendu, l’improbabilisable et donc la liberté humaine.
Les pensées matérialistes ne parviennent a une cohérence apparente que par soustraction de l’humain avec les résultats que l’on sait.
En cela je rejoint les prémonitions de Fiorenski
http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/au-nom-de-l-infini-l-homme-90541
Du reste, c’est bien ce que l’on voit avec le Darwinisme, théorie dépassée parce qu’elle ne rend pas compte de l’évolution telle qu’elle est, notamment avec les sauts évolutif brusques -
C’est assez frustrant ma réponse a disparue.
Je vais essayer de reconstituer.
je disais que je ne comprends pas votre référence au darwinisme athée en référence à mon texte.
Je me demande s’il n’y a pas un quiproquo quelque part.Quoi qu’il en soit, j’entends bien votre appel à des nécessités tragiques. Si je suis non catastrophique pour l’hominisation (sacrificielle tout de même, tout de même !
, je suis catastrophiste partout ailleurs. Mes écrits sur agoravox en attestent.
Enfin, ça fait belle lurette que je suis un adepte des « équilibres ponctués » de S.J.. Gould. Loin d’invalider le darwinisme, les travaux « saltationnistes » et leurs « monstres prometteurs » nous aident à mieux le comprendre.
J’ai même écrit un article qui traite de ce sujet si je me souviens bien.
Merci pour le lien, j’irai voir mais pas ce soir. Là je tire le rideau jusqu’à demain.
En espérant vous revoir sur un prochain article, quand je parlerai de la réconciliation non violente à laquelle le Christ nous invite précisément pour sortir de notre culture de violence sacrificielle.
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Bonjour,
je n’ai malheureusement pas de temps à consacrer aux échanges sur internet, je vais faire vite parce que le sujet me passionne.
Mon opinion est que c’est précisément l’inverse qui est vrai à savoir que la résolution des conflits par la violence c’est l’archaïsme et que la religion n’est pas la ritualisation de cette violence mais au contraire son annihilation par le sacrifice de soi.
Je m’explique.
Le désir mimétique. bon d’accord, pourquoi pas. mais pour moi le désir fondamental de l’homme c’est l’égo, c’est à dire le désir d’être Dieu.
Il y a une raison à cela, c’est que Dieu est notre origine - nous en sommes la manifestation - et notre destiné - nous y retournons.
Ainsi, il y a dans l’égo à la fois une nostalgie et une espérance.Seulement le problème de l’égo, c’est qu’il ne laisse pas la place pour l’autre : si l’on est le tout c’est que l’autre n’est rien. Comme nous sommes tous mu par ce même désir d’être Dieu, il y a concurrence des égos, donc violence. nous voulons posséder - parce que cela manque à notre complétude et nous nous battons pour cette possession.
Face à cette situation les religions apportent des solutions :
- En premier celle de reconnaitre la toute puissance divine, dans l’altérité absolu : Si Dieu, en tant que le tout autre est tout-puissant, c’est que nous ne le sommes pas. La religion dit à l’égo : tu n’es rien, seul Dieu Est.
- En deuxième par le sacrifice de soi, c’est à dire le domptage de l’égo. les moyens mis en oeuvre son la profession de foi - qui consiste à renoncer à notre vérité - , le jeûne et les interdits alimentaires - renoncements au désir du corps - la charité - qui consiste à ouvrir l’espace à l’autre, le pélerinage qui consiste à renoncer à ses biens et à soi, et enfin la prière qui enracine le tout.Ainsi, la religion ne canalise pas la violence, elle l’a combat. elle l’a combat en combattant l’égo qui est la véritable source de la violence.
Quand à la position christianolâtre de Girard, il est évident que je ne la partage pas, étant plutôt christiannophobe. Je ne la partage pas parce que je crois au contraire que le christianisme a perdu le fils du sacrifice de soi en proclament le sacrifice de Dieu et que l’hyperviolence du monde chrétien a pour origine cette perversion de la religion. j’y reviendrais ce soir.
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@ Philouie,
Votre prise de position très tranchée (et complètement acceptable en tant que telle) nous projette complètement dans le théologique au sens où, vous m’accorderez cela j’espère, vous ne reprenez aucun des termes du débat scientifique, évolutionniste proposé et vous posez d’emblée la problématique de l’égo qui, aussi importante et même cardinale qu’elle soit chez l’humain « achevé » (mais pas fini), a très peu de chance d’avoir été significative en tant que source de violence chez les protohominiens.
Autrement dit, nous parlons déjà d’autre chose, qui est le sacrifice de soi auquel vous attachez une grande importance dont j’ai pourtant l’audace de croire qu’elle est moindre que celle que j’y attache moi-même. C’est dire si je juge la question importantissime.
Ce que j’en dis c’est que ainsi que le propose Girard, les relgions sont bien nées du sacrifice ... de l’autre et que, précisément pour cela, tout le travail de la révélation testamentaire a consisté à nous faire passer à une stratégie de réconciliation par le sacrifice de soi. Précisément ce qu’a accompli le Christ, que tous les bons chrétiens savent devoir imiter.
Autrement dit, quand bien même l’Eglise, faite d’hommes, se serait quelque peu égarée dans les méandres du pouvoir temporel, quand bien même elle aurait collaboré à des violences insignes et indignes d’elle (ce que pour ma part je ne conteste pas du tout), vous ne pouvez rejeter le message du Christ sur la base de ce seul constat. D’ailleurs je conjecturerais volontiers que votre foi dans la nécessité du sacrifice de soi vient en droite ligne de lui.
D’ailleurs, je ne vois pas de quelle autre source cela pourrait provenir car même si d’autres religions peuvent dans leurs niveaux mystiques venir à une telle conception, nulle part (à ma connaissance) elle n’est affirmée aussi clairement que dans la religion chrétienne.
Bref, je devine que nous aurons un bout de chemin à faire avant de nous accorder. Mais pour ma part, ce sera avec plaisir.
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Ne connaissant pas Girard, je ne me risquerai pas à parapher votre texte. Néanmoins, en ce qui concerne notre réalité actuelle, je suis beaucoup plus proche de ce qu’en dit Reich, dans « Le Meurtre du Christ » !
De plus parler de la genèse du sacrifice et du rôle du bouc-émissaire à nos origines, me parait pure spéculation ! Si le but de la compréhension est l’amélioration ; alors oui, je préfère et de loin Reich !-
René Girard, c’est pas l’ancien entraineur du MHSC qui est parti à Lille cette année ???
Ok je sors... dsl -
Bonjour Alinéa,
J’aime beaucoup Reich, mais je n’ai pas lu son « Meurtre du Christ ».
Qu’en dit-il en substance qui soit pertinent ici ?
Quant à spéculer, je crois que la modestie nous oblige à reconnaître que nous en sommes tous réduit à cela.
L’important est de le faire de la manière la plus rationnelle et cohérente possible n’est-ce pas ?
Et rien ne vaut pour cela le débat contradictoire.Dès lors, quels arguments opposer aux spéculations girardiennes ?
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On me pardonnera d’être aussi synthétique !
Je peux dire que Reich démontre que le Petit Homme, mort en lui, tue la Vie, chez l’autre.
Ainsi, je ne sais s’il a jamais été fait d’étude psychologique du bouc-émissaire, mais à l’instar des sorcières du Moyen-Age, il s’agissait de détruire celui ou ceux qui représentaient l’insupportable liberté de la Vie, vivante. Représenté, symboliquement, par le Christ, pour Reich.
Quoique parfaitement ignorante des temps passés depuis des millénaires, j’ai idée, tout comme chez les Grecs,( avec leurs esclaves) que les « sacrifiés » étaient des ennemis, extérieurs au groupe donc.
Il me semble que chez les anthropophages, c’est de cela qu’il s’agit..
Je suppose que l’ennemi intérieur est apparu avec des sociétés qui se « globalisaient » par leurs conquêtes et ainsi devenaient plurielles. Le summum étant aujourd’hui, bien sûr ! -
Merci Alinéa pour l’aperçu sur la thèse de Reich.
Autant elle me semble intéressante et pertinente d’un point de vue psychologique autant je ne la vois pas coller à la problématique anthropologique.
Ne serait-ce que parce que l’éthologie n’aurait rien à en faire.
C’est ça la force de la thèse de René Girard : elle est pertinente dès le stade animal, bien avant que l’on rejoigne les cultures humaines.
Donc elle peut faire le pont et nous aider à comprendre l’hominisation.
Reich navigue bien au-delà, il est dans le psychologique et il fait ça très bien d’ailleurs. -
Luc-Laurent, je ne disais pas qu’une thèse était mieux qu’une autre, je disais que je me retrouve, moi, et pour l’usage que j’en fais, car il faut que je fasse usage dans ma vie de ce que j’apprends et comprends, le travail universitaire n’étant plus ma tasse de thé depuis longtemps, que je m’accordais mieux avec Reich, dont j’ai si mal parlé mais que je connais bien, qu’avec Girard dont je ne sais que ce que vous en avez dit, ici ou là !
Du reste peut-on parler de thèse pour Reich ? Je ne crois pas ; il n’essayait pas d’expliquer le monde depuis ses origines, juste éclairer le présent pour qu’on puisse tenter de l’améliorer !
Je vous ai dit déjà ce que je pensais de cette volonté de tout mettre en boîte, faire rentrer dans la boîte ce que l’on comprend, à partir de ce que l’on sait ; cela ne m’intéresse pas, dans la vie, je l’assimile à des exercices mentaux, un peu comme on fait des haltères pour muscler le haut de son corps ! Je n’ai rien contre et je m’y intéresse, mais sans passion !!
C’est votre passion à vous qui rend ici la chose intéressante ! -
« C’est votre passion à vous qui rend ici la chose intéressante ! »
Merci Alinea !
Concernant les « mises en boîtes », je vous invite à considérer la possibilité que rien ne soit jamais mis en boîte puisqu’il se pourrait que « tout soit dans tout et réciproquement »
Dès lors nous pouvons penser très librement et la théorie girardienne n’est pas plus « contraignante » que la théorie darwinienne ou la théorie newtonienne.
Elles sont des tremplins.
Libre à nous de plonger où nous voulons... -
Le problème fondamental avec la thèse de Girard est qu’elle est éminemment « intellectuelle » et repose sur un postulat qui jusqu’à aujourd’hui n’a été validé ni par les recherches en ethno-anthropologie, en paléoanthropologie, en archéologie, etc…
Postulat que vous énoncez en intro et semblez valider par un « c’est-à-dire », à savoir la genèse du religieux au travers de pratiques sacrificielles :
donc a) le sacrifice comme fondation du Religieux ou sa supposée universalité (nombre de groupes ne connaissent pas le sacrifice, voir n’ont pas à proprement parler de pratiques « rituelles »), et b) l’existence de formes religieuses supposément « archaïques » : ce qui que ce soit en anthropologie ou en études du fait religieux n’a aucun sens : l’attribut « archaïque » renvoyant à une forme d’ethnocentrisme ou « paradigmo-centrisme » qui dans le cas qui nous intéresse supposerait que le monothéisme judéo-chrétien serait une forme « évoluée » du Religieux, quand bien nombre de systèmes animistes, shamanistes n’ont rien à envier en termes de degré de complexité au système monothéiste « abrahamique », voir même sont d’une complexité similaire aux dernières théories scientifiques (physique quantique, univers participatoire, principe anthropique, interactionnisme esprit-matière, , etc…)
Or, jusqu’à aujourd’hui n’existe aucune évidence que les pratiques sacrificielles soient apparues avant l’apparition de sociétés humaines « complexes » : i.e. : hiérarchisées, principalement agricoles ou pastorales : c.à.d. avant le Néolithique, quelques sites datant du Paléolithique tardif permettent de spéculer sur de possibles sacrifices humains, cependant le Religieux (loin d’être archaïque) précédait ces pratiques sacrificielles de quelques dizaines de millénaires déjà ; de plus selon Girard le sacrifice animal s’imposant par « substitution » au sacrifice humain devrait logiquement apparaître APRES les premières évidences de sacrifices humaines, et non AVANT : ce qui est niveau archéologique le cas.
Un autre problème étant celui de la Représentation, Girard postulant que cet acte sacrificiel aurait conduit au premier « signe » : à nouveau si l’on s’intéresse aux premiers indices dans le champ du Religieux, de la Représentation, etc… il apparaît que la capacité de représentation, et donc de production de signes et de réseaux symboliques précède aussi de plusieurs dizaines de millénaires les premières évidences de sacrifice rituel.
Rien d’étonnant à ce que le postulat de Girard se voit infirmé, puisque partant de textes grecs (société post-néolithique, hiérarchisée, agro-pastorale, etc…) et d’une sélection très ciblée autant que biaisées d’études ethnologiques sur certains groupes primitifs (i.e. : sélection de groupes supposés « violents » –dans les faits la violence n’apparaît pas collective, violence principalement homicide, de même qu’abstraction volontaire de a) des groupes voisins « pacifiques », et b) de l’ethnogénèse des groupes cités –i.e. : nombre de groupes « chasseurs-cueilleurs » notamment aux Amériques ont été d’abord agriculteurs avant de (re)revenir « chasseurs-cueilleurs » : leurs ethnogénèses et cultures ayant gardé des éléments de ce statut antérieur), il semble faire complète abstraction autant des recherches en anthropologie, paléoanthropologie, éthologie, primatologie, archéologie…et ignore ce qui contrevient à sa théorie : bref le Giradisme remplace l’Eros du Freudisme par Eris, et nous invite à imaginer l’existence du supposé Erisanthropus Mimeticus, et de sorte de communautés (par quel biais « pré-social » elles ont pu exister demeure une énigme) de bersekr protohominiens privés de langage et capacité de représentation, toujours à la limite de l’omnicide : bref tout comme le Freudisme, le Girardisme appartient au champ « pseudo-scientifique » (cf. Popper) ce qui n’enlève rien à son intérêt potentiel en psychologie sociale, mais présente peu d’intérêt dans le champ.de l’anthropologie (culturelle et religieuse).
Vous avez relevé les contradictions si l’on adopte une approche évolutionniste entre la théorie girardienne et la possibilité même de l’existence de groupes-stages évolutionnaires caractérisés par l’inadaptation selon le postulat formulé : le fait est que si l’on revient à cette idée de « désir » fondamentalement/essentiellement mimétique, la théorie girardienne ne peut se passer de l’opération d’un agent « supernaturel » : par la nécessité d’un désir (0) d’origine « non-humaine » imité par le premier Erisanthropus Mimeticus : pas étonnant que Girard se doit d’évoquer l’édénique serpent…
Bref Girard, bien qu’atypique dans le paradigme post-moderne post-holocaustique, demeure bien un post-moderne dans son obsession à ontologiser la Violence et à adopter un jargon pseuo-scientifique (i.e. : récupérer des concepts d’ethno-anthropologie, d’éthologie, de théologie, etc…, se fonder sur une sélection orientée de sources documentaires et mixer le tout) : pour conclure, accepter la théorie girardienne réclame un acte de foi (aucune acception péjorative ici) tout comme pour nombres d’autres théories ou écoles de pensée : pas étonnant que les girardiens bien souvent font plus penser à une sorte de secte (certes avec ces x hérésies : en témoigne la création de l’Anthropologie Générative par un élève du Maître, ainsi que les débats hallucino-turbatoires et querelles que cela a généré entre les divers courants girardiens)…
Pour conclure : en l’état actuel n’existe donc dans les champs de l’étude du Fait Religieux et de l’Anthropologie aucune preuve de l’antériorité du sacrifice par rapport au Symbolisme ou à diverses pratiques rituelles non sacrificielles, et encore moins de la pratique sacrificielle comme fondation du Religieux, pas plus que n’existe d’évidence d’une violence atavique chez les premiers humains « modernes » (ni d’éléments permettant de les qualifier d’ « archaïques ») : dans les faits, on use même pour le Paléolithique du concept de « warlessness » pour illustrer la (quasi) absence de violence durant ces quelques dizaines voir centaines de milliers de millénaires.
Pour ma part, si je voulais inclure à tout prix cette idée de mimétisme « fondamental » dans l’émergence du Religieux : le Jeu et la pratique « rituelle » du Jeu (nécessitant autant mimétisme que singularité) me semble une option bien plus valide : d’autant plus que le Jeu est effectivement universel (la figure du Trickster par exemple se retrouve partout, Satan en étant une forme bâtarde dans les religions monothéistes abrahamiques) et qu’il permet autant apprentissage que transmission des savoirs et croyances, que régulation de la violence…Il partage avec le Religieux la création (temporaire mais répétée) d’une supra-réalité ou réalité « alternative » voir transcendante, dans laquelle on opère en fonction de certaines règles, différant de celles agissant dans le domaine matériel/immanent : bref entre le Jeu et le Religieux : seule la forme diffère à la base. D’ailleurs les peuples dits « primitifs », en plus d’être de joyeux lurons bien souvent farceurs, sont des addicts au Jeu, et généralement leurs croyances religieuses soient se fondent sur des pratiques rituelles « ludiques », soit ne sont tout simplement pas prises avec autant de « sérieux » (nombre de leurs dieux sont tournés au ridicule) que chez les civilisés : bref ils sont bien plus « pragmatiques et plastiques » que « rigoristes » sur ces questions religieuses...
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nombre de groupes ne connaissent pas le sacrifice, voir n’ont pas à proprement parler de pratiques « rituelles »
Vous pouvez m’en citer des exemples ? -
un des groupes qui a bousculé autant le champ de l’Anthropologie que celui de la Linguistique (notamment la théorie « universaliste » de Chomsky) est le groupe Piraha : groupe qui ne connait aucun rituel religieux, n’a aucune « histoire » (ils vivent stricto sensu dans l’Immédiat, et donc la mémoire collective se limite aux ascendants directs) ni donc de mythes originels (le monde a toujours été ainsi...) : leurs croyances religieuses se limitant à l’existence d’ « esprits » bien qu’ils n’aient aucune définition claire de ces dits « esprits » : qui peuvent être au choix une ombre, un arbre, un rocher, etc...que l’on rencontre au hasard : les Piraha ne connaissant que l’expérience immédiate sont un des rares groupes sur lequel les missionnaires chrétiens n’ont pu opérer et ont abandonné : du fait de leur impossibilité de confirmer qu’ils avaient bien rencontré « dans l’immédiat » Jesus : bref les Piraha ne « croient » pas, ils se contentent de voir et faire et rapporter ce qu’ils ont vu/fait ; niveau linguistique/représentation : ils ne connaissent pas les nombres par exemple, etc...bref groupe fascinant. Pour le reste, ils invalident aussi cette idée de mimétisme universel, puisqu’ils sont définitivement « waterproof » à toute influence extérieure : ils n’intègrent absolument rien des apports extérieurs : que ce soit en termes culturels ou matériels : exemple : ils échangeront des fruits, noix, etc... contre des canoes mais lorsque leur est proposé d’apprendre à les fabriquer : ils réponderont : les Piraha ne fabriquent pas de canoe, et en cas d’absence de canoe prendront le premier tronc venu...par ailleurs pour tout le reste.
Quant à d’autres, certains groupes bushmen, aborigènes et sibériens : avec des variantes mais dans le cas qui nous intéresse l’absence de pratiques sacrificielles. Pour infirmer une théorie « scientifique », un seul contre-exemple suffit . Bien entendu ici je n’évoque que les groupes « présents », et non des groupes proto-historiques ou pré-historiques. -
Eh bien merci, j’aurai appris quelque chose d’intéressant aujourd’hui.
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@ Lord WTF
Merci pour la forte argumentation.
J’apprécie, même si je sens que je vais avoir fort à faire pour me dégager de ce piège.Vous comprendrez que si je le perçois comme tel c’est qu’en dépit de l’impressionnante richesse des connaissances présentées, je ne suis pas encore convaincu.
En effet, ma fréquentation des processus évolutifs m’amène à penser que la diversité des formes n’est pas, en soi, un argument contre une origine unique.
Tous les tétrapodes ont beau avoir des poumons, leurs embryons présentent à un moment donné des fentes branchiales. L’hypothèse de l’ancêtre poisson s’impose alors même que tous les exemples actuels plaident contre elle.
L’absence de sacrifices dans telles ou telles sociétés n’offre pas l’ombre d’un argument contre l’origine sacrificielle de l’humain.En clair, je suis tenté de vous renvoyer directement à votre argument du plaidoyer pro domo dont vous faites grief à Girard.
Car il me semble que vous aussi vous accumulez les évidences qui vous conviennent sans, me semble-t-il, remarquer qu’aucune d’entre elles ne constitue en soi une quelconque infirmation de la théorie girardienne.Comme je ne peux à présent revenir sur chacun des nombreux points que vous abordez (mais pourquoi pas le faire plus tard ?), je vais m’arrêter sur le passage où vous présentez, je crois, vos arguments les plus décisifs :
"Pour conclure : en l’état actuel n’existe donc dans les champs de l’étude du Fait Religieux et de l’Anthropologie aucune preuve de l’antériorité du sacrifice par rapport au Symbolisme ou à diverses pratiques rituelles non sacrificielles, et encore moins de la pratique sacrificielle comme fondation du Religieux, pas plus que n’existe d’évidence d’une violence atavique chez les premiers humains « modernes » (ni d’éléments permettant de les qualifier d’ « archaïques ») : dans les faits, on use même pour le Paléolithique du concept de « warlessness » pour illustrer la (quasi) absence de violence durant ces quelques dizaines voir centaines de milliers de millénaires.«
Vous mettez en avant ici, dans votre conclusion, deux arguments qu’on peut (donc) penser essentiels, à savoir :
a) l’absence d’antériorité du sacrifice sur le symbolique et
b) l’absence de traces de guerres au paléolithique.Ce simple fait m’amène à supposer que :
(1) vous n’avez pas lu l’original du texte que j’ai présenté à Girard et que...
(2) vous êtes très au fait de la littérature anthropo-éthno-paléontologique mais que vous êtes probablement, moins bien renseigné sur l’éthologie.Vous avez réagi au terme »archaïque« en référence à des usages historiques assez malheureux, je le concède. J’ai sans doute été maladroit mais, pour ma part, quand je pensais archaïque, je pensais protohominien, cad, animal.
Or, puisque vous évoquez la question de l’antériorité, je pense que vous conviendrez que l’animal offre un modèle antérieur à n’importe quelle société humaine, actuelle ou passée.
Or, si chez l’animal vous repérez déjà des formes sacrificielles alors que par ailleurs il est clair qu’aucune forme symbolique n’est présente dans son espace vital, je crois que la démonstration est faite que l’argument que vous opposez à Girard ne tient pas.
Mon texte original fournit des exemples qui, à tout le moins suggèrent, que le sacrificiel s’origine dans l’animal et qu’il a déjà une fonction de régulation de la violence intestine.
Le symbolique a toujours été à mon sens hypostasié. On ne saurait en minimiser l’importance mais pour autant, il n’est pas premier. Le modèle animal le montre à l’envi, je crois.
Passons au deuxième point. Vous savez comme moi que l’absence de preuve n’est pas preuve de l’absence.
Je me garderai de juger des données concernant le Paléolithique mais il est clair que l’absence de traces de guerre (telles qu’on s’attend à les voir) n’est pas preuve de l’absence de guerre.Encore une fois, il suffit d’un exemple animal pour nous mettre la puce à l’oreille. Je n’ai pas ici les références, mais je peux les retrouver. J’ai lu au début des années 90 un éthologue de l’Université de Strasbourg qui faisait état des rondes que des groupes de chimpanzés faisaient tout autour de leur territoire pour le défendre des intrusions des groupes concurrents. Ce qu’il décrivait était ni plus ni moins que des guérillas animales, archaïques, mais déjà fort bien installées. Il ne serait pas impossible que ces observations proviennent aussi du site de Gombé.
Quoi qu’il en soit, ces observations, ainsi que celles innombrables de Frans de Waal, dont je détaille les plus importantes, montrent suffisamment que le maintien de la paix est la problématique cardinale des communautés de chimpanzés.
Quand en plus ces mêmes chimpanzés s’engagent dans des pratiques mi-chasse-mi-sacrifice dont la fonction n’est, à l’évidence pas de se nourrir mais bien plutôt de créer ou d’entretenir des relations pacifiées au sein du groupe comme le font les Bonobos en copulant, on peut se dire, je crois, que l’hypothèse girardienne est déjà pas mal corroborée par les modèles les plus valides sous le rapport de l’antériorité.
A partir de là, je dirais que le problème des données anthropologiques ou ethnologiques apparemment discordantes nécessite peut-être seulement une réflexion évolutionnaire capable d’envisager des régressions, des disparitions ou disons des évolutions vers des formes vestigiales du sacrifice.
Dans la nature quasiment tout est possible, aussi bizarre que cela puisse être. Dans la culture, je ne vois pas qu’il doive en être autrement. Ce qui importe c’est de pouvoir construire une arborescence des formes pour dégager les invariants.
C’est ce que Girard a excellement fait avec un grand nombre de mythe fondateurs qui respectent le schéma victimaire qu’il propose.
J’en veux pour preuve que le très recommandable sinologue Mark Edward Lewis, de l’Université Stanford, comme Girard, a pu écrire dans son livre de 1990 »Sanctioned Violence in Early China« que :
»Despite the absurdity of Girard’s claims to have presented the explanation for sacrifice, religion, myth, and culture, as well as the empirical difficulties involved in applying his universalizing, psychological model to actual cases, the numerous examples of the use of ’scapegoats’ he has found in the ethnographic and literary texts clearly suggest the importance of shared violence in constituting human society and the variety of roles it plays in the creation of culture" (p. 3).
Comme vous le voyez, il est très embarrassé avec le modèle girardien. Il utilise l’argument qui tue, non sa cible mais lui-même en tant que scientifique au sens où on ne peut se satisfaire en science de déclarer une thèse absurde, on doit le démontrer. Mais au final il reconnaît que ce vers quoi Girard pointe est incontournable.
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L’exemple des Piraha me laisse assez dubitatif.
Je ne vois pas ce que vous pensez pouvoir conclure de l’observation de cette peuplade.
Qu’elle ait un langage pauvre, une representation du monde à l’avenant avec seulement quelques rares esprits pour faire métaphysique n’est pas en soi probant de quoi que ce soit quant à leurs ancêtres.Il se pourrait parfaitement qu’ils soient issus d’une civilisation sacrificielle avec des représentations religieuses complexes mais qu’à un moment donné un groupe soit pour une raison x ou y allé s’isoler ici ou là sans chercher à ou sans avoir les moyens de préserver la tradition et ait fait souche en dépit d’une pauvreté culturelle qui aura même pu aller en s’aggravant.
Bref, ces Piraha ne sont pas tombés de la lune, ils ne viennent pas en droite ligne d’Adam et leur dénuement actuel n’est la preuve de rien.
C’est un peu comme si un enfant de disons trois ans était abandonné sur île déserte, qu’il survive en raison de circonstances favorables et qu’on le retrouve par hasard quand il a 70 ans.
Si tant est qu’il ait su parler, il ne lui restera à peu près rien de sa compétence passée, il n’apprendra plus ou si peu, ne sera intéressé que pour rester sur son île et les religieux souhaitant l’évangéliser échoueront à coup sûr.
Pourra-t-on en conclure qu’il n’a pas connu le langage et est né hors de toutes représentations culturelles ? Certainement pas.
Il me semble que l’on est ici un peu dans la même situation.
Le seul moyen d’y voir plus clair serait de pouvoir rapprocher génétiquement cette peuplade d’autres peuples mieux connus (et sûrement mieux dotés culturellement).
On aurait alors la preuve (si tant est qu’on ne l’ait pas déjà) que des régressions culturelles sont possibles.Si par contre leur ADN est humain mais absolument unique, alors peut-être que l’hypothèse girardienne devra être questionnée sous ce rapport.
Bon, voilà ce que je peux en dire.
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Hmmm…nulle intention chez moi de vous piéger : j’apporte ma réaction à votre article- t come vous m’y avez invité il y a quelques semaines, et joue le rôle de l’agent contradicteur, histoire de faire bonnes mesures. Quant à vous convaincre stricto sensu, vous ayant lu, là n’était pas mon propos. Cela étant dit, je vais revenir sur certains points de votre réponse :
En premier lieu, votre contre-argument (classique) concernant mon évocation des données archéologiques : l’absence de preuve n’est pas preuve de l’absence.
Certes mais partant de là, vous ne faites que confirmer ce que je disais en intro : la théorie girardienne est avant tout une construction « intellectuelle » (ou « littéraire » : en déconstruisant les mythes, il produit un super-mythe des origines) et de nature « pseudoscientifique » puisque de facto cette théorie est invérifiable : Girard d’ailleurs n’hésitant pas expliquer que si d’autres interprétations des mythes qu’il interprète le contredisent, cela ne fait en fait que valider sa théorie (les mythes=mensonges camouflant le « meurtre » originel) : bref on tourne en rond que ce soit sur le plan (arte)factuel ou simplement intellectuel.
Pour le reste, bien que l’absence de preuve ne soit pas en soi preuve de l’absence : j’imagine que vous noterez l’importance (que ce soit en termes d’espace géographique, qu’en termes temporels) de cette dite absence : bref quelques centaines de milliers de millénaires…au minimum, reconnaissez que vous ne pouvez rejeter aussi simplement cette « absence de preuve ». En vous suivant, si m’en prenait l’envie, je pourrais à la façon de Girard arguer que les fondations du Religieux ne sont pas la violence (de même que le passage du proto- à l’Humain) mais l’action d’entités exoterrestres : soit donc défendre la théorie des Anciens Astronautes, en utilisant exactement les mêmes sources que Girard : et en les interprétant (avec encore plus de facilité) comme témoignant de l’action « à l’aube de l’Humanité » d’entités exoterrestres sur les dites « hordes primitives » que ce soit en les « éduquant », voir en usant d’eugénisme et d’ingénierie génétique afin d’aboutir à H. Sapiens : après tout, pléthore de mythes, d’artefacts pourraient m’aider à supporter cette théorie : et bien entendu à vos éventuels contre-arguments sur l’absence de preuve (i.e. : cadavres d’aliens ou artefacts préhistorique issus de technologie alien) : je rétorquerai que ces croyances en des agents exoterrestres étant quasi universelles et persistantes pointent vers quelque chose d’incontournable…et si Girard opte pour l’explication par le mensonge/travestissement pour supporter ses interprétations de tel ou tel mythe, j’opterai pour quelque chose de plus simple : mémoire imparfaite des événements évoqués par ces mythes.
Bref, il faut bien un moment se fonder sur quelques éléments concrets, si l’on veut débattre objectivement.
Je reviens donc à votre supposition de ma méconnaissance dans le registre éthologique : si je me rappelle bien, vous m’aviez interpellé à la suite d’un com où j’évoquais De Waal ainsi que Goodall (soit les mêmes références que vous employez) : j’y reviens après ce passage de votre réponse :
Vous mettez en avant ici, dans votre conclusion, deux arguments qu’on peut (donc) penser essentiels, à savoir :
a) l’absence d’antériorité du sacrifice sur le symbolique et
b) l’absence de traces de guerres au paléolithique.En effet l’antériorité du symbolique sur le sacrifice me semble essentiel : puisqu’elle témoigne d’une capacité de représentation et symbolique (production symbolique) ne nécessitant pas l’existence de rites sacrificielles ; quant à l’absence de traces de guerre au paléolithique : elle venait simplement afin de rappeler les profondes mutations au Néolithique qui non seulement voit la multiplication des conflits guerriers mais aussi de la pratique de sacrifices rituels, humains et/ou animaux : en cela : je me répète la possibilité même de noter ces changements radicaux comparés au Paléolithique, au vu du nombre de sites, artefacts, etc… en témoignant, me semble difficile à rejeter d’un simple revers de la main, quand les évidences (conformes à la thèse girardienne) elles brillent bel et bien par leur absence.
Ensuite cette absence de groupe « guerriers » renvoie aussi à un autre élément, qui me semble, suffisamment pertinent pour être considéré ici : à savoir l’absence d’armes à fonction « homicide » jusqu’à une période récente (Néolithique avancé, voir tardif pour l’apparition d’armes « spécialisées ») avant cela, et quelque soit le groupe « homo » concerné (donc les diverses familles homo… à outils, les protohominiens, protohumains, les humains « archaïques », les humains « primitifs ») les armes à fonction homicide brillent par leur singulière absence : or si je réfère à la horde primitive girardienne, en état de tension si ce n’est conflit mimétique permanent : l’inexistence de telles armes –notamment comparés à la sophistication dans les autres outils ou armes de chasse/pêche produits- me laisse dubitatif…en effet, dans un tel contexte, doublé de la capacité prodigieuse du genre « homo » à produire des outils et armes adaptés à tel ou tel emploi particulier, l’inexistence d’armes à fonction homicide ou défensive me semble être un contre-argument autant valide que solide à cette idée de groupes primitifs vivant constamment en état de tension mimétique, et toujours sous la menace de l’explosion de violence supposément conséquente.
Ce simple fait m’amène à supposer que :
(1) vous n’avez pas lu l’original du texte que j’ai présenté à Girard et que...
(2) vous êtes très au fait de la littérature anthropo-éthno-paléontologique mais que vous êtes probablement, moins bien renseigné sur l’éthologie.Non, après votre invitation sous un autre article à réagir à votre prochain article, je suis allé sur votre site et ai lu les divers docs disponibles : bon cela date de quelques semaines, mais j’ai encore en mémoire les grandes lignes, notamment vos références aux primates (ainsi qu’aux poules) ainsi que cette approche « évolutionniste » que vous développez à nouveau dans cet article. Passons donc à l’éthologie :
Vous avez réagi au terme »archaïque« en référence à des usages historiques assez malheureux, je le concède. J’ai sans doute été maladroit mais, pour ma part, quand je pensais archaïque, je pensais protohominien, cad, animal.
Même en substituent « archaïque » par animal, cela ne change rien à ce que j’entendais : ce type de qualification n’a aucun sens : encore moins lorsqu’on évoque des espèces différentes : ceci est une approche « orientée » de l’évolution avec une sorte d’hiérarchisation interespèces conçue comme « (téléo-)logique » : quand bien même après des milliards d’années d’évolution, la Vie est principalement représentée (en nombre, en volume, etc…) par des bactéries, virus, microbes, etc… qui vraisemblablement sont au sommet en termes de capacité adaptive : ici mon propos est simplement ma réaction habituelle à toute forme de hiérarchisation arbitraire entre espèces ou groupes humains : rien de personnel.
Or, puisque vous évoquez la question de l’antériorité, je pense que vous conviendrez que l’animal offre un modèle antérieur à n’importe quelle société humaine, actuelle ou passée.
Or, si chez l’animal vous repérez déjà des formes sacrificielles alors que par ailleurs il est clair qu’aucune forme symbolique n’est présente dans son espace vital, je crois que la démonstration est faite que l’argument que vous opposez à Girard ne tient pas.
Hmmm…visiblement il y a quelques éclaircissements nécessaires à apporter : d’un Girard fait du sacrifice (rituel collectif autant en termes de participation que fonction) la source UNIQUE du Religieux, et in extenso de l’Humain : chez les animaux les supposées pratiques « sacrificielles » (ici « supposées » a pour fonction de rappeler à nouveau un biais opérant lors de l’emploi du terme « sacrifice » principalement entendu selon l’idée-concept de sacrifice dans le paradigme « occidental » (i.e. substrat indoeuropéen, chrétien, monothéiste…) ne se limitent pas à cette définition girardienne, ni même peut-on qualifier ces pratiques de résolution de la violence/maintien de la paix de « rituels sacrificiels » : d’autant plus qu’en termes de régulation de la violence, quantité d’alternatives existent : notamment la diplomatie « femelle », le jeu, le sexe, etc…
A nouveau ici, votre contre-argument opère de façon très « girardienne », en généralisant d’emblée tel ou tel comportement animal.
Ensuite, vous semblez faire limiter le degré de développement cognitif des primates (mais aussi d’autres animaux) en évoquant l’absence (supposée) de forme symbolique : ici je répondrai que a) cette absence n’est pas aussi évidente (usage d’outils, les diverses formes de langage animal, la conscience de soi, raisonnement « problem solving », ainsi que capacité à « compter » (i.e. distinguer en termes de quantité, et calcul élémentaire) etc… tous requièrent une capacité à la représentation, à l’abstraction, au symbolisme : même si en raison de diverses contraintes (notamment anatomiques/biologiques) la production « matérialisée » en soi de systèmes symboliques n’apparaît pas : cela concernant autant certains primates, que les dauphins, les éléphants, et plusieurs espèces d’oiseaux…Partant de là, à nouveau : ces rituels à vertu « sacrificielle » se voient précédés par cette capacité « proto-symbolique » chez les espèces concernées : dans les cas qui nous intéressent : conscience de soi (et donc capacité à se distinguer de l’autre), ainsi que langage et usage d’outils…Ces éléments me semblent devoir être intégrés si votre approche vise à formuler une théorie « complète ».
Mon texte original fournit des exemples qui, à tout le moins suggèrent, que le sacrificiel s’origine dans l’animal et qu’il a déjà une fonction de régulation de la violence intestine.
Le symbolique a toujours été à mon sens hypostasié. On ne saurait en minimiser l’importance mais pour autant, il n’est pas premier. Le modèle animal le montre à l’envi, je crois.
Soit : partant de là puisque vous m’avez renvoyé à l’éthologie et au règne animal : pourquoi ne considérer QUE ce mode de régulation de la violence intragroupe ? Alors que vous savez pertinemment qu’existent d’autres modes de régulation, et que conséquemment SI c’est le cas chez l’animal (« antérieur ») pourquoi cela ne peut être le cas chez le proto-humain ? Pourquoi les proto-humains n’auraient eu d’autre choix que ce type de pratique, alors que l’éventail d’options alternatives était déjà large (si renvoyé au stade animal antérieur) et que ce qui justement distingue ces proto-humains de leurs ascendants « animaux » sont des capacités cognitives, mentales, etc… plus développés, avec pour conséquence d’élargir encore plus le nombre de modes de régulation possible : j’ai cité en exemple le Jeu, mais je pourrais renvoyer à la diplomatie « femelle », au sexe, etc…et si cela ne suffisait pas : le PARTAGE qui par définition en faisant que tout « objet » est l’objet de TOUS, il ne peut l’objet d’un AUTRE, que les autres par rivalité mimétique désireraient au point de détruire le groupe…
Ou à quantité d’autres méthodes, employées chez des groupes dits « primitifs » actuels : exemple : dans certains groupes bushmen (où n’existe ni hiérarchie sociale, ni division spécifique du « travail », ni de pratiques sacrificielles, etc…) lorsqu’un chasseur revient victorieux de sa chasse, il laisse son butin du jour sur place, revient au campement et suit le rituel suivant : se présentant devant le groupe, en disant –je simplifie, voir caricature volontairement- "comme d’hab, j’ai rien chopé, je suis vraiment nul, pas même foutu d’attraper un lézard, etc…" bref il se ridiculise volontairement puis continue ainsi " mais si vous allez tel endroit, je crois que j’ai vu quelque chose…" : il donne donc la localisation du gibier du jour, les autres membres du groupe iront le récupérer, tandis qu’un individu fera office d’arbitre (fonction non hiérarchique, et non permanente) :
Ici simple exemple pour montrer de quelle façon (somme toute simple) un groupe « primitif » peut limiter les débordements « mimétiques » et la violence en résultant, en a) neutralisant les prétentions individuelles (ego) et b) en neutralisant les rivalités potentielles…
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L’exemple des Piraha me laisse assez dubitatif.
Je ne vois pas ce que vous pensez pouvoir conclure de l’observation de cette peuplade.
Qu’elle ait un langage pauvre, une representation du monde à l’avenant avec seulement quelques rares esprits pour faire métaphysique n’est pas en soi probant de quoi que ce soit quant à leurs ancêtres.Il se pourrait parfaitement qu’ils soient issus d’une civilisation sacrificielle avec des représentations religieuses complexes mais qu’à un moment donné un groupe soit pour une raison x ou y allé s’isoler ici ou là sans chercher à ou sans avoir les moyens de préserver la tradition et ait fait souche en dépit d’une pauvreté culturelle qui aura même pu aller en s’aggravant.
Bref, ces Piraha ne sont pas tombés de la lune, ils ne viennent pas en droite ligne d’Adam et leur dénuement actuel n’est la preuve de rien.
C’est là toute la différence entre une approche toute théorique « à la girardienne » et l’approche habituelle dans les champs de l’anthropologie et de l’ethnologie : pas étonnant que vous en arriviez à expliquer que les anthropologues et ethnologues pâtissent de ce manque d’ " une réflexion évolutionnaire capable d’envisager des régressions, des disparitions ou disons des évolutions vers des formes vestigiales du sacrifice."
Le fait que des groupes agro-pastoraux/agriculteurs puissent devenir des groupes « chasseurs-cueilleurs » non pas en raison d’une quelconque « régression culturelle » supposée mais généralement en raison d’un changement d’environnement, en conséquence le plus souvent de migrations contraintes et causées par changement climatique, éruption, cataclysme, etc…. est parfaitement connu des anthropologues et ethnologues : notamment concernant le domaine amérindien où c’est une situation assez commune. Et même en cas d’absence de mémoire collective de ce passé « agricole », existent suffisamment d’éléments culturels permettant de le déterminer le cas échéant et de les distinguer des autres groupes ayant toujours été « chasseurs-cueilleurs ».
Exemple : en Amazonie, nombre de groupes de chasseurs-cueilleurs ont une organisation sociale hiérarchisée et complexe, notamment la présence dans le registre vocabulaire de concepts renvoyant à un système d’aristocratie « foncière » qui bien entendu n’existe pas dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs et renvoient donc au passé d’agriculteurs des groupes concernés : validant dans certains cas, le mythe de l’El Dorado, évoquant une ou x civilisations urbaines amazoniennes, aujourd’hui disparues, mais dont les héritiers chassent, cueillent, cultivent quelques végétaux voir ont des animaux, et ont leur « jungle garden » : jungle garden par exemple absents chez les groupes strictement chasseurs-cueilleurs. De même le degré de sophistication des constructions (huttes, maisons communes, etc…) permettent aussi de distinguer les groupes ayant eu une histoire de « sédentaires » des groupes nomades (qui généralement n’ont pas de construction plus élaborée que quelques branches couvertes de feuillage).
Dans le cas des Piraha : un élément que vous n’avez pas noté : l’absence de nombre : les Piraha sont incapables de compter : ne distinguent le résultat d’une pêche : exemple 10 poissons vs 100 poissons : uniquement en terme de « un peu de poissons » et « beaucoup de poissons », et bien entendu pareil entre 100 poissons, noix, etc… et 500 poissons, noix, etc… la conséquence pratique étant qu’ils se font généralement arnaquer par les Brésiliens « civilisés » faisant business avec eux …dans ce cas précis, l’absence de nombres suffit à considérer comme peu probable un passé d’agriculteurs ou de pasteurs : vous comprendrez aisément pourquoi…
Il n’existe pas de « pauvreté culturelle » dans ce groupe, mais un refus conscient et volontaire de toute production : exemple : quand bien même ils pourraient « imiter » les groupes voisins, ou par exemple produire les paniers tressés qu’ils utilisent au quotidien avec des matériaux plus solides : ils ne le font pas et cela « volontairement » : ils n’ont absolument aucun intérêt dans la conservation de quoi que ce soit (que ce soit des paniers plus solides, ou des machettes échangées contre des fruits, poissons, noix, etc…machettes qu’ils utiliseront deux ou trois fois puis abandonneront), ni dans la production de quoi que ce soit.
Mais si ces arguments ne vous suffisent pas : pléthore d’autres éléments vont en ce sens : n’existent chez eux aucune pratique rituelle, ni sacrificielle ; er termes de rivalité mimétique : les Piraha ne produisent RIEN, ne conservent RIEN (pas même la nourriture), et partagent TOUT ce qu’ils « ont » (entre guillemets puisque ici « avoir » n’a aucun sens) : les cas de violence dans ce groupe sont suffisamment rare pour que D. Everett (parti à leur rencontre en tant que missionnaire, ayant fini athée pour le coup) en plus de trois décennies à vivre à leur contact n’en est répertorié que deux ou trois : de nature non collective…Même au niveau du désir de la femme de l’autre, les Piraha ne connaissent pas ce problème : les couples se faisant et se défaisant selon les attractions du moment sans que cela ne gène quiconque : de même le « cocufiage » chez les couples « mariés » (pas de véritable mariage, mais liaison « affirmée ») ne porte à aucune conséquence sérieuse : de quelle façon le désir mimétique peut-il opérer chez un tel groupe : qui peut résolument être considéré comme « primitif » en termes de culture matérielle (ils ne produisent rien) voir même culture tout court (aucun système de mythes, un des langages les plus simples au monde, absence de nombre, de vocables pour les couleurs, etc…) et donc peut servir d’indicateur quant aux groupes « archaïques » humains…(« archaïques » et « primitifs » uniquement pour que l’on se comprenne).
Si tant est qu’il ait su parler, il ne lui restera à peu près rien de sa compétence passée, il n’apprendra plus ou si peu, ne sera intéressé que pour rester sur son île et les religieux souhaitant l’évangéliser échoueront à coup sûr.
Pourra-t-on en conclure qu’il n’a pas connu le langage et est né hors de toutes représentations culturelles ? Certainement pas.
Il me semble que l’on est ici un peu dans la même situation.
Nope…les Piraha fondent leur culture justement sur ce refus de tout « changement » ou d’intégration d’apports extérieurs : ils ne sont pas un groupe isolé, sont en contact permanent avec d’autres groupes (indiens ou autres), échangent, etc… mais refusent d’intégrer quoi que ce soit, notamment parce que convaincus de leur supériorité et de la parfaite adaptation de leur mode de vie à leur environnement (sur ce point, ils n’ont pas vraiment tort)…D. Everett qui en a emmené plus d’un dans les métropoles brésiliennes, et donc par avion a pu constater que absolument RIEN ne les intéressait, ni ne les surprenait : ni le voyage en avion, ni les villes, etc…
Sinon, c’est trés « girardien » comme contre-argument, si il n’y pas de preuve de pratiques sacrificielles cela confirme qu’elles ont existé...bref l’absence de preuve de telle ou telle pratique devenant preuve en soi de leur existence (antérieure)...l’idée girardienne que les mythes mentent, et donc que sa théorie est valide puisque le mensonge supposé et détecté par G. en est la confirmation.
Back to the Piraha, un psychologue -nom à retrouver, les ayant étudié, les considère comme le groupe le plus heureux (ou « mentalement » sain) au monde : n’existe chez eux ni dépression, ni suicide, etc… d’ailleurs D. Everett en a fait la découverte de façon « malheureuse » puisque lors de ses premiers contacts visant à les évangéliser (échec total lorsqu’il n’a pu affirmer avoir rencontré que ce soit Jesus ou Dieu), il leur parla de sa mère dépressive ayant fini par se suicider : son récit poignant ayant engendré une explosion d’hilarité chez les Piraha, pour qui l’idée de suicide est autant incongrue qu’étrangère…
Le seul moyen d’y voir plus clair serait de pouvoir rapprocher génétiquement cette peuplade d’autres peuples mieux connus (et sûrement mieux dotés culturellement).
Les Piraha sont le dernier groupe survivant du groupe Mura, exterminé en raison de sa résistance à toute tentative d’assimilation ou « pacification » : les groupes Mura historiques ne semblent pas avoir été très différents (culture matérielle, et de ce que l’on sait de leurs cultures) des Piraha : à savoir des chasseurs-cueilleurs nomades, vivant en bord de rivière.
On aurait alors la preuve (si tant est qu’on ne l’ait pas déjà) que des régressions culturelles sont possibles.
Je ne reviendrai pas sur cette idée de « régression culturelle » pour des groupes qui n’ont pas opéré une régression culturelle mais se sont adaptés à un nouvel environnement, auxquels ils se sont adaptés, et en conséquence ont produit un nouveau modèle culturel (éliminant parfois le « superflu » relatif à leur culture antérieure).
Si par contre leur ADN est humain mais absolument unique, alors peut-être que l’hypothèse girardienne devra être questionnée sous ce rapport.
Bon, voilà ce que je peux en dire.
Niveau ADN, les Piraha (femmes) n’ayant aucun problème à échanger des faveurs sexuelles contre telle ou telle chose : un grand nombre des Piraha actuels sont métisses : bien que l’apprentissage du portugais soit chez eux aussi limité que l’intégration de toute chose extérieure.
Pour le reste, vous me semblez reprendre l’argumentation habituelle des « girardiens » : à savoir que les anthropologues, les ethnologues seraient au final les moins qualifié dès lors qu’on parle d’anthropologie et d’ethnologie ou manquent de « réflexion » : bref que tout le monde (notamment dans les familles littéraires et « psy ») sont qualifiés mais pas ceux qui justement passent au crible l’immense accumulation de donnée ethno-anthropologiques accumulées au cours des deux derniers siècles au moins…et sont bien obligés de constater que des concepts sous-entendant une « évolution » et scindant les groupes humains entre « primitifs » et « civilisés », les religions entre « archaïques » et « évoluées/élaborées », etc...ou même l’existence d’universels culturels sont loin d’être validés : et cela pas uniquement par l’étude de groupes/cultures préhistoriques/historiques mais aussi par celle de groupes contemporains ainsi que la découverte de nouveaux groupes (i.e. : les groupes dits « isolés »).
Donc, je reviens à mon argument principal : la pratique (rituelle ou autre) du sacrifice n’est pas un des invariants qui selon vous se dégagerait : pas même que n’existe d’arborescence : dans les faits l’incapacité même à pouvoir envisager le Réel ne serait-ce que de la façon dont certains groupes actuels le font, sans parler de groupes préhistoriques ou proto-humains, témoigne suffisamment que nous ne sommes pas face à un "arbre et ses diverses branches évolutives et racines primitives" mais face à des mondes/réalités soit interagissant entre eux, soit s’ignorant : le seul invariant étant l’expérience humaine fondant ces réalités : bien entendu, une approche « toute-mimétique » niant par définition la singularité, ne peut accepter un tel modèle fondée sur la Singularité en premier lieu (à noter que mimétisme et singularité peuvent aller de pair, le mimétisme opérant sur les structures ou les « vecteurs » -nécessité de formes et systèmes identifiables/stables- permettant aux singularités de s’exprimer : cf mon exemple du Jeu : tous par mimétisme suivent les mêmes règles, voir imitent les stratégies de l’autre mais seule la singularité fournit les moyens de « gagner »).
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Hmmm…nulle intention chez moi de vous piéger : j’apporte ma réaction à votre article- t come vous m’y avez invité il y a quelques semaines, et joue le rôle de l’agent contradicteur, histoire de faire bonnes mesures.
Rassurez-vous ce n’était qu’une formule de réthorique. Pour dire que vous excellez dans l’exercice consistant à apporter la contradiction et je vous en remercie quoi qu’il en soit.
Je n’avais certes pas anticipé que vous ameneriez un tel niveau de contradiction mais si je l’avais su, il est clair que je vous aurais expressément invité à le faire.
La polémique est pour moi une occasion de penser, de mettre à l’épreuve mes représentations et de les affiner.
Donc j’adore quoi qu’il arrive, surtout si on peut me montrer que je trompe ici ou là.Quant à vous convaincre stricto sensu, vous ayant lu, là n’était pas mon propos.
Je crois que même si on s’en défend, toute communication est destinée à être entendue et... acceptée.
Que ce soit avec véhémence ou une indifférence affichée, on souhaite toujours que l’autre reconnaisse la validité de nos arguments,
c’est cela que j’appelle chercher à convaincre.
Cela étant dit, je vais revenir sur certains points de votre réponse :
En premier lieu, votre contre-argument (classique) concernant mon évocation des données archéologiques : l’absence de preuve n’est pas preuve de l’absence.
Certes mais partant de là, vous ne faites que confirmer ce que je disais en intro : la théorie girardienne est avant tout une construction « intellectuelle » (ou « littéraire » : en déconstruisant les mythes, il produit un super-mythe des origines) et de nature « pseudoscientifique » puisque de facto cette théorie est invérifiable : Girard d’ailleurs n’hésitant pas expliquer que si d’autres interprétations des mythes qu’il interprète le contredisent, cela ne fait en fait que valider sa théorie (les mythes=mensonges camouflant le « meurtre » originel) : bref on tourne en rond que ce soit sur le plan (arte)factuel ou simplement intellectuel.
Pour le reste, bien que l’absence de preuve ne soit pas en soi preuve de l’absence : j’imagine que vous noterez l’importance (que ce soit en termes d’espace géographique, qu’en termes temporels) de cette dite absence : bref quelques centaines de milliers de millénaires…au minimum, reconnaissez que vous ne pouvez rejeter aussi simplement cette « absence de preuve ».
Si les populations sont peu nombreuses réparties sur des espaces immenses avec une « territorialité » faible ou nulle on peut concevoir que les contacts, donc les confits soient rares ou quasi absents.
Je ne vois pas en quoi cela mettrait à mal l’hypothèse girardienne ?
Quel axiome se verrait ici infirmé ?
En vous suivant, si m’en prenait l’envie, je pourrais à la façon de Girard arguer que les fondations du Religieux ne sont pas la violence (de même que le passage du proto- à l’Humain) mais l’action d’entités exoterrestres : [...] ces croyances en des agents exoterrestres étant quasi universelles et persistantes pointent vers quelque chose d’incontournable…et si Girard opte pour l’explication par le mensonge/travestissement pour supporter ses interprétations de tel ou tel mythe, j’opterai pour quelque chose de plus simple : mémoire imparfaite des événements évoqués par ces mythes.
Bref, il faut bien un moment se fonder sur quelques éléments concrets, si l’on veut débattre objectivement.
Je reviens donc à votre supposition de ma méconnaissance dans le registre éthologique :
Ce n’est pas le cas ?
si je me rappelle bien, vous m’aviez interpellé à la suite d’un com où j’évoquais De Waal ainsi que Goodall (soit les mêmes références que vous employez) : j’y reviens après ce passage de votre réponse :
Vous mettez en avant ici, dans votre conclusion, deux arguments qu’on peut (donc) penser essentiels, à savoir :
a) l’absence d’antériorité du sacrifice sur le symbolique et
b) l’absence de traces de guerres au paléolithique.En effet l’antériorité du symbolique sur le sacrifice me semble essentielle : puisqu’elle témoigne d’une capacité de représentation et symbolique (production symbolique) ne nécessitant pas l’existence de rites sacrificielles ;
quant à l’absence de traces de guerre au paléolithique : elle venait simplement afin de rappeler les profondes mutations au Néolithique qui non seulement voit la multiplication des conflits guerriers mais aussi de la pratique de sacrifices rituels, humains et/ou animaux : en cela : je me répète la possibilité même de noter ces changements radicaux comparés au Paléolithique, au vu du nombre de sites, artefacts, etc… en témoignant, me semble difficile à rejeter d’un simple revers de la main, quand les évidences (conformes à la thèse girardienne) elles brillent bel et bien par leur absence.
Il faudrait pour cela que vous ayez prouvé qu’il n’existe pas d’autres possibilités d’actualisation des hypothèses girardiennes.
Je pense que cela sera difficile vu que, ainsi que je l’ai argumenté dans le texte original, on observe déjà chez les chimpanzés des quasi-rituels « mi-chasse-mi-sacrifice » qui servent déjà cette fonction d’apaisement social que les formes sacrificielles ultérieures accompliront avec toujours plus d’efficace.
Or ces pratiques ne laissent aucune trace : un groupe de mâles se jette comme un seul homme sur un pauvre colobe qui (vivant au milieu de la troupe des chimpanzés, donc plus ou moins assimilé, donc on est autant dans le sacrifice que dans la chasse) a, pour son malheur, poussé un cri plus fort que les autres et se voit donc saisi, tué, dépecé et partagé entre tous les membres de la troupe sans référence aucune aux structures de dominance, voilà un moment sacrificiel qui est parfaitement fonctionnel sans s’appuyer sur aucune structure matérielle. Donc zéro traces, à part des débris d’os dans les selles (mais seuls les éthologues vont regarder de ce côté n’est-ce pas ? Les selles du paléolithique se sont depuis longtemps évanouies je suppose).
Vous m’accorderez qu’en raison de leur présence chez des grands singes, Il est permis de supposer que de telles pratiques ont pu aussi exister dans la lignée humaine et se perpétuer (dans le paléolithique) sans laisser de traces jusqu’à ce que je ne sais quelle « invention » (représentation analogique, symbolique, technique, etc.) vienne à changer la donne pour amener à des pratiques utilisant des supports aptes à faire trace.
Ensuite cette absence de groupe « guerriers » renvoie aussi à un autre élément, qui me semble, suffisamment pertinent pour être considéré ici : à savoir l’absence d’armes à fonction « homicide » jusqu’à une période récente (Néolithique avancé, voir tardif pour l’apparition d’armes « spécialisées ») avant cela, et quelque soit le groupe « homo » concerné (donc les diverses familles homo… à outils, les protohominiens, protohumains, les humains « archaïques », les humains « primitifs ») les armes à fonction homicide brillent par leur singulière absence : or si je réfère à la horde primitive girardienne, en état de tension si ce n’est conflit mimétique permanent : l’inexistence de telles armes –notamment comparés à la sophistication dans les autres outils ou armes de chasse/pêche produits- me laisse dubitatif…en effet, dans un tel contexte, doublé de la capacité prodigieuse du genre « homo » à produire des outils et armes adaptés à tel ou tel emploi particulier, l’inexistence d’armes à fonction homicide ou défensive me semble être un contre-argument autant valide que solide à cette idée de groupes primitifs vivant constamment en état de tension mimétique, et toujours sous la menace de l’explosion de violence supposément conséquente.
Cette dernière pourrait parfaitement s’organiser autour d’un protoreligieux sacrificiel non outillé non symbolisé sans avoir besoin de conflits extérieurs pour assurer la cohésion du groupe. -
désolé, j’ai buggé, le post ci-dessus n’est pas bien toiletté et va être difficile à lire, je recommence en dessous.
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Hmmm…nulle intention chez moi de vous piéger : j’apporte ma réaction à votre article- t come vous m’y avez invité il y a quelques semaines, et joue le rôle de l’agent contradicteur, histoire de faire bonnes mesures.
Rassurez-vous ce n’était qu’une formule de réthorique. Pour dire que vous excellez dans l’exercice consistant à apporter la contradiction et je vous en remercie quoi qu’il en soit.
Je n’avais certes pas anticipé que vous ameneriez un tel niveau de contradiction mais si je l’avais su, il est clair que je vous aurais expressément invité à le faire.
La polémique est pour moi une occasion de penser, de mettre à l’épreuve mes représentations et de les affiner.
Donc j’adore quoi qu’il arrive, surtout si on peut me montrer que je trompe ici ou là.Quant à vous convaincre stricto sensu, vous ayant lu, là n’était pas mon propos.
Je crois que même si on s’en défend, toute communication est destinée à être entendue et... acceptée.
Que ce soit avec véhémence ou une indifférence affichée, on souhaite toujours que l’autre reconnaisse la validité de nos arguments,
c’est cela que j’appelle chercher à convaincre.
Pour le reste, bien que l’absence de preuve ne soit pas en soi preuve de l’absence : j’imagine que vous noterez l’importance (que ce soit en termes d’espace géographique, qu’en termes temporels) de cette dite absence : bref quelques centaines de milliers de millénaires…au minimum, reconnaissez que vous ne pouvez rejeter aussi simplement cette « absence de preuve ».
La question est savoir qu’est-ce qui est absent exactement ?
Si les populations sont peu nombreuses réparties sur des espaces immenses avec une « territorialité » faible ou nulle on peut concevoir que les contacts, donc les confits soient rares ou quasi absents.
Je ne vois pas en quoi cela mettrait à mal l’hypothèse girardienne ?
Quel axiome se verrait ici infirmé ?
En vous suivant, si m’en prenait l’envie, je pourrais à la façon de Girard arguer que les fondations du Religieux ne sont pas la violence (de même que le passage du proto- à l’Humain) mais l’action d’entités exoterrestres : [...] ces croyances en des agents exoterrestres étant quasi universelles et persistantes pointent vers quelque chose d’incontournable…et si Girard opte pour l’explication par le mensonge/travestissement pour supporter ses interprétations de tel ou tel mythe, j’opterai pour quelque chose de plus simple : mémoire imparfaite des événements évoqués par ces mythes.
Je reviens donc à votre supposition de ma méconnaissance dans le registre éthologique :
Ce n’est pas le cas ?
En effet l’antériorité du symbolique sur le sacrifice me semble essentielle : puisqu’elle témoigne d’une capacité de représentation et symbolique (production symbolique) ne nécessitant pas l’existence de rites sacrificielles ;
Je pense que cette antériorité n’est pas établie quels que soient les éléments dont vous disposez qui pourraient le laisser espérer
quant à l’absence de traces de guerre au paléolithique : elle venait simplement afin de rappeler les profondes mutations au Néolithique qui non seulement voit la multiplication des conflits guerriers mais aussi de la pratique de sacrifices rituels, humains et/ou animaux : en cela : je me répète la possibilité même de noter ces changements radicaux comparés au Paléolithique, au vu du nombre de sites, artefacts, etc… en témoignant, me semble difficile à rejeter d’un simple revers de la main, quand les évidences (conformes à la thèse girardienne) elles brillent bel et bien par leur absence.
Il faudrait pour cela que vous ayez prouvé qu’il n’existe pas d’autres possibilités d’actualisation des hypothèses girardiennes.
Je pense que cela sera difficile vu que, ainsi que je l’ai argumenté dans le texte original, on observe déjà chez les chimpanzés des quasi-rituels « mi-chasse-mi-sacrifice » qui servent déjà cette fonction d’apaisement social que les formes sacrificielles ultérieures accompliront avec toujours plus d’efficace.
Or ces pratiques ne laissent aucune trace : un groupe de mâles se jette comme un seul homme sur un pauvre colobe qui (vivant au milieu de la troupe des chimpanzés, donc plus ou moins assimilé, donc on est autant dans le sacrifice que dans la chasse) a, pour son malheur, poussé un cri plus fort que les autres et se voit donc saisi, tué, dépecé et partagé entre tous les membres de la troupe sans référence aucune aux structures de dominance, voilà un moment sacrificiel qui est parfaitement fonctionnel sans s’appuyer sur aucune structure matérielle. Donc zéro traces, à part des débris d’os dans les selles (mais seuls les éthologues vont regarder de ce côté n’est-ce pas ? Les selles du paléolithique se sont depuis longtemps évanouies je suppose).
Vous m’accorderez qu’en raison de leur présence chez des grands singes, Il est permis de supposer que de telles pratiques ont pu aussi exister dans la lignée humaine et se perpétuer (dans le paléolithique) sans laisser de traces jusqu’à ce que je ne sais quelle « invention » (représentation analogique, symbolique, technique, etc.) vienne à changer la donne pour amener à des pratiques utilisant des supports aptes à faire trace.
Ensuite cette absence de groupe « guerriers » renvoie aussi à un autre élément, qui me semble, suffisamment pertinent pour être considéré ici : à savoir l’absence d’armes à fonction « homicide » jusqu’à une période récente (Néolithique avancé, voir tardif pour l’apparition d’armes « spécialisées ») avant cela, et quelque soit le groupe « homo » concerné (donc les diverses familles homo… à outils, les protohominiens, protohumains, les humains « archaïques », les humains « primitifs ») les armes à fonction homicide brillent par leur singulière absence : or si je réfère à la horde primitive girardienne, en état de tension si ce n’est conflit mimétique permanent : l’inexistence de telles armes –notamment comparés à la sophistication dans les autres outils ou armes de chasse/pêche produits- me laisse dubitatif…en effet, dans un tel contexte, doublé de la capacité prodigieuse du genre « homo » à produire des outils et armes adaptés à tel ou tel emploi particulier, l’inexistence d’armes à fonction homicide ou défensive me semble être un contre-argument autant valide que solide à cette idée de groupes primitifs vivant constamment en état de tension mimétique, et toujours sous la menace de l’explosion de violence supposément conséquente.
Cette dernière pourrait parfaitement s’organiser autour d’un protoreligieux sacrificiel non outillé non symbolisé sans avoir besoin de conflits extérieurs pour assurer la cohésion du groupe. -
Même en substituent « archaïque » par animal, cela ne change rien à ce que j’entendais : ce type de qualification n’a aucun sens : encore moins lorsqu’on évoque des espèces différentes : ceci est une approche « orientée » de l’évolution avec une sorte d’hiérarchisation interespèces conçue comme « (téléo-)logique » : quand bien même après des milliards d’années d’évolution, la Vie est principalement représentée (en nombre, en volume, etc…) par des bactéries, virus, microbes, etc… qui vraisemblablement sont au sommet en termes de capacité adaptive : ici mon propos est simplement ma réaction habituelle à toute forme de hiérarchisation arbitraire entre espèces ou groupes humains : rien de personnel.
J’ai moi-même toujours argumenté dans cette ligne en reprenant tous ceux qui font dans la téléologie et l’idée que l’Homme plus adapté que les autres êtres vivants. C’est pourquoi j’ai du mal à voir ce qui pose problème dans l’usage du mot archaïque. Pour moi ce mot renvoie simplement à une antériorité de forme. Les cellules souches sont « archaïques » au sens où elles sont antérieures aux tissus qu’elles engendrent. Les stades embryonnaires sont « archaïques » relativement aux formes développées. Et les premières formes d’échanges entre la mère et l’enfant sont archaïques relativement aux relations « civilisées » qu’ils auront par la suite. L’archaïque est pour moi loin d’être minoré car au contraire, je le perçois comme les cellules souches : totipotent.
Or, puisque vous évoquez la question de l’antériorité, je pense que vous conviendrez que l’animal offre un modèle antérieur à n’importe quelle société humaine, actuelle ou passée.
Or, si chez l’animal vous repérez déjà des formes sacrificielles alors que par ailleurs il est clair qu’aucune forme symbolique n’est présente dans son espace vital, je crois que la démonstration est faite que l’argument que vous opposez à Girard ne tient pas.
Hmmm…visiblement il y a quelques éclaircissements nécessaires à apporter : d’un Girard fait du sacrifice (rituel collectif autant en termes de participation que fonction) la source UNIQUE du Religieux, et in extenso de l’Humain : chez les animaux les supposées pratiques « sacrificielles » (ici « supposées » a pour fonction de rappeler à nouveau un biais opérant lors de l’emploi du terme « sacrifice » principalement entendu selon l’idée-concept de sacrifice dans le paradigme « occidental » (i.e. substrat indoeuropéen, chrétien, monothéiste…) ne se limitent pas à cette définition girardienne, ni même peut-on qualifier ces pratiques de résolution de la violence/maintien de la paix de « rituels sacrificiels » : d’autant plus qu’en termes de régulation de la violence, quantité d’alternatives existent : notamment la diplomatie « femelle », le jeu, le sexe, etc…
Soit vous contestez l’existence de formes sacrificielles animales servant des fonctions de pacification soit vous l’admettez.
Si vous l’admettez, votre argument d’antériorité ne tient plus.
Concernant les autres formes de régulation de la violence intestine, je vous suis bien volontiers, sauf pour le jeu.
Car jai beaucoup insisté dans mon texte original sur la diplomatie femelle magnifiquement observée par de Waal.
Le sexe est apparu avec les bonobos comme une formidable stratégie de pacification et il faudra éclaircir ce que, justement, elle a pu devenir dans la lignée des humains.
Pour le jeu, je reste sur la superbe analyse sacrificielle qu’en a donné Girard.
Autrement dit, le jeu est pour moi adossé au sacrifice. Il est donc post-sacrificiel. Il n’est pas une alternative en propre comme les deux précédentes voies.
*Quoi qu’il en soit, je pense qu’à partir de là vous ne pouvez nier que l’importance même de ces stratégies dans l’organisation sociale des chimpanzés est en soi un indice assez sûr que Girard vise juste en pointant que le conflit intra-groupe est le premier danger auquel la horde est exposée.
A nouveau ici, votre contre-argument opère de façon très « girardienne », en généralisant d’emblée tel ou tel comportement animal.
Ensuite, vous semblez faire limiter le degré de développement cognitif des primates (mais aussi d’autres animaux) en évoquant l’absence (supposée) de forme symbolique : ici je répondrai que a) cette absence n’est pas aussi évidente (usage d’outils, les diverses formes de langage animal, la conscience de soi, raisonnement « problem solving », ainsi que capacité à « compter » (i.e. distinguer en termes de quantité, et calcul élémentaire) etc… tous requièrent une capacité à la représentation, à l’abstraction, au symbolisme : même si en raison de diverses contraintes (notamment anatomiques/biologiques) la production « matérialisée » en soi de systèmes symboliques n’apparaît pas : cela concernant autant certains primates, que les dauphins, les éléphants, et plusieurs espèces d’oiseaux…Partant de là, à nouveau : ces rituels à vertu « sacrificielle » se voient précédés par cette capacité « proto-symbolique » chez les espèces concernées : dans les cas qui nous intéressent : conscience de soi (et donc capacité à se distinguer de l’autre), ainsi que langage et usage d’outils…Ces éléments me semblent devoir être intégrés si votre approche vise à formuler une théorie « complète ».
C’est justement pour cela que je ne me laisse pas abuser : la limite entre sub-symbolique et symbolique n’est pas vaine.
Que dans le contexte des outils humains de communication les animaux se révèlent capables de manipuler des symboles ne changent rien au fait qu’ils n’ont pas inventé de cultures symboliques.
L’hypothèse girardienne a ceci d’excitant qu’elle permet de comprendre comment a pu advenir ce passage du sub-symbolique au symbolique.
Mon texte original fournit des exemples qui, à tout le moins suggèrent, que le sacrificiel s’origine dans l’animal et qu’il a déjà une fonction de régulation de la violence intestine.
Le symbolique a toujours été à mon sens hypostasié. On ne saurait en minimiser l’importance mais pour autant, il n’est pas premier. Le modèle animal le montre à l’envi, je crois.
Soit : partant de là puisque vous m’avez renvoyé à l’éthologie et au règne animal : pourquoi ne considérer QUE ce mode de régulation de la violence intragroupe ? Alors que vous savez pertinemment qu’existent d’autres modes de régulation, et que conséquemment SI c’est le cas chez l’animal (« antérieur ») pourquoi cela ne peut être le cas chez le proto-humain ? Pourquoi les proto-humains n’auraient eu d’autre choix que ce type de pratique, alors que l’éventail d’options alternatives était déjà large (si renvoyé au stade animal antérieur) et que ce qui justement distingue ces proto-humains de leurs ascendants « animaux » sont des capacités cognitives, mentales, etc… plus développés, avec pour conséquence d’élargir encore plus le nombre de modes de régulation possible : j’ai cité en exemple le Jeu, mais je pourrais renvoyer à la diplomatie « femelle », au sexe, etc…et si cela ne suffisait pas : le PARTAGE qui par définition en faisant que tout « objet » est l’objet de TOUS, il ne peut l’objet d’un AUTRE, que les autres par rivalité mimétique désireraient au point de détruire le groupe…
Les protohominiens ont probablement fait feu de tous bois pour contenir la violence intestine, pour se donner des stratégies de réconciliation.
La diplomatie femelle a donc dû être présente partout.
La question n’est donc pas là, je crois.
Elle porte plutôt sur l’importance relative des différentes stratégies possibles.
Chez les Bonobos ce qui est venu à dominer, c’est la sexualité tous azimuts, donc une stratégie de réconciliation non violente.
Mais je gage que, chez eux, la diplomatie (male ou femelle) n’a pas dû être inexistante pour autant.
Chez les hommes, les faits historiques et préhistoriques invitent à penser que c’est la réconciliation violente via le sacrifice qui a dominé.
Et cela alors que, par ailleurs, beaucoup d’indices (relevés par Desmond Morris) suggèrent que les protohominiens ont pu explorer la voie Bonobo au sens où nos corps semblent superbement conçus « pour » faire l’amour.
Ce qu’ont peut postuler, je crois, c’est que, pour quelque raison que ce soit, des groupes ont choisi la voie de la réconciliation violente, et ont très vite dominé, répandant cette culture et faisant éventuellement disparaître les sociétés plus fragiles de leurs concurrents.
C’est cela, je crois, qui a fait l’Homme : ce choix de la réconciliation violente, sacrificielle, qui a été à la base, à un moment ou un autre, de toutes les sociétés humaines, au sens où nous venons de là et de nulle part ailleurs.
Qu’il y ait eu par la suite des sociétés particulières qui aient évolué vers toujours moins de violence, c’est non seulement possible, c’est complètement dans l’ordre des choses qui est, Frans de Waal l’a bien montré, de toujours rechercher la paix entre prochains.
Le corps électoral des femelles veut cela et il y a une tendance basique pour ça.
Mais la chose fascinante à comprendre et qui découle plus ou moins directement de l’approche girardienne, c’est que plus une société pratique la réconciliation violente, plus elle s’organise autour du sacrifice ou de la guerre (autre forme de sacrifice j’y reviendrai ultérieurement) et plus elle peut instaurer un ordre social strict, plus elle peut jouir d’une paix interne en raison de la solidarité et du respect des normes qu’impose l’effort de guerre.
Bref, on peut postuler un bénéfice assez maléfique pour les sociétés sacrificielles et guerrières : elles sont plus stables, elles dominent : c’est la survivance du plus apte.
Ou à quantité d’autres méthodes, employées chez des groupes dits « primitifs » actuels : exemple : dans certains groupes bushmen (où n’existe ni hiérarchie sociale, ni division spécifique du « travail », ni de pratiques sacrificielles, etc…) lorsqu’un chasseur revient victorieux de sa chasse, il laisse son butin du jour sur place, revient au campement et suit le rituel suivant : se présentant devant le groupe, en disant –je simplifie, voir caricature volontairement- "comme d’hab, j’ai rien chopé, je suis vraiment nul, pas même foutu d’attraper un lézard, etc…" bref il se ridiculise volontairement puis continue ainsi " mais si vous allez tel endroit, je crois que j’ai vu quelque chose…" : il donne donc la localisation du gibier du jour, les autres membres du groupe iront le récupérer, tandis qu’un individu fera office d’arbitre (fonction non hiérarchique, et non permanente) :
Ici simple exemple pour montrer de quelle façon (somme toute simple) un groupe « primitif » peut limiter les débordements « mimétiques » et la violence en résultant, en a) neutralisant les prétentions individuelles (ego) et b) en neutralisant les rivalités potentielles…
En effet, d’où croyez-vous que viennent ces stratégies hypersophistiquées d’applanissement de tous les reliefs « égotiques » susceptibles de susciter la concurrence mimétique ? D’une connaissance tacite de la puissance maléfique du mimétique sous le rapport de la conflictualité et de la violence qu’elle peut engendrer.
Il y a là un déploiement du religieux (sécularisé autant que vous voulez) dans la dimension du tabou et de l’interdit : chacun s’interdit de se mettre en avant car le risque serait trop grand d’allumer les feux de la convoitise que nourrit le mimétique.
Il s’agit donc d’une stratégie anti-mimétique qui traduit excellement la connaissance très juste qu’ont les sociétés traditionnelles de la puissance du mimétique que nos sociétés modernes cultivent à l’envi via la publicité.
C’est exactement ce que, me semble-t-il, nous retrouverons chez les Piraha : un rehaussement systématique de la vigilance à l’égard des comportements susceptibles d’entraîner le conflit. Un évitement volontaire de la divagation libre du désir et une focalisation assidue sur la reproduction des comportements qui ne suscitent pas ou contiennent le conflit. Le choix délibéré de la vie simple parce qu’elle est gage de paix -
Le fait que des groupes agro-pastoraux/agriculteurs puissent devenir des groupes « chasseurs-cueilleurs » non pas en raison d’une quelconque « régression culturelle » supposée mais généralement en raison d’un changement d’environnement, en conséquence le plus souvent de migrations contraintes et causées par changement climatique, éruption, cataclysme, etc…. est parfaitement connu des anthropologues et ethnologues : notamment concernant le domaine amérindien où c’est une situation assez commune. Et même en cas d’absence de mémoire collective de ce passé « agricole », existent suffisamment d’éléments culturels permettant de le déterminer le cas échéant et de les distinguer des autres groupes ayant toujours été « chasseurs-cueilleurs ».
Merci pour cette confirmation qu’une société donnée peut avoir un passé, un « âge d’or » disparu dont la perte, précisément, avec les tribulations qui l’ont accompagnée, a pu amener le groupe à vivre sur la base de règles beaucoup plus strictes afin d’assurer la cohésion du groupe, cad, la paix. C’est cela que j’appelle maladroitement une « régression culturelle » au sens où l’accentuation de la prégnance des règles amène une polarisation de la société sur un ensemble de principes plus limités.
Dans le cas des Piraha : un élément que vous n’avez pas noté : l’absence de nombre : les Piraha sont incapables de compter : ne distinguent le résultat d’une pêche : exemple 10 poissons vs 100 poissons : uniquement en terme de « un peu de poissons » et « beaucoup de poissons », et bien entendu pareil entre 100 poissons, noix, etc… et 500 poissons, noix, etc… la conséquence pratique étant qu’ils se font généralement arnaquer par les Brésiliens « civilisés » faisant business avec eux …dans ce cas précis, l’absence de nombres suffit à considérer comme peu probable un passé d’agriculteurs ou de pasteurs : vous comprendrez aisément pourquoi…
Je vous suis bien dans cette inférence, mais le fait d’infirmer une ascendence agro/pastorale ne suffit pas pour écarter la possibilité de ce que, pour le moment, j’appelle « régression culturelle »
Il n’existe pas de « pauvreté culturelle » dans ce groupe, mais un refus conscient et volontaire de toute production : exemple : quand bien même ils pourraient « imiter » les groupes voisins, ou par exemple produire les paniers tressés qu’ils utilisent au quotidien avec des matériaux plus solides : ils ne le font pas et cela « volontairement » : ils n’ont absolument aucun intérêt dans la conservation de quoi que ce soit (que ce soit des paniers plus solides, ou des machettes échangées contre des fruits, poissons, noix, etc…machettes qu’ils utiliseront deux ou trois fois puis abandonneront), ni dans la production de quoi que ce soit.
Ce que vous décrivez là peut se comprendre comme une culture fortement structurée autour du tabou de la possession ou de l’appropriation, cad, l’interdiction de ce sur quoi porte la mimesis. et que précisément Girard considère comme la source de toute conflictualité.
Donc l’exemple des Piraha, dès lors que nous ignorons l’ontogenèse culturelle de cette société, plaide plutôt en faveur de la thèse girardienne.
Celui-ci a en effet expliqué que les formes initiales du religieux allaient pouvoir être reproduites et donc interprêtées de mille manières.
Certains groupes s’attarderont sur le moment de la crise qui précède le sacrifice et feront la fête, cad un Carnaval où tout est permis alors que d’autres s’attarderont sur le moment qui suit la crise, quand tous sont conscients de ce qu’ils viennent de traverser et sont hypervigilants à ne pas recréer les conditions de la crise : ils pratiquent alors une « anti-fête » où les interdits sont suivis encore plus rigoureusement.
Que des sociétés humaines, étant donc passées par ces stades sacrificiels, en viennent ensuite à se stabiliser autour de pratiques culturelles très fermes et capables de tenir le conflit mimétique à distance, cela me paraît tout à fait compatible avec l’hypothèse girardienne.
Je ne vois rien là qui puisse l’infirmer.Mais si ces arguments ne vous suffisent pas : pléthore d’autres éléments vont en ce sens : n’existent chez eux aucune pratique rituelle, ni sacrificielle ; er termes de rivalité mimétique : les Piraha ne produisent RIEN, ne conservent RIEN (pas même la nourriture), et partagent TOUT ce qu’ils « ont » (entre guillemets puisque ici « avoir » n’a aucun sens) : les cas de violence dans ce groupe sont suffisamment rare pour que D. Everett (parti à leur rencontre en tant que missionnaire, ayant fini athée pour le coup) en plus de trois décennies à vivre à leur contact n’en est répertorié que deux ou trois : de nature non collective…Même au niveau du désir de la femme de l’autre, les Piraha ne connaissent pas ce problème : les couples se faisant et se défaisant selon les attractions du moment sans que cela ne gène quiconque : de même le « cocufiage » chez les couples « mariés » (pas de véritable mariage, mais liaison « affirmée ») ne porte à aucune conséquence sérieuse : de quelle façon le désir mimétique peut-il opérer chez un tel groupe : qui peut résolument être considéré comme « primitif » en termes de culture matérielle (ils ne produisent rien) voir même culture tout court (aucun système de mythes, un des langages les plus simples au monde, absence de nombre, de vocables pour les couleurs, etc…) et donc peut servir d’indicateur quant aux groupes « archaïques » humains…(« archaïques » et « primitifs » uniquement pour que l’on se comprenne).
Si j’ai été assez clair, vous aurez compris que aussi primitif qu’il puisse apparaître à première vue face à son dénuement matériel et culturel, le peuple Piraha ne l’est certainement pas.
Je pense plus raisonnable de supposer qu’il s’agit de l’aboutissement d’une stratégie adaptative basée sur l’inhibition, la retenue, tout ce qui va entraver la conflictualité du désir et en priorité, le simple fait de faire ce qu’on a toujours fait, le minimum, de ne posséder que le minimum de manière à rendre les conflits minimum.
Bref, je vois là une culture qui a poussé au maximum cette voie de régulation et qui est donc « très évoluée ».
Ce qu’il m’intéresserait beaucoup de savoir à leur sujet, c’est comment s’opèrent très concrètement les processus éducatifs des tout jeunes enfants (car eux, vous pouvez y compter, sont mimétiques comme vous et moi.
Ils doivent certainement faire un sacré bout de chemin pour se conformer aux normes sociétales des Piraha.
Heureusement, l’imitation étant ce qu’elle est, ils peuvent aller très viteSi tant est qu’il ait su parler, il ne lui restera à peu près rien de sa compétence passée, il n’apprendra plus ou si peu, ne sera intéressé que pour rester sur son île et les religieux souhaitant l’évangéliser échoueront à coup sûr.
Pourra-t-on en conclure qu’il n’a pas connu le langage et est né hors de toutes représentations culturelles ? Certainement pas.
Il me semble que l’on est ici un peu dans la même situation.
Nope…les Piraha fondent leur culture justement sur ce refus de tout « changement » ou d’intégration d’apports extérieurs : ils ne sont pas un groupe isolé, sont en contact permanent avec d’autres groupes (indiens ou autres), échangent, etc… mais refusent d’intégrer quoi que ce soit, notamment parce que convaincus de leur supériorité et de la parfaite adaptation de leur mode de vie à leur environnement (sur ce point, ils n’ont pas vraiment tort)…D. Everett qui en a emmené plus d’un dans les métropoles brésiliennes, et donc par avion a pu constater que absolument RIEN ne les intéressait, ni ne les surprenait : ni le voyage en avion, ni les villes, etc…
tout ceci confirme complètement mon propos précédent
Sinon, c’est trés « girardien » comme contre-argument, si il n’y pas de preuve de pratiques sacrificielles cela confirme qu’elles ont existé...
Argument fallacieux.
Je ne fais pas l’inférence consistant à voir une confirmation dans l’absence parce que précisément c’est ce que je vous reproche.
L’absence de preuves du sacrifice n’est pas preuve de l’absence de sacrifice.
Pour ma part, je dis seulement que l’absence de sacrifice caractérisé chez les Piharas n’est pas preuve qu’il n’a jamais existé au cours de leur histoire évolutive.
Et à cela, je le sais, vous n’avez rien à objecter car vous ne connaissez pas cette histoire évolutive dans le détail.
Back to the Piraha, un psychologue -nom à retrouver, les ayant étudié, les considère comme le groupe le plus heureux (ou « mentalement » sain) au monde : n’existe chez eux ni dépression, ni suicide, etc… d’ailleurs D. Everett en a fait la découverte de façon « malheureuse » puisque lors de ses premiers contacts visant à les évangéliser (échec total lorsqu’il n’a pu affirmer avoir rencontré que ce soit Jesus ou Dieu), il leur parla de sa mère dépressive ayant fini par se suicider : son récit poignant ayant engendré une explosion d’hilarité chez les Piraha, pour qui l’idée de suicide est autant incongrue qu’étrangère…
Excellent ! Merci quoi qu’il en soit de m’avoir appris l’existence de ce peuple.
Le seul moyen d’y voir plus clair serait de pouvoir rapprocher génétiquement cette peuplade d’autres peuples mieux connus (et sûrement mieux dotés culturellement).
Les Piraha sont le dernier groupe survivant du groupe Mura, exterminé en raison de sa résistance à toute tentative d’assimilation ou « pacification » : les groupes Mura historiques ne semblent pas avoir été très différents (culture matérielle, et de ce que l’on sait de leurs cultures) des Piraha : à savoir des chasseurs-cueilleurs nomades, vivant en bord de rivière.
On aurait alors la preuve (si tant est qu’on ne l’ait pas déjà) que des régressions culturelles sont possibles.
Je ne reviendrai pas sur cette idée de « régression culturelle » pour des groupes qui n’ont pas opéré une régression culturelle mais se sont adaptés à un nouvel environnement, auxquels ils se sont adaptés, et en conséquence ont produit un nouveau modèle culturel (éliminant parfois le « superflu » relatif à leur culture antérieure).
Pas de problème, nous pouvons appeler ça n’importe comment. L’important est juste d’admettre l’idée qu’il puisse y avoir eu un passé culturel, cultuel ou rituel à présent disparu.
Donc, je reviens à mon argument principal : la pratique (rituelle ou autre) du sacrifice n’est pas un des invariants qui selon vous se dégagerait : pas même que n’existe d’arborescence : dans les faits l’incapacité même à pouvoir envisager le Réel ne serait-ce que de la façon dont certains groupes actuels le font, sans parler de groupes préhistoriques ou proto-humains, témoigne suffisamment que nous ne sommes pas face à un "arbre et ses diverses branches évolutives et racines primitives" mais face à des mondes/réalités soit interagissant entre eux, soit s’ignorant : le seul invariant étant l’expérience humaine fondant ces réalités : bien entendu, une approche « toute-mimétique » niant par définition la singularité, ne peut accepter un tel modèle fondée sur la Singularité en premier lieu (à noter que mimétisme et singularité peuvent aller de pair, le mimétisme opérant sur les structures ou les « vecteurs » -nécessité de formes et systèmes identifiables/stables- permettant aux singularités de s’exprimer : cf mon exemple du Jeu : tous par mimétisme suivent les mêmes règles, voir imitent les stratégies de l’autre mais seule la singularité fournit les moyens de « gagner »).
J’entends ici une sorte de profession de foi où vous mettez en avant certains principes qui guident votre réflexion. C’est totalement respectable et j’entends ce que vous dites.
Pour ma part, darwinien bête et discipliné, je postule l’existence d’une arborescence, donc d’un lieu de passage unique vers l’Humain via l’invention dans un groupe de protohominiens aussi mimétiques que nous le sommes (fait peu contestable vous me l’accorderez) de pratiques sacrificielles au sens large (donc avec chasse et guerre en succession ou en même temps) qui l’ont amené à dominer et se disséminer, les distances immenses ayant permis et la warlessness et l’évolution tranquille vers des formes diverses qui font la richesse de l’espèce humaines.
Mais quoi qu’il en soit, chaque groupe a emporté avec lui la graine culturelle du religieux et en a fait ce que bon lui semble.
Certains ont disparus entretemps, nous ne connaissons que les survivants.
Nous en sommes d’accord, l’imitation ne pose aucune espèce de problème sous le rapport de l’originalité ou de la singularité.
Car comme l’a montré Tarde, celle-ci n’est que le résultat de la confluence singulière de différentes influences mimétiques.
Ensuite l’imitation permettra d’opérer la sélection (reproduction différentielle) entre les inventions qui valent le coup et celles qui ne sont pas adaptatives.
Mais bon, tout ça est un autre débat.
Pour conclure, comme vous l’aurez constaté, vos arguments n’atteignent ni le noyau dur, ni même la ceinture périphérique de la théorie girardienne.
Tout au contraire, ils viennent la nourrir, au sens où les données proposées y trouvent immédiatement leur place vu qu’elles ont été anticipées par Girard.
A partir de là vous pourriez poser la question de ce qui pourrait infirmer la théorie girardienne, afin que l’on puisse s’assurer qu’elle n’est pas, comme la psychanalyse immunisée contre la contradiction.
A cela je répondrai que Girard fait suffisamment d’assertions fortes pour qu’il soit facile de montrer qu’il se trompe.
La chose étrange est qu’il dérange, qu’il suscite même pas mal d’animosité mais que les spécialistes peinent à démontrer son erreur ici ou là.
Le pauvre Lewis en est réduit à dire que la prétention de Girard d’expliquer tout le culturel par le mimétique et le sacrificiel est absurde mais son livre dans son intégralité vient directement à l’appui de la thèse girardienne.
Pour ma part, je n’ai pas ce problème.
Car mon premier mouvement a été de pointer dans la thèse girardienne une « erreur » sous le rapport de l’évolution.
Il y en d’autres ici et là sur lesquels je reviendrai.
Mais elle n’affectent que la ceinture périphérique (au sens de Lakatos) de la théorie girardienne.
Le noyau dur, sacrificiel, est intact.
Il n’a pas fini de nous éclairer.
J’imagine que vous ne serez pas d’accord mais, quoi qu’il en soit, merci pour la contradiction.
J’ai beaucoup appris du chemin discursif que vous m’avez obligé à parcourir.
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Les Pirahãs peuvent facilement rentrer dans le cadre girardien : leur culture est orientée dans ce que Girard appelle l’anti-fête (comme le ramadan, le carême), ou l’ascèse, en diminuant les objets qui peuvent susciter la convoitise (La Violence et le Sacré). Par exemple, « Ils sont souvent affamés, non pas par manque de nourriture, mais par envie de s’endurcir (tigisái). » (http://fr.wikipedia.org/wiki/Piraha).
Quant aux découvertes archéologiques, j’ai plusieurs fois remarqué que, freinés par le tabou de la violence humaine, les chercheurs admettaient de plus en plus qu’ils faisaient des constatations de morts violentes, de crânes fracassées par des outils.
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oui, cela peut-être interprété sous une perspective girardienne, néanmoins ces jeûnes forcés peuvent s’entendre autrement que résultant d’une volonté de limiter les objets de convoitise : considérant que
a) les Piraha ne conservent aucune nourriture et en cas de surplus la partagent (une expression/réaction Piraha à l’idée de conserver la nourriture est que le garde-manger du Piraha est le ventre de son frère (i.e. partage),et que b) donc culturellement la nourriture ne peut a priori susciter quelque convoitise que ce soit au sein de ce groupe, après dans un environnement « jungle », l’abondance limite les situations conflictuelles sur ce pointensuite c) ces pratiques de jeûne forcé ou celle de sommeil par siestes peut tout autant renvoyer aux conditions difficiles d’un groupe de chasseurs-cueilleurs nomades opérant dans un environnement hostile et où autant vis à vis de la nourriture que des prédateurs/ennemis : le caractère aléatoire des rencontres/ressources obligent à s’endurcir...(si vous vous retrouvez dans la ligne de mire d’un jaguar, qui va vous traquer sans relâche pendant des jours : être entrainé à se passer de nourriture/sommeil vous offre un minimum de chance quant à un dénouement à votre avantage : pareil si à la place du jaguar, c’est une tribu hostile qui vous traque).Un autre exemple de cette volonté de s’endurcir pouvant s’expliquer autrement que par la réduction des sources de convoitise est par exemple les enfants Piraha : concept « enfant » qui stricto sensu n’existe pas dans la culture Piraha : puisque dès le sevrage achevé, les « enfants » sont traités exactement de la même façon que les adultes -bref même niveau de langage, même impératif de rechercher sa nourriture...on peut envisager qu’opèrerait ici une mémoire inconsciente d’un trauma antérieur (évolution dans un environnement partciulièrement hostile) ayant conduit à cet impératif d’endurcissement, somme toute assez peu commun (à un tel degré) chez les chasseurs-cueilleurs.quant aux sites paléo/archéo et crânes fracassés, os broyés, etc... a priori lorsqu’un tel site est découvert, la tendance est quasi immédiate d’y voir du sacrificiel tant souvent le chercheur aimerait avoir découvert un site d’ « importance » : après le plus souvent, les causes de ces crânes fracassés, os broyés, etc... apparaissent plus « banales » : action des animaux, rituels post-mortem, etc...au final, seuls quelques sites du Paléolithique tardif aujourd’hui permettent la spéculation sur de possibles activités sacrificielles (je renvoie ici au sacrifice humain)...sinon, je me répète : je renvoie toujours à « au jour d’aujourd’hui »... -
p.s. :
sur cette question de la nourriture et de la relation que les Piraha ont avec elles : une autre observation : si ils pratiquent ces jeûnes forcés, dès qu’ils ont accès à de la nourriture : ils se baffrent stricto sensu : exemple : des Piraha échange des noix contre x kilos de sucre : les Piraha s’enfilent les x kilo de sucre immédiatement après...lorsque Everett les a emmené en balade dans le monde civilisé : passage au resto et orgie...Après ils jeûnent... à noter qu’ils ne comprennent pas le pourquoi nos rites de consommation de nourriture (à savoir petit-déjeûner,déjêuner, dîner, etc...) ils mangent quand ils ont faim et s’empiffrent dès qu’il y a surplus puisqu’aucun stockage de nourriture (même au niveau conceptuel, l’idée leur est étrangère), et jeûnent par entrainement. -
p.s. (2) : à noter que sur le stockage de la nourriture : ils pourraient le faire puisque par exemple : ils savent fumer le poisson ou le gibier -qu’ils stockent donc avant échanges comme les noix ou autres, mais cette pratique est destinée uniquement pour le troc, non pour la consommation par les Piraha. Sans échange ou troc, ils ne stockent rien.
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super article je manque de temps pour le détailler mais j’ y reviendrai
pour l’instant juste un truc :
" Pour ma part, je veux croire que la psychologie synthétique [4] à laquelle je me consacre offre la possibilité de penser une unité du physique et du métaphysique, même si, je le reconnais, je coince déjà sur la question de la conscience extracorporelle [5] .«
vous ne pouvez pas envisager ça de manière théorique la seule issue c’est de plonger dans l’expérience.
si vous voulez penser le le » métaphysique« il faut sortir du paradigme de la croyance- non croyance qui est une invention locale. en d’autres termes poser les lunettes occidentales ( au moins momentanément )et prendre en compte l’incroyable : le vécu est réel !
vos singes en transe on conscience de l’ existence de quelque chose de réel qui est » au delà " d’eux mêmes. entre le corps mort et le corps vivant ils sont face a l’évidence que quelque chose est partit, pas uniquement parce qu’il n’ y a plus d’ animation mais mais parce qu’ils perçoivent ce que culturellement vous avez été conditionné a ne pas percevoir.
les différences ensuite proviennent de la qualité de la perception de ce dont il est question et des éventuelles interprétations qui sont faites a partir de ce moment.
c’est avec les formulations mentales que l’on entre dans la croyance la superstition etc ......
je ne sais pas si je suis clair mais je revient plus tard ...-
Bonsoir Gaijin,
Merci pour le compliment et pour la véhémence du propos.
Je comprends que vous êtes un croyant enthousiaste parce que vous accédez directement à ces réalités que nous sommes conditionnés à ne pas voir.
Je conçois parfaitement que vous puissiez voir les choses ainsi et je m’en réjouis pour vous car, dans l’idée que je m’en fais, c’est une grâce d’avoir les yeux ouverts sur l’invisible.
Maintenant, voyez-vous, ce qui m’intéresse c’est de trouver de la cohérence là où pour le moment elle fait défaut.
La conscience extra-corporelle, j’y crois et je n’ai pas besoin de l’expérimenter pour y croire. Je crois à la sincérité des nombreux témoignages qui l’évoque.
Il reste maintenant à en faire sens sous le rapport de cet objet étrange qu’on appelle conscience et dont la science n’a toujours livré le secret. Chacun y va de sa théorie, j’ai la mienne et, franchement, je crois qu’elle tient la route.
Toutefois elle échoue lamentablement avec la conscience extra-corporelle car elle est quand même basée sur le cerveau. Et si celui-ci n’est plus actif, alors je ne sais plus quoi dire.
Mais par contre, ça m’intéresse toujours !Donc voilà, je réfléchis et je m’en contente car j’aime beaucoup ça. Je n’ai jamais l’impression ni de me prendre la tête, ni de tourner en rond.
Je pense avoir les bons outils (évolution, systémique, systèmes dynamiques, théorie piagétienne, théorie girardienne, etc.) et, grâce au ciel, les idées viennent à foison.
Bref, pour conclure, j’ai une forte inclination théorique et suis peu porté à l’expérimentation.
Je me rassure en me disant que pour Gregory Bateson c’était pareil et surtout que le psychologue Lewin a dit que « il n’est rien de plus pratique qu’une bonne théorie »A plus tard ?
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" Merci pour le compliment et pour la véhémence du propos.
Je comprends que vous êtes un croyant enthousiaste "
désolé pour la véhémence mais j’ai tapé ça a la mitrailleuse ( et j’ai encore une journée chargée )
justement je ne suis pas un croyant c’est ça qui compte ( je m’ efforce bien au contraire de déraciner toute forme trace de croyance et c’est un sacré boulot .....)
vous posez les bonnes questions mais pas dans le bon ordre, partez du principe que la conscience n’est pas dans le cerveau ça vous changera la vie ( vous pouvez penser les deux pas de soucis )
alors qu’est ce que le cerveau ? a quoi sert t’ il ?
( vous comprenez bien je suppose que dire que la conscience est dans le cerveau n’est qu’un postulat : on n’en sait rien, sinon vous ne vous poseriez pas ces questions ........mais vous ne pouvez pas penser une conscience extra corporelle a partir de ce postulat. ) -
Merci pour votre réponse,
qui me laisse perplexe comme vous pouvez l’imaginer.Pour ce qui est de la croyance, pas de problème. Pour moi, tout le monde est croyant dans la réalité qu’il pense être la sienne.
Dans votre réalité, il y a de la conscience extra-corporelle (si j’ai bien compris), donc vous êtes plus proche des croyants au sens traditionnels que ne le sont les sectataires de la « libre pensée ».La conscience dans le cerveau n’est pas un postulat. C’est fait prouvé expérimentalement.
Coupez vous le pied, la main, les quatres membres, votre conscience est toujours avec vous et avec les autres.Donnez-vous un bon coup de marteau sur le crâne ou faites-vous guillotiner, adieu la conscience...
Donc non, il y a bien une conscience « qui passe » par l’activité du cerveau.
Mais cela n’exclue pas la possibilité d’une conscience qui se passe de l’activité du cerveau
Le problème est pour moi d’avoir l’ombre d’un début de modèle explicatif...
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« une conscience qui passe .. »
oui c’est bien ça le cerveau a un certain rôle a jouer c’est indéniable.
une certaine forme de mentalisation est un produit du cerveau, pour ce que j’en comprends, le cerveau joue ( en dehors de ses autres fonction ) un role de coordination et d’interface d’accès.
actuellement il y a un type qui cause dans ma télé pourtant si je la démonte il n’est pas là ......
le fait de la panne de tel ou tel composant me prive du son ou de l’image mais cela n’indique pas que ce sont les composants qui produisent le son ou l’image ..........
interface, centre de coordination, d’ organisation
le cerveau est tout ça a la fois
mais la conscience n’a pas d’existence localisable. les personnes en NDE sont nombreuses a rapporter des faits de conscience extracorporelle ( par exemple savoir ce qui a été dit ou fait dans une autre pièce pendant leur « mort » ).
pour ce qui est des personnes amputées ce n’est pour moi pas un exemple pertinent ni dans un sens ni dans l’autre ( pour beaucoup de raisons dont une me parait difficile a contourner : la conscience extracorporelle ne peut se traduire dans la conscience mentale qu’en terme de conscience corporelle. il est donc impossible de savoir ce qui se passe entre ce qui serait les messages « fantômes » inventés en quelque sorte par le cerveau et une conscience extra corporelle )« chacun est le croyant de sa propre réalité »
c’est tout a fait juste ! on organise une perception du monde qui est hallucinatoire et ensuite on est victime des règles d’un jeu que nous avons nous même créé ( et - ou que nous avons été conditionnés a accepter )« La conscience dans le cerveau n’est pas un postulat »
indépendamment de toute réalité et notion de tord ou de raison d’un simple point de vue logique si vous voulez penser la conscience extracorporelle il faut bien considérer que c’est un postulat et en sortir sinon vous allez faire comment ? -
LLS : La cosmologie prédit dans quelles conditions se formera une étoile, à quel moment elle explosera en supernova, elle prédit l’angle des sursaut gamma et répertorie les corps qui seront pulvérisés en se trouvant sur leur chemin... (on a déjà eu chaud, à ce propos) La paléontologie prédit dans quelle couche géologique on trouvera tels et tels fossiles... Ces deux sciences sont d’ailleurs très performantes dans leurs prédictions, ce qui n’est pas le cas des sciences sociales comme la sociologie, l’économie... qui ne font guère mieux que le hasard. Quant à l’Histoire, elle est incapable de moindre prédiction et ne sert exclusivement à la propagande du Pouvoir, ce qui l’approche de la religion.
Le seul propos d’une vie est de contrôler son environnement. Pour se rassurer ? Il n’y a pas de mal à ça. C’est même très valable comme raison.
On apprend, non pas par l’amour de la connaissance, mais parce que le monde est impitoyable avec les ignorants .-
Que la cosmologie ou la paléontologie autorisent certaines prédictions, cela va de soi, mais ce n’est pas leur visée première au sens où ce sont pas des sciences expérimentales.
Leur visée est d’expliquer, d’aider à se construire un modèle du réel.
Pour le reste, je vous suis complètement, c’est bien le contrôle in fine qui nous intéresse.
Et qui dit contrôle dit, bien sûr, anticipation.Mais je maintiens que vous ne pouvez à partir de là faire de la prédiction le critère suffisant de démarcation des pratiques scientifiques. La visée de connaissance pure existe. Sans qu’on ait besoin de la rattacher à une finalité pratique ultérieure.
Nous aimons savoir, comprendre et pour ma part, c’est une source constante de plaisir, une fin en soi.
Pour revenir à notre point de départ, je dirais que articuler physique et métaphysique, je trouve ça particulièrement enthousiasmant comme domaine d’investigation et que d’aucuns trouvent ça insensé, ce n’est pas ce qui va m’arrêter.
Il n’y a pas de limite a priori à l’exercice de la pensée. Du moins c’est ce que je crois.
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LLS :« Leur visée est d’expliquer, d’aider à se construire un modèle du réel. »
oui, àfin de prédire les événements futurs.
Vous « aimez » savoir, pour ma part, je déteste ça. Mais j’en ai besoin comme un junkie a besoin de son fix. Savoir, c’est se rassurer, voir plus clair dans l’avenir. Question de survie. Un savoir obligatoire, une bonne raison de le détester. Mais ça ne change rien. Qu’on l’aime où qu’on le déteste, on est obligé de faire avec. Il n’existe pas d’alternative.
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Le savoir obligatoire, c’est triste.
C’est la connaissance qui est jouissive, car elle opératoire, elle donne du pouvoir, cad, du contrôle. C’est pour ça qu’on en veut toujours plus.
C’est précisément pour ça qu’il faut savoir aussi raison garder car enfin c’est bien lle désir du fruit de l’arbre de la connaissance qui a entrâiné la chute.
Mais je ne suis pas sûr que vous me suiviez jusque là
-
"C’est la connaissance qui est jouissive, car elle opératoire, elle donne du pouvoir, cad, du contrôle. C’est pour ça qu’on en veut toujours plus.«
Jouissive, n’ayons pas peur des mots ! La connaissance est le contraire de la jouissance, la jouissance, c’est quand on oublie tout, le poids de l’existence. Puisqu’on en est aux allégories bibliques, ne savez-vous pas ce que Dieu dit un jour à Adam : »Ecoute mon vieux, je t’ai fait et je suis assez content de moi. Je t’ai donné un grand cerveau qui te permettra de dominer toutes les autres créatures et une belle bite avec laquelle tu pourras beaucoup t’amuser. J’ai juste eu un problème à faire fonctionner les 2 en même temps.«
»C’est précisément pour ça qu’il faut savoir aussi raison garder car enfin c’est bien lle désir du fruit de l’arbre de la connaissance qui a entrâiné la chute."
Je vois que vous croyez qu’un mi-juif mi-fantôme cosmique, son propre père, il peut vous donner la vie éternelle si vous mangez symboliquement sa chair et que vous lui envoyez télépathiquement des messages de soumission. C’est alors qu’il peut ôter de votre âme les obscures forces qui y résident depuis qu’une femme née d’une côte s’est faite arnaquer par un serpent parlant.
Vous ne trouvez pas ça un peu tiré par les cheveux ?
-
Vous « aimez » savoir, pour ma part, je déteste ça.
Deneb, je comprend mieux votre côté « obscurantiste » maintenant... et votre superficialité quant au savoir scientifique ainsi que les autres savoirs... -
C’est réconfortant d’être traité de superficiel par un sinistre bigot sectaire. Pas très valorisant pour lui-même, toutefois
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Luc-Laurent Salvador : bravo pour votre « amélioration » de la conjecture girardienne. Vous avez parfaitement raison, sans prendre en compte la nécessaire adaptation du système « pré-humain » (selon vos mots), la théorie ne pouvait que s’écrouler étant en contradiction absolue avec les lois de l’adaptation « darwinienne ».
« Il m’a semblé qu’il y avait là un postulat contradictoire avec les principes darwiniens qui, toujours, obligent à considérer des organismes et des organisations sociales « en bonne santé », c’est-à-dire, « adaptées » et évoluant toujours de manière à maintenir cette adaptation dans un contexte changeant. »
Absolument. C’est une amélioration, mais je me permets de penser qu’on est malgré tout dans l’argument ad hoc, comme le recours aux épicycles pour faire correspondre l’orbite circulaire postulée des planètes et l’observation -Ptolémée, Copernic…). Mais c’est aussi le propre de toutes les spéculations d’être améliorées par des rajouts ad hoc, un peu à la manière d’une rustine, car je crains que cela ne lâche ailleurs (comme les améliorations de Copernic avant le bouleversement de Kepler qui introduit l’idée de l’ellipse)…
N’y voyez pas de mépris de ma part, j’ai bcp de respect pour le « bricolage », et j’ai dû écrire ici-même : je pense que « dieu » devait être plus bricoleur qu’architecte…
Sinon, je suis complètement en phase avec Lord (salut !). Bonne analogie avec le freudisme : il s’agit aussi d’une construction philosophique, d’une conjecture, qui n’est pas d’ordre scientifique (même si les recherches cognitives actuelles peuvent confirmer de ci delà certaines intuitions de Freud). La théorie girardienne est un système explicatif, comme le freudisme est un système explicatif qui a sa propre cohérence interne, mais qui n’est pas confirmé par des faits. Je dirais mieux : qui n’est pas connecté à une théorie explicative de type scientifique (ni prédictivité, ni règles d’inférence…). C’est un système clos.
Ainsi, l’astrologie aussi est un système explicatif, cohérent, rigoureux, étayé par des règles symboliques stables et l’inférence d’un rôle des astres. Problème : jamais la moindre prédiction astrologique n’a pu être confirmée par des approches scientifiques.
Lord expose à mon avis de façon précise et assez complète comment les données scientifiques invalident les inférences spéculatives de la thèse girardienne.
Moi qui suis une tenante des « aimables fables cognitivistes »
j’insisterais sur la congruence d’événements dans l’hominisation qui est étayée par des faits culturels, des recherches anthropoloqiques, des données archéologiques, des confirmations chronologiques, et qui tous ensemble soutiennent une explication d’ordre cérébral (biologique). Or, ces événements qui accompagnent l’émergence du religieux (sépultures, représentations artistiques, symboliques), interviennent qques dizaines de millénaires avant la naissance de tout témoin religieux de type « sacrificiel » et de tout témoin de violence de masse. Et leur apparition plus ou moins simultanée (sur 50 millénaires quand même…) est modélisable selon les nouvelles facultés de représentation et de transposition symbolique offertes par l’évolution cérébrale lors de la « sapientisation » (sépulture, art, rythme, conceptions techniques, langage ?…).
ps : je n’ai pas eu le temps de lire votre réponse à Lord. Désolée si je suis à côté… Je la lirai plus tard
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désolé, j’ai buggé, la réponse est juste un peu plus bas.
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@Colre : Salut !
effectivement un des problèmes avec la thèse girardienne est autant son caractère autant clos que définitif, mais aussi et surtout « totalisant » : quand bien même factuellement rien ne l’étaye...Or c’est là mon véritable problème : j’aurai par exemple moins de problème si G. bousculait sa chronologie et que plutôt que de placer le bouc-émissariat à vertu sacrificielle à l’aube (voir quelques instants avant) de l’Humanité, il déplaçait le curseur de quelques dizaines de millénaires et plaçait ce mode de régulation des violences intestines à l’heure de la proto-civilisation : où justement nous faisons face à des sociétés où ces pulsions mimétiques sont potentiellement génératrices de désordre voir implosion sociale : dans le cas des chasseurs-cueilleurs au vu de leur profil socio-culturel, j’ai grand mal à envisager sur quoi le désir mimétique girardien pourrait opérer : la culture matérielle étant trés limitée, la coopération et le partage étant généralement la règle, et la sexualité somme toute libérée : comparés aux sociétés proto-civilisées du Néolithique où la donne change radicalement : sociétés « altruistes » (= idée du collectif élaborée) « héroïques » (sacrifice individuel pour le groupe, et leadership, prestige, etc...) et bien entendu sociétés qui voient l’émergence de l’idée de propriété privée, de structures familiales plus ou moins strictes, d’une hiérarchie sociale et surtout production matérielle ultradiversifiée...Sinon pour le reste, je n’ai pas de souci avec l’idée défendue par LLS d’une sorte de principe « mimétique » fondamental (si je me réfère à ses divers articles sur le sujet) néanmoins ayant lu ses hypothèses, il me semble que s’accrocher à tout prix à Girard limite le potentiel de sa thèse « principe mimétique fondamental » : ni le mythe girardien (remplaçant le pêcher originel par le désir originel) des origines, ni cette obsession du sacrifice comme fondation du religieux, et l’universalité du bouc-émissaire ne sont nécessaires...encore moins si l’approche adoptée fait appel à l’évolutionnisme...bref LLS pourrait s’en passer, me rappelant en cela d’autres girardiens qui eux aussi en se libérant du maître pourraient faire un réel bond en avant : en intégrant ou associant notamment les ou certaines théories cognitivistes, en faisant plus attention aux productions des anthropologues (i.e. en évitant la grille de lecture girardienne), aux découvertes en neurosciences (ici exemple de dérive girardienne : la récupération quasi immédiate des « neurones miroirs » quand bien même c’est là tout un nouveau champ qui s’ouvre), etc..etc..bref en s’inscrivant plus dans le registre scientifique : ce qui implique la possibilité de vérifier ou invalider telle ou telle thèse et non de la verrouiller par des manoeuvres rhétoriques ou une forme d’ignorance volontaire des arguments valides opposés. -
A Lord
Je trouve que vos commentaires ont un cote très procès a charge.
Je suis d’accord, j’ai rencontré des gens qui lisent Girard comme un système clôt et se disent « eurêka, j’ai tout compris et je vais vous expliquer ». Cela peut tourner a l’idéologie de nouveaux convertis. Et il en parle. Sa théorie utilisée comme vecteur d’un conflit mimétique. Regardez comme je suis plus intelligent, autonome dans mes désirs, que vous... Un peu le jeu auquel nous nous livrons tous ici...
En revanche, Girard défend le statut de ses écrits comme une hypothèse et non une thèse, et je pense a juste raison. Il propose un schéma et demande aux spécialistes de le tester.
De ce fait, il a toujours été prêt a évoluer.C’est en particulier le cas sur le judeo christianisme. De mémoire, Domenach racontait qu’il avait invite Girard dans une conf de la revue Esprit. Il présente son hypothèse, et les catho lui font découvrir que cela s’applique mal aux textes judeo chrétien. A partir de la il creuse la question. Cela finit par donner « des choses cachées...
Oui il tourne des le départ autour du »religieux« . Mais dans »Mensonge Romantique« , il recours a un vocabulaire qui en est issu, sans nécessité de transcendance. Les personnages romanesques font une expérience de »conversion« qui n’a pas besoin d’un Dieu.D’une manière générale, il ne me semble pas qu’il distingue du religieux primitif ou non mais des modes de gestion de ce qu’il y a d’irrationnel en l’homme et en particulier le mimétisme du désir dans ses conséquences potentielles les plus absurdes, c’est a dire quand il n’y a plus d’enjeu concret, mais une rivalité ou chacun devient le modèle ennemi de l’autre. je ne vois pas que Girard hiérarchise les formes religieuses. Il me semble que dans son hypothèses, le socialisme, pour prendre une forme religieuse contemporaine, n’est pas »plus ou moins primitif« que d’autres religions, mais simplement moins efficace, parce que même en additionnant les victimes, il ne parvient pas a rétablir la paix dans le groupe. Même chose pour le freudisme. Pas plus ou moins primitif que le chamanisme, mais moins efficace. le Chaman parvient effectivement a curer d’une manière ou d’une autre certains maux au sein des populations qui y adhérent, la psychanalyse aussi mais sur de longues années. Le fond »theorique« et »l’initiation« sont plus primitif dans la psychanalyse, mais c’est sans doute aussi parce que la société est plus complexe, plus diverse, que les patient ne sont pas spontanément »intégrés« a la vision du monde pshy. que le processus est long.
»la théorie girardienne ne peut se passer de l’opération d’un agent « supernaturel » : par la nécessité d’un désir (0) d’origine « non-humaine » imité par le premier Erisanthropus Mimeticus : pas étonnant que Girard se doit d’évoquer l’édénique serpent…«
Je dirai absolument pas. Au contraire. Dans sa »scène originelle« si je puis dire, puisqu’il s’agit d’un non partage, toutes les possibilités sont ouvertes. Depuis une rivalité autour de désir naturels, manger, coucher etc, jusqu’à un hasard complet. Il y a en a un qui ramasse un caillou, colore ou non, par hasard et déclenche une rivalité. Non seulement il n’est pas indispensable qu’il y a ait un désir zéro, mais il n’est même pas nécessaire qu’il y ait un vrai désir pour entrainer une imitation. Tous cela se passe parfaitement de tout agent supranaturel.
Ce n’est pas le sacrifice qui est premier chez Girard, c’est le meurtre dans le cadre d’un combat de tous contre tous. Chez les animaux d’un même groupe, il peut arriver qu’un individu en tue un autre dans le cadre d’une rivalité, mais c’est en général un hasard ou sur la base de besoins objectifs. Cela ne menace pas la survie du groupe en tant que groupe. Le lion qui se débarrasse du vieux mâle dominant et éventuellement de sa progéniture.
Les autres attendent le résultat des courses. Chez les loups, la queue entre les jambes met fin au combat automatiquement.
Le sacrifice n’est que la reproduction ritualisée du meurtre. C’est le meurtre qui est premier. Meurtre inutile, gratuit en quelque sorte. Incompréhensible.Enfin, vos indiens. A voir. Ce que vous décrivez, c’est exactement le phénomène de méfiance vis a vis de tous ce qui est étranger au groupe et d’évitement tellement systématique de tous ce qui pourrait être l’enjeu d’une rivalité mimétique qu’on en vient a se demander si cela ne confirme pas plutôt les thèses de Girard. C’est vrai en particulier et justement du refus de compter qui évoque bien un potlach a usage externe...
Du reste, c’est bien une forme »moderne« . Cette société correspond a l’idéal socialiste contemporain...
Refus têtu de tous ce qui pourrait s’apparenter a un héritage, a une transmission, au delà de la stricte nécessité naturelle (deux générations...), au nom de l’autonomie de l’individu contre l’hétéronomie et la subjectivité inégalitaire de l’héritage dans un idéal égalitaire.
Refus de compter ( »La sante, l’école, le service public, etc... n’ont pas de prix« ce qui revient a ne pas se demander si ils ont des couts),
Volonté de rapports humains fondes sur l’instantanéité du désir, les engagements réversibles etc...liberté sexuelle, indifférenciation la plus poussée possible des individus.
De ce point de vue, il serait intéressant sur le plan théorique de connaitre le statut de homosexualité et des »genres« dans cette tribu...
Il y a aussi le point de l’acceptation des métis. Sur les Cunas du panama, j’ai entendu des description iréniques de certains sur un syncrétisme réussi entre une culture indienne et des valeurs »vaudoises« appropriées autour du refus des sacrifices d’enfants, diplomatie féminine etc... et d’autres qui disent que l’homogénéité du groupe tiendrai également a l’élimination discrète a la naissance de tous les enfants métis.La comparaison ne s’arrête pas la. Dans les deux cas, la survie d’une telle société nécessite une très grande fermeture a l’extérieur et un grand immobilisme. La forme privilégiée de l’échange avec l’est était le barter, a des conditions pas toujours avantageuses, malgré l’existence d’un système de prix capitaliste externe. Refus de produire soi même certains biens dit »de luxe" trop individualisant, sans renoncer a les acheter.
Compte tenu de ce que l’on croit savoir de l’extension relativement extrêmement rapide des nouvelles technologies ( feux, taille des pierres, domestication du chien, etc...) le mode d’existence même de ce groupe évoquerait une pensée extrêmement élaborée de la gestion du désir mimétique...
Après tout, on retrouve dans la Bible, dans Samuel, les mêmes réticences a compter...
Cela ne veut pas dire qu’ils ne savaient pas le faire.
Il faudrait voir le funéraire. Il est vrai qu’on ne sait pas si il y a eu des conflits aux premiers ages, si il y a eu cannibalisme interne ou externe ou rite funéraires de décharnement, mais des lors qu’il y a des tombeaux intentionnels, au lieu de se débarrasser des cadavres avec les autres restes de chasse, on a quand même un indice fort que les idées de Girard fonctionnent. -
@ Eric
"Ce que vous décrivez, c’est exactement le phénomène de méfiance vis a vis de tous ce qui est étranger au groupe et d’évitement tellement systématique de tous ce qui pourrait être l’enjeu d’une rivalité mimétique qu’on en vient a se demander si cela ne confirme pas plutôt les thèses de Girard."
Grand merci pour votre commentaire dans son ensemble qui dit très efficacement ce que j’ai laborieusement tenté de suggérer.
Je pense que cela montre que le modèle girardien est bien loin d’avoir été infirmé et qu’il est, au contraire, très efficace pour faire sens des données nouvelles. Il ne demande qu’à travailler. Mais encore faut-il le mettre à l’épreuve.@ Lord
Je vois dans votre message à COLRE que nous avons de nombreux points d’accords. Je vous vois disposé à envisager une pertinence du modèle girardien dans une certaine fenêtre temporelle.
Je m’en réjouis et en même temps, je pense que cette limitation est avant tout due à l’idée que vous vous faites du modèle girardien.Il me semble qu’avec un minimum d’assouplissements vous pourriez percevoir une pertinence beaucoup plus étendue. Mais peut-être que cela pourrait susciter une dissonance avec votre entourage intellectuel si vous êtes dans LA science ?
Je ne me voile pas la face : Girard est connu du grand public mais il est plus que marginal en sciences humaines. Il faut donc une audace certaine pour s’y référer. C’est s’exposer au risque de stigmatisation collective qu’il a si bien décrit...
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@LLS
Je ferai une réponse « courte » ici, puis reviendrai plus tard ou durant le weekend sur vos réponses, ainsi que le com d’Eric.
En premier lieu, il me semble avoir été clair : mon problème principal est l’incapacité (mon constat) de fournir des éléments factuels concernant la validité de cette théorie (ici, je renvoie au processus d’humanisation et à l’anthropogénèse) : et je me répèterai donc (bien qu’ayant lu vos réponses) interpréter tout élément (mythes, cultures, symboles, rites, etc…) comme confirmant la théorie girardienne -en invoquant tel que le fait d’ailleurs Girard soit le mensonge à fonction « camouflage », soit le travestissement, soit une mémoire collective approximative, etc…. – ne suffira pas à me convaincre : j’ai lu, relu Girard, suis allé à certaines de ses conférences, ai « papoté » avec des girardiens…à chaque fois toujours ce même constat : quelque soit le sujet discuté : TOUT même en l’absence d’évidence confirme –selon les girardiens – le modèle girardien…Ce que vous faites d’ailleurs lorsque je vous cite quelques exemples de groupes ethniques : ex : le groupe Bushmen cité : quand bien l’adoption d’une telle stratégie peut renvoyer à une volonté de réguler les éventuelles violences intra-groupes, rien ne permet d’affirmer qu’en cela serait validé la théorie girardienne : et que donc ce mode de régulation serait « post-sacrificiel » alors qu’autant les pratiques sacrificielles ne se limitent à la fonction/définition girardienne (= fonction collective, et participation collective) encore moins dans les groupes animistes/shamanistes où si/quand elles existent sont principalement d’ordre individuel, avec une fonction thérapeutique :
ex : aucune dimension collective ou même « sacrificielle » au sens où Girard l’entend lorsque que « Petit Glaçon Suave » une ravissante beauté eskimaude se rend chez le « shaman » local parce que souffrant de troubles « psychologiques » et que le shaman après avoir tenté le sang de phoque fermenté, les séances de transe en igloo, voir même être allé au store "civilisé local pour acheter de quoi préparer un mix de whisky et valériane, en arrive à diagnostiquer que le désordre dont souffre Petit Glaçon Suave est lié à un déséquilibre entre son corps matériel et son esprit : et que le seul choix thérapeutique est de greffer à son âme l’esprit d’un quelconque oiseau arctique : bien entendu le shaman se rappelle ses leçons d’apprenti-shaman, et sait très bien que le seul moyen de réussir une telle opération spirituo-chirurgicale est de s’assurer que l’esprit de l’oiseau concerné ne soit plus relié au domaine matériel : ergo il faut séparer cet esprit de son corps : d’où le « sacrifice »…ici bien entendu il ne s’agit d’un « sacrifice » que si on l’entend selon une définition propre à notre paradigme, dans le paradigme de Petit Glaçon Suave il ne s’agit pas d’un sacrifice mais bel et bien d’une opération thérapeutique : greffe d’esprit volatile pour rétablir un déséquilibre intérieur…
L’étude des différentes formes et manifestations symboliques préhistoriques laissant à penser/supposer que ce type de paradigmes, représentations du monde, etc… animiste/shamaniste était commun (sans certitude quant à leurs relations avec des systèmes similaires contemporains) : envisager le sacrifice uniquement sous l’angle girardien me semble une réduction injustifiée de ce que ce concept peut entendre.
J’en arrive à cette question de « curseur temporel » à déplacer : en effet, le modèle girardien pourrait me sembler plus pertinent voir valide dans le cadre de sociétés plus complexes où la démographie aggrave ces potentielles violences/conflits « mimétiques » (à noter que je ne partage pas plus la définition girardienne du désir comme étant mimétique, ou de la rivalité mimétique étant automatiquement productrice potentielle de violence) autant que la multiplication des « objets » potentiellement vecteurs de ces tensions.
Pour faire court : le profil démographique à l’aube de l’Humanité : ce sont des groupes de chasseurs-cueilleurs de 10 à 30 personnes max. (en moyenne 10-15) à espérance de vie réduite (20-25 ans), avec une probabilité bien souvent nulle de rencontrer un autre groupe humain au cours de leur existence : donc des groupes de 10-15 personnes, composés principalement de femelles/femmes et d’enfants (fort déséquilibre préhistorique ratio mâle/femelle constaté via la génétique) : soit principalement des femmes/adolescentes, des enfants, et 2-3 ados ou jeunes adultes mâles vivant sous la menace constante de prédateurs divers et variés et disposant d’une surface géographique dont nous n’avons pas idée (rappel : démographie globale quelques milliers voir dizaines de milliers à l’échelle du globe, avec des bottlenecks où ne restaient que quelques centaines d’individus voir moins) : il m’est donc difficile de considérer qu’aucun autre mode de régulation que le sacrifice d’un membre de groupes aussi réduits n’ait pu existé : considérant le rôle de diplomates des femelles, le nombre limité de testostéronés potentiellement agressifs, et bien entendu l’instinct de survie.
D’autant plus qu’il est connu que lorsque la tension dans un groupe de chasseurs-cueilleurs s’accroit (notamment en cas de surnombre = dépassement de 20-30 sur un territoire donné) : des sous-groupes se constituent et se séparent, chacun allant dans une direction (un des modes de régulation ayant autant permis la survie de nos ancêtres, autant que leurs migrations dans l’ensemble du globe, ainsi que la diffusion de techniques/savoirs mais aussi langage) : assez souvent ces sous-groupes se retrouvent pour un temps en un territoire donné (notamment pour grandes chasses, alliances, « mariages », …) avant de se séparer à nouveau sans heurts ni fracas.
Bref au niveau ethno/anthropo/paléo…, nombre de pistes et alternatives existent et sont suffisamment étayées par x indices pour que je demeure dubitatif quant au modèle proposé par Girard.
Aussi donc, ma réticence n’a ni à voir avec ma supposée « incompréhension » ou compréhension biaisée du modèle girardien, ni avec quelque pression de mon « entourage intellectuelle » , pas plus qu’avec qu’une quelconque vision « orthodoxe et rigoriste » de « LA » science : je suis ouvert à nombre de théories et idées, suis plutôt plastique et n’ai aucun problème à changer d’opinion si on me fournit suffisamment d’éléments le permettant. Enfin, de mon expérience (USA) Girard n’est absolument pas « ignoré » suffisamment de débats, critiques, etc… ont été produites au cours des dernières décennies, montrant que ses idées sont discutées au niveau universitaire – de même que le « girardisme » dispose de nombre de « fondations » assurant la diffusion/promotion de ses théories – donc pas de manque de $$$, néanmoins je me répète du point de vue de l’anthropologie (culturelle et religieuse) : énoncer que si un mythe ne confirme pas « objectivement » (littéralement) votre thèse, ce n’est en fait qu’une confirmation de la dite thèse, puisque c’est là la preuve du mensonge/travestissement supposément inhérent aux mythes ergo preuve/confirmation de la dite thèse…risque effectivement de poser quelques problèmes, ne serait-ce que d’ordre méthodologique : i.e. mythologie comparée, ethnologie, anthropo culturelle/religieuse, etc… ne fonctionnent pas selon les mêmes approches que la critique littéraire dont Girard est issu…Il faut donc a minima fournir autre chose que de simples lectures interprétatives de tel ou tel mythe ou tel ou tel rite.
Enfin, ma raison principale est qu’ayant stricto sensu grandi dans la jungle avec des « primitifs » : je ne peux que constater que l’Erisanthropus Mimeticus de Girard est aussi « réaliste » que le bon sauvage de Rousseau, ou le sauvage barbare selon d’autres…
Je n’ai donc aucun problème d’ordre « blocage intellectuel », je demeure simplement dubitatif en l’absence d’autres choses qu’une grille d’interprétation suffisamment large pour que de fait G ou les « girardiens » l’appliquent à TOUT : pour reprendre un pasteur yankee, girardien convaincu : tout du Neurone à l’Eschaton confirme les théories de Girard : vous conviendrez alors que je demande au minimum quelques éléments factuels…Mais rassurez-vous, mes réticences ne se limitent pas au girardisme : je suis un sceptique c’est tout…
Sur ce, je reviendrai sans doute later afin de répondre à Eric et à vos coms.
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@Eric :
Merci de votre commentaire.
En premier lieu, réponse rapide sur cette idée de "procès à charge" : généralement un procès implique le passage au grill d’un individu : dans mes coms, je n’opère pas par ad hominem ni à l’encontre de Girard, ni à celle de LLS : je livre des contre-arguments, des objections, etc… quant aux théories girardiennes : bref une critique : rien de très exceptionnel donc : et somme toute légitime en considérant que le girardisme se présente sous la forme d’un système théorique monstrueux prétendant expliquer le moindre aspect de la nature humaine autant que des cultures humaines : vous conviendrez que proposer des « hypothèses » initiales si ce n’est valides (validées empiriquement ou falsifiables) plausibles pour en arriver à un système totalisant autorise a minima que l’on interroge un tel modèle théorique : de la même façon que cela fût le cas pour un Freud, un Hegel, un Marx, un Nietzsche , etc… certains d’entre eux ayant résolument produit quelque fascination « mimétique » sur le lecteur (alors) Girard.
Quant à la façon dont Girard, ou plus largement les « girardiens » présentent ses travaux : cela est très variable et dépendra du contexte : ses travaux seront présentés comme une nouvelle herméneutique notamment si le caractère pseudo-scientifique est évoqué (critères poppériens), mais d’un autre côté dès que ses travaux sont questionnés : autant soudainement la prétention que ses thèses ont bel et bien été vérifiés surgit autant le système étant tellement bien verrouillé qu’aucun contre-argument ni objection n’est accepté : un peu comme un Freud pour qui autant les rêves sexuels que les rêves non-sexuels confirme ses théories…Avec Girard, certes existent des sites archéologiques supposant la pratique de sacrifice humain ou x rites et mythes suggérant le bouc-émissariat à vertu pacificatoire peuvent être cités à l’appui (bien que la chronologie fasse défaut : on est généralement au Néolithique et non pas au début du processus d’hominisation), néanmoins le nombre de mythes, rituels et sites ne montrant aucune évidence de violence que ce soit en pratique, que dans le propos/sens, etc… est largement plus important : ce qui selon G ou les girardiens ne font que peu de cas : puisque est postulé l’idée que les cultures tendent à effacer, travestir, etc… toute évidence de leur violence originelle. Encore mieux, si un mythe ou un rituel évoque violence, activité sacrificielle, bouc-émissaire, etc… bien entendu il est automatiquement employé comme preuve de la validité de la théorie, mais si un mythe ou rituel ne fournit aucun indice de violence originelle, d’activité sacrificielle, etc… lui AUSSI validera les dites thèses ou hypothèses puisque comme dit précédemment : les cultures optent pour le mensonge, effacement, travestissement, etc… afin d’effacer toute trace, évidence, etc… de cela dans le modèle girardien. N’existe donc aucun moyen de réfuter un tel système : partant de là soit on l’adopte par un « acte de foi » soit on le rejette.
Quant à dire que Girard est prêt à évoluer : ayant lu grosso modo l’ensemble de son œuvre –ceci incluant pléthore d’interviews, débats/discussions avec des girardiens « hérétiques » ou des opposants critiques : la conclusion qui s’impose est que G bien que d’un naturel affable, n’a jamais varié d’un iota sur ses hypothèses : qu’il est accepté la proposition de LLS sans émettre de réserve n’a rien d’exceptionnel (il est très amical généralement : mais hocher amicalement la tête et retravailler une théorie sont bien différents), cela n’implique pas que G ait changé de position et ait objectivement accepté que ce soit les objections de LLS sur certains points de sa théorie, ou celle de x autres élèves : dont Eric Gans fondateur de l’Anthropologie Générative, et girardien d’obédience hétérodoxe : je vous invite à lire certaines discussions avec G, accessibles sur le site du journal d’Anthropologie Générative, http://www.anthropoetics.ucla.edu/ , pour constater que Girard est loin d’être un penseur prêt à se remettre en question : cela se saurait si au cours des dernières décennies G avait intégré certaines objections, et développer/revoir en conséquence ses hypothèses : cela n’a pas été le cas : sa carrière brille par sa constance à être « étanche ».
Mais peu importe, là je digresse : mon propos étant que face à un tel modèle théorique : aucun procès à charge n’est livré, simplement des objections sont soulevés et des critiques sont formulées.
Vous évoquez d’ailleurs la critique catho à l’encontre de la lecture girardienne du NT (et de la Bible plus largement) : il ne me semble que la « néo-théologie » qu’il est produite témoigne particulière de sa capacité à intégrer d’éventuelles critiques : tout le contraire. Puisque vous évoquez ce point : une brève digression : G réinterprète le NT – et donc la figure christique, sous l’angle de sa théorie sacrificielle/bouc-émissaire : sans être ni chrétien, ni spécialiste du NT mais tout de même assez informé sur le sujet : que je conçoive le NT comme une construction « mythiste » élaborée ou ensemble synthétique de témoignages approximatifs voir « scénarisés » sur les actes/paroles d’un personnage historique « Jésus » ne change rien au fait que j’aurai toujours du mal à le lire selon une interprétation girardienne : autant orientée (afin de « valider » sa théorie) que décontextualisant complètement le mythe/récit de l’ère/culture historique dont il a émergé et où il a été produit (attentes messianiques, occupation romaine, etc…) : i.e. : Jésus ne m’apparaît aucunement comme étant une « victime innocente » arbitrairement bouc-émissarisée/sacrifiée aux yeux de ceux qui le condamnent : à savoir les Romains et l’élite juive –notamment le clergé : dans les deux cas, Jésus est bel et bien coupable : dans le premier de menace à la pax romana (sédition, troubles à l’ordre public, etc…) sanctionné par une condamnation à mort selon le droit romain, dans le second coupable d’une des pires hérésies doublé de blasphème selon la loi juive (qu’on lise la proclamation « Fils de Dieu » en mode « hellénisant » = sens littéral, ou en mode « judaïsant » sens figuré = relation donc au concept de royauté sacrée d’Israël, à celui de Messiah, ainsi que titre pour certains croyants très pieux…) : j’ai donc réellement du mal à voir ici – condamnation judiciaire et non arbitraire, sur la base d’une culpabilité avérée au regard des lois romaines/juives, une illustration du supposé sacrifice d’une victime innocente par une foule hystérico-coupable…Je pourrai aussi ajouter que loin de mettre fin au bouc-émissariat le mythe christique tel que présenté dans le NT le renouvelle avec pour victime sacrificielle –pour deux millénaires à venir, le Judaïsme/les Juifs.
Bien entendu, si à l’instar de Girard –que ce soit pour le NT, la Bible ou x autres mythes, le contexte apparaît secondaire voir inutile à rappeler/envisager : je peux en effet interpréter ce mythe ou un autre à toutes les sauces : girardienne ou autre –ce qui bien entendu n’est pas l’approche adopté dans le champ ethno-anthropo, ou considérer que même la culpabilité avérée selon tel ou tel système juridico-légal relève du bouc-émissariat à vertu sacrificiel, alors que supposément nous sommes face à de la violence arbitraire, possiblement légitimée/rationalisée/mythifiée a posteriori par le groupe « coupable » l’ayant perpétré. Jésus n’est « innocent » que selon le paradigme/mythe chrétien –néanmoins la théologie chrétienne n’est résolument pas girardienne : Girard ayant des penchants « marcionites » dans sa négation de la violence divine : pour un Romain, Juif contemporain (supposition d’un Jésus historique) : il est coupable, même pour un proto-chrétien au fait des lois romaines et juives, de plus pourrai-je ajouter il est particulièrement coupable envers ses disciples quant à sa prédiction sur l’imminence –de leur vivant- du Royaume.
Bon je ne vais pas revenir sur tout, néanmoins je reviens sur votre réponse à mon évocation de la nécessité d’un agent « supernaturel » ou a minima « non humain » : vous répondez : " Je dirai absolument pas. Au contraire. Dans sa »scène originelle« si je puis dire, puisqu’il s’agit d’un non partage, toutes les possibilités sont ouvertes. Depuis une rivalité autour de désir naturels, manger, coucher etc, jusqu’à un hasard complet. Il y a en a un qui ramasse un caillou, colore ou non, par hasard et déclenche une rivalité. Non seulement il n’est pas indispensable qu’il y a ait un désir zéro, mais il n’est même pas nécessaire qu’il y ait un vrai désir pour entrainer une imitation. Tous cela se passe parfaitement de tout agent supranaturel. "
Ici ne voyez aucune intention malicieuse ou fallacieuse tentation, simplement l’intervention de la logique, et l’application à la théorie girardienne des mêmes critiques que G –n’étant ni avare de critiques, ni timide- emploie à l’encontre de grosso modo tout le monde (ethnologues, anthropologues, freudiens, évolutionnistes, etc…) au fil de ses productions.
Donc sur la question du désir : que dit G : que cette question est intimement lié à l’avènement de l’Homme : i.e. : lorsque le premier homme est devenu homme : et donc le processus d’hominisation. Processus envisagé sous l’angle de l’imitation, énoncé dès le départ avec une citation d’Aristote sur les capacités mimétiques exceptionnelles de l’homme, comparé aux autres animaux.
Néanmoins G apporte une précision ou un développement en évoquant dans les « rites » animaux l’absence d’immolation sacrificielle : la seule chose manquant à l’animal pour devenir humain étant la victime-substitut. Peu avant, il critique les évolutionnistes et leurs hypothèses, en évoquant le caractère spéculatif, leur confiance exagérée en eux-mêmes ou en leurs hypothèses et avec une pique pour la science moderne qui selon lui confondrait le problème (sa formulation) et sa solution : i.e. la simple formulation du problème serait prise pour la solution au dit problème. Passage plutôt amusant lorsqu’on lit Girard et qu’on peut apprécier ses lacunes niveau modestie…
Donc les évolutionnistes sont des pédants hyperconfiants et auto-aveuglés par leurs prétentions, G nous offre donc une solution : le processus d’hominisation par la découverte du pouvoir du désir mimétique : le « meurtre fondateur » étant la fondation même de toute société humaine, mais de l’Humanité même.
La question étant donc d’où ce désir originel a-t-il pu surgir ? Les besoins naturels ne me semblent pas être le biais par lequel G supporte sa théorie : je ne dors pas, je ne mange pas, je ne bois pas, etc… par mimétisme mais par nécessité. Donc l’objet du désir ou l’origine du désir se trouve ailleurs : or tout désir étant mimétique –ce qui grosso modo revient à dire qu’aucun désir n’existe en soi, ou que le désir n’existe pas : illusion de désir, simples reflets- il faut bien qu’existe un premier désir imitable : le désir doit se manifester (vu, perçu, etc…) pour être ressenti : donc la question demeure quel désir le premier homme a-t-il imité ? Quel autre acteur le premier homme a-t-il pu imité ? Cet acteur ne pouvant logiquement être « humain » –avant ce premier homme ou homo mimeticus pas d’autre humain- ni animal – on ne devient pas humain en imitant l’animal mais en imitant un autre humain, ne reste que peu d’options donc : options incluant un agent « non humain, non animal » …
Vous évoquez un caillou ramassé par hasard, mais tout désir étant mimétique, le désir poussant à ramasser ce caillou est donc lui aussi mimétique : i.e. : le caillou ne peut être désiré que parce qu’il est objet de désir d’un autre : qui est donc cet autre au début de ce processus ? Vous dites qu’un « vrai désir » n’est pas nécessaire : soit, mais l’objet du désir lui l’est –quel qu’il soit, et à nouveau on tourne en rond non pas en raison d’une supposée malice de ma part mais en raison de l’énoncé-postulat très clair de Girard : tout désir est mimétique : ergo aucun désir ne nait spontanément : il est toujours imitation d’un désir autre. Donc encore une fois : il doit exister à un moment ou l’autre : un désir (0) déclenchant le premier cycle de rivalité/violence mimétique. Et comme avant le proto-humain ou le premier humain : il n’y a que des animaux : le désir étant mimétique, il ne peut exister de rivalité ou d’imitation de désir entre l’animal et le proto-humain/l’humain, ergo pour qu’existe un désir (0) imitable, un agent non-humain, non-animal doit opérer…
Je n’ai aucun doute à ce que G ait eu conscience de cela dès le départ : sa théorie quelque soit son intérêt « profane » me semble bel et bien avoir dès le départ inclut une perspective chrétienne : bref une néo-théologie, ou nouvelle mythologie parfaitement élaborée : du premier humain « imitant » au « sacrifice » christique : il s’agit bien d’une réécriture post-moderne du mythe (judéo)chrétien : le désir mimétique avec ses conséquences (violence, meurtre, bouc-émissaire, etc…) fondant les sociétés humaines jouant le même rôle que le pécher originel d’inspiration diabolique lui aussi fondant l’Humanité et les sociétés humaines ; la même perspective négative : d’un côté l’Humanité nait par un meurtre, de l’autre elle naît par un acte sacrilège (désobéissance à Dieu) : dans les deux cas l’Humanité est « souillée » dès l’origine, souillure qui se transmet ( on nait dans le pécher, ou on nait créature mimétique avec le potentiel de violence que cela inclut) et bien entendu nécessité dans les deux cas de la révélation christique afin soit se libérer du mécanisme mimétique vecteur de violence, ou du pécher…
Bref c’est un peu du « rewriting », dans les deux cas : l’Humain nait sous le signe de la Violence –violence à l’encontre du bouc-émissaire, violence sacrilège à l’encontre de Dieu : avec pour bonus que dans les deux cas, l’Imitation intervient : dans la néothéologie girardienne : l’imitation source de rivalité et productrice de violence et de meurtre, remplace la biblique tentative sacrilège d’imitation de Dieu (accès au fameux Arbre)…Bref comme nombre de penseurs post-modernes (i.e. trauma post-holocaustique) Girard ne peut voir la naissance de l’Homme que dans la Violence, et étant chrétien il suit un script connu qu’il va simplement réactualiser en optant pour l’usage de concepts plus profanes : il réécrit un mythe des origines et de la Fin.
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Concernant votre évocation du sacrifice comme réactualisation rituelle du meurtre originel : si existe bien des pratiques sacrificielles dans nombres de cultures, considérer que ces pratiques ont toute une même origine est opérer à la façon de Girard et donc ignorer le contexte où elles apparaissent, et leur fonction, sens, etc… dans les cultures/paradigmes où elles se manifestent…Qu’existent des structures pyramidales un peu partout dans le monde, n’implique pas que les pyramides égyptiennes, amérindiennes, asiatiques, etc… aient ET la même origine ET la même fonction ET le même sens au sein des diverses cultures dans lesquelles des pyramides ont été bâties : pareil pour les sacrifices…Pratiques, comportements, rites, etc… d’apparence similaire peuvent effectivement se manifester dans divers groupes humains, cela néanmoins ne permet pas de supposer une origine commune, et encore moins une fonction similaire : les sacrifices des Grecs antiques ou autres sociétés urbanisées antiques n’ayant que peu à voir avec d’autres types de pratiques sacrificielles dans des sociétés avec des paradigmes radicalement différent : au point que l’usage du concept « sacrifice » n’a pour seul utilité que de pouvoir renvoyer à ce qu’il y a de plus « approchant » dans notre paradigme, ou les paradigmes de sociétés nous ayant influencé…Cela s’applique pour l’idée de « sacrifice », autant que pour (débat d’actualité) l’homosexualité (i.e. : le concept d’homosexualité n’a de sens que dans des sociétés ne connaissant que deux genres ou étant « hétérosexuelles », dans les sociétés avec x genres, ou genres intermédiaires, ou autre conception de la sexualité (cf : Rome : notre concept moderne d’homosexualité n’aurait aucun sens pour un Romain qui n’envisage la sexualité qu’en termes de rapports dominant/dominé, actif/passif) et pléthore d’autres concepts…OR la seule étude de groupes « primitifs » contemporains nous oblige à la prudence dès lorsqu’il s’agit de tenter de ne serait-ce qu’imaginer l’infinité de paradigmes et représentations du Monde que l’Humanité a pu produire…dès lors, évoquer une origine « unique » ou « commune » est une affirmation qu’il faut être à même d’étayer, sans cela, ce n’est rien d’autre qu’une affirmation gratuite…peut-être intéressante ou stimulante intellectuellement mais pas plus qu’une infinité d’autres.
Enfin sur « mes » indiens (vous spéculez un peu trop, à ma connaissance je ne possède aucun esclave…) : aucune méfiance : mais la conviction d’être supérieur et/ou de disposer d’une culture supérieure à toute autre donc aucun intérêt à intégrer quoi que ce soit d’extérieur, ensuite aucune méfiance vis-à-vis de ce qui est étranger : simplement désintérêt complet…
Quant à voir dans cette société une utopie socialiste : à nouveau, vous spéculez : les raisons pouvant expliquer ces choix culturels relèvent bien plus des contraintes environnementales que de l’idéologie politique chez les civilisés : à savoir que les Piraha vivent dans un environnement plutôt hostile néanmoins riche en termes nourriciers : donc ils ne stockent pas de nourriture par exemple, car aucun besoin, néanmoins ils s’imposent des jeunes réguliers afin de se renforcer (quand bien même la nourriture est disponible), de même ils ne dorment que par sieste de 2 heures max. (la nuit étant la plus propice aux prédateurs : notamment un certain gros chat) : après si vous imaginez des bobos socialos se mettant au régime sec (total sec) tous les deux trois jours, et ne dormant que par séance d’une à deux heures : je veux bien que les Piraha soient des crypto-socialistes amazoniens.
Pas plus n’existe de refus de compter : mais incapacité dû : a) le langage piraha et b) leur « logiciel de pensée » (certes difficilement entendable pour quiconque d’autre tant il est singulier) n’opérant que par expérience immédiate : compter/nombres nécessitent une capacité d’abstraction (anticipation par exemple) que ce mode « expérience immédiate » ne requiert pas : les Piraha n’anticipent pas, ne prévoient pas…au-delà du jour précédent ou suivant : aucune notion précise en termes de chronologie. Ce mode de pensée fondé sur la seule expérience immédiate expliquant aussi pourquoi histoire, mythes, mémoire, etc… n’existent pas : tout simplement parce que seul ce qui est directement expérimenté a une quelconque valeur pour eux : plutôt que crypto-socialistes tropicaux, les Piraha s’apparenteraient à des empiristes radicaux. Bien entendu difficile à comprendre dans des sociétés fondées sur l’Ecrit par exemple : où l’expérience d’autres nous est accessible quand bien temps et distance nous sépare de milliers d’années/kilomètres…Mais parfaitement entendable dans un contexte « jungle » où disposait d’informations fiables et vérifiables est un avantage décisif : l’hyper-empirisme piraha étant une évolution culturelle singulière : puisque il est assez rare que l’expérience des « anciens » ne soit pas intégrée par un groupe : chez les Piraha : soit vous êtes à même de confirmer que vous avez bien vu, bien fait, etc… soit ce que vous dites n’a aucune valeur.
Concernant l’homosexualité ou les genres, rien sur ce sujet dans ce que j’ai lu d’Everett, a priori les Piraha sont exclusivement hétérosexuels…Concernant l’acceptation des métisses, pas de problème chez eux : l’échange de faveurs sexuelles contre telle ou telle chose étant commun, nombre de Piraha sont métisses : pas de stigmatisation des métisses dès lors puisque cela n’a rien d’exceptionnel et ait accepté. Pour le reste, aucun enfermement ou isolement : les Piraha sont en contact permanents avec d’autres groupes : d’autres groupes indiens, ou les « Brésiliens » (marchands, pêcheurs, orpailleurs, etc…). Bon vous pouvez bien y voir un mode de gestion extrêmement élaborée du désir mimétique : j’y vois quant à moi une conséquence de leur mode de pensée : leur hyper-empirisme limitant l’intégration d’informations non « horizontalement »/directement transmises : cela impacte automatiquement le développement matériel : i.e. : techniques, savoirs, sciences, etc… nécessitent pour leur développement a) transmission, et b) constitution d’une « base de données » accessible : ce qui est objectivement impossible dans le paradigme piraha (expérience immédiate, empirique stricte) sans parler des limitations au niveau capacités d’abstraction, représentation, etc… elles aussi nécessaires au développement technique. Mais à nouveau c’est un choix : j’ai cité l’exemple des paniers tressés à escient : ils connaissent parfaitement les matériaux végétaux permettant d’obtenir des paniers plus solides, mais sont résolument réfractaires à l’idée de posséder quelque chose de « permanent » (raisons : environnement hostile, trauma historique, stratégie de survie ?...)
Concernant le funéraire : ils n’ont pas de rites funéraires, et n’enterrent grosso modo jamais de la même manière ceux des leurs décédés : i.e. : une fois ils enterreront le mort en position couché, une autre en position assise, etc… d’autres fois ils récupéreront un cercueil et l’utiliseront pour les funérailles : bref aucun rituel funéraire établi. A nouveau, le mode « expérience immédiate » et avec les implications en terme de conception du Temps conduisent à cette absence de rites funéraires établis : le mort dans un tel paradigme n’ayant aucun intérêt puisque exclu de l’expérience immédiate du Monde, et comme ni Passé, ni Futur n’ont de réelle dimension dans ce paradigme : le culte des morts est automatiquement très limité.
Enfin, votre conclusion : Il est vrai qu’on ne sait pas si il y a eu des conflits aux premiers ages, si il y a eu cannibalisme interne ou externe ou rite funéraires de décharnement, mais des lors qu’il y a des tombeaux intentionnels, au lieu de se débarrasser des cadavres avec les autres restes de chasse, on a quand même un indice fort que les idées de Girard fonctionnent.
Nope…les tombeaux intentionnels sont généralement interprétés - en anthropo, comme évidence de "modernité comportementale", généralement associée à activité symbolique. J’ai du mal à saisir en quoi cette manifestation d’un comportement aisément entendable par x autres manières dès lors qu’on parle d’humains serait un indice que les idées de G fonctionnent : encore moins lorsque les squelettes récupérés dans ces premières tombes ne présentent aucunement des signes de violence (i.e. victimes d’une mort violente) : différant en cela de nombre de sites néolithiques et post-néolithiques où les évidences de mort violente/intentionnelle ne manquent pas.
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@ Lord
Désolé, je suis bien trop lent...
Ce qui suit est ma réponse à votre message d’hier, 2 août 17h37, merci d’y prêter attention même si elle peut sembler manquer d’actualité. Je pense être venu à des points cruciaux, d’accord et de désaccord
Pour vos messages suivants, j’y reviendrai aujourd’hui ou demain.
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...ne suffira pas à me convaincre : j’ai lu, relu Girard, suis allé à certaines de ses conférences, ai « papoté » avec des girardiens…à chaque fois toujours ce même constat : quelque soit le sujet discuté : TOUT même en l’absence d’évidence confirme –selon les girardiens – le modèle girardien…Ce que vous faites d’ailleurs lorsque je vous cite quelques exemples de groupes ethniques : ex : le groupe Bushmen cité : quand bien l’adoption d’une telle stratégie peut renvoyer à une volonté de réguler les éventuelles violences intra-groupes, rien ne permet d’affirmer qu’en cela serait validé la théorie girardienne
Je vous propose que nous essayons de mettre ici les choses à plat au plan épistémologique.
Soyons poppérien et convenons, si vous le voulez bien, qu’aucune théorie ne peut être validée, vérifiée ou même confirmée.
Les théories peuvent seulement être réfutées (falsifiée si on veut faire dans l’anglicisme).
Une donnée quelconque peut donc :
a) soit, au mieux, corroborer une théorie, cad, se révéler « compatible » ou non contradictoire avec ladite théorie
b) soit infirmer l’anticipation de la théorie et donc la réfuter aussi peu que ce soit, au moins de manière périphérique.
En espérant que cette mise au clair vous convient, je vous précise donc que jusqu’à présent je me suis contenté de faire apparaître que les éléments que vous présentiez comme contradictoires ne l’étaient pas.
A aucun moment je n’ai prétendu qu’ils « validaient » la théorie girardienne.
Ils sont simplement « assimilables » par celle-ci et cette compatibilité fait qu’ils ne sont pas en mesure de faire apparaître une contradiction susceptible d’amener une réfutation.
C’est tout ce qu’a été mon propos.
Maintenant, soyons clair, plus des données « assimilables » se présentent et semblent pouvoir trouver plus ou moins facilement leur place dans le cadre théorique de Girard, plus le corpus de données « congruentes » s’étoffe, plus la théorie paraît solide.
Rien ne permet de la déclarer vraie, mais il est clair que plus elle paraîtra solide et plus de personnes seront disposées à la considérer comme « valable », au sens pragmatique de « efficace », plus le consensus à son égard s’élargira en somme.
Ensuite, le besoin de croire fait le reste, mais il appartient à la psychologie et non plus à l’épistémologie.
Bref, pour résumer, oui, en effet, quand vous apportez des données qui pourraient sembler contradictoires mais qu’il est possible de comprendre dans le cadre de la théorie girardienne, je m’en réjouis car je sais que celle-ci devient « plus forte », notion qui, encore une fois, n’est pas épistémologique mais n’est pas dénuée de sens en psychologie sociale.
ex : aucune dimension collective ou même « sacrificielle » au sens où Girard l’entend lorsque que « Petit Glaçon Suave » une ravissante beauté eskimaude se rend chez le « shaman » local parce que souffrant de troubles « psychologiques » et que le shaman après avoir tenté le sang de phoque fermenté, les séances de transe en igloo, voir même être allé au store "civilisé local pour acheter de quoi préparer un mix de whisky et valériane, en arrive à diagnostiquer que le désordre dont souffre Petit Glaçon Suave est lié à un déséquilibre entre son corps matériel et son esprit : et que le seul choix thérapeutique est de greffer à son âme l’esprit d’un quelconque oiseau arctique : bien entendu le shaman se rappelle ses leçons d’apprenti-shaman, et sait très bien que le seul moyen de réussir une telle opération spirituo-chirurgicale est de s’assurer que l’esprit de l’oiseau concerné ne soit plus relié au domaine matériel : ergo il faut séparer cet esprit de son corps : d’où le « sacrifice »…ici bien entendu il ne s’agit d’un « sacrifice » que si on l’entend selon une définition propre à notre paradigme, dans le paradigme de Petit Glaçon Suave il ne s’agit pas d’un sacrifice mais bel et bien d’une opération thérapeutique : greffe d’esprit volatile pour rétablir un déséquilibre intérieur…
Je suppose que vous voudriez que cet exemple soit perçu comme contradictoire avec la thèse girardienne. A moins qu’il ne serve simplement à pointer une alternative, une actualisation de la question du sacrifice.
L’étude des différentes formes et manifestations symboliques préhistoriques laissant à penser/supposer que ce type de paradigmes, représentations du monde, etc… animiste/shamaniste était commun (sans certitude quant à leurs relations avec des systèmes similaires contemporains) : envisager le sacrifice uniquement sous l’angle girardien me semble une réduction injustifiée de ce que ce concept peut entendre.
La justification de la réduction au sacrificiel girardien tient, je crois, à la présence de ce dernier dans une très grande variété de religions et de mythes de par le monde.
Si on se place dans une logique de pensée évolutionnaire (comme explicitée par Lorenz qui voulait repérer les caractères ancestraux à partir des espèces actuelles de canards), si on veut trouver le caractère le plus ancien, le plus fondamental, on cherche celui qui est le plus commun.
Et ce qu’il y a de plus commun aux religions et aux mythes fondateurs de par le monde, c’est le sacrifice, ne vous en déplaise.
Le fait que toutes les religions actuelles ou sub-actuelles ne présentent pas tel ou tel caractère ne permet aucunement de nier son statut ancestral ou « original » (au sens de présent aux origines)J’en arrive à cette question de « curseur temporel » à déplacer : en effet, le modèle girardien pourrait me sembler plus pertinent voir valide dans le cadre de sociétés plus complexes où la démographie aggrave ces potentielles violences/conflits « mimétiques » (à noter que je ne partage pas plus la définition girardienne du désir comme étant mimétique, ou de la rivalité mimétique étant automatiquement productrice potentielle de violence) autant que la multiplication des « objets » potentiellement vecteurs de ces tensions.
Pour faire court : le profil démographique à l’aube de l’Humanité : ce sont des groupes de chasseurs-cueilleurs de 10 à 30 personnes max. (en moyenne 10-15) à espérance de vie réduite (20-25 ans), avec une probabilité bien souvent nulle de rencontrer un autre groupe humain au cours de leur existence : donc des groupes de 10-15 personnes, composés principalement de femelles/femmes et d’enfants (fort déséquilibre préhistorique ratio mâle/femelle constaté via la génétique) : soit principalement des femmes/adolescentes, des enfants, et 2-3 ados ou jeunes adultes mâles vivant sous la menace constante de prédateurs divers et variés et disposant d’une surface géographique dont nous n’avons pas idée (rappel : démographie globale quelques milliers voir dizaines de milliers à l’échelle du globe, avec des bottlenecks où ne restaient que quelques centaines d’individus voir moins) :
Franchement, là, je me régale. Le champ de réflexion est beaucoup plus clair présenté ainsi. Donc d’abord, grand merci pour cet aperçu synthétique extrêmement intéressant.
J’aurais juste besoin que vous puissiez le situer dans le temps.
Je suppose que vous nous parlez là du paléolithique car, bien évidemment l’absence d’interaction entre groupe fait que nous avons là un tableau susceptible d’expliquer la warlessness que vous nous avez signalée.il m’est donc difficile de considérer qu’aucun autre mode de régulation que le sacrifice d’un membre de groupes aussi réduits n’ait pu existé : considérant le rôle de diplomates des femelles, le nombre limité de testostéronés potentiellement agressifs, et bien entendu l’instinct de survie.
Franchement, je suis très à l’aise pour vous dire que oui, oui, bien sûr, dans un petit groupe comme ça, on ne va pas tirer à la courte paille pour savoir qui va être le sacrifié.
Nous ne sommes pas dans le bateau de Jonas.
Il n’y en a aucun besoin car pour chacun de ces groupes il y a l’entour sacré qui recèle toutes les forces supra-humaines tellement dangereuses et duquel surgira le sacrifié, celui qui viendra s’offrir aux armes du chasseur pour le bien de la horde.
La seule chose que j’ajoute donc aux données que vous présentez, c’est le présupposé de l’existence d’une culture (de représentations) du sacré articulées à l’activité de chasse.
Nous avons là du religieux en acte qui pourra attendre le moment qui vous semble approprié pour permettre l’avènement d’un religieux institutionnalisé parce que précisément des institutions (royauté, prêtrise) apparaissent.Il est clair qu’en présentant les choses ainsi je peux sembler décaler considérablement le sacrifice girardien sur le versant de la chasse.
Mais ce décalage n’existe pas pour moi car, comme explicité dans le texte original, il est clair que les chimpanzés de Gombé sont engagés dans une pratique qui est mi-chasse mi-sacrifice.J’ai donc toujours vu les deux comme indissociables à l’origine et dans une lettre à Girard que je publierai ultérieurement, j’essaierai de montrer que cette unité englobe la guerre.
D’autant plus qu’il est connu que lorsque la tension dans un groupe de chasseurs-cueilleurs s’accroit (notamment en cas de surnombre = dépassement de 20-30 sur un territoire donné) : des sous-groupes se constituent et se séparent, chacun allant dans une direction (un des modes de régulation ayant autant permis la survie de nos ancêtres, autant que leurs migrations dans l’ensemble du globe, ainsi que la diffusion de techniques/savoirs mais aussi langage) : assez souvent ces sous-groupes se retrouvent pour un temps en un territoire donné (notamment pour grandes chasses, alliances, « mariages », …) avant de se séparer à nouveau sans heurts ni fracas.
Good. Nous avons là de quoi résoudre le problème du tabou de l’inceste et de la nécessaire exogamie.
Maintenant, il est clair que les occasions de conflits se sont multipliés et que l’on va pouvoir insensiblement glisser d’un sacrificiel centré sur la chasse à un sacrificiel plus organisé et plus conforme aux stéréotypes.Bref au niveau ethno/anthropo/paléo…, nombre de pistes et alternatives existent et sont suffisamment étayées par x indices pour que je demeure dubitatif quant au modèle proposé par Girard.
Ce que vous présentez n’est aucunement une alternative.
ça ne pourrait le devenir que si pouviez faire une démonstration par a plus b de l’absence de tout élément sacrificiel.
Vous ne pouvez faire cela car il vous faudrait pour cela passer par la case : "je dispose de tous les éléments culturels présents à un moment donné".C’est comme à l’école, pour prouver l’absence d’un élève, il faut que toute la classe soit rassemblée.
Vous ne pourrez faire cela et je dirais même que vous n’essayerez même pas car les éléments de nature sacrificielle, une fois que vous commencerez à les chercher résolument, tout comme Girard, vous les trouverez partout.
je suis sûr qu’ils fourmillent dans ces moments de rencontres ritualisées entre groupes épars qui se retrouve pour telle ou telle fête où l’on échange les objets dangereux car désirables, comme les femmes par exemple.Aussi donc, ma réticence n’a ni à voir avec ma supposée « incompréhension » ou compréhension biaisée du modèle girardien, ni avec quelque pression de mon « entourage intellectuelle » , pas plus qu’avec qu’une quelconque vision « orthodoxe et rigoriste » de « LA » science : je suis ouvert à nombre de théories et idées, suis plutôt plastique et n’ai aucun problème à changer d’opinion si on me fournit suffisamment d’éléments le permettant.
Je m’en réjouis. Pour ma part je pense ne rien avoir affirmé et m’être simplemente inquiété de la pression de l’entourage que je sais très vive dans ce milieu grégaire par excellence qu’est le domaine de la recherche
Enfin, de mon expérience (USA) Girard n’est absolument pas « ignoré » suffisamment de débats, critiques, etc… ont été produites au cours des dernières décennies, montrant que ses idées sont discutées au niveau universitaire – de même que le « girardisme » dispose de nombre de « fondations » assurant la diffusion/promotion de ses théories – donc pas de manque de $$$,
Et bien, vous me l’apprenez car je n’avais pas fait le même constat. Et je m’en réjouis même si je comprends que ceci vaut pour les USA et pas pour la France où Girard est surtout (re)connu par le grand public.
néanmoins je me répète du point de vue de l’anthropologie (culturelle et religieuse) : énoncer que si un mythe ne confirme pas « objectivement » (littéralement) votre thèse, ce n’est en fait qu’une confirmation de la dite thèse, puisque c’est là la preuve du mensonge/travestissement supposément inhérent aux mythes ergo preuve/confirmation de la dite thèse…risque effectivement de poser quelques problèmes, ne serait-ce que d’ordre méthodologique :
Vous insistez beaucoup sur cet aspect et je comprends que cela puisse vous arrêter.
Ce que je vous propose c’est de nous en donner un exemple précis tiré du texte girardien afin que nous puissions réfléchir concrètement sur la questioni.e. mythologie comparée, ethnologie, anthropo culturelle/religieuse, etc… ne fonctionnent pas selon les mêmes approches que la critique littéraire dont Girard est issu…
Désolé d’avoir à vous le dire, mais là vous jouez petit.
Ce que vous faites est une attaque ad hominen, qui est malheureusement assez classique dans les milieux scientifiques (qui sont humains, trop humains) même si c’est complètement prohibé en principe.
En science nous sommes censés être dans le monde III de Karl Popper : toutes les idées, toutes absolument sont bienvenues pour offrir une cohérence au corpus de données dont nous disposons.
Peu importe de savoir qui est la personne qui porte l’idée, quelles sont ses qualifications et quelle est sa méthode de pensée.
Ce qui importe c’est de mettre l’idée à l’épreuve des faits.Il faut donc a minima fournir autre chose que de simples lectures interprétatives de tel ou tel mythe ou tel ou tel rite.
Pour les raisons exprimées juste au-dessus, ceci est faux.
D’abord parce que votre « il faut a minima » ne trouvera aucune autre justification rationnelle que « il ME faut a minima ».
En effet, comme indiqué plus haut, en science même une simple conjecture est légitime.
Et si de surcroît, une conjecture est étayée par une analyse intertextuelle des documents les plus représentatifs de la pensée archaïque, eh bien ça fait une belle hypothèse.
C’est ce que Girard prétend tenir, une belle hypothèse.
Et peu importe le degré de conviction avec laquelle il s’y attache. Toutes ces considérations relèveraient de l’ad hominen, elles sont donc non pertinentes.Enfin, ma raison principale est qu’ayant stricto sensu grandi dans la jungle avec des « primitifs » : je ne peux que constater que l’Erisanthropus Mimeticus de Girard est aussi « réaliste » que le bon sauvage de Rousseau, ou le sauvage barbare selon d’autres…
Mea culpa, je n’ai pas bien suivi quand vous avez évoqué déjà ce Erisanthropus Mimeticus, je n’ai pas idée de ce que vous cherchez à évoquer par là.
Je n’ai donc aucun problème d’ordre « blocage intellectuel »,
Je ne sais pas si quelqu’un a pu évoquer ça vous concernant mais en tout cas ce n’est pas moi
je demeure simplement dubitatif en l’absence d’autres choses qu’une grille d’interprétation suffisamment large pour que de fait G ou les « girardiens » l’appliquent à TOUT : pour reprendre un pasteur yankee, girardien convaincu : tout du Neurone à l’Eschaton confirme les théories de Girard : vous conviendrez alors que je demande au minimum quelques éléments factuels…
Là ça prend une tournure très intéressante.
La question est qu’est ce qui serait pour vous une preuve ?Il semble que vous les écartiez toutes sous le prétexte, fallacieux, que les Girardiens ayant la prétention d’appliquer la théorie girardienne à tout, alors tout devrait la confirmer directement.
Vous constatez que ce n’est pas le cas car vous voyez de l’absence de sacrifice ici et là et vous concluez que la théorie girardienne n’est pas valide.C’est l’impression qui ressort de notre échange.
Donc je repose la question, qu’est-ce qui serait pour vous un élément probant ? Un « coup fumant » ?Mais rassurez-vous, mes réticences ne se limitent pas au girardisme : je suis un sceptique c’est tout…
Bien venu au club.
Je pense qu’à force d’entraînement je peux démonter à peu près tout.
Et précisément, quand ça résiste, alors j’y crois -
Tous cela est très général. Mais le lieu s’y prête.
D’accord, toute théorie qui se voudrait complétement explicative de l’humain serait par définition scientifiquement erronée puisqu’il faut un système de dimension n+1 pour expliciter un système de dimension n.
D’accord, il y a un vrai risque dans ce sens avec les idées de Girard entre des mains trop enthousiastes. Mais c’est plus le problème de ces gens que du modèle.
Et oui, je pense que nous sommes tous d’accord pour dire qu’en tout état de cause, ses hypothèses sont stimulantes et éclairent des phénomènes d’une façon nouvelle et intéressante.Personnellement, je pense en toute immodestie, avoir fait un apport absolument decisif a la verification experimentale de ses idées et notamment dans les conséquences a proprement parler physiologique du sacrifice sur les individus et sur le collectif.
C’est la bataille de polochon.
Cela commence on ne sait pas pourquoi ou comment en général. Cela monte progressivement au extremes.Des camps se forment plus ou moins mais en realite, il y a facilement du tous contre contre tous. L’excitation monte en même temps que l’indifférenciation. Il ne viendrait a personne l’idée de dormir.
Et brusquement, tous s’arrête, tous se calme et peu de temps après, tous le monde dort. C’est au moment ou il y en a un premier qui a mal.
Après, je ne sais pas. Lord, si vous avez grandit dans la jungle, vous n’aviez pas nécessairement d’oreiller. Mais l’expérience existentielle que je décrit est corroborée par de nombreux témoins objectifs....
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@Eric :
Je reviendrai sur la question théorie scientifique ou non dans ma réponse à LLS. Donc réponse courte au reste de votre com : en effet, le problème avec toute théorie (ou idéologie, philosophie, etc… = système de pensée) apparaît souvent plus lié avec la ou les récupérations que par l’énoncé même de la dite théorie : néanmoins celui qui produit a aussi une responsabilité : sans aller jusqu’à demander qu’il accepte qu’elle soit en tout ou partie erronée, verrouiller une théorie au point que toute critique se voit invalidée tel que le fait Girard en affirmant que autant mythes, rites, sites, etc… permettant de présumer d’une activité/origine sacrificielle que mythes, rites, sites, etc… ne le permettant pas (et de facto bien plus nombreux d’un point de vue empirique) sont des preuves (« positives » ou « négatives ») de la validé de sa théorie : en cela rien d’étonnant que les « girardiens » ne soient pas les plus ouverts à la critique : la théorie originelle autant que le théoricien l’empêchant. De plus, un « scientifique » évitera généralement l’emploi de concepts que « vrai » ou « mensonge » : ce qui n’est pas le cas de Girard qui lui emploie l’idée de mensonges pour tous les mythes, excepté celui de la révélation christique du mécanisme victimaire postulé qui lui serait « vrai ». Nous ne sommes plus dans la Science : même avec la définition la plus large ou plastique qui soit…
Ensuite pour en revenir aux « gens » et aux problèmes qu’ils peuvent poser : simple anecdote impliquant un critique de Girard et des girardiens : le critique de G (Joshua Landy, professeur à Stanford) s’étant fendu d’une tribune critique –principalement que le modèle girardien ne s’appliquait pas à lui- à l’encontre de la théorie girardien et de ses adeptes (ou disciples de G) : les girardiens irrités - dans les faits les membres du think-tank/fondation/institut girardien « Imitatio » fondé et financé par Peter Thiel fondateur de Paypal, un des premiers investisseurs de Facebook, de même que fondateur/CEO de Clarium Capital « global hedge fund » : bref simple rappel afin de rassurer LLS quant à la diffusion (voir entrisme/lobbyisme) des théories girardiennes : Imitation ne manque pas de $$$ et n’est qu’UNE des x fondations dédiées à propager la bonne parole girardienne – se sont lancés à la requête de Thiel (le plus irrité d’entre eux) dans une opération de « dirt digging » (i.e. fouiller dans son passé et prouver à Landy qu’il était lui aussi un être purement « mimétique ») : ils ont lancé leur petite investiga-quisition : allant jusqu’à retrouver quelles furent les lectures de l’étudiant Landy à Cambridge (UK : sacrée distance entre Stanford et la library de Cambridge), avec qui il avait couché sur le campus, quels étaient ses potes, etc…
Le disciple girardien et grand maître d’Imitatio, Peter Thiel accusa donc réception du dossier « noir » sur Landy, et demanda à son équipe de publier afin de « nail that left-wing bastard » (traduction : clouez moi cet enc… de gauchiste) :
Mais voilà : aucune des preuves à charge fournis par les girardiens prouvant l’irréfutable nature mimétique de Landy ne tenait la route : ses lectures de Kierkegaard à Cambridge par exemple n’avaient rien à voir avec quelconque influence (et mimétisme conséquent) de ses camarades étudiantes (pur hasard lorsqu’à 14 ans il choisit parmi une rangée de livres « La maladie à la mort » de ce bon vieux Soren – dont il n’avait jamais entendu parler, pour la simple raison que le titre lui plaisait…Quant à l’étudiante qu’il … sur le campus –selon les girardiens Landy aurait été « mimétiquement » attiré par elle –dans un de ses girardiens triangles- parce qu’elle était la gf d’un playboy libanais superstar sur le campus, or il s’avère que ce n’était absolument pas le cas : ce fut le playboy phénicien qui fut attiré par la belle parce que pensant qu’elle plaisait à Landy : ajoutant que son ex roommate avait toujours été "his own man" : bref ni imitation, ni volonté d’avoir les mêmes choses ou gf que le cool-charismatique playboy libanais…
Ainsi les »chercheurs" d’Imitation, fair-play en dépit de leurs méthodes quelque peu douteuses, ont du reconnaître leur défaite : et ont donc produit un rapport d’une cinquantaine de pages présentant Landy comme une exception aux lois du désir mimétique : un être humain complètement/pleinement autonome "his own man"…
Bien entendu, à la différence de tout scientifique à qui serait présenté une preuve réfutant sa théorie (ce qui est le cas lorsqu’une théorie postulant l’être humain comme n’ayant de désirs que mimétiques se voit contredite par l’exemple d’un seul individu : impliquant que le nombre d’invidus la réfutant ne se limite pas à un : mon expérience personnelle me suffit pour le constater…), les girardiens ne sont pas allés aussi loin : se contentant de dire que cela soulevait quelques questions dérangeantes…un peu comme Girard qui depuis des décennies hoche à la tête aux cirtiques, aux réserves, etc… mais ne changera pas une virgule à la loi girardienne (aucune référence au NT ou à quelque parole d’un certain J. : nous parlons ici de G.) …
Donc oui des idées intéressantes (je ne confonds pas idée avec hypothèse), une nouvelle approche certes mais c’est tout…
Vous évoquez comme démonstration empirique : les mythiques batailles de polochon :
1) rivalité, conflit, bouc-émissaire, etc… peuvent s’envisager autrement que par le seul biais du mimétisme/imitation : domination (ex : le bouc-émissaire comme relevant d’une forme d’hyper-domination ou domination partagée vs dominé unique), hormones (la testostérone semble être ignorée autant par les girardiens que par les « genderistes »), socialisation, etc… peuvent soit les expliquer soit aller de pair avec imitation : ma critique va avant tout à avancer l’imitation comme seul élément fondamental : possible qu’il s’agisse bien d’un élément fondamental mais je n’irai pas jusqu’à postuler qu’il soit le seul ou le plus déterminant : encore moins s’agissant d’agents intelligents et conscients, disposant autant de l’Intuition que de la Raison, et à même d’opérer des choix singuliers (uniques) –ce qui n’exclut pas d’opérer des choix « particuliers » = par imitation.
2) puisque ces épiques batailles sont généralement le fait des créatures les plus mimétiques qui soient : redoutables prédateurs, de petite taille, poids léger, imberbes et particulièrement irritants et ayant tendance à hypervocaliser…bien entendu, je ne parle pas de trolls ou d’hobbits sous amphèts mais des "bambins sapiens« et invoquerai donc la jurisprudence »CHOUX DE BRUXELLES" concernant la supposée essentiellement mimétique nature du désir : tenter l’expérience avec la (supposément) plus mimétique des créatures qui soit : donc "bambin sapiens" en vous imposant jour après jour (rituellement) l’ingurgitation de choux de bruxelles (ou autres verdâtre denrée) : excepté accroitre la fréquence (et nocivité) de vos flatulences, de confirmation d’un mimétisme mécanique et essentiel : vous n’en aurez point : néanmoins « bambin sapiens » pourrait commencer à douter de vos qualités de modèle…g semble ignorer le goût (donc l’existence d’une subjectivité qui n’a rien de mimétique mais est bel et bien singulière et ici je précise A PRIORI à toute mimesis) et certains aspects biologiques (bambin sapiens se méfie de toute bouffe de couleur bleue, verte et assimilée, et tend à préférer ce qui est rouge (protéines) ou jaune (gras), de même que sucré…en cela par exemple l’explication de la chasse comme fondamentalement « sacrificielle » me semble limité : la biologie, les divers stages évolutifs (notamment développement bipédie de primates opportunistes, développement cérébral et carences en vitamines et autres dans une diète peu carnée, etc…) me semblent des éléments trop facilement ignorés par le girardisme…
Ensuite afin de ne pas se limiter à "bambin sapiens« , j’invoquerai une autre jurisprudence »ROCCO SIFFREDI" : concernant Rocco le bien-membré : et bien le modèle girardien semble ignorer une particularité de « rocco sapiens » à savoir que parmi les primates (voir comparé à l’ensemble du règne animal) : « rocco sapiens » est bel et bien membré disproportionnément…de même que la forme de ce viril membre répond à une fonction précise : la compétition avec les spermatozoïdes de votre (supposé) mimétique rival : ceci impliquant que pour qu’une telle évolution fût possible : la proto-horde de berserkrs hobbésiens (imaginés par g) plutôt que de se foutre sur la gueule pour Mme de Renal devait se la partager –que le désir ait été mimétique ou non n’y changeant rien, sinon aucun intérêt évolutif à ce membre disproportionné si la seule violence « mimétique » opérait…c’est bien parce que l’accès était ouvert à TOUS (donc neutralisation de toute rivalité, ergo des conflits potentiels conséquents) que rocco sapiens a du adopter une stratégie alternative pour s’assurer que rocco junior soit bien le fils de papa et pas d’un autre…l’option BONOBO semblant alors être une hypothèse plus valide que Eris : bien entendu « chrétiennement » et donc « girardiannement » parlant faire naitre l’Humanité d’une orgie continuellement répétée peut poser problème.
Sinon, l’histoire de l’Advertising ne confirme pas g : les échecs retentissant de campagnes jouant possiblement sur ce désir mimétique étant connues : again que ce principe mimétique opère, même à un niveau fondamental est entendable voir possiblement démontrable, mais que ce soit l’Alpha et l’Omega est une position beaucoup plus difficile à défendre.
Enfin, yes j’ai passé l’essentiel de mon enfance et adolescence en Am. Sud (principalement Amazonie et quelques séjours dans les Andes, ainsi que quelques trips en Asie et Sibérie : toujours chez les « primitifs » : raison parents ethno-anthropo) : et par exemple, bien qu’ayant TOUJOURS été le parfait potentiel bouc-émissaire puisque étranger, « bizarre », avec une drôle de tête, etc…ayant à chaque fois à apprendre une nouvelle langue et bien entendu ne la maitrisant pas aussi bien que mes camarades de jeu, ayant des occupations tout aussi étrange (lecture par exemple) : j’aurai été un bouc-émissaire parfait en maintes occasions : or cela ne m’est jamais arrivé : pas plus que je n’ai pu constaté de « rivalité » supposément mimétique : par contre OUI, le Jeu était un élément essentiel du quotidien que ce soit chez les enfants que les adultes, pour la chasse, la pêche ou divers rituels…Je n’ai commencé à découvrir cette obsession à vouloir ressembler ou posséder à l’Autre qu’en débarquant dans une autre jungle : urbaine pour le coup…
Sinon pour le reste, je n’ai pas à la différence de vous fait d’expériences empiriques corroborant le modèle girardien (et ici je précise la nature TOUTE mimétique du Désir).
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En fait, je pensais plutôt a la nature étonnamment cathartique du « sacrifice » et a l’impossibilité a peu prêt complète de comprendre comment on en arrive a se lancer des oreillers sur la gueule comme si sa vie en dépendait.....
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…le caractère succinct autant que la brièveté m’apprendra à m’épancher…donc je vais faire succinct/bref (bien entendu comparé à mes coms précédents)
Sinon dans les deux cas que vous citez : nul besoin de passer par le modèle girardien : des alternatives crédibles, si ce n’est valides existent :
Concernant le pouvoir « cathartique » du sacrifice : généralement conçu comme permettant de OU maintenir/restaurer l’ordre/équilibre, ou de réparer/guérir un désordre/déséquilibre en attribuant « arbitrairement » à tel « objet » (que cet objet soit animal, humain, végétal, etc… ou relève d’un rituel particulier, etc..) : il existe un phénomène très commun qui opère de la même façon, connu autant des scientifiques que de n’importe quel medicine-man ou charlatan en quête d’easy&fast cash : l’effet placebo : à savoir l’attribution à un objet d’un pouvoir guérisseur
- toute pathologie pouvant se définir comme un désordre/déséquilibre comparativement à l’état sain (ordre/équilibre)or pour reprendre l’approche évolutionniste de LLS : il s’avère que cet effet placebo serait aussi une adaptation, à entendre en terme de coûts/bénéfices (i.e. : mobilisation des défenses immunitaires que si cela présente un avantage) : relevant de la façon don’t le cerveau va traiter/sélectionner diverses informations lui permettant d’évaluer la probabilité de guérison ou non, en fonction de ce qu’il CROIT et en termes de rapport coûts/bénéfices : et donc l’effet placebo s’apparente donc à tromper le cerveau sur la base de fausses informations : i.e. la l’attribution erronée d’un potentiel guérisseur à tel objet (substance, pratique, etc…) : le cerveau convaincu que la pathologie est traitée, ne mobilise pas les défenses biologiques : trop coûteuses. L’effet placebo serait donc, d’un point de vue évolutionnaire, une réponse évolutionnaire (auto-traitement) permettant de limiter la mobilisation du système immunitaire à chaque désordre pathologique (la fièvre, par exemple est une autre de ces réponses évolutionnaires ou auto-traitement puisqu’elle permet de neutraliser bactéries ou virus par simple élévation de la température : donc pas de mobilisation immédiate et coûteuse du système immunitaire) : ici je résume succinctement l’approche en médecine évolutionnaire.
Donc pour faire court : on a entre effet placebo et pratique sacrificielle : plusieurs points communs, et notamment un d’importance : la CROYANCE et la capacité des croyances/convictions d’attribuer tel ou tel pouvoir guérisseur/réparateur à tel objet, pratique, etc…
L’effet placebo ayant été observé chez les animaux : principalement les domestiques, notamment le chien : mais là parasitage du à relation maitre/animal, donc pas le meilleur exemple donc cherchons ailleurs chez moins domestiqués : le hamster de Sibérie qui lui aussi semble connaître cet effet placebo puisqu’une simple variation de la lumière dans sa cage, provoquera la mobilisation ou non de son système immunitaire : dans les deux cas il guérira : effet placebo donc agissant. Il semble aussi que l’effet placebo soit plus important chez les nourrissons et les enfants.
Tous ces éléments permettant donc de supposer que chez le proto-humain ou humain « primitif » l’attribution « arbitraire » d’un pouvoir guérisseur à tel objet ait été connu : puisqu’existant autant chez l’animal que chez l’humain au développement incomplet : vu que le mécanisme impliqué et les ressorts de l’effet placebo sont plutôt similaires à ceux du sacrifice : nul besoin d’envisager de « meurtre originel » comme origine des pratiques sacrificielles : l’attribution arbitraire d’un pouvoir guérisseur/réparateur ou « cathartique » à tel objet (substance, pratique, acte…) étant antérieur : de plus si on imagine une proto-humanité ou humanité « primitive » comme opérant principalement par « pensée magique » (stade « infantile ») ou « intuition » : et donc envisageant des relations de cause à effet fictives : à nouveau l’origine des pratiques sacrificielles peut se passer du modèle girardien (désir/rivalité/conflit mimétique), enfin le conditionnement observé autant chez les animaux que les humains lui aussi offre une alternative quant à cette attribution « arbitraire » de tel ou tel pouvoir à tel ou tel objet : le conditionnement opérant autant à l’échelle individuelle que culturel (= échelle d’un groupe) : à la différence de l’effet placebo par exemple limité à l’individu malade (le médecin sachant que le placebo n’a aucun pouvoir de guérison « objectif »)
Enfin, un point important ici est cette idée de rapport coûts/bénéfices : notamment dans l’étude du fait religieux et plus particulièrement des communautés religieuses : à savoir l’observation répétée que plus le coût (que ce soit au niveau des pratiques, rituels, ou socialement) sera élevé pour le croyant (membre de telle communauté) plus les bénéfices escomptés seront élevés (notamment au niveau solidarité entre membres, prise en charge des malades, invalides, veuves, orphelins, etc…) : une des explications étant que cela permet l’élimination des « free riders » (ou parasites si vous préférez) :
Illustration de ce qui est entendu par coûts : pratiques contraignantes (notamment au niveau corporel ou pour ses implications sociales : ostracisation) : mutilations rituelles (circoncision), règles régentant chaque geste du quotidien, code vestimentaire, etc… pour les bénéfices ce sera principalement la constitution de réseaux de solidarités « exclusifs » que ce soit en terme d’assistance (argent, soins, accès à un emploi), prise en charge des membres les plus faibles, etc…
Bref comme exemple : les communautés ultra-orthodoxes : vivant selon les 613 or so miztvots, se baladant en toques et fourrure alors qu’il fait 45° à l’ombre, circoncision, halakha, diète stricte, etc… sans parler du coût social (que ce soit aujourd’hui que bien entendu au cours du Passé) avec en contrepartie des réseaux d’assistance et solidarité aussi exclusifs qu’efficaces…
L’observation de tel type de communautés conduisant à faire ce constat : a) que les communautés les plus exigeantes en termes de coûts pour le membre ont une durée d’existence supérieure à celles moins exigeantes – plus le coût sera élevé pour les membres, plus la communauté sera homogène et donc pérenne, et b) que plus une communauté sera exigeante, plus elle attirera – comparée à d’autres apparentées moins exigeantes : c’est ce qui est observé par exemple dans les communautés « évangélistes » yankee : les plus « hardcore » sont celles qui connaissent la progression la plus importante en nombre de membres.
Or pour en revenir au sacrifice : que l’on parle d’un humain ou d’un animal ergo d’enlever la vie : en termes de coûts rien de plus élevé – que ce soit en termes strictement matériels (potentiel « économique ») ou en termes « moraux » : ici, on peut donc inscrire les pratiques sacrificielles dans cette logique de pérennisation/homogénéisation d’un groupe singulier, sans à nouveau invoquer mimétisme ou autre : les membres d’une communauté X sont prêts à tel sacrifice « arbitraire » –que ce soit sur leur personne (rituels, jeûnes, diète stricte,vêtements inadaptés, corvées, sexualité régulée, etc…) ou une autre, à la condition que le coût laisse escompter des bénéfices autant exclusifs aux membres –priorité par rapport aux étrangers au groupe ou aux « parasites », qu’assurant la protection de l’individu que la pérennité du groupe.
Et historiquement, le cas du groupe juif valide largement cette perspective en termes de coûts/bénéfices notamment la relation entre coût « élevé » et pérennité du groupe en dépit d’un environnement « hostile » ou de l’ostracisation conséquente : de même que x autres groupes (Amish et autres sectes par exemple : ou même les salafistes suburbains post-modernes avec burka et tenue de berger pachtoune inclus).
Quant à " l’impossibilité a peu prêt complète de comprendre comment on en arrive a se lancer des oreillers sur la gueule comme si sa vie en dépendait.. " : la même idée relative au pouvoir de suggestion, d’auto-induction ou d’état de conscience altérée peut être employée ici aussi : la fureur polochonique pouvant être comparée à celle des berserker nordiques, des soldats sur la ligne de front mais aussi des mémés addict au bridge ou au bingo, à n’importe quel pratiquant d’un sport collectif, un accroc au poker, aux videogames, etc…voir même à ceux qui ne sont que simples spectateurs (fans de foot par exemple qui vont balancer leur écran LDC XXL acheté à crédit parce que cet enc… de X a raté son penalty).
Dans tous les cas : l’état « normal » de l’agent conscient/intelligent humain se voit altéré ou modifié : forme d’ « hypo-transe » si vous préférez –quoique dans des cas extrêmes transe hystérique soit approprié : donc un état auto-induit ou autosuggéré où par exemple capacités de raisonnement se voient court-circuitées/neutralisées : régression à un état « pré-rationnel » avec focus sur un et un seul but aussi dénué de valeur qu’il soit : pour rappel l’être rationnel régressant à ce type d’état descend de l’espèce prédatrice la plus efficace connue à ce jour : avec ce que cela implique lorsque ses instincts remontent à la surface. Sinon concernant les états de transe (hystérique ou non) d’états mofidiés de conscience, ils peuvent OU (parfois) être spontanés, ou ne pas nécessiter l’emploi de tambourins, de psychotropes, de répétition mantrique, etc... moi-même un simple voyage en train (bon les anciens qui font tchh-tchh...) me suffit pour entrer dans un état semi-conscient...où se mêlent allègrement rêveries, pensées et le background « réel »...
Dans tous les cas aussi, évolution dans une réalité elle aussi altérée/modifiée et bornée (i.e. : règles, terrain, espace limité, etc…) : bref on est hors-normalité (quelque soit la définition de cette normalité selon tel paradigme donné) : on opère dans le domaine du JEU qui comme la Religion implique d’opérer temporairement dans un domaine où les ’règles" habituelles n’opèrent plus, ou pour donner dans le littéraire : un processus proche de la suspension consentie de l’incrédulité avec ici des conséquences plus « sérieuses » que la lecture d’un Harlequin où tel nabab multimilliardaire s’éprend d’une soubrette moche comme un pou et bien entendu sans le sou...néanmoins pendant le temps de la lecture, on y croit, on ressent, on chouine, etc...on espère que Jill épousera Marco, et que c’est là ce qu’il y a de plus important au monde hic et nunc...réactions tout aussi « anormales » ou « absurdes » et donc incompréhensibles que celles faisant d’une victoire polochonesque l’ultime absolu...mais again pendant un « temps »...
Si un individu peut se mettre dans cet état de "fureur polochonique" même en étant seul (de plus en plus courant avec les addicts aux video-games et le développement d’internet : qui voit nos contemporains s’exciter tout seul devant leur écran), OU si je peux induire cet état chez un individu par simple suggestion (le berserker, le soldat ou le sportif) aucun besoin d’invoquer quelque contagion mimétique…
Et again, je n’ai pu m’empêcher de m’épancher …
mais bon promis après ma réponse à LLS, je me calme...
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correctif : Concernant le pouvoir « cathartique » du sacrifice : généralement conçu comme permettant de OU maintenir/restaurer l’ordre/équilibre, ou de réparer/guérir un désordre/déséquilibre en attribuant « arbitrairement » TEL POUVOIR à tel « objet » (que cet objet soit animal, humain, végétal, etc… ou relevant d’un rituel particulier, etc..) :
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@ Lord
En attendant que vous réagissiez, comme je l’espère, à mon message du 3 aout 9h30 que je pensais quasi-conclusif (sur nos points d’accords ET de désaccords) mais dont je devine qu’il ne saurait l’être en aucune manière, je vais réagir à certains points de votre message à Eric.
Je reviendrai sur la question théorie scientifique ou non dans ma réponse à LLS. Donc réponse courte au reste de votre com : en effet, le problème avec toute théorie (ou idéologie, philosophie, etc… = système de pensée) apparaît souvent plus lié avec la ou les récupérations que par l’énoncé même de la dite théorie : néanmoins celui qui produit a aussi une responsabilité : sans aller jusqu’à demander qu’il accepte qu’elle soit en tout ou partie erronée, verrouiller une théorie au point que toute critique se voit invalidée tel que le fait Girard en affirmant que autant mythes, rites, sites, etc… permettant de présumer d’une activité/origine sacrificielle que mythes, rites, sites, etc… ne le permettant pas (et de facto bien plus nombreux d’un point de vue empirique) sont des preuves (« positives » ou « négatives ») de la validé de sa théorie : en cela rien d’étonnant que les « girardiens » ne soient pas les plus ouverts à la critique : la théorie originelle autant que le théoricien l’empêchant. De plus, un « scientifique » évitera généralement l’emploi de concepts que « vrai » ou « mensonge » : ce qui n’est pas le cas de Girard qui lui emploie l’idée de mensonges pour tous les mythes, excepté celui de la révélation christique du mécanisme victimaire postulé qui lui serait « vrai ». Nous ne sommes plus dans la Science : même avec la définition la plus large ou plastique qui soit…
Ne le prenez pas en mauvaise part mais il semble ici que votre propos relève avant tout de la simple opinion et que vous n’avez pas vraiment envie d’argumenter et plutôt, simplement, de faire un procès hâtif de Girard.
Je n’attarderai donc guère, seulement pour souligner que la thèse de Girard est en effet que les mythes sont le récit des évenements sacrificiels racontés dans la perspectives des persécuteurs, donc « mensongers » par nature puisqu’il manque le point de vue de la victime accusée de tous les maux mais silencieuse puisque morte.
Quand on dit qu’un propos est mensonger on ne dit pas qu’il est faux, car il peut parfaitement contenir du vrai. Presque tout peut être vrai. Toute la tâche est de faire la part des choses.Ce que dit ensuite Girard c’est que dans l’ancien et le nouveau testament on voit apparaître des récits qui présentent la même structure de lynchage que les mythes fondateurs classiques sur toute la planète (ce que, je pense, vous expliquerez difficilement par l’effet placebo ou je-ne-sais-quelle conjecture cognitivo-finaliste) mais que ces récits présentent une victime innocente. Ils nous donnent à voir proprement un lynchage, ce que nous reconnaissons comme un bouc émissaire.
Girard dit il y a une différence fondamentale entre ces deux types de textes.
De deux choses l’une :
a) ou vous niez ces observations et j’attends votre démonstration
b) ou vous admettez la validité de ce constat et j’attends avec intérêt vos explications cognitivo-finalistes.Concernant le cas de l’homme qui serait dénué de désir mimétique, un certain Landy (le lecteur est ici renvoyé au paragraphe original ci-dessus)
Je ne sais où cet échange nous amènera mais encore une fois je dois dire que j’apprécie votre apport en données empiriques.
Cette information vaut son pesant de cacahuètes comme on dit chez moi.
J’irai regarder cela de très près comme vous l’imaginez bien.
En attendant que je sois informé plus amplement je peux vous dire que j’accorde aucun crédit à ce constat.
M. Landy est mimétique comme vous et moi et il est très facile de le faire apparaître sans même l’avoir rencontré.
Il suffit de savoir qu’il est enseignant à Stanford.
Et il faut surtout savoir démonter les rationalisations qui consiste à expliquer la généralité d’un comportement par une cause unique, souvent finaliste.
Nous verrons cela in situAinsi, par exemple, M. Landy :
1) a désiré avoir un poste à Stanford
2) a probablement une famille, une femme, une maison, une voiture (de marque), part en voyage avec sa famille, va au restaurant, etc.
3) a appris à parler anglais
4) a des valeurs auxquelles il essaie d’être fidèle, peut-être même une religion
5) a des plats préférés, dont une bonne part proviennent de son enfancePassons ces caractéristiques en revue pour voir en quoi elles sont nécessairement d’origine mimétique :
1) Stanford est une des trois universités les plus prestigieuses des Etats-Unis. Cette université est donc d’emblée désignée comme hyperdésirable. Si M. Landy a bougé pour venir à cette université, alors nier qu’il ait été sous influence mimétique serait une pure dénégation de sa part, sauf à pouvoir montrer qu’il habite Palo Alto depuis sa naissance et qu’il était hors de question d’enseigner dans une autre université que celle-ci.
1b) Au demeurant, on ne devient pas enseignant grâce à une pochette surprise. On désire devenir enseignant et ce désir ne vient pas de ce qu’on y a réellement goûté : on a nécessairement des modèles qui nous donnent envie d’exercer cette profession, donc là encore, il est assuré que M. Landy est un être mimétique comme les autres.2) Pareillement, M. Landy a désiré vivre en couple, il a désiré avoir des enfants, vivre dans une maison comme tout le monde fait, avoir une belle voiture de marque, peut-être une porsche comme James Dean, allez savoir. L’impossibilité éventuelle de remonter à la cause de la décision d’aller dans tel ou tel sens ne permet aucunement d’infirmer la nature mimétique (complètement « conforme » donc mimétique de ces comportements). Le seul moyen de prouver le non mimétique serait de faire apparaître dans chaque cas une contrainte incontournable. Il est clair qu’il n’y en a pas dans la société californienne ou étasunienne pour ce qui nous occupe.
3) Quand Landy a appris à parler anglais il était porté (en toute inconscience du fait, bien sûr) par le désir de s’exprimer comme ses parents. C’est du désir mimétique pur sucre.
4) Les valeurs de M. Landy ne résultent pas de choix rationnels de sa part même s’il peut se le donner à croire pour certaines d’entre-elles récemment acquises. Dès lors qu’elles ne sont pas « rationnelles », elles ne peuvent que découler des systèmes de valeurs explicites ou implicites auxquels il a été exposé durant son enfance et qu’il aura intériorisé, terme euphémistique pour dire imité. Dès lors les valeurs qui orientent fondamentalement le comportement éthique de M. Landy sint la conséquence d’un désir mimétique qu’il a eu de les faire siennes.
5) M. Landy, c’est certain, préfère certains plats à d’autres. Parmi ses préférés il s’en trouve nécessairement qu’il préfère parce qu’il a imité et intériorisé l’attirance manifeste de ses parents pour le plat en question. Le fait que d’autres plats de son enfance ne soient pas à son goût ne prouve rien du tout car une stratégie identitaire d’affirmation de soi dans la différence aura pu l’amener à ressentir de l’aversion pour un plat que son frère aîné aurait déclaré adorer. Le fait que les goûts alimentaires soient influencés par d’autres variables que le modèle familial ne permet pas d’exclure le modèle familial. Par hypothèse il est toujours à l’oeuvre comme le montre bien une des expériences que je rapporte dans ma thèse : réalisée chez le chat avec une mère sous système de récompense par activation de la zone cérébrale du plaisir lorsqu’elle mangeait de la banane, elle a permis de constater que tous ses chatons ont pris « mimétiquement » à la consommation de banane alors que la seule récompense pour eux était... la banane.
Où l’on voit la force du mimétique et la malléabilité de l’instinct (et on règle la non expérience CHOUX DE BRUXELLES vue plus bas. Non expérience car, encore une fois, l’absence de résultat ne permet pas de conclure à l’absence d’imitation mais seulement à l’échec de l’expérience)Bref, le rapport Landy, quel qu’il soit, ne remet aucunement en cause l’hypothèse mimétique. M. Landy est un individu lambda sous ce rapport, juste un peu plus grande gueule que les autres et, précisément, dans la rivalité mimétique avec son double girardien, au sens propre, puisque lui aussi professeur à Stanford
Vous évoquez comme démonstration empirique : les mythiques batailles de polochon :
1) rivalité, conflit, bouc-émissaire, etc… peuvent s’envisager autrement que par le seul biais du mimétisme/imitation : domination (ex : le bouc-émissaire comme relevant d’une forme d’hyper-domination ou domination partagée vs dominé unique), hormones (la testostérone semble être ignorée autant par les girardiens que par les « genderistes »), socialisation, etc… peuvent soit les expliquer soit aller de pair avec imitation : ma critique va avant tout à avancer l’imitation comme seul élément fondamental : possible qu’il s’agisse bien d’un élément fondamental mais je n’irai pas jusqu’à postuler qu’il soit le seul ou le plus déterminant : encore moins s’agissant d’agents intelligents et conscients, disposant autant de l’Intuition que de la Raison, et à même d’opérer des choix singuliers (uniques) –ce qui n’exclut pas d’opérer des choix « particuliers » = par imitation.
Si vous voulez bien considérer que l’imitation est un processus fondamental, je dirais, parfait, restons en là
!
2) l’expérience CHOUX DE BRUXELLES a été réglée plus haut, donc nous n’y revenons pas
Ensuite afin de ne pas se limiter à "bambin sapiens« , j’invoquerai une autre jurisprudence »ROCCO SIFFREDI"...
Peut-être avez remarqué, j’ai déjà parlé de l’option Bonobo pour l’homme. Les observations remarquables de l’éthologiste Desmond Morris sur le corps humain et sa dynamique dans l’acte d’accouplement laissent clairement à penser que l’Humain a fortement investi la relation amoureuse au plan physique au point d’avoir une conformation hyperadaptée à cette activité. Davantage que la taille des pénis, la disponibilité permanente des femmes est en soi une preuve flagrante de cet état de fait. La chose intéressante est qu’en dépit de la grande probabilité que l’Humain ait exploré au maximum de ses possibilités cette voie, il est clair que ce n’est pas elle qui a dominé et que les cultures qui ont réussi, celles qui ont couvert toute la planète avec leurs mythes fondateurs sont les cultures de la violence, de la réconcilation sacrificielle.
En eût-il été autrement, la plupart des mythes seraient des grandes partouzes divines et humaines à tous les coins de rue. Je ne dis pas qu’il n’y en a pas eu. Mais elles sont loin de tenir le devant de la scène et quand elles y viennent c’est souvent pour apparaître comme la cause des troubles... qui vont nécessiter la violence du sacrifice pour laver la faute.
Bref, je crois peu périlleux d’affirmer qu’il n’existe pas de jurisprudence Bonobo ou Sifredi, désolé.Sinon, l’histoire de l’Advertising ne confirme pas g : les échecs retentissant de campagnes jouant possiblement sur ce désir mimétique étant connues : again que ce principe mimétique opère, même à un niveau fondamental est entendable voir possiblement démontrable, mais que ce soit l’Alpha et l’Omega est une position beaucoup plus difficile à défendre.
Comme déjà dit, la seule chose qui importe est que vous reconnaissiez la puissance du mimétique. Vous le faites ? Alors tout est bien. L’exclusivité du mimétique, on pourra toujours en reparler dans un second temps.
Enfin, yes j’ai passé l’essentiel de mon enfance et adolescence en Am. Sud (principalement Amazonie et quelques séjours dans les Andes, ainsi que quelques trips en Asie et Sibérie : toujours chez les « primitifs » : raison parents ethno-anthropo) : et par exemple, bien qu’ayant TOUJOURS été le parfait potentiel bouc-émissaire puisque étranger, « bizarre », avec une drôle de tête, etc…ayant à chaque fois à apprendre une nouvelle langue et bien entendu ne la maitrisant pas aussi bien que mes camarades de jeu, ayant des occupations tout aussi étrange (lecture par exemple) : j’aurai été un bouc-émissaire parfait en maintes occasions : or cela ne m’est jamais arrivé : pas plus que je n’ai pu constaté de « rivalité » supposément mimétique : par contre OUI, le Jeu était un élément essentiel du quotidien que ce soit chez les enfants que les adultes, pour la chasse, la pêche ou divers rituels…Je n’ai commencé à découvrir cette obsession à vouloir ressembler ou posséder à l’Autre qu’en débarquant dans une autre jungle : urbaine pour le coup…
Ce que vous décrivez est très exactement ce à quoi on se serait attendu à partir d’une analyse girardienne. Le désir mimétique débridé et l’absence de stratégie de protection contre la violence de celui-ci c’est bien sûr pour les sociétés modernes et surtout urbaines plutôt que les traditionnelles que l’on trouve j’imagine plus facilement en Amérique du Sud.
Donc encore merci, vous n’aimez pas ça mais vous apportez de l’eau au moulin girardien -
@LLS :
sur la question de l’imitation comme principe fondamental ; il me semble avoir été clair : je n’ai pas de problème avec cela : mais ce constat peut se passer du modèle girardien : il a été fait pendant deux, trois millénaires avant la naissance de Girard.Après, j’imagine qu’un jour ou l’autre nous évoquerons ce sujet indépendamment de Girard -qui pour moi n’est ni essentiel, ni fondamental, pour un tel débat : et mes observations ou réflexions, notamment en envisageant la question de la relation entre entropie informationnelle et imitation : avec pour constat -de mon côté et à ce jour, que plutôt que parler d’imitation : il faudrait parler de « répliquation » (réplication et réplique) avec une différence entre input et output : à savoir que la seule/simple imitation -et cela dans une perspective évolutionniste, induirait une entropie informationnelle nulle ou positive (donc non résolution de l’incertitude, ni gain informationnel) et donc peu opérante en termes évolutifs (dont un des aspects est l’expansion du champ « info-symbolique » permettant développements culturels, techniques, connaissances, etc...) : la « répliquation » et donc l’attribution de valeurs objectives et/ou subjectives et gain informationnel entre input/output permet de supporter autant un mécanisme interactionniste permettant de réduire l’Incertitude, et d’accroitre les informations à disposition : ergo supporte des bonds évolutifs notamment au niveau socioculturel, technique, etc... que de permettre l’expression des singularités existant a priori à toute mimesis : dans ce modèle, la mimesis agirait fondamentalement en permettant l’établissement de réseaux et structures (langage, techniques, savoirs, pratiques, etc...) permettant à des singularités subjectives ineffables autrement de s’exprimer et interagir : histoire d’illustrer mon propos un peu comme l’ADN qui opère par réplication mais aussi par mutation/recombinaison et ainsi permet l’expression de singularités génétiques, ou des cultures qui fondent des structures, systèmes se répliquant dans l’espace-temps et à l’échelle des individus mais aussi offre le medium d’expression des singularités individuelles.Voilà rapidement mes « idées » sur ce sujet : le modèle girardien me semblant limité ou restreint si le propos est d’envisager l’importance de tels mécanismes « mimétiques » à l’échelle évolutionnaire. -
Vous voudrez bien m’excuser, mais tout ça me paraît d’un « tarte » incroyable.
Pauvre créature, dans un monde où il devait s’insérer, l’homme a révéré des puissances supposées maléfiques, ou bénéfiques.
Pour se les concilier, il fait « l’offrande », comme il amadoue le loup en lui filant un peu de barbaque.
Les « chamans » et autres « sorciers » pigent vite le truc, et le défendent.
Férocement : en égypte, le mythe du dieu unique n’a pas duré longtemps, face aux cultes des nombreuses divinités, autant de CDI pour leurs « prêtres ».
Maintenant, on sait que les orages ne sont pas des manifestations divines, mais le résultat de différences de potentiel, etc, il n’y a donc plus lieu de sacrifier un agneau pour les éviter.
On continuera de progresser, jusqu’à ce que le mythe de la vie éternelle ne parte en peau de saucisson (ou de zébie).
Vraiment, n’y a t-il pas plus important que de ratiociner sur les réactions des pré hominiens ??
Bon, faut bien vivre, de ça ou d’autre chose, mais quand même, c’est léger.
J’espère que ça paye bien !!-
Bonsoir Plexus,
Vous avez raison.
Tout ça est d’une telle trivialité.
On se demande pourquoi des gens réfléchissent encore sur la question de l’origine des religions alors que Robert Gil a écrit ici même un article à ce sujet il y a peu.
Je vous invite à le lire.
Vous saurez tout ! -
Férocement : en égypte, le mythe du dieu unique n’a pas duré longtemps, face aux cultes des nombreuses divinités, autant de CDI pour leurs « prêtres ».
Le polythéisme égyptien n’était pas un véritable polythéisme.. comme en Inde. Quant au monothéisme d’Akhénaton il n’a pas duré longtemps parce qu’il était intolérant dans son essence et que le clergé lui a fait la peau avec juste raison semble-t-il..Wikipédia : La qualification populaire de « religion polythéiste » de l’Égypte antique est remise en cause selon les égyptologues actuels qui y voient un monothéisme polymorphe (un seul Dieu présenté sous différents aspects en fonction de son interaction avec le monde) -
Bonsoir COLRE
Merci pour cette prise de position encourageante sur l’aspect darwinien bien que critique pour le reste.
Je comprends très bien que la thèse girardienne laisse une impression de système clos car, il faut le reconnaître, elle a assez peu pénétré les cercles scientifiques, tant en anthropologie qu’en psychologie. Elle a donc été peu testée et discutée au final.
L’impression de « secte » évoquée par Lord je crois n’est donc certes pas dénuée de fondement, à condition toutefois de reconnaître aussi que la science normale n’est que le résultat d’un combat permanent entre « sectes » diverses et autres qui usent de tous les moyens possibles pour accéder au pouvoir, cad, aux financements.
L’échec de Girard est d’abord là je crois. Il n’a pas réussi à faire des émules hors des « humanities » étasuniennes (à part les théologiens). Dès lors, il est facile de le juger suspect a priori.
L’autre problème de la thèse girardienne est qu’elle est un système cohérent qui donne au chercheur potentiel l’impression de devoir intégrer une énorme structure théorique qu’il sera bien en peine de défendre vu qu’aucun paradigme ne s’est formé autour d’elle. La prise de risque est donc énorme.
Les chercheurs préfèrent des « pitchs » théoriques à partir desquels ils vont pouvoir discourir d’autant plus librement qu’ils adosseront leurs propos à quelques petites expériences édifiantes.
Je vais paraître vache mais je pense que la science (humaine surtout) est, en raison du « publish or perish », complètement dans le système de discours plus ou moins délirant stigmatisé par Sokal. Et je ne parle pas des seules revues post-modernes. Je pourrais argumenter ce propos à partir de publications dans des revues très orthodoxes a priori mais qui, au fond, brassent beaucoup de vent.
Ne le prenez pas en mauvaise part, mais les explications cognitivistes du phénomène religieux me paraissent avant tout être des « just-so-story » comme disent les anglophones. Il ne serait pas difficile de le montrer.
Bref, à part le constat d’une énorme distance entre les structures conceptuelles de l’anthropologie girardienne et de l’anthropologie qui se fait dans les universités, je ne perçois pas dans votre propos d’argumentation qui pourrait véritablement infirmer le modèle girardien.
Comme pour ce qu’a proposé Lord, il me semble que les données ponctuelles, même nombreuses sont insuffisantes car aucune n’est décisive. C’est vraiment vision contre vision.
Et s’il faut venir à des données décisives, alors je dirais que l’éthologie en a à revendre et elles vont plutôt dans le sens de la thèse de René Girard.
Donc, voilà, je pense que le débat est loin, très loin d’être clos et je parierais volontiers que comme la thèse de Wegener qui a attendu quarante pour être reconnue, la thèse de Girard devra attendre avant de devenir évidente pour tout le monde comme la tectonique des plaques.
C’est pas grave.
Nous avons tout le temps n’est-ce pas ?-
Bonjour LL Salvador,
Une grande partie du désaccord me paraît tourner autour du « statut » de « la » science. A la fois vous souhaitez situer vos recherches dans la démarche scientifique (votre « amendement » darwiniste le montre, de même que vos références aux épistémologues), et à la fois je découvre avec étonnement une critique explicite (mais souvent implicite) sur le fonctionnement scientifique. Je lis dans la réponse que vous me faites :
« …à condition toutefois de reconnaître aussi que la science normale n’est que le résultat d’un combat permanent entre « sectes » diverses et autres qui usent de tous les moyens possibles pour accéder au pouvoir, cad, aux financements. »
On dirait du Dugué…Je ne peux évidemment pas être d’accord sur cette façon de confondre « la » science et le milieu scientifique (des humains comme les autres), et, à l’intérieur du milieu scientifique, les imposteurs et les passionnés de la connaissance. Je ne vous suis même pas dans votre critique des arrivistes « avides de pouvoir » étant donné que les arrivistes peuvent être d’excellents scientifiques… tout comme les passionnés peuvent être de déplorables chercheurs - j’en connais au moins deux ou trois sur AV. Quant à la course aux financements, il faudrait m’expliquer comment y échapper dans notre société qui ne s’intéresse qu’aux applications rentables de « la » science… Elle n’est donc pas une tare mais une dommageable obligation.
Deuxième point (lié) : finalement, l’interprétation girardienne n’est-elle qu’une « belle hypothèse », une « simple hypothèse » et non une « thèse » (ce que vous dites parfois) ou bien un « système cohérent », une « énorme structure théorique » (ce que vous me dites à moi) ? cette hésitation me semble répondre à une façon de se prémunir sur 2 tableaux : éviter les critiques sur la non-scientificité de l’interprétation de R Girard soit parce qu’elle ne relève pas vraiment de « la » science, soit parce qu’elle en relève trop et qu’elle est alors inaccessible au chercheur de base un tantinet décrié (« pitchs théoriques », « petites expériences édifiantes », « discourir librement », « discours plus ou moins délirant stigmatisé par Sokal »…).
D’ailleurs, à propos de Sokal, son expérience puis son livre avec Bricmont est une de mes références constantes. Je trouve - justement !- que la thèse girardienne est plutôt du côté de celles que critique Sokal (Lacan, Deleuze, Barthes…). L’ambiance post-moderne et la pseudo-scientificité des systèmes intellectuels en cause me paraissent avoir des airs de famille… (j’évoque évidement les conjectures de la philosophie ou du freudisme -pas le versant imposture ou jargon… je ne me permettrais pas pour Girard, ne le connaissant pas assez, je laisse la main à Lord).
Troisième point. Vous me dites : « c’est vraiment vision contre vision ». Par ce renvoi dos-à-dos destiné à minimiser la portée scientifique de vos adversaires, vous avouez tout de go que la thèse de RG (et la vôtre) n’est « aussi » qu’une vision (donc, n’est pas scientifique). C’est justement ce que les scientifiques reprochent à ce système explicatif : de n’être qu’une « vision », une « conjecture », certes rigoureuse et certainement passionnante en philosophie, mais qui ne pourrait ni être validée ni invalidée par les faits. Là, je suis absolument d’accord avec cette critique que Lord vous répète à plusieurs reprises…
Vous dites :
"Je vous propose que nous essayons de mettre ici les choses à plat au plan épistémologique.
Soyons poppérien et convenons, si vous le voulez bien, qu’aucune théorie ne peut être validée, vérifiée ou même confirmée. Les théories peuvent seulement être réfutées (falsifiée si on veut faire dans l’anglicisme)."Cet usage de Popper n’est pas pertinent. Pour une théorie d’envergure, comme celle de Girard, ce n’est pas la « théorie » dans son ensemble qui pourrait être invalidée car, je crois l’avoir lu sous votre plume : quelle découverte nouvelle pourrait mettre à bas cette théorie ? justement, aucune. Rien ne peut l’invalider… En revanche, la construction théorique d’ordre scientifique demande que les présupposés possèdent un minimum de « réfutabilité ». Or, comment réfuter une hypothèse qui s’ancre dans un passé si lointain qu’aucune invalidation ne sera admise par les « girardiens » ?
Postuler l’universalité des pratiques sacrificielles (et en plus comme fondement du religieux et origine de toute humanité « humaine »…), c’est devoir accepter l’éclairage des données archéologiques et anthropologiques… or, le pb est que ces faits ne sont pas avérés au Paléolithique.
• Les premiers témoins d’une préoccupation religieuse (sépultures) n’en portent pas trace (comme ce sera le cas bien plus plus tard, et même après les débuts du Néolithique), ni pour Néandertal ni pour les formes archaïques d’HSap au Proche-Orient. Des offrandes animales, à la rigueur, mais bien sûr pas de sacrifice humain.
• Les premières traces de représentation liées aux développements cérébraux d’Homo sapiens montrent un système de croyances qui fusionne l’homme et l’animal. Les premières évidences de rituels concernent la mise à mort ritualisée du gibier par des actions violentes (impacts, rainurages, fractures…) sur des statuettes animales (rituels de chasse ? prophylaxie ?…). Les premières représentations humaines sont fortement sexuées, et mêmes réduites symboliquement à leur sexe (vulves, pénis…). Les premières vraies représentations de violence inter-humaine n’apparaissent qu’à l’Epipaléolithique (et encore…).
Ce système de croyances et de représentation thématique perdurera pendant toute la période chasseurs-cueilleurs (plus de 20 millénaires !), montrant une sorte de cosmogonie fondée sur les analogies ontologiques entre l’homme et l’animal, entre les actes de copulation et de chasse et sur le fondement sexué de l’organisation sociale et de sa transcription mythologique. Le sexe est infiniment plus présent dans les cavernes que la violence, pratiquement toujours édulcorée, occultée, transposée dans la symbolique cynégétique. A part 2 ou 3 hommes « blessés », rien, de près ou de loin ne pourrait illustrer un sacrifice humain ou la marque d’un conflit intérieur.
Pourquoi ne pas prendre en compte cette réalité factuelle de la recherche, sinon qu’elle va à l’encontre de la théorie « sacrificielle » des origines ? les interprétations des mythes « actuels » ne remontent qu’à des « histoires » de qques millénaires tout au plus : c’est de l’histoire récente. L’émergence des sociétés complexes, qui date aussi de qques millénaires (IIIè millénaire), s’accompagne de tous les témoignages culturels sur la guerre ou le sacrifice. Pourquoi ne pas considérer que la thèse de RG convient alors très bien à une explication pertinente des sociétés hiérarchisées et urbanisées ?
Pour reculer au plus loin la cause de « toute chose », vous devez vous appuyer sur l’éthologie animale, pré-éminente à l’humanisation, et tordre un peu les faits. Le cas de la chasse au colobe observée chez les Chimpanzés ne relève pas vraiment d’une pratique sacrificielle. L’interprétation est des plus douteuses. Les guerres inter-groupes des chimpanzés montrent l’enracinement de la guerre dans notre lignée très « territoriale » (pas tellement plus que les troupes de lions), mais ce n’est pas une pratique intra-groupe, comme vous la jugez nécessaire à la théorie de Girard…
Bref… je ne suis pas convaincue de l’extension vers l’originel d’une conjecture qui est séduisante à partir des sociétés complexes (Âge du Bronze, voire un peu avant). Pourtant, l’une est scientifiquement fondée, et pas l’autre. Pourquoi s’attacher à ce point à une théorie totalisante, qui embrasse une réalité inaccessible et donc « s’enferme » dans ce système clos que je regrettais ? pourquoi des recours aussi peu « parcimonieux » (économique) à des concepts lourds et/ou insaisissables (désir, mimétique, causalité unique…)…
Prenez mes remarques pour des questions… (car je ne connais pas la thèse de Girard dans tous ses aspects et sans doute ses nuances).
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Bonjour COLRE
Voici ma réponse à votre commentaire.
Divisée en deux parties pour rester en dessous de la taille limite...
Une grande partie du désaccord me paraît tourner autour du « statut » de « la » science. A la fois vous souhaitez situer vos recherches dans la démarche scientifique (votre « amendement » darwiniste le montre, de même que vos références aux épistémologues), et à la fois je découvre avec étonnement une critique explicite (mais souvent implicite) sur le fonctionnement scientifique. Je lis dans la réponse que vous me faites :
« …à condition toutefois de reconnaître aussi que la science normale n’est que le résultat d’un combat permanent entre « sectes » diverses et autres qui usent de tous les moyens possibles pour accéder au pouvoir, cad, aux financements. »
On dirait du Dugué…
Franchement, vous pensez qu’on devrait aussi peu que ce soit se garder de critiquer explicitement ou implicitement le fonctionnement scientifique ?
Le coeur de l’esprit scientifique, n’est-ce pas le polemos ?
Il me semble que la critique n’est donc pas seulement utile, nécessaire, elle est un devoir.
Et la plus ravageuse, la meilleure.
Le principal défaut de la science est, précisément, je crois, la possibilité qu’ont les vieilles idées de s’assoir sur le pouvoir financier et institutionnel pour durer.
Encore une fois, il suffit de revenir à ce qui s’est passé avec Wegener et la dérive des continents et la messe est dite, non ?
Les scientifiques humains, trop humains obéissent aux lois de la dynamique de groupe mises en évidence par la psychologie sociale.
Le grégarisme intellectuel est la norme et la dynamique est, comme dans tous les processus organisationnels (vivant, idées, économie) une visée de reproduction, de maintien des équilibres.
Je ne vois donc pas, à part peut-être la brutalité de l’expression, ce qui vous gêne avec l’idée de « sectes » en compétition pour l’accès au pouvoir financier et intellectuelJe ne peux évidemment pas être d’accord sur cette façon de confondre « la » science et le milieu scientifique (des humains comme les autres)
« La » science est une idéalisation, au mieux un projet, donc quoi qu’il en soit, une fiction, nécessaire, sans doute, mais une fiction quand même.
Personne n’a mis le doigt sur « La » science.
Comme St Thomas, je m’intéresse à ce qu’on peut toucher du doigt, je m’intéresse à la science en action comme dit Latour, la science bien concrète que j’ai vue fonctionner depuis quelques décennies.et, à l’intérieur du milieu scientifique, les imposteurs et les passionnés de la connaissance. Je ne vous suis même pas dans votre critique des arrivistes « avides de pouvoir » étant donné que les arrivistes peuvent être d’excellents scientifiques… tout comme les passionnés peuvent être de déplorables chercheurs - j’en connais au moins deux ou trois sur AV. Quant à la course aux financements, il faudrait m’expliquer comment y échapper dans notre société qui ne s’intéresse qu’aux applications rentables de « la » science… Elle n’est donc pas une tare mais une dommageable obligation.
Ne me dites pas que vous ignorez le niveau de consanguinité qui existe entre les experts qui distribuent la manne financière et ceux qui la recoivent.
Si la science était démocratique, un ça se saurait, deux son fonctionnement actuel serait largement discuté sur la place publique en tant que système corrompu sinon de corruption généralisée.
Quand je parle de corruption, je ne parle pas que de l’aspect financier.
Je parle aussi d’une corruption de la pensée, ce qu’on pourrait appeler un syndrome Babel.
Maintenant, ne soyez pas effrayée, quelle que soit (ce qui pourrait passer pour) la dureté de mon jugement, je ne juge pas au sens où je ne vis pas dans un milieu scientifique abstrait que je pourrais juger sans arrière-pensées. La recherche que je connais est faite de personnes, des humains, qui sont chacun compréhensibles et donc pardonnables quant à l’imperfection et parfois la bêtise ou la méchanceté de leurs modes de fonctionnement.
Si vous voulez, c’est pareil que pour les hommes politiques.
On ne peut reprocher aux individus d’être corrompus.
On ne peut que regretter de ne s’être pas donné des institutions et des modes de fonctionnement qui garantissent l’absence de corruption.
La démocratie grecque me paraît séduisante sous ce rapport.
Je rêverais de cela pour la science : une science régie (financée) par l’agora et non par les lobbies et leurs marionnettes politiques ou scientifiques.Deuxième point (lié) : finalement, l’interprétation girardienne n’est-elle qu’une « belle hypothèse », une « simple hypothèse » et non une « thèse » (ce que vous dites parfois) ou bien un « système cohérent », une « énorme structure théorique » (ce que vous me dites à moi) ? cette hésitation me semble répondre à une façon de se prémunir sur 2 tableaux : éviter les critiques sur la non-scientificité de l’interprétation de R Girard soit parce qu’elle ne relève pas vraiment de « la » science, soit parce qu’elle en relève trop et qu’elle est alors inaccessible au chercheur de base un tantinet décrié (« pitchs théoriques », « petites expériences édifiantes », « discourir librement », « discours plus ou moins délirant stigmatisé par Sokal »…).
En matière de science, je vis essentiellement dans le monde III de Popper. Les critiques sur la non-scientificité, je m’en sers comme un roublard pour taquiner la psychanalyse et c’est tout. Car je considère que cette critique est une critique de bureaucrate. Si on veut prouver que la psychanalyse est devenue une monstrueuse somme d’inepties, on peut le faire expérimentalement avec une bonne "evidence based science".
Mais une fois qu’on l’aura fait, on ne sera guère avancé car tout comme la mécanique de Newton qui a été « réfutée » par la relativité et la théorie quantique, on sera bien obligé d’y revenir pour tenter de reconnaître ici et là ce qui a de la valeur, qui peut nous être utile.
Comme disait Krishnamurti, il faut savoir reconnaître le vrai dans le faux, et le faux dans le vrai.
Bref, la science ne peut s’arrêter à des jugements de non scientificité.Donc, pour finir, oui, l’hypothèse girardienne n’est qu’une hypothèse car toutes les thèses ne sont que des hypothèses en instance de possible réfutation ou, au mieux, « corroboration ».
Oui, l’hypothèse girardienne a pris la forme d’un imposant système théorique au sens où il a intégré un large corpus de données.
Oui, je crois que cela n’en facilite pas à présent la dissémination vu les modes actuels de fonctionnement de la science qui poussent à la production, pas à la réflexion, de plus en plus réduite à la portion congrue.D’ailleurs, à propos de Sokal, son expérience puis son livre avec Bricmont est une de mes références constantes. Je trouve - justement !- que la thèse girardienne est plutôt du côté de celles que critique Sokal (Lacan, Deleuze, Barthes…). L’ambiance post-moderne et la pseudo-scientificité des systèmes intellectuels en cause me paraissent avoir des airs de famille… (j’évoque évidement les conjectures de la philosophie ou du freudisme -pas le versant imposture ou jargon… je ne me permettrais pas pour Girard, ne le connaissant pas assez, je laisse la main à Lord).
Les « airs de famille » servent au mieux aux conjectures.
Il vous resterait à démontrerTroisième point. Vous me dites : « c’est vraiment vision contre vision ». Par ce renvoi dos-à-dos destiné à minimiser la portée scientifique de vos adversaires, vous avouez tout de go que la thèse de RG (et la vôtre) n’est « aussi » qu’une vision (donc, n’est pas scientifique).
J’en viens à soupçonner que vous êtes « croyante » dans l’appelation métascientifique (et donc NON scientifique), philosophique, de « scientifique » ou « non scientifique ».
Comme disait Heidegger, la science ne pense pas.
Et si tant est qu’elle l’ait fait, elle ne pense plus.
Elle produit. Point barre.
Quant à savoir si ce qui est produit est scientifique ou ne l’est pas, vous m’accorderez que cela ne relève pas de la science qui, encore une fois, se contente de produire, cad, de publier.
Vous avez lu Sokal, vous savez donc qu’on peut publier tout et n’importe quoi.
Par conséquent, le fait d’être publié n’est preuve de rien.
Il n’y a pas de preuve de scientificité ou de non scientificité, il n’y a que des jugements « méta » produits par :
(a) ceux qui se prétendent experts de la chose, les philosophes des sciences ou
(b) ceux qui ne sont que des amateurs en l’espèce, les personnes oeuvrant dans le domaine de « la » science.
Quoi qu’il en soit, ces jugements qui ne valent que la valeur qu’on leur accorde et, assurément, ils ne sont pas scientifiques au sens où vous-même voudriez pouvoir affirmer qu’une chose est scientifique.Bref, je pense qu’il nous faut là encore suivre Popper qui a bien montré la difficulté d’établir une démarcation entre ce qui est scientifique et ce qui ne l’est pas.
C’est justement ce que les scientifiques reprochent à ce système explicatif :
Je vous mets au défi de me trouver des scientifiques qui affirment cela en toute scientificité.
L’opinion d’une personne travaillant dans « La » science n’est pas scientifique pour autant.
Souvent l’attaque « méta » de non scientificité n’est que du raccourci ad hominem déguisé.
C’est comme accuser quelqu’un d’être un interlocuteur non pertinent car dérangé mentalement (ce qui est dit par implicite des "théoriciens du complot" par exemple).
Donc quand je dis « vision contre vision », je le fais d’un point de vue pragmatique, au sens où factuellement il est douteux que les protagonistes soient disposés à passer chacun de leurs arguments au peigne fin, donc le dialogue ne pourra arriver à terme, cad, à une convergence sur une position ou sur une autre.
C’est ça qui est pour moi la vraie démarche scientifique : un constant dialogue critique sur chacun des arguments avancés et un constante validation de l’accord préalable sur les règles (rationnelles) du dialogue.
Autant je considère que la critique « c’est non scientifique » est une simple opinion sans valeur argumentative,
autant je considère que la critique « ce n’est pas logique », c’est un « non sequitur » est valable.C’est même, je crois, la seule valable, celle à laquelle nous devons nous tenir car elle permet le tri, la démarcation recherchée entre ce qui vaut et ce qui ne vaut pas.
de n’être qu’une « vision », une « conjecture », certes rigoureuse et certainement passionnante en philosophie, mais qui ne pourrait ni être validée ni invalidée par les faits. Là, je suis absolument d’accord avec cette critique que Lord vous répète à plusieurs reprises…
J’entends.
Mais je viens d’indiquer ce que je pensais de cette critique.Vous dites :
"Je vous propose que nous essayons de mettre ici les choses à plat au plan épistémologique.
Soyons poppérien et convenons, si vous le voulez bien, qu’aucune théorie ne peut être validée, vérifiée ou même confirmée. Les théories peuvent seulement être réfutées (falsifiée si on veut faire dans l’anglicisme)."
Cet usage de Popper n’est pas pertinent.
Ah, tiens donc ???!
Pour une théorie d’envergure, :
Je n’ai pas connaissance que Popper ait fait une catégorie à part pour les théories « d’envergure ».
comme celle de Girard, ce n’est pas la « théorie » dans son ensemble qui pourrait être invalidée car, je crois l’avoir lu sous votre plume : quelle découverte nouvelle pourrait mettre à bas cette théorie ? justement, aucune.
Je ne sais pas si c’est vous qui affirmez ça ou si vous dites que c’est moi qui l’est dit.
Ce que j’ai pu suggérer ici ou là, c’est l’existence de la fameuse dichotomie d’Imre Lakatos entre le noyau dur d’une théorie et sa ceinture de protection qui elle peut connaître des infirmations sans que le noyau dur soit remis en question.
Quand la ceinture de protection prend un balle, on peut réaménager les hypothèses périphériques.
Quand on prend des rafales de toutes parts, à la fin le noyau théorique lui-même est touché et la théorie s’effondre.
Il est donc vain de croire qu’on va pouvoir trouver le fait ou l’argument qui d’un coup d’un seul va réfuter la théorie girardienne.Rien ne peut l’invalider… En revanche, la construction théorique d’ordre scientifique demande que les présupposés possèdent un minimum de « réfutabilité ».
A priori, cela va de soi, tout doit être réfutable d’une manière ou d’une autre, à un moment ou à un autre, non ?
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Or, comment réfuter une hypothèse qui s’ancre dans un passé si lointain qu’aucune invalidation ne sera admise par les « girardiens » ?
Vous vous servez d’un argument circulaire avec argument ad hominen pour vous poser en victime :
1) le passé lointain n’a jamais interdit la réflexion.
2) dire que les girardiens refusent d’admettre l’invalidation de leurs hypothèses quand elle se présente est un pur argument ad hominen car il s’agit d’une généralisation métathéorique abusive (au sens où cela ne peut être établi vu qu’il existe déjà une foule de preuves contraires, Lord en ayant donné une avec le cas Landy).Postuler l’universalité des pratiques sacrificielles (et en plus comme fondement du religieux et origine de toute humanité « humaine »…), c’est devoir accepter l’éclairage des données archéologiques et anthropologiques… or, le pb est que ces faits ne sont pas avérés au Paléolithique.
• Les premiers témoins d’une préoccupation religieuse (sépultures) n’en portent pas trace (comme ce sera le cas bien plus plus tard, et même après les débuts du Néolithique), ni pour Néandertal ni pour les formes archaïques d’HSap au Proche-Orient. Des offrandes animales, à la rigueur, mais bien sûr pas de sacrifice humain.
Pour que ce que vous constatez des données paléolithiques vienne infirmer les hypothèses générales de Girard, il faudrait que vous puissiez expliciter ses hypothèses spécifiques concernant le paléolithique.
Quelles sont elles ?
A-t-il fait des affirmations à ce niveau ?
Si ce n’est pas le cas, il vous appartient de déduire de manière logique, nécessaire des hypothèses spécifiques pour le paléolithique à partir de ses hypothèse générales.
Tant que vous ne l’avez pas fait, vous ne pouvez prétendre avoir invalidé ses hypothèses.Si vous ne le faites pas, vous pourrez au mieux reprocher à la thèse girardienne de ne pas être ... assez étendue
cad, de ne pas couvrir avec suffisamment de précision la période paléolithique.
Mais vous m’accorderez que c’est une critique « légère », juste pour faire opinion et pas conclusion.• Les premières traces de représentation liées aux développements cérébraux d’Homo sapiens montrent un système de croyances qui fusionne l’homme et l’animal. Les premières évidences de rituels concernent la mise à mort ritualisée du gibier par des actions violentes (impacts, rainurages, fractures…) sur des statuettes animales (rituels de chasse ? prophylaxie ?…).
Dans ma réponse à Lord plus haut j’ai déjà répondu sur ce point.
Ainsi que les données animales m’y ont préparé depuis longtemps (cf. encore une fois le texte original ou toiletté de mon document de travail sur l’hominisation), je considère comme hautement probable que le sacrifice dans ses formes tardives et bien identifiées comme telles soit l’aboutissement d’un processus évolutif issu de formes archaïques où chasse et sacrifice étaient indissociables et ne se sont distinguées que secondairement.
Nous sommes ici dans la ceinture de protection de la théorie girardienne.
Des aménagements mineurs ou de simples précisions suffisent à s’adapter aux nouvelles données.Les premières représentations humaines sont fortement sexuées, et mêmes réduites symboliquement à leur sexe (vulves, pénis…).
L’hypothèse d’une période quasi-bonobos chez l’homme à un moment donné de son évolution me paraît très raisonnable et même probable vu les données anatomiques et physiologiques dont nous disposons.
Leur existence ne contredit aucunement l’hypothèse sacrificielle car on peut imaginer celle-ci entièrement cantonnée au domaine de la chasse.
Toute la question est de savoir comment l’un et l’autre ont pu coexister et donc s’articuler.
Quelle bascule envisager entre un sacré peuplé de formes animales et un sacré anthropomorphe ?
Et à quel moment situer la bifurcation entre chasse et sacrifice proprement dit ?Les premières vraies représentations de violence inter-humaine n’apparaissent qu’à l’Epipaléolithique (et encore…).
Très bien, voilà que, la densité augmentant, dans l’espace sacré, il n’y a plus seulement de l’animal, il y a aussi de l’humain.
Forcément ça change les représentations et les pratiquesCe système de croyances et de représentation thématique perdurera pendant toute la période chasseurs-cueilleurs (plus de 20 millénaires !), montrant une sorte de cosmogonie fondée sur les analogies ontologiques entre l’homme et l’animal, entre les actes de copulation et de chasse et sur le fondement sexué de l’organisation sociale et de sa transcription mythologique. Le sexe est infiniment plus présent dans les cavernes que la violence, pratiquement toujours édulcorée, occultée, transposée dans la symbolique cynégétique.
Il n’y a pas là la moindre chose qui fasse contradiction avec représentations de girardien darwinien à tendance éthologique.
A part 2 ou 3 hommes « blessés », rien, de près ou de loin ne pourrait illustrer un sacrifice humain ou la marque d’un conflit intérieur.
Comme déjà dit avec Lord, nous sommes bien d’accord que de si petits groupes face à l’adversité du monde environnant ont toutes chances d’être très soudés car, en particulier, resoudés par le partage ritualisé de la chair de l’animal tiré de l’espace du sacré par l’activité de chasse.
Pourquoi ne pas prendre en compte cette réalité factuelle de la recherche, sinon qu’elle va à l’encontre de la théorie « sacrificielle » des origines ?
Ces faits ne vont pas à l’encontre de la théorie girardienne dès lors que vous ne réduisez pas celle-ci à une vision stéréotypée issue de la seule mythologie de l’homme moderne.
En abordant cela sur un mode évolutionniste, les pistes envisageables sont innombrables et si la théorie girardienne est loin de pouvoir être infirmée au niveau archéologique c’est qu’elle est loin d’être achevée ou aboutie à ce niveau en particulier.les interprétations des mythes « actuels » ne remontent qu’à des « histoires » de qques millénaires tout au plus : c’est de l’histoire récente.
Oui, oui, on est bien d’accord, c’est pourquoi il ne faut pas se forger une image trop rigide de l’hypothèse girardienne à partir de ses analyses de la mythologie.
L’émergence des sociétés complexes, qui date aussi de qques millénaires (IIIè millénaire), s’accompagne de tous les témoignages culturels sur la guerre ou le sacrifice. Pourquoi ne pas considérer que la thèse de RG convient alors très bien à une explication pertinente des sociétés hiérarchisées et urbanisées ?
Je suis ravi d’apprendre que vous considérez les choses ainsi. Moi c’est ce que je pense.
Mais à aucun moment je ne songe à cantonner la théorie à ce seul niveau dès lors que j’ai une foultitudes d’éléments qui me démontrent sa pertinence... chez l’animal !
Il nous reste à faire la jonction entre l’animal et l’homme historique, c’est un fait qui, en soi, ne saurait être une raison suffisante de remise en cause de la théorie girardiennePour reculer au plus loin la cause de « toute chose », vous devez vous appuyer sur l’éthologie animale, pré-éminente à l’humanisation, et tordre un peu les faits.
aha, vous m’intéressez...
Le cas de la chasse au colobe observée chez les Chimpanzés ne relève pas vraiment d’une pratique sacrificielle. L’interprétation est des plus douteuses.
Si ça c’est pas un exemple d’affirmation gratuite ?
Vous doutez. Très bien, c’est votre droit le plus sûr.
Mais si vous voulez qu’on en débate, dites moi pourquoi !Les guerres inter-groupes des chimpanzés montrent l’enracinement de la guerre dans notre lignée très « territoriale » (pas tellement plus que les troupes de lions), mais ce n’est pas une pratique intra-groupe, comme vous la jugez nécessaire à la théorie de Girard…
Moi, je juge quoi nécessaire ?
Les guerres rituelles entre hordes, clans, etc. peuvent être vues chez l’animal ou chez l’homme comme des occasions d’entretenir des pratiques sacrificielles qui assurent la cohésion du groupe.
Elles « corroborent » tranquillement la thèse girardienne et il est vain de leur reprocher de ne pas être des violences intestines.Quant à cette dernière, il suffit de lire Fossey, Goodall et de Waal pour comprendre la force et la pertinence du postulat girardien concernant le risque d’éclatement auquel sont constamment soumis les groupes hominidés.
Une fois ce constat opéré, on se demande comment il est possible qu’il soit à peu près complètement absent des considérations en paléontologie humaine.Bref… je ne suis pas convaincue de l’extension vers l’originel d’une conjecture qui est séduisante à partir des sociétés complexes (Âge du Bronze, voire un peu avant).
Très bien, j’attends vos arguments sur le fond
Pourtant, l’une est scientifiquement fondée, et pas l’autre.
Là, je ne suis pas sûr de bien vous comprendre, vous pouvez préciser ?
Pourquoi s’attacher à ce point à une théorie totalisante, qui embrasse une réalité inaccessible et donc « s’enferme » dans ce système clos que je regrettais ?
« théorie totalisante » est une critique métathéorique sans aucune validité scientifique ou seulement épistémologique.
La théorie de la gravitation universelle ne gêne plus grand monde en dépit de sa prétention universelle.
La théorie des acides nucléiques comme base de TOUT le vivant ne gêne personne en dépit de sa perspective totalisante.
Il me semble peu utile de s’attarder sur cet aspect.
Encore une fois la visée totalisante ou non d’une idée n’appartient pas au monde III de Popper.
On ne juge pas d’une idée sur la base de son intention.« réalité inaccessible » est encore pour le moment une affirmation gratuite de votre. J’attends quelque chose qui ressemblerait à une démonstration.
« Système clos » : assertion difficilement soutenable dès lors qu’il est reproché à Girard de faire feu de tout bois.
Donc désolé, la réponse à votre question est qu’elle ne correspond pas à la réalité de la théorie girardienne
pourquoi des recours aussi peu « parcimonieux » (économique) à des concepts lourds et/ou insaisissables (désir, mimétique, causalité unique…)…
La parcimonie c’est de pouvoir expliquer beaucoup avec peu.
C’est précisément ce que fait la théorie girardienne, avec très peu : la tendance mimétique et son corrélat, le mécanisme sacrificiel.
Cette parcimonie, c’est précisément ce que vous lui reprochez.
Donc mauvaise pioche, vous manquez de cohérence ici.Prenez mes remarques pour des questions… (car je ne connais pas la thèse de Girard dans tous ses aspects et sans doute ses nuances).
Aucun souci : questions, remarques ou critiques véhémentes, j’accueille tout avec plaisir.
Même l’ad hominen
Je suis méditerranéen, j’ai toujours baigné dans une culture du polemos où les débats ressemblent vite à des batailles de pelochons généralisées.
ça affole les amis germaniques qui se croient en enfer mais moi j’adore ça.J’espère qu’il en va de même pour vous.
Si ce n’est pas le cas, je vous en prie, prenez mes remarques pour des questions.
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Quand, chez des petits bourgeois, la surface de la bibliothèque ne dépasse guère quatre ou cinq mètres carrés, on est toujours à peu près sûr d’y trouver en bonne place le charlatan Girard, pas très loin du « Malaise dans la civilisation » de Sigmund, ou de « Tristes tropiques ». A quelque distance, on peut être sûr de trouver aussi le « philosophe » Michel Serres. Voire, dans bien des cas, surtout lorsque des chiards traînent encore dans les meubles, les « oeuvres » de Françoise Dolto.
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Et bien-sûr « L’Arbre de la Vie » en Blue-ray.
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On pourrait rajouter Bourdieu, Edgar Morin et Stéphane Hessel, mais force est de remarquer que Girard est l’intrus dans cette liste, car lui a vraiment créé un système puissant, novateur et fécond, ce qui n’arrive que très rarement dans un siècle.
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J’oubliais de préciser que la théorie mimétique du désir de René Girard a été confirmée par les sciences cognitives, ce qui est quand même fort pour un « charlatan ».
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@Roungalashinga
Si c’est « confirmé par les sciences cognitives », alors... !
Jusqu’aux travaux de Karl Popper, les dupes de la psychanalyses freudienne croyaient aussi qu’on était en plein dans la « science ». Sigmund était médecin, il s’était intéressé de surcroît à la sexualité des anguilles, et c’était tout dire. On sait très bien depuis depuis les années 20 ce qu’il faut penser des conneries de l’idéologie freudienne, mais rien n’y fait, même sur France culture où deux ou trois crétins, très régulièrement, font venir dans leurs émissions des prédicateurs de cette ancienne religion. -
« On pourrait rajouter Bourdieu, Edgar Morin et Stéphane Hessel, »
@Rouggalashinga
Merci d’avoir allongé quelque peu ce commencement d’une liste des trous-du-c ul de la pensée.
René Girard y mérite une place de Grand Maître. Pour Bourdieu, c’est plus compliqué. Il faut qu’il reste au bord de la mare, y pataugeant un peu, mais pas tout le temps.
Pour les deux autres sinistres abrutis, aucun problème : Ils iront « avec les chiens morts », pour parler comme Claudel prophétisant le destin posthume de Renan. Mais Claudel aussi est désormais avec les chiens morts ! -
On pourrait aussi rajouter Frédéric Lenoir, Comte-Sponville, Onfray...J’avais deux ou trois autres noms en tête tout à l’heure, mais leur importance est tellement infime que je n’arrive plus à m’en souvenir.
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Il me semble que votre post illustre l’omniprésence de la problématique du bouc émissaire, cad, de la formation d’un consensus accusateur vis-à-vis d’une entité quelle qu’elle soit (sujet, objet, etc.).
J’y reconnais tout simplement le processus de construction mimétique de la réalité que je viendrai présenter ici ultérieurement.
Sous ce rapport, je ne crois pas une seule seconde que la réalité ultime puisse consister en une « équation mathématique ». Il faut être mathématicien pour croire cela.
Assurément l’humanité entière est une meilleure approximation. Toutefois, sincèrement, je crois qu’on est encore loin du compte.
Mais je ne me laisserai aller à aucune conjecture car le sujet est bien trop subtil et nécessite mille précautions.
Une autre fois peut-être, dans un article ? -
@ SelenaOndirignee
A vos trois points je repondrais ceci :
1) Les religions du livre sont certes postérieures aux religions plus anciennes (désolé pour cette tautologie
mais elles viennent éclairer le passé, précisément l’origine violente de l’humanité dans le sacrifice. Elles parlent donc des autres religions. Des contradictions pourraient apparaître...
2) Pourquoi les autres grands singes n’ont pas suivi cette voie ? Parce que l’homme ayant pris la place et envahi tout l’espace, géographique et évolutif, ils sont resté dans la marge de l’humanité, à la frontière.
3) Dans une équation le Tout ne peut résider, car une équation est une représentation. Au mieux une équiation peut refléter le Tout. Mais sachez qu’il y a mieux que les équations, il y a les simulations, qui, comme leur nom l’indique, sont « à l’image de ».
Et là, j’ai des hypothèses sur le versant de la psychologie synthétique.
Mais c’est une autre histoire... -
Merci pour l’article et pour tous les commentaires très stimulants !
Comme d’hab à priori favorable pour DarwinJ’ai beaucoup apris des échanges avec Lord WTF.Au fait auteur aviez vous regardé du côté de la MCR ?-
La fatigue peut-être ? : MCR, je ne vois pas, que voulez-vous dire exactement ?
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Comme ce n’es pas récent, j’ai du mal (ou je me suis trompé) à trouver un lien mais il me semble que vous aviez manifesté un intérêt pour ceci :
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Merci pour ces liens.
Je vais aller voir ça de près.
Cela m’intéresse a priori au plus au point.
Je sais que je dois venir à des réflexions de cet ordre à présent.
J’espère seulement que ça tiendra la route.
Les théories de la conscience d’origine physique sont souvent pataphysiques comme disait l’ami Pierre DacSi c’est bon, j’en ferai un compte-rendu sur Agoravox.
A une prochaine j’espère. -
Je vous en prie (au fait pardonnez les quelques « fôtes »).
Sinon comme le sujet est assez ardu à approcher, bien que très prometteur, automatesintelligents (qui propose souvent de bons articles ici aussi) a essayé de vulgariser depuis pas mal de temps.Un autre lien dans ce sens :la volonté de vulgarisation peut s’expliquer car :Je cite :« Cette méthode se propose justement d’être : »un outil particulièrement performant pour l’ensemble des disciplines scientifiques« ....Cet article vise à montrer comment MCR, convenablement appliquée, pourrait éclaircir considérablement les discours scientifiques et politiques relatifs à la grande crise systémique que nous subissons actuellement. Le champ retenu est celui du réchauffement climatique, mais on verra que de nombreux autres domaines aussi sensibles pourraient être abordés...... »« »Les processus de la MQ étant encore mal connus du grand public, proposons au lecteur une application simplifiée de MCR, en nous situant dans le champ des connaissances ordinaires afin d’éviter de laisser croire qu’elle n’intéressera que les physiciens.« »A une prochaine ! -
Merci pour ces précisions.
Je vous en donnerai des nouvelles et si ça en vaut la peine, ça sera par un article sur AV.
L’approche quantique de la conscience m’intéresse a priori suffisamment pour que j’aille investiguer de ce côté là... -
La lecture de deux livres de René Girard m’avait fait espérer que l’auteur, comme je l’avais pécédemment espéré de Marcel Gauchet, serait un allié précieux dans la lutte contre la théologie criminogène, plus précisément contre la persistance de sa justification jusqu’à nos jours, à l’intérieur comme à l’extérieur des religions. Après avoir bouleversé nos préjugés sur la violence antique, mis en évidence son rôle dans la recherche d’un moyen de mettre fin aux enchaînements de violences, notamment de celles qui découlent d’un besoin de vengeance après un crime subi, après avoir fait comprendre que l’invention de l’institition judiciaire conduisait à ne plus croire nécessaire la recherche de "boucs émissiaires", il me semblait que Girard serait logiquement amené à rejeter la croyance maintenue en une « bonne violence » voulue par Dieu dans l’antiquité, et qu’il réclamerait ce rejet fermement et publiquement.
Mais j’avais sans doute mal lu Girard car la lecture d’un troisième livre de lui, plus récent, m’apporta la conviction que son christianisme n’est nullement moins dogmatique que celui des églises actuelles, en tous cas sur le point précis où celles-ci me paraîssent clairement trahir la religion voulue par Jésus de Nazareh, exposée dans les Evangiles.
Girard ne me semblait plus croire seulement à un "bien intentionné moindre mal" dans le processus mis en place contre la violence religieuse antique. Il paraissait croire lui-même que la criminalité « de Dieu » avait été réellement une bonne croyance, justifiée pour l’époque et qu’il fallait seulement aujourd’hui la « bien interpréter » comme persiste encore à l’enseigner les théologiens officiels et la hiérarchie catholique à son plus haut niveau.
La prétendue « bonne violence » prétendument « voulue par Dieu » allait, rappelons-le, jusqu’à lui faire commander très explicitement un très explicite génocide au moins dans le Livre de Josué. Je prétends que c’est la confirmation de cette « bonne criminalité de Dieu », il y a plus de 15 siècles lors de la mise en place de la doctrine définitive de l’église catholique, qui a servi de socle à la violence constitutive de l’islam venu un peu plus tard.
Je prétends que l’entêtement de l’église actuelle à maintenir, pour les croyants du XXIe siècle, l’horrible confirmation, est l’un des principaux obstacles à la pacification de l’islam contemporain et futur. Voyez ici :
http://www.blog.sami-aldeeb.com/2011/09/18/benoit-xvi-premier-responsable-de-la-violence-religieuse/
ou ici :
http://centpapiers.com/benoit-xvi-premier-responsable-de-la-violence-religieuse-1/
et ici :
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-nouveau-pape-devra-supprimer-la-130677
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... comme persistent à l’enseigner les théologiens... -
Bonsoir,
Il me semble déjà avoir croisé ce thème ici ou là.
Je ne suis pas sûr d’avoir déjà pris position alors je vais vous dire franchement, j’ai beaucoup de sympathie a priori pour toutes les démarches qui visent à démasquer les visées génocidaires ou les justifications a priori ou a posteriori pour de telles barbaries.
Donc oui, je crois qu’il y a quelque chose qu’on ne peut plus accepter dans le livre de Josué dès lors qu’on est chrétien.
Maintenant, je crois aussi que cette conviction ne saurait légitimer une posture d’imprécateur/accusateur à l’égard de qui que ce soit.
La seule chose que je trouverais légitime, c’est une démarche que peut-être vous êtes en mesure de réaliser et qui consisterait à réaliser une sorte d’arborescence des reprises assumées de ce livre pour justifier des massacres.
Par exemple, je crois savoir que les pionniers de la Nouvelle Angleterre étaient des chrétiens restaurationnistes au sens où ils voulaient créer la nouvelle Israël et se sont appuyés sur le livre de Josué pour justifier le massacre des indiens.
Si vous en mesure de dresser le catalogue de toutes les abominations qui, au cours de l’histoire ont été faites au nom de ce livre, puis d’y associer la liste des déclarations, validations, etc. de ce livre par des hauts responsables des trois religions du livre, je pense que vous maximiserez l’impact de votre action pour autant que vous vous abstiendrez complètement de juger ces derniers.
Si vous vous contentez de remettre en cause férocement l’église catholique et l’islam avec beaucoup d’emphase verbale et peu de données factuelles, personne ne vous prendra au sérieux, et moi le premier (votre dernier article sur agoravox est d’ailleurs assez représentatif de ce qui est assez légitimement censé découler d’une telle attitude : l’incompréhension, la critique et même la dérision).
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Votre démarche (cette précision ne concerne que votre présente réponse, pas votre article) que je ressens comme de l’intellectualisme ou, pire encore, comme de « l’universitarisme », est très répandue et très compréhensible. Quand on a fait beaucoup d’études on a tout naturellement tendance à penser que seuls ceux qui sont dans ce cas peuvent raisonner correctement. Il faut que les choses soient compliquées pour mériter d’être étudiées. C’est, je crois, une dérive de la pensée, mais elle ne me fait nullement mépriser, comme c’est souvent le cas aujourd’hui, toute réflexion profonde, encore moins les travailleurs de l’esprit en général. Je ne reproche pas aux athées de l’être, je leur reproche d’être souvent a-spirituels, c’est-à-dire, selon moi, de réserver la spiritualité aux gens d’églises, comme ceux-ci souhaitent eux-mêmes qu’elle le soit.
Je demande seulement qu’on ne s’enferme pas dans les complications intellectuelles en excluant la réflexion simplement logique et à la portée de tous, mais c’est seulement dans un cas précis que celle-ci me paraît une nécessité absolue : des hommes tuent parce que leur religion leur enseigne que leur Dieu, auquel on leur demande de croire et auquel on leur demande d’obéir, a commandé de tuer.
C’est seulement ce factuel-là que je prends comme point de départ de ma réflexion et de mon exigence de rejet de la violence théologiquement constituée. Je ne vois pas en qui ça fait de moi un « imprécateur/accusateur ». Mais, dans votre réponse, c’est comme si c’était cette simple double réalité (des hommes tuent, des institutions leur disent que Dieu a commandé de le faire) qui serait à rejeter parce qu’elle est trop simple. Je ne vois pas en quoi, pour condamner l’entêtement à pérenniser le dogmatisme criminogène il serait préalablement indispensable "d’être en mesure de dresser un catalogue de toutes les abominations qui, au cours de l’histoire ont été faites au nom du livre de Josué, puis d’y associer la liste des déclarations, validations,etc."
Mon dernier article publié par Agoravox était certes mal et insuffisamment argumenté et j’aurais sans doute dû m’abstenir de le proposer. Mais c’est sur le précédent que je demande de réfléchir, car il me semble que, sans rejet de la théologie directement ou indirectement criminogène (qui n’est pas le rejet de toute théologie, encore moins de toute religiosité) nos enfants, petits-enfants et ceux qui les suivront, ne connaîtront jamais la pacification des religions, et donc celle du monde où ils vivront. Je rappelle cet article :
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-nouveau-pape-devra-supprimer-la-130677
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Mon aumônier m’envoyait prier derrière un pilier à la cathédrale pour « causer avec dieu ».
Mais, au contraire de monsieur claudel, je n’ai jamais rien entendu, terrain stérile ?
Tout ça pour dire que ces questions « me les brisent » pour parler poliment.
La dernière théorie (si je suis bien informé !) c’est que dieu n’avait pas la choix : en concevant l’univers, il n’y avait qu’une solution pour que « ça marche ».
Un peu comme on ne pourrait concevoir une montre sans solution horlogère classique.
On m’a dit aussi : pour la création de la matière, et plus spécialement les acides aminés, il faut une telle conjonction de milliardièmes de hasard, que ce n’est pas possible, DONC dieu existe !!
Ah, bon !!
DONC, avec la même rigueur scientifique, vous allez pouvoir me prouver que c’est VOTRE DIEU qui le bon, le véritable, et, qu’en plus il est gentil, ou méchant...ou qu’il s’en fout.
Pour mémoire, le pari de pascal, ben oui, mais s’il n’y a qu’une chance sur un million qu’il existe, ce n’est peut être pas la peine de se battre les flancs toute sa vie pour si peu.
Pour ce qu’il en est du comportement animal, j’ai toujours appris que le vainqueur épargnait le perdant qui lui offrait sa gorge, il ne le tuait pas, mais l’exilait.
En cela, le comportement « proto hominien » serait déjà complètement diffèrent.
Un vrai sauvage !!
Pourquoi, et quel lien avec le bouc émissaire ?
Le proto hominien avait déjà lu m’sieur Girard, c’est là la différence.
Quant à Jésus-Christ, mis à mort par une foule criminelle, il paraît qu’il était un dangereux anarchiste qui voulait mettre à bas le pouvoir de Rome....sans accepter la solution des grands prêtres.
Tout ça est bien trop compliqué pour ma petite cervelle, je préfère vivre...et discuter ensuite, si c’est intéressant.-
Je crois que vous faites bien !
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@LLS : ici je réponds en partie à votre message de 09:30/3 Août : je reviendrai sur les points plus précis plus tard : ici quelques clarifications avant tout.
D’un rassurez-vous : je ne vous considère pas comme « lent ».
Maintenant mise au point concernant ce passage de votre réponse :
Désolé d’avoir à vous le dire, mais là vous jouez petit.
Ce que vous faites est une attaque ad hominen, qui est malheureusement assez classique dans les milieux scientifiques (qui sont humains, trop humains) même si c’est complètement prohibé en principe.
En science nous sommes censés être dans le monde III de Karl Popper : toutes les idées, toutes absolument sont bienvenues pour offrir une cohérence au corpus de données dont nous disposons.
Peu importe de savoir qui est la personne qui porte l’idée, quelles sont ses qualifications et quelle est sa méthode de pensée.
Ce qui importe c’est de mettre l’idée à l’épreuve des faits.Je ne saisis pas en quoi je me livrerai à une attaque ad hominem en évoquant le background et donc la formation de Girard : même en évoquant l’absence de cursus en ethno/anthropo chez lui, ce ne serait pas plus de l’ad hominem puisque d’un mon propos était précis : il s’agissait de pointer les différences d’approches méthodologiques : ni plus, ni moins, et de deux je ne saisis pas en quoi rappeler son background relèverait même d’une attaque à l’encontre de sa personne ? D’autant plus que mon propos était somme toute assez clair : je renvoyais principalement à l’ « accueil » que de telles interprétations pourraient avoir chez les anthropo « de formation » : et non pas sur la valeur en soi des hypothèses girardiennes.
Donc ma remarque ne portait pas sur sa personne mais sur son approche et son éventuel accueil : à savoir donc une approche interprétative « littéraire » des mythes ou une « herméneutique » si vous préférez (en critique littéraire, le propos est assez souvent de « révéler » un sens profond supposé –généralement conçu comme étant même inconnu du producteur de l’œuvre étudiée : on est loin de l’étude des mythes selon l’ethno/anthropo), si ce n’est une approche qu’on peut qualifier de néo-évhémériste (et là son background autant chrétien, que en études médiévales et sa fascination pour les antiques est un élément qu’on ne peut ignorer) différant radicalement de ce que peuvent être les approches des mêmes mythes dans le champ ethno/anthropo…i.e. : rarement des « interprétations » mais plus souvent a) recueil et b) compréhension possible en fonction de culture/contexte et non pas interprétation littéraire/littérale ou révélation d’un sens « caché » et donc c) qui ne présuppose pas que les mythes seraient fondés a priori sur des événements/personnages historiques et donc « révéleraient » quelque « chose cachée » que ce soit.
Ma remarque me semblant pertinente considérant les différences essentielles entre les productions de Proust, Dostoïevski, Cervantes, etc… sur quoi Girard a travaillé et les mythes issus de telle ou telle culture sur quoi les ethno/anthropo travaillent : avec les implications que cela entend en terme d’interprétation : bien qu’à nouveau dans le champ ethno/anthropo « interprétation » ne soit pas le terme le plus approprié : l’étude des mythes n’ignorant pas le contexte : un de mes reproches à l’encontre de l’approche de Girard.
Pour faire court :
1. les productions des auteurs sus-cités sont a) singulières/individuelles, b) ponctuelles (inscrites dans « un » espace-temps donné) et c) productions/manifestations culturelles d’un paradigme donné (de la même façon que l’est la culture matérielle), enfin d) figées/fixées
2. les mythes issus de telle ou telle culture sont a) singuliers mais non « individuels » > culturels, « collectifs », b) « étendus » dans le temps et l’espace et c) ne sont pas des manifestations d’un paradigme, ils en sont les fondations *, partant de là influant sur les productions immatérielles (exemple : œuvres de fiction) autant que matérielles, enfin d) « vivants » ou changeant.
* bien entendu tel ou tel paradigme peut produire de nouveaux mythes mais a priori doit exister a minima un ou x mythes fondateurs « primordiaux » pour que des mythes secondaires apparaissent avec des fonctions autres que de fonder tel ou tel paradigme (i.e. : fonction didactique, « moralisante », etc… ex : on part du mythe chrétien originel autour de la figure christique, et ensuite se constitue des récits mythiques autour des figures des apôtres, des saints, de Marie, des martyrs, etc… pas forcément partagés par l’ensemble des Chrétiens mais se fondant sur un mythe commun) , de même que ces mythes « primordiaux » peuvent être « enfouis » (ou dévaluation) en raison de tel ou tel changement socio-culturel ex : passage d’une société agraire à une société guerrière : cas classique chez les barbares germaniques/nordiques de la période des migrations : exemple le groupe lombard dont le panthéon originel (société agricole) se constitue autour des divinités Vanir (fertilité, sagesse, etc…) avant de basculer vers un panthéon accordant la primauté aux Ases (société guerrière) ; pareil avec les Grecs où l’étude des mythes/dieux primordiaux permet aussi de remarquer ces basculements selon les caractéristiques socio-culturelles à telle ou telle époque des sociétés grecques antiques.
Et comme généralement de tels changements socio-culturels peuvent être particulièrement radicaux : il arrive souvent qu’aucun mythe premier « réellement » originel ne subsiste : i.e. : même les mythes supposés primordiaux sont de nouveaux mythes : il est donc très difficile de partir au travers d’une seule/simple grille d’interprétation d’un mythe et de remonter jusqu’aux origines – ne serait-ce que pour une seule culture, sans parler de l’origine « unique » de TOUTES les cultures-anthropo, ethno, psycho, linguistique, archéo, paléo, génétique, etc… doivent être associés.
Donc ces différences « d’approche méthodologique » essentielles me semblent suffisantes pour effectivement questionner l’approche girardienne des mythes concernés, du moment qu’il applique à ces mythes la même approche que pour des œuvres singulières, individuelles, ponctuelles. Je ne vois donc pas où est l’ad hominem ici.
Ex : le paradigme chrétien ne peut exister sans les mythes chrétiens fondateurs : par contre la culture française, russe ou espagnole pré-existent et existent indépendamment de l’existence ou non d’un Proust, Cervantes, Dostoïevski, …ou de la production ou non par eux de telle ou telle œuvre. Enfin autre point important, l’écriture romanesque ou l’objet « roman » est bien caractéristique du domaine européen : dont la diffusion à d’autres domaines n’a été opérée que récemment d’un point de vue historique : aussi autant les cultures française, russe ou espagnole peuvent différer : des éléments communs existent : substrat indo-européen (avec tout ce que cela entend : racines culturelles/paradigmatiques proto-indo-européennes et représentations du monde conséquentes), paradigme chrétien pendant une durée de plusieurs siècles, influence du domaine gréco-romain, et échanges intenses entre ces diverses cultures, et bien entendu l’écriture romanesque…Aussi déceler telle ou telle caractéristique commune en étudiant de tels textes n’a en soi rien d’étonnant : mais cela n’implique pas que cette approche puisse fonctionner lorsqu’on compare les mythes aborigènes et le corpus biblique ou autre…ce qui apparaît commun ne l’est pas forcément une fois le contexte/paradigme rappelé ou intégré à l’étude comparative.
Ensuite, il y a une différence tout de même essentielle niveau "mise à l’épreuve des faits" entre l’approche girardienne (son hypothèse des origines) et celle généralement adoptée en anthropologie (donc processus d’hominisation ici) : les x hypothèses ou idées proposées en anthropologie se fondent effectivement (ou se défont) à un moment ou l’autre sur cette « mise à l’épreuve des faits » : en premier lieu, lorsqu’une hypothèse est émise, on tentera de la vérifier à l’aide JUSTEMENT de l’étude des sites archéologiques, évidences paléo, fossiles, etc… et si rien ne vient confirmer l’hypothèse proposée ou si effectivement elle semble valide, à nouveau c’est SUR LE TERRAIN qu’elle sera « mise à l’épreuve »…
Or je constate que ce soit après mes lectures de Girard, ou dans notre échange ici : qu’objectivement : les données de paléo/anthropo « fossiles » ou préhistoriques ne semblent absolument pas considérés comme essentielles pour « mettre à l’épreuve des faits » les hypothèse girardiennes sur les ORIGINES : je suis bien obligé de remarquer que par exemple vous me « remerciez » de vous présenter le « profil-type » (tel que déductible autant des recherches paléo que de l’observation de groupes de chasseurs-cueilleurs contemporains) d’un groupe humain « paléolithique » ou précédemment x données et informations sur JUSTEMENT ce que l’on « sait » (i.e. informations recueillies par la recherche paléo/archéo de terrain) soit des proto-humains, soit des humains « archaïques » en termes de culture symbolique et/ou matérielle, de structures (proto)sociales, de diète, etc…etc…
Il me semble que c’est là tout de même une approche étrange que de vouloir théoriser sur les origines de l’Humanité ou le processus d’hominisation en faisant l’impasse sur les données matérielles recueillies concernant ces stades préhistoriques : aucun mythe connu actuellement n’a plus que quelques milliers d’années : i.e. mythes antiques : les mythes des primitifs étant contemporains et non préhistoriques : des croyances, mythes, et donc paradigmes des proto-humains ou humains « archaïques » nous ne savons RIEN : pas même si justement ils avaient des mythes ou des croyances (cf les Piraha qui sont une bonne illustration de l’infinité de possibles à envisager) et donc spéculer que des mythes connus actuellement seraient liés en tout ou partie à ces périodes « originelles » et qu’ils révèleraient des « choses cachées » alors que la distance temporelle couverte (Paléolithique) est au minimum d’app. 2.5 millions d’années me semble un tantinet limite si on considère que les plus anciens mythes connus n’ont que quelques milliers d’années, et qu’il n’existe aucune évidence qu’ait existé une quelconque forme de continuité ininterrompue que ce soit au niveau de l’Immatériel ou du Matériel au cours de ces centaines de millénaires, continuité supposée ou postulée par le girardisme ayant préservé sous une forme ou une autre la mémoire de ce meurtre originel répété.
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Un simple exemple : une des théories les plus courantes en anthropo, sur l’émergence de la « behavioral modernity » postule que cela se serait la conséquence d’un événement unique, ponctuel (i.e. : une mutation, changement de configuration cérébrale, etc…) datant généralement cet « événement » à -50000 ans or so, une autre concurrente elle postule une continuité, processus et « cumulatif » que ce soit en termes de savoirs, techniques, etc… et sociobio/socioculturel…
La recherche de terrain les a mis à l’épreuve des faits avec la découverte de divers sites en Afrique (notamment les grottes Blombos) a sévèrement questionner la datation proposée par la première théorie : puisqu’on fait un bond temporel colossal quant à la datation –à ce jour- de l’émergence de cette modernité comportementale ou cognitive : de -50000 on passe à
- 130000/-100000 : et on se retrouve donc avec des humains supposément « archaïques » disposant de cultures symboliques « théoriquement » impossibles, de capacités conceptuelles et cognitives elles aussi théoriquement impensables. Pour rappel pendant longtemps (et certains encore défendent cette thèse), on a considéré que la culture symbolique avait émergé chez l’Humain en Europe, voilà 40000 ans (exemple : parures ou bijoux supposés être apparus en Europe)…Quant à la seconde théorie de la continuité : la disparition pendant des dizaines de milliers d’années des techniques employées par exemple à Blombos la remet en cause : plutôt que de continuité, il faut envisager des inventions (ou ré-inventions) originales même lorsqu’il s’agit des mêmes techniques qu’on retrouve ailleurs : et donc mettre cela au compte non pas d’une transmission ou continuité mais des capacités propres à l’Humain. Considérant que certaines hypothèses accordent à Homo Heidelbergensis des capacités symboliques, on recule encore plus loin : -300000/-400000…Dans le cas qui nous intéresse : à Blombos (donc occupation app. de
130000/-70000 soit 60000 ans : 6 fois la distance qui nous sépare app. du Néolithique) : AUCUNE trace d’activité sacrificielle –d’animaux ou d’humains chez ces humains « primitifs » ayant les premiers –connus à ce jour- développé sur 60000 ans x cultures symboliques et matérielles…(du point de vue matériel, leurs capacités conceptuelles et cognitives dépassant de loin tout ce qui pouvait être spéculé : notamment par exemple des connaissances élémentaires en chimie).Et donc, je m’étonne toujours que jamais le modèle girardien ne semble s’intéresser à la mise à l’épreuve factuelle sur le terrain de sa théorie des origines, justement en évoquant ou en se fondant sur ce que nous « savons » de ces lointaines origines : notamment quant à la présence ou non d’évidences d’activités sacrificielles précédant des évidences d’activité symbolique : l’argument de l’absence de preuve non équivalent à preuve de l’absence ne pouvant servir à supporter une hypothèse telle que celle-ci autrement que par une esquive rhétorique.
Aussi, vous comprendrez mes réserves lorsque j’ai quelque hésitation à mettre sur le même plan les hypothèses d’anthropo sur le processus d’hominisation, qui se fondent ou se vérifient/s’invalident sur/par la mise à l’épreuve des faits (= découvertes paléo/archéo) et un modèle théorique qui se fonde principalement sur une interprétation particulière d’Œdipe, de tel mythe « primitif » choisi à cette intention dans un recueil d’ethno et interprété à la girardienne alors que x possibilités non pas spécialement d’interprétation dans le champ ethno/anthropo mais compréhension en fonction de la culture/contexte existent : sans que jamais (excepté quelques références « générales et donc vagues » de temps en temps : par exemple : le possible rôle de dépendance/faiblesse des bébés humains : vagues/générales parce que lancées au milieu d’un discours mais non développées plus que cela) ne soit fait état de ce que justement le TERRAIN nous apprend sur si ce n’est les systèmes de représentation de ces premiers hommes, leurs modes de vie, d’organisation sociale, etc… et tout ce que cela implique ou non pour la validation/réfutation du modèle proposé. Quant à la mise en cohérence du corpus de données dont nous disposons : du fait que ce corpus de données (i.e. : tout ce qui a trait au processus d’hominisation) n’est absolument pas intégré au modèle girardien, ni même utilisé par les girardiens (je n’ai aucune peine à envisager pourquoi) : je ne vois pas en quoi les idées girardiennes pourraient agir sur ce corpus constitué : de fait, le modèle girardien se passe complètement de ce corpus : je trouve étonnant que vous souhaitiez alors que ce modèle offre une quelconque cohérence à une masse impressionnante de données qu’il considère comme facultatives (je me tempère ici…) au point de au choix les ignorer ou de les éviter prudemment.
Bref si je théorise ou émets des hypothèses sur les origines de l’Humanité ou le processus d’hominisation : le minimum est tout de même d’intégrer ce qui est connu à ce jour ou les données de terrain collectées : sans cela, cela ne reste que de la spéculation « littéraire »…ou l’élaboration d’un nouveau mythe et non d’une théorie scientifique si vous préférez…j’imagine mal un théoricien de l’évolution considérer qu’il peut faire l’impasse sur les évidences fossiles.
Donc je trouve aussi étrange que si vous évoquez l’éthologie, la primatologie : n’apparaisse ni dans vos propos, ni dans votre article quelques références que ce soit par exemple à la paléo/archéo ou mêmes aux sociétés « primitives » connues (ce qu’il y a de supposément plus approchant de l’humain « archaïque ») : après tout pour savoir si effectivement le processus d’hominisation s’est fait dans la violence : tenter de supporter cette théorie par des données de terrain me semble somme toute logique, si la mise à l’épreuve des faits vous apparaît être « ce qui importe » indépendamment de qui émet l’idée : pour conclure sur ce point : il me semble que j’ai fait la démonstration de mon propos initial : le background est effectivement un élément déterminant : aucun anthropologue se contenterait d’émettre une hypothèse sur les origines des cultures humaines (encore moins une origine « unique ») sans chercher à s’appuyer sur des données de terrain, fossiles, sites, squelettes, etc…ou la génétique par exemple. Et là je ne parle que d’une simple et modeste hypothèse sur les origines, et non pas un modèle expliquant TOUT aspect de l’Humain et des cultures humaines se fondant sur cette hypothèse originelle. D’ailleurs au niveau paléo-anthropo contemporaine, aucun modèle ne se risquerait à proposer un tel modèle totalisant quant aux origines ou au processus d’hominisation : la réalité factuelle supportant aisément autant une approche pluraliste –bio, socio, culturo, neuro, psycho, etc…) que l’idée de x processus convergents : bref évolution dont l’origine est plurielle.
Et mes réserves méthodologiques cela s’applique aussi aux conceptions girardiennes du sacrifice : j’ai par exemple beaucoup moins de mal avec Burkert qui LUI AUSSI n’a AUCUN background en ethno/anthropo et s’intéresse aussi à cette question du sacrifice, qui a publié son Homo Necans la même année que Girard la Violence et le Sacré : autant parce que oui, j’ai plus confiance en un spécialiste du Monde Grec (notamment de la mythologie, et de la religion grecque antique) lorsqu’il s’agit de décrypter mythes et pratiques sacrificielles grecques antiques, autant parce qu’existe une réelle possibilité de tester la pertinence de ses arguments que ce soit avec l’éthologie (vous avez une référence commune : Lorenz), l’anthropo, la paléo, etc… et que notamment n’existe pas de problèmes chronologiques concernant les manifestations DANS LE TEMPS de pratiques sacrificielles entre ce qu’il propose et ce qui est constaté sur le terrain ( à savoir activité sacrificielle récente ou tardive si vous préférez imputable à une complexification des structures sociales humaines), pas plus que cela ne s’oppose aussi à cette idée certes un peu présomptueuse que le propos de la chasse est en premier lieu l’acquisition de nourriture.
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Point suivant :
Je vous propose que nous essayons de mettre ici les choses à plat au plan épistémologique.
Soyons poppérien et convenons, si vous le voulez bien, qu’aucune théorie ne peut être validée, vérifiée ou même confirmée.
Les théories peuvent seulement être réfutées (falsifiée si on veut faire dans l’anglicisme).
Une donnée quelconque peut donc :
a) soit, au mieux, corroborer une théorie, cad, se révéler « compatible » ou non contradictoire avec ladite théorie
b) soit infirmer l’anticipation de la théorie et donc la réfuter aussi peu que ce soit, au moins de manière périphérique.
Ici c’est vous qui semblez vouloir me faire tomber dans un piège : (de mémoire) Girard lorsqu’il émet son hypothèse ne lui attribue pas le qualificatif de « scientifique » mais évoque l’idée de l’envisager selon une approche elle « scientifique », au fil du développement de ses idées et de leur diffusion (i.e. : les « girardiens ») de plus en plus souvent se voit répétée cette affirmation "le modèle girardien ou ses hypothèses sont vérifiés « scientifiquement » " : donc pour faire court : on prétend appliquer à un modèle qui ne se présente pas comme « scientifique » des critères scientifiques quand cela « arrange » et pareil basculer au besoin vers des appellations plus confuses tel que « idée », « herméneutique », « grille d’interprétation » suffisamment large pour de facto être utilisable pour tout et n’importe quoi : et comme rappelé précédemment on se passe largement de la "mise à l’épreuve des faits« : je précise ici à nouveau : partir de mythes, rituels, etc… »modernes" au sens d’historique vs préhistorique pour interpréter d’hypothétiques rites archaïques qui révèleraient une origine supposément unique est loin de correspondre au constat de terrain en paléo, anthropo, ethno…Enfin le modèle girardien n’emploie pas les données tel quel (de façon brute/objective) pour supporter ses hypothèses : il interprète a priori les données comme corroborant ou pour vous reprendre étant « compatible » avec ce qu’il postule : et autant les preuves « positives » (i.e. : mythe/rite témoignant d’une possible activité sacrificielle) servent à « valider » ou à « supporter » le modèle postulé, autant les preuves « négatives » (i.e. : mythe/rite ne témoignant d’aucune activité sacrificielle) y servent aussi sur la seule base de a) un postulat de base « mensonge/travestissement/enfouissement » et donc b) un traitement « biaisé » (non objectif) des données collectées, sans parler de l’a priori « néo-evhémériste » concernant la réalité historique supposé des événements/personnages, évoqués dans les mythes ou divinisés/héroïsés (ici nette influence « chrétienne » et antique chez Girard, ainsi que médiévale : si je me rappelle bien il a débuté par l’histoire médiévale) : approche quelque peu particulière puisque les mythes seraient en quelque sorte des faux-témoignages « vrais » : i.e. : ils évoqueraient véritablement des événements réels au sens factuel ou historique (événements qui ont le mérite de la constance puisqu’il s’agit grosso modo de toujours le même événement) mais dont la présentation serait fausse : mensongère, travestie, inversée, etc…
Partant de là, le modèle girardien se présente comme verrouillé : infalsifiable, irréfutable : il est donc –sans connotation péjorative- pseudo-scientifique : il n’y a donc aucune raison que dès lors soit évoqué des données « assimilables » dans tel ou tel cadre théorique : puisque pour reprendre mon exemple volontairement exagéré : une énorme quantité de données (mythes, rites, linguistiques, etc..) peuvent parfaitement « assimilables » dans un cadre théorique postulant l’existence des Anciens Astronautes : et donc rendant « solide » la dite théorie de l’ingérence alien dans le processus d’hominisation et civilisation de l’Homme : en commençant par le concept indo-européen « Dieu » se retrouvant sous x formes dans tous les langages indo-européens, et qui après reconstruction du langage proto-indo-européen préhistorique (on demeure dans l’hypothèse bien entendu mais éléments et approche (notamment linguistique comparée) permettant une telle reconstruction sont scientifiques, pour le simple fait que réfutables) et qui semble avoir été construit en associant deux concepts « lumière » + « ciel » : donc parfaitement « assimilable » par un cadre théorique évoquant des OVNI en ces temps immémoriaux…
Rien ne permet de la déclarer vraie, mais il est clair que plus elle paraîtra solide et plus de personnes seront disposées à la considérer comme « valable », au sens pragmatique de « efficace », plus le consensus à son égard s’élargira en somme.
Ensuite, le besoin de croire fait le reste, mais il appartient à la psychologie et non plus à l’épistémologie.
Donc grosso modo, vous m’expliquez que l’important est que ce qui serait déterminant est que le nombre d’adhérents à ce modèle s’accroisse et que s’établisse au final un consensus autour de ce modèle par le seul biais de données qui lui seraient « assimilables »…on est bel et bien dans le champ de la croyance ou de l’idéologie/système philosophique : en effet, cela n’a rien à voir avec ’l’épistémologie, pas plus que l’idée qu’une théorie serait ou « forte » ou « faible » (des arguments forts/faibles peuvent la supporter) : je pense qu’ici se situe un de nos points de désaccords : un consensus autour d’une théorie s’établissant parce qu’un nombre croissant d’individus la considère comme « valable » me semble effectivement éloignée du champ scientifique : partant de là, suivant votre logique, plus l’Intelligent Design sera considéré comme « valable » par un nombre croissant d’individus, plus cette théorie serait en quelque sorte acceptable ou « forte ». Et comme l’Intelligent Design procède assez souvent de la même façon que le modèle girardien, notamment en assimilant telle donnée et en ignorant un nombre plus élévé la questionnant.
Bon, je ne vais pas reprendre point par point vos réponses (ce serait trop long, et nous risquions de nous y perdre) donc je vais d’abord énoncer un problème qui me semble fondamental : à savoir que vous proposez donc une « correction » du modèle girardien : se fondant notamment sur l’impossibilité (voir absurdité) depuis une perspective évolutionniste de l’existence de stades évolutionnaires caractérisés par une complète inadaptation : je vous suis parfaitement jusque là. Et pour ce faire, vous en venez donc à la primatologie et l’éthologie donc une supposée antériorité animale. OR ici réside mon problème : à savoir que si je suis prêt à vous suivre sur ce terrain : il me semble que les implications de cette « correction » conduisent à une réfutation du modèle girardien ou a minima de son hypothèse initiale concernant le processus d’hominisation.
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En effet,
A. je ne vais pas présenter à nouveau le modèle girardien : vous le connaissez, quiconque a lu votre article ou les coms commencent à en avoir une idée : mais disons les éléments essentiels sont désir/rivalité/conflit mimétique et victime-substitut/bouc-émissaire, meurtre-sacrifice > résolution conflit/régulation violence. Girard posant donc que ces mécanismes fondent le processus d’hominisation, et donc par extension sont à l’origine de l’Humain et des sociétés humaines avec tout ce que cela inclut (représentations, cultures, religions, pratiques, rites, mythes, etc…)
Puis il y a votre « correction » donc :
B. vous évoquez donc chez les primates des mécanismes de régulation/résolution de la violence : dont la chasse qui selon vous serait une activité de nature si ce n’est sacrificielle, « proto-sacrificielle » donc avec la fonction supposée par Girard du sacrifice, vous évoquez aussi les poules avec l’existence d’une poule-émissaire (poule « marquée » devenant victime-substitut du poulailler) qui si je vous ai bien lu elle-aussi sert à apaiser les tensions au sein du poulailler : illustrer par le fait que son absence engendre un nouveau cycle de tensions/conflits intra-poulailler.
Maintenant mes observations, et les implications que je retire de tout cela :
C.
1) vous aurez remarqué que d’un nombre des observations concernant les primates que vous employez pour supporter vos arguments proviennent d’animaux en captivité (zoo), qu’à l’évidence un poulailler n’est pas plus un environnement naturel : il y a donc ici des éléments dont vous semblez ne pas tenir compte : notamment un que je suggérais dans mes coms précédents : la pression démographique et dans les cas qui nous intéressent ici : l’impossibilité d’adopter des stratégies possibles en environnement naturel : fuite ou scission du groupe plutôt qu’explosion de fureur fratricide :
mais disons que j’accepte d’ignorer cette condition « artificielle » et ignore aussi volontairement que la domestication de l’ancêtre de la poule, à la différence d’autres espèces animales, semble ne pas s’être faite pour ses œufs ou sa chair mais à finalité sportive : i.e. : les combats de coq : un des plus anciens « sports » connu. Et comme pour tout processus de domestication, ont été sélectionnées les caractéristiques recherchées : dans le cas du cock-fighting : à l’évidence c’est l’hyper-agressivité/pugnacité qui était recherchée en priorité. Ou d’ignorer que les grands singes descendant de la séparation entre ancêtres des humains et les leurs il y a quelques millions d’années ne veut pas dire que les grands singes actuels existaient il y a x millions d’années mais qu’eux aussi ont évolué et adopté des stratégies évolutives et adaptatives diverses et variées : certaines déterminées par soit la concurrence avec notre espèce soit les interférences produites par notre espèce à l’encontre d’eux (en Afrique les interactions humains-chimpanzés par exemple s’étale sur des millénaires) : et donc cela ne me permet pas de supposer qu’existerait pas a priori d’antériorité entre pratiques de la chasse chez tel primate ou ses ancêtres et pratiques de la chasse chez les proto-humains : à moins de considérer que l’Humain descend du chimpanzé, du bonobo, etc…non, le dernier ancêtre commun daterait selon les estimations d’il y a 4 à 13 millions d’années : ce qui nous place a minima 2 millions d’années avant le premier membre (connu) de la famille Homo : soit H. Habilis : entre temps et depuis, chimpanzés, bonobos, gorilles, proto-humains, humains, etc… ont pris des chemins différents : aussi considérer que la pratique de la chasse (comprise comme proto-sacrificielle) chez des chimpanzés appartenant au genre Pan témoignerait d’une « antériorité » et éclairerait d’une nouvelle manière la pratique de la chasse chez les membres du genre Homo (les différences principales étant connues, point besoin de les énoncer : néanmoins les différences en termes de capacités cognitives ou conceptuelles pourraient être rappelées).
Bref je vais ignorer tous ces éléments, et considérer –le temps de cette discussion- comme vous que effectivement dans le règne animal : activités proto-sacrificielles voir pratiques sacrificielles existent, et qu’existe aussi la victime-substitut bouc-émissarisée, sacrifiée, etc…donc mon second point :
2) pour rester dans un modèle girardien (puisque visiblement vous ne souhaitez que le corriger) posant que les mécanismes sus-cités relèvent donc du désir/rivalité/conflit/crise mimétique, que leurs fonctions est donc de réguler ces phénomènes de contagion-crise mimétique et bien entendu le plus important qu’ils sont les ressorts fondamentaux du processus d’hominisation.
Là surgit mon problème : si la mise en place de ces mécanismes est l’évidence-fondation du processus d’hominisation : leur antériorité au stade animal conduit automatiquement à considérer que le processus d’hominisation ne s’est pas fondé sur ces mécanismes (ou pour être plus ouvert pas uniquement) puisque stricto sensu ils n’ont absolument rien de singulièrement post-animal, proto-humain, humain puisqu’ils existent au stade animal : même chez la poule ! Ergo si un chimpanzé use de la chasse à vertu sacrificielle comme mode de régulation des violences intra-groupes, si un poulailler use d’une poule-émissaire pour réduire les tensions intra-poulailler : ces mécanismes étaient donc déjà opérant avant même le stade proto-humain : ils ne peuvent logiquement être utilisés comme explication ultime et unique au processus d’hominisation : processus qui justement se caractérise par une RUPTURE avec le stade antérieur ergo animal : donc mécanismes ou événements ayant enclenché ou supporté ce processus ne peuvent pas lui pré-exister : a) ils doivent apparaître ou émerger et ainsi marquer un nouveau stade évolutif et b) co-existent (part intégrante) au processus.
Si comme vous le dites le sacrifice s’origine dans le monde animal : il ne peut-être le (ou le seul) support du processus d’hominisation : puisque grosso modo : si les pré-proto-humains pratiquent le sacrifice : la même pratique chez les proto-humains puis les humains ne témoigne donc d’aucun changement d’un point de vue évolutif ou de l’adoption d’une NOUVELLE stratégie évolutive, adaptative, en terme de régulation des violences intra-groupes…Un peu comme si je postulais que la bidépie, le langage, etc… à eux-seuls expliquent le processus d’hominisation, parce que et le chimpanzé et la gerbille peuvent adopter la station debout sur deux pattes au besoin, ou parce que tel oiseau ou le dauphin dispose d’une forme de langage élaboré…à l’évidence : cela ne suffit pas à expliquer la singularité du processus d’hominisation : néanmoins à la différence du modèle girardien, sites, fossiles, etc… me permettent de les intégrer « factuellement » et « objectivement » dans ce processus évolutif.Ainsi votre « correction » dans ses implications mène tout simplement à réfuter l’idée que sacrifice et bouc-émissariat aient pu supporter le processus d’hominisation puis celui d’ « humanisation » puisqu’ils n’ont rien de spécifiquement ou hominiens, ou proto-humains ou humains : puisque préexistant à tous ces stades évolutifs et retrouvables (selon vos analyses) autant chez le chimpanzé que le poulet.
Pour faire plus court : en réfutant le postulat premier du modèle girardien ( à savoir l’absence d’immolation sacrificielle dans le règne animal : et faisant de sa pratique une singularité du genre Homo, dont découlerait le processus d’hominisation, et la Représentation entre autre (premier meurtre > premier signe) ) tout ce qui en découle est immédiatement remis en question : vous constaterez que je me suis avant tout proposé de fournir des arguments théoriques et pratiques questionnant le modèle dans son ensemble : vous allez plus loin : vous réfutez l’argument premier : donc il est étrange que bien que vous le fassiez : vous persistiez à défendre un modèle dont vous contredisez LA base théorique…
Enfin les supposées capacités « super-mimétiques » du genre Homo ne pouvant être découplées du développement cérébral, cognitif, etc... elles ne peuvent être arbitrairement considérées comme l’évidence que le processus d’hominisation se serait fondé sur des mécanismes qui bien que pré-existants au stade animal n’auraient pas eu le même potentiel au niveau évolutif, en raison de capacités mimétiques animales moindres...à moins de considérer que l’évolution du genre homo est avant tout le développement de capacités super-mimétiques : ce qui n’est pas mon cas.
Aussi, même si par volonté d’adopter une forme de pluralisme épistémologique (parce que fondamentalement nécessaire à notre stade de développement scientifique et les impasses actuelles ou à venir sans changement paradigmatique) et intégrer les idées de g et non le modèle girardien : cela se limitera à cela : le considérer comme ayant été opérant possiblement à un stade plus tardif (néolithique et complexification des structures sociales) dans un processus évolutif pluriel (bio, cognitif, socioculturel, génétique, biochimique, anatomique, etc…) qui en soi est justement ce qui singularise l’Humain : ergo mon refus d’une théorie qui postulerait autant un processus uniforme qu’une origine unique.
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@ Lord
Ma réponse correspond à votre message du 4 août 22:52 et au post qui a suivi.
Sur le premier point, je dirais ok, je veux bien reconnaître que la présentation que vous faites en opposant les méthodes ne s’apparente pas directement à ce que l’on pourrait appeler une argumentation ad hominen. Je vous fais crédit sur ce point.
Néanmoins, je voudrais souligner le fait que « catégoriser » une approche théorique comme étant fondée sur une méthode différente, sous entendue, inhabituelle, non reconnue comme « orthodoxe », etc. s’apparente à un argument ad hominen (argumentqui catégorise pour dévaloriser) si l’idée est de suggérer qu’il y a quand même là un problème a priori sans qu’un défaut précis ne soit en même temps désigné dans le processus argumentaire issue de ladite méthode.
Que l’herméneutique girardienne soit hétérodoxe par l’hétérogénéïté des documents qu’elle rapproche ne me gêne aucunement.
Il n’est aucune règle en la matière, il n’est que des usages.
Qu’un penseur original transgresse les usages, je dirais que c’est de coutume.
Ce qui importe ici c’est la possibilité de dégager des invariants et plus les domaines sont éloignés plus on peut postuler un profondeur et une pertinence pour lesdits invariants.
Donc désolé, que vous soyez plus confortable avec Burckert qui a un champ de réflexion davantage circonscrit je le conçois mais pour ma part, là ne va pas ma préférence.
Ce qui m’intéresse en tant que darwinien passionné par l’évolution des organisations de quelque niveau que ce soit, c’est les théories fortes, (« totalisantes » dirait COLRE), qui traitent de dynamiques archifondamentales du niveau de la théorie des catastrophes, des systèmes dissipatifs et/ou dynamiques, chaotiques etc.
Je ne fais pas du tout dans le néo-structuralisme à la Thom, mais disons que j’essaie de partir du niveau explicatif le plus fondamental, le plus abstrait pour remonter ensuite vers les formes plus concrètes.
Sous ce rapport, Lorenz me paraît le penseur accompli par excellence car il a su assurer un circulation constante entre l’empirique et l’abstraction et l’un n’a cessé de nourrir l’autre. Au demeurant Darwin ne serait pas mal non plus sous ce rapport.
Cette circulation entre la théorie et les données, je le concède est bien loin d’être assurée dans tout le champ couvert par la théorie girardienne.
C’est à bon droit que vous pointez son absence dans le domaine paléontologique alors qu’ a priori, la théorie girardienne a prétention à en dire quelque chose.
Le fait est qu’elle ne l’a pas fait et que le champ conceptuel girardien est ici en friche ou quasi virtuel tant il est abstrait.
Comme je l’ai indiqué à COLRE, aussi irritant que cela puisse être pour certains, ce constat sévère mais juste ne permet pas de conclure quoi que ce soit quant à la validité ou l’invalidité de la théorie girardienne sous le rapport de l’hominisation.
Rien ne peut être conclu tant que des hypothèses logiques, des corrélats paléontologiques n’aient été déduits des axiomes girardiens.
Les données brutes ne prouvent rien, jamais. C’est toujours le sens qu’on en fait qui est mis à l’épreuve. Il reste à faire sens desdites données paléontologiques dans un contexte girardien.
Et comme j’ai essayé de le montrer, cela ne présente a priori aucune espèce de difficulté dès lors que l’on veut bien partir du modèle animal qui, avec les mythes fondateurs, permet d’encadrer au sens mathématique, l’intervalle qu’occupe le processus d’hominisation.
Vous me dites il y a de la cognition sophistiquée dès -400.000 ans ? J’achète.
Vous m’auriez dit 1000.000 c’était pareil.
Je m’attache aux dynamiques, à l’organisation, à son évolution, aux paramètres pertinents qui joue sur cette dernière. Cela donne un substrat très plastique qui, s’il est bien conçu, doit pouvoir intégrer les formes, les chronologies et les géographies dont nous disposons.
La problématique n°1 de toute organisation, axiome fondamental que vous pouvez mettre à la banque (pour parler anglosaxon) si vous ne l’avez déjà fait, c’est le problème de la stabilité, donc de la reproduction, du maintien en somme de l’organisation.
Donc d’emblée quand je lis Girard je sais qu’il a tapé dans le mille.
On est dans la plus pure abstraction avec cette notion valable dans tous les domaines de la science mais on sait aussi, alors, qu’on est au plus juste, à ce qui est d’une valeur absolument générale et dont il serait insensé de s’écarter.
Ensuite, si on garde l’oeil fixé sur cette problématique en pensant constamment en terme évolutionniste donc de reproduction différentielle, on voit bien que le modèle des chimpanzés qui mêle chasse-sacrifice et même guerre pourrait constituer la pierre de rosette des cultures humaines.
D’autant plus que nous disposons juste à proximité du modèle Bonobos dont on sent bien qu’il offre de singulières résonances avec l’humain.
Entre ces deux points, le modèle animal d’une part et la violence sacrificielle des religions historiques, je trace une ligne droite et je me dis que je tiens quelque chose de solide même si, c’est bien certain, cette ligne enjambe plus qu’elle ne traverse le champ paléontologique.
Ceci pour vous expliquer que je puisse avoir cette attitude de parfait naïf sous le rapport de la paléontologie/archéologie.
Vous m’apportez des nouvelles du front, j’en suis ravi, j’assimile ça sans problème à mon modèle du « sacrificiel animal totipotent car polymorphe ».
Vous me dites ensuite que la théorie girardienne ne tient pas la route et là c’est moi qui ne comprends plus.
Comment pouvez-vous dire cela ? Vous n’avez pas d’hypothèse girardiennes spécifiques dans ce domaine ! (et encore une fois cet état de fait ne vous permet aucunement de réfuter ladite théorie).
Parvenu à ce point vous devriez vous exclamer : "Et l’hypothèse girardienne selon laquelle durant la nuit des temps, durant des centaines de millénaires se serait opéré une perpétuation rituelle du meurtre originel ? C’est pas une hypothèse testable et donc réfutable ça ?"
Ce à quoi je répondrais, oui, bien sûr, c’est une hypothèse tellement testable et réfutable que je l’ai déjà réfutée.
En effet, dans mon document de travail de 1989, je tentais précisément un renversement de cette perspective.
L’idée devenant qu’il n’y a pas eu plus de meurtre originel qu’il n’y a eu de poule originelle (celle qui a fait le premier oeuf
Le sacrifice est un mode de régulation sociale dont les formes abouties appartiennent à la période historique, celle d’où proviennent les mythes fondateurs.
Durant la nuit des temps ce qui s’est lentement structuré ce sont les représentations et les opérations mentales qui sous-tendent le religieux : la pensée causale d’abord, la pensée catégorique avec le distinguo entre l’espace de la communauité et l’entour sacré, et la pensée de cet opérateur « fabuleux » qu’est la (mise à) mort avec le formidable impact psychologique que cela a déjà sur les grands singes.
Ceux-ci tuent chassent-sacrifient des colobes et en recueillent déjà les bénéfices.
Alors pourquoi pas nos ancêtres protohominiens ?
Et là, pour ce que j’évoque, vous pouvez même remonter à Homo erectus ou Homo abilis si vous voulez.
L’important est juste de savoir si on peut considérer qu’un mode de régulation sociale de même nature, protosacrificiel, a pu se mettre en place chez ces premiers hommes.
Dès lors que cela existe chez des animaux présentant des capacités intellectuelles peu différentes, il n’y a pas de raison de l’exclure.
A partir de là, vous pouvez traverser toute la paléontologie de manière assez sereine car l’organisation sacrificielle est déjà toute entière présente quand bien même il s’agirait d’un embryon réduit à une cellule unique.
Tel que je le vois, les données paléontologiques vont pouvoir tranquillement habiller cette trame conceptuelle qui, notez bien, ne lache rien de ce qui est essentiel au modèle girardien.
Et les données qui se présentent, franchement, sont excellentes.
Les principales, les sépultures montrent une centration sur la question de la mort qui colle plutôt bien au modèle girardien, vous ne pouvez pas dire le contraire (une fois que vous avez laissé tombé le stéréotype que j’ai moi-même réfuté, ce que, ne vous en déplaise, Girard a accepté sans mégoter, d’autant plus facilement que, il faut y insister, il avait déjà rassemblé les éléments qui permettaient d’aller dans cette direction. Je n’ai fait que secouer son modèle pour lui faire trouver son aplomb).
Quoi qu’il en soit, ici le modèle bonobo peut aller se rhabiller si je puis dire.
Bon allez je m’arrête avant de me laisser aller
A bientôt pour la suite. -
@ Lord
Voici ma réponse à vos deux messages successifs du 4 août 22:56 et 22:57
[A ma mise à plat épistémologique sur la réfutation (et aucunement la scientificité) vous répondez... :]
Ici c’est vous qui semblez vouloir me faire tomber dans un piège : (de mémoire) Girard lorsqu’il émet son hypothèse ne lui attribue pas le qualificatif de « scientifique » mais évoque l’idée de l’envisager selon une approche elle « scientifique », au fil du développement de ses idées et de leur diffusion (i.e. : les « girardiens ») de plus en plus souvent se voit répétée cette affirmation "le modèle girardien ou ses hypothèses sont vérifiés « scientifiquement » " : donc pour faire court : on prétend appliquer à un modèle qui ne se présente pas comme « scientifique » des critères scientifiques quand cela « arrange » et pareil basculer au besoin vers des appellations plus confuses tel que « idée », « herméneutique », « grille d’interprétation » suffisamment large pour de facto être utilisable pour tout et n’importe quoi : et comme rappelé précédemment on se passe largement de la "mise à l’épreuve des faits« : je précise ici à nouveau : partir de mythes, rituels, etc… »modernes" au sens d’historique vs préhistorique pour interpréter d’hypothétiques rites archaïques qui révèleraient une origine supposément unique est loin de correspondre au constat de terrain en paléo, anthropo, ethno…
Ma réponse à COLRE à laquelle je vous renvoie svp devrait vous permettre de comprendre que je ne m’intéresse pas la question de la scientificité.
Non seulement ce n’est pas une questions scientifique car elle est seulement épistémologique, mais c’est une thématique métathéorique qui sert essentiellement à émettre une opinion (indécidable) sur une thèse pour s’en débarrasser à peu de frais. Je ne dis pas que c’est votre intention du tout car votre présence sur ce fil démontre bien le contraire.
Je dis juste que nous n’avons nul besoin de venir à ce niveau de réflexion quels que soient les débats passés sur ce point et les prétentions des uns et des autres.Dans cette perspective, concernant votre fiction OVNI, je ne vois pas trop où vous voulez en venir mais je pense que votre logique ne marche pas.
Si j’ai bien compris vous pensez que la théorie des Anciens Astronautes ressemble à la théorie sacrificielle de Girard en cela qu’elle se contente d’assimiler les données à son goût, mais qu’elle est une fumisterie à mettre à la poubelle et que partant il faudrait faire pareil avec la théorie de Girard.
Votre problème ici est que même si vous les croyez semblables, vous ne réussirez jamais un signe « = » entre la théorie des anciens astronautes et celle de Girard.
Vous pourrez toujours jeter la première, la seconde restera.
Vous revenez ensuite sur la question de l’assimilation des données et sur le fait que plus le corpus des données congruentes avec une théorie s’élargit plus cette théorie sera jugée forte.
Si je vous ai bien compris, vous refusez l’idée que la validité d’une théorie puisse dépendre du consensus fort ou faible qui s’établira à son égard.
Si ce n’est pas l’accord plus ou moins large au sein de la communauté scientifique qui établit la validité d’une théorie, alors c’est quoi, c’est qui ?
Dieu ?
J’ai peur à vous lire que vous ne soyez pas constructiviste mais réaliste.
Peut-être croyez-vous que la science met le doigt sur du réel.
Sachez que vous n’êtes pas seul, Girard pense de même
C’est en vain que j’ai essayé de lui faire admettre la construction mimétique de la réalité à l’oeuvre au travers des consensus scientifiques.
Sa théorie y mène tout droit mais je soupçonnen que la fréquentation du réaliste Jean-Pierre Dupuy (et peut-être aussi des convictions personnelles) font qu’il s’y est, à ma connaissance toujours refusé.
Bref, quoi qu’il en soit, je vous renvoie à Kuhn et la plupart des bons ouvrages d’épistémologie. Vous verrez le consensus apparaître en bonne place. Je pourrais vous trouver des références au besoin.
Mais celui que je préfère même s’il a complètement manqué la dimension mimétique de son oeuvre, c’est Latour dans « La science en action ». Il n’y a que ça dedans : des coordinations de foules autour de l’objet scientifique ou technique.
Pour faire concret quand même revenons toujours au même exemple (il est tellement parlant) : vous serez d’accord pour reconnaître que du temps de Wegener le consensus scientifique était contre lui et donc, lisez moi bien : « la réalité scientifique » d’alors était qu’il n’y avait pas de dérive des continents.
Quarante ans plus tard, le consensus a basculé et s’est réorganisé autour de la tectonique des plaques. La « réalité scientifique » est donc devenue le « fait » qu’il existe bel et bien une dérive des continents due à la tectonique des plaques.
Ce que je dis ne va pas au-delà de ça : la réalité est une construction sociale issue d’un consensus. Pas de consensus, pas de réalité.
Maintenant, si vous voulez vous faire peur, imaginons en effet que les tenants de l’Intelligent Design (dont je ne suis pas) prennent le pouvoir scientifique à l’occasion de je ne sais quelle bascule politique vers un totalitarisme. Très vite, leurs conceptions passeront pour la réalité et le fait que, tout seul dans votre coin vous sachiez que c’est faux n’y changera rien de rien.
Vous connaissez certainement l’histoire de la médecine : ne pensez-vous pas qu’on pourrait la décrire comme une succession de mythes pseudo-scientifiques ?
Les « réalités » passent comme les moeurs.
Je crois qu’il faut s’en faire à l’idée et abandonner toute prétention à « tenir » la réalité en main.
Encore fois, Popper invite à la modestie avec raison je crois.
[Ensuite vous revenez au modèle girardien, à la modification que je propose, vous apportez des précisions ou des objections assez légitimes mais que ne vous empêche pas de convenir pour les besoins de la discussion de la possibilité d’un pré-sacrificiel animal]Là surgit mon problème : si la mise en place de ces mécanismes est l’évidence-fondation du processus d’hominisation : leur antériorité au stade animal conduit automatiquement à considérer que le processus d’hominisation ne s’est pas fondé sur ces mécanismes (ou pour être plus ouvert pas uniquement) puisque stricto sensu ils n’ont absolument rien de singulièrement post-animal, proto-humain, humain puisqu’ils existent au stade animal : même chez la poule ! Ergo si un chimpanzé use de la chasse à vertu sacrificielle comme mode de régulation des violences intra-groupes, si un poulailler use d’une poule-émissaire pour réduire les tensions intra-poulailler : ces mécanismes étaient donc déjà opérant avant même le stade proto-humain : ils ne peuvent logiquement être utilisés comme explication ultime et unique au processus d’hominisation : processus qui justement se caractérise par une RUPTURE avec le stade antérieur ergo animal : donc mécanismes ou événements ayant enclenché ou supporté ce processus ne peuvent pas lui pré-exister : a) ils doivent apparaître ou émerger et ainsi marquer un nouveau stade évolutif et b) co-existent (part intégrante) au processus.
Qu’entendez-vous par explication ultime et unique ?
Nous avons certes les yeux fixés sur le sacrificiel et il est supposé nous mener de l’animal à l’homme mais pourquoi voudriez-vous qu’il n’y ait absolument que cela ?
D’abord, un premier constat : le postulat n°1 chez Girard n’est pas le sacrificiel, c’est l’imitation.
Si nous pouvions situer tout cela dans un système dynamique, nous pourrions prendre l’imitation comme premier paramètre mais il n’y a aucune raison qu’il soit le seul.
La puissance des processus de coordination/réconciliation sociale via le sacrifice et le partage pourrait faire un deuxième paramètre, bien qu’il soit plus difficile à apprécier puisqu’il renvoie à un processus social complexe.
Ensuite il y a les différentes capacités nécessaires à l’élaboration de la pensée religieuse mais pour simplifier, j’ai envie de considérer qu’elles ne font pas la différence entre l’animal et l’homme, autrement dit, je suggère qu’il n’y a pas lieu pour le moment de se perdre en conjectures sur les capacités comparées des uns et des autres.
Maintenant vous me parlez de RUPTURE en me la présentant comme obligatoire pour faire la différence entre l’animal et l’homme alors que tous mes efforts ont justement contribué à faire disparaître cette frontière, précisément sous le rapport du sacrificiel qui selon moi a d’abord été animal et est progressivement devenu humain même si dans la trajectoire on peut imaginer des accélérations ici ou là.
Disons pour faire très bref car je sens que ce soir je ne vais pas faire de vieux os que je veux bien penser des ruptures comme déséquilibre entre des dynamiques concurrentes.
Juste pour faire un brouillon non réfléchi, donc totalement naïf a priori, il me semble qu’on pourrait imaginer que des groupes hominidés deviennent comparés à d’autres plus mimétiques, plus empathiques, plus intelligents socialement parlant, plus capables de se coordonner, plus à même d’utiliser des stratégies de cohésion sociale, capable de repérer l’utilité de répéter un processus mi-chasse-mi-sacrifice tel que celui observé chez les chimpanzés de Gombé. Ils vont devenir plus stables, mieux se reproduire, mieux exploiter et raffiner leurs inventions, devenir techniquement plus efficaces, plus forts dans les conflits intergroupes (imaginons qu’ils ne sont pas encore nomades). Imaginons qu’ils viennent alors avant les autres à structurer toujours davantage le rituel chasse-sacrifice autour d’un langage gestuel, des mimes, des unissons émotionnels pour assurer une toujours plus grande pacification et donc stabilité du groupe et donc reproduction du groupe etc.
Désolé si ça paraît horriblement simpliste mais au moins ça sera intelligible pour ceux qui sont comme moi médiocrement informés des données paléontologiques.
A quoi mène ma petite fiction ?
Simplement à l’idée que peut-être la seule chose dont on a besoin c’est de considérer l’avantage du pionnier : le premier arrivé occupe la niche et maintient les autres dans les marges.
On pourrait penser que c’est ce qu’à fait l’humain et que l’humain est simplement celui qui a avancé un peu plus vite que les autres hominidés sur cette voie qui, dans la représentation que je m’en fais ne peut pas ne pas passer par un moment de mise à mort d’une entité par le collectif, que ce soit dans le cadre de la chasse, de la guerre, ou d’un sacrifice, les trois étant peut-être indistinguables dans les stades initiaux.
Cela vous a-t-il donné un indice de ce que j’ai en tête et qui, pour le moment, me paraît grosso modo « fonctionnel » ?
Pour faire plus court : en réfutant le postulat premier du modèle girardien ( à savoir l’absence d’immolation sacrificielle dans le règne animal : et faisant de sa pratique une singularité du genre Homo, dont découlerait le processus d’hominisation, et la Représentation entre autre (premier meurtre > premier signe) ) tout ce qui en découle est immédiatement remis en question : vous constaterez que je me suis avant tout proposé de fournir des arguments théoriques et pratiques questionnant le modèle dans son ensemble : vous allez plus loin : vous réfutez l’argument premier : donc il est étrange que bien que vous le fassiez : vous persistiez à défendre un modèle dont vous contredisez LA base théorique…
J’espère que ma petite fiction vous aide à comprendre pourquoi je ne lâche rien sur le sacrificiel même après en avoir renversé la dynamique évolutive.
Enfin les supposées capacités « super-mimétiques » du genre Homo ne pouvant être découplées du développement cérébral, cognitif, etc... elles ne peuvent être arbitrairement considérées comme l’évidence que le processus d’hominisation se serait fondé sur des mécanismes qui bien que pré-existants au stade animal n’auraient pas eu le même potentiel au niveau évolutif, en raison de capacités mimétiques animales moindres...à moins de considérer que l’évolution du genre homo est avant tout le développement de capacités super-mimétiques : ce qui n’est pas mon cas.
Disons que ça serait le mien
Aussi, même si par volonté d’adopter une forme de pluralisme épistémologique (parce que fondamentalement nécessaire à notre stade de développement scientifique et les impasses actuelles ou à venir sans changement paradigmatique) et intégrer les idées de g et non le modèle girardien : cela se limitera à cela : le considérer comme ayant été opérant possiblement à un stade plus tardif (néolithique et complexification des structures sociales) dans un processus évolutif pluriel (bio, cognitif, socioculturel, génétique, biochimique, anatomique, etc…) qui en soi est justement ce qui singularise l’Humain : ergo mon refus d’une théorie qui postulerait autant un processus uniforme qu’une origine unique.
Très bien, pour ce soir je me contenter d’avoir convenu avec vous de ce point de désaccord.
Pour moi, en effet, l’hypothèse du sacrificiel animal dans le contexte d’une féroce sélection sexuelle des animaux les plus mimétiques/empathiques suffit à fournir un modèle plausible d’évolution vers l’humain, cad, un sacrificiel accompli dans le contexte d’un religieux pleinement déployé grâce au symbolique et au langage.
Sur ce, désolé, la réponse aux commentaires du 5 août 2:21 & 2:22 attendra le 6 août.
Donc peut-être que finalement, je suis lent
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SUPER !!!
Oiseleur à mes heures : prenons la gente ailée comme modèle animalle PICAGEici modèle « amazonien » d’un bouc émissaire/ d’un sacrifiéet avis thérapeutique d’un confrère docteur animalierc’est du mimétisme girardien ?nb est sollicitée pour avisla vachère Alinéa spécialisée dans la production de « montagnes » de mussels destinée à la sciure/sable pour conjurer le barbare/sauvage/indompté en nousElle semble avoir trouvé la soluce à l’énigme mimétique LLS.-
n’est ce pas madame la technicienne d’élevages ALINEA -la petite soeur de Jack M. le délocalisé hélvète-jungienne , astrologiste new-wawe , de-méterrienneLe bien-être animal dans les élevages de porcs est régi dans l’Union européenne par la directive du conseil 91/630/EEC, transposée en droit français par l’arrêté ministériel du 16 janvier 2003 établissant les normes minimales relatives à la protection des porcs. Ces réglementations prévoient qu’un porc de plus 110 kg dispose de 1 m2 de surface d’élevage, un porcelet de 0,15 m2.Pour éviter que les porcs se mutilent entre eux, en particulier la queue, cette dernière peut être coupée et les dents (appelés coins) des jeunes porcelets meulées ou coupées. De même les porcelets mâles peuvent être castrés, mais toutefois la technique du déchirement est proscrite. Ces opérations sont autorisées sans anesthésie pour les porcelets de moins de 7 jours.mais là on est dans le concentré asilaire et les bandes de jeunes.l’ analyse girardienne ( ou LLS ) du KAPO svp !-
Le modèle animal de l’agressivité
- les Killer-ratsen bas la page Mouse-killing behavior in rats : muricidechers au Doyen Pierre KarliMa collaboration est restée biochimique, neurophysiologiste, hormonaleSes essais philo, psycho, socio théologiques m’ont laissé de marbre.-
@LLS : retour »rapide" sur le reste de votre message 09:30/3 Août : pas sur les points qui grosso modo n’apporterait rien au débat (quoiqu’à nouveau, mes critiques de G ou de son modèle ne relèvent pas de l’ad hominem…)
L’exemple de Petit Glaçon Suave avait comme principal propos qu’en pratique l’essentiel des pratiques sacrificielles sont a) à dimension/fonction/participation individuelle et b) thérapeutique (d’où ma référence à l’effet placebo : réponse évolutive qu’on peut parfaitement envisagé comme prédisposant aux pratiques sacrificielles par la capacité antérieure à attribuer arbitrairement un pouvoir guérisseur à tel objet : vous rejetez d’un revers de la main cette hypothèse – qui en soi n’a rien de cognitivo-finaliste : simple constat comme avec la chasse chez les primates ou par la fâcheuse et avérée tendance de l’Humain a projeté/étendre ses réalités intérieures (pensées, intuitions, raisonnement, expériences subjectives, etc…) dans le Réel extérieur et a modelé/modifié ce dernier de même que lui-même en conséquence- c’est votre droit mais je trouve cela un tantinet facile) puisque selon vous le modèle girardien serait « validé » (ou défendable si vous préférez) en invoquant l’universalité supposée du sacrifice : ici « supposée » sert à rappeler que pour l’ESSENTIEL de l’Histoire de l’Humanité ou des périodes couvrant le processus d’hominisation : AUCUNE trace d’activité sacrificielle n’a été constatée sur le TERRAIN : essentiel = 99% d’une période d’app. 2.5 millions d’années…
Les x mythes assimilables par le modèle girardien eux se retrouvent donc dans le 1% restant, et datent des périodes les plus récentes (app. 5000 ans) donc OUI effectivement j’ai quelque peine à envisager que l’étude sélective et orientée de mythes relatifs à des cultures HISTORIQUES puissent permettre de conclure définitivement sur les origines supposément sacrificielles de l’Humain, quelque 2 voir 3 millions d’années auparavant…
La justification de la réduction au sacrificiel girardien tient, je crois, à la présence de ce dernier dans une très grande variété de religions et de mythes de par le monde.
Si on se place dans une logique de pensée évolutionnaire (comme explicitée par Lorenz qui voulait repérer les caractères ancestraux à partir des espèces actuelles de canards), si on veut trouver le caractère le plus ancien, le plus fondamental, on cherche celui qui est le plus commun.
Et ce qu’il y a de plus commun aux religions et aux mythes fondateurs de par le monde, c’est le sacrifice, ne vous en déplaise.
Disons que –pour l’intérêt de la discussion- j’accepte la supposée universalité du sacrifice dans les mythes fondateurs : considérant que le sacrifice dès lors n’est pas limité au sacrifice girardien (ergo fonction/participation de nature collective) mais est –je me répète- principalement à dimension individuelle –le sacrifice collectif est propre avant tout aux sociétés agraires et urbaines : assez souvent guerrières : élément à ne pas ignorer quant comparaison avec les sociétés de chasseurs-cueilleurs où le sacrifice (principalement du fait des shamans) est principalement individuel : considérant l’antériorité des sociétés chasseurs-cueilleurs : en suivant votre logique : plutôt que de voir la pratique sacrificielle originelle comme à fonction/participation collective : je peux considérer cette fonction collective comme dérivant de la manifestation première du sacrifice : à savoir magique/thérapeutique et à dimension individuelle (sans fonction sociale a priori), et initialement animal et non humain.
Et pour le coup, la mise à l’épreuve sur le terrain va plus dans ce sens : puisque jusqu’à aujourd’hui : a) les pratiques sacrificielles les plus anciennes impliquent des victimes animales et b) sont toujours associés à des pratiques shamanistes/animistes (ou apparentées) tandis que les pratiques sacrificielles collectives et sacrifices humains apparaissent progressivement avec a) le basculement vers des sociétés agro-pastorales, b) complexification/élaboration des structures sociales et enfin c) explosion démographique ainsi que d) déclin physique des proto-agriculteurs comparativement aux chasseurs-cueilleurs (en meilleure santé, de plus grande taille, diète plus riche, etc…)
Enfin, depuis une perspective anthropologique : il est parfaitement entendable que des sociétés « individualistes » – au sens anthropo ergo égalitaires, non hiérarchiques, ne performent pas de sacrifices à vertu collective : ce qui est par contre entendable pour des sociétés « altruistes » – au sens antrhopo hiérarchiques, division du travail, leadership/héroïsme (= sacrifice individuel dans l’intérêt du groupe), notion de collectif…
Vous refusez de l’entendre : c’est votre choix…
Pour rappel : a) je n’ai accepté la supposée universalité du sacrifice dans les mythes fondateurs que pour l’intérêt de la discussion et b) concernant les mythes/religions d’Homo Sapiens (soit app. 200000 ans d’histoire) ceux dont nous disposons ne couvre qu’app. 2.5%-3% de cette histoire…donc affirmer une universalité du sacrifice ou statut originel du sacrifice que ce soit en pratique que dans les x corpus mythiques de H. Sapiens : quand bien même plus de 95% de son histoire est inconnue en termes de croyances, mythes, religions, etc… me semble quelque peu périlleux, encore plus lorsqu’on s’autorise à ignorer les données de terrain.
Le fait que toutes les religions actuelles ou sub-actuelles ne présentent pas tel ou tel caractère ne permet aucunement de nier son statut ancestral ou « original » (au sens de présent aux origines)
Le seul moyen d’affirmer ce statut ancestral ou original est de faire l’impasse sur le nombre encore plus important de mythes ne se fondant pas sur quelque idée de sacrifice, et bien entendu de considérer que la seule étude des mythes puisse permettre de conclure sur une telle question…retour au terrain : si comme vous le répétez le sacrifice est autant universel qu’originel : cela ne devrait pas être difficile à confirmer via une mise à l’épreuve des faits : i.e. : les recherches sur le terrain : en toute logique : n’importe quel site préhistorique devrait présenter une forte probabilité de retrouver des évidences de pratiques sacrificielles : étrangement ce n’est pas le cas : les sites sacrificiels faisant toujours la une quand découverts…et jusqu’à aujourd’hui on remonte rarement au-delà du Néolithique (sacrifices humains) : quelques sites du Paléolithique tardif permettant de spéculer sans conclure à de possibles pratiques sacrificielles…
Franchement, là, je me régale. Le champ de réflexion est beaucoup plus clair présenté ainsi. Donc d’abord, grand merci pour cet aperçu synthétique extrêmement intéressant.
J’aurais juste besoin que vous puissiez le situer dans le temps.
Je suppose que vous nous parlez là du paléolithique car, bien évidemment l’absence d’interaction entre groupe fait que nous avons là un tableau susceptible d’expliquer la warlessness que vous nous avez signalée.C’est le profil-type de toute band-society soit donc ce qui est constaté (au niveau paléo) pour les groupes préhistoriques chasseurs-cueilleurs et les groupes du même type contemporain : donc en effet : c’est le profil des groupes proto-humains ou humains au Paléolithique.
Vous rappelez mon évocation de la warlessness paléolithique : et bien entendu l’expliquer par l’isolation ou l’absence d’interactions : c’est en effet une des explications : une autre serait celle de la dissuasion : les armes de chasse étant principalement des armes de jet ou à propulsion, particulièrement efficaces : la destruction mutuelle à distance assurée : les relations étaient paisibles ; néanmoins même en situation d’interactions entre groupes de chasseurs-cueilleurs préhistoriques (exemple groupes occupant un même espace : domaines tels que le M.O ou l’Europe pré-Néolithique) on observe la même warlessness doublée d’évidences répétées d’échanges autant culturels que « commerciaux » et bien entendu « génétiques » : à nouveau l’approche du Néolithique et les mutations conséquentes voit l’apparition de la guerre comme nouvelle composante de l’Histoire et des cultures humaines…un scénario probable étant l’élimination des groupes de chasseurs-cueilleurs (plutôt pacifistes) par les groupes d’agriculteurs/pasteurs : une des raisons des conceptions radicalement différentes de concepts tels que Territoire, ressources naturelles par exemple…en cela, la pratique guerrière des groupes chasseurs-cueilleurs post-néolithiques ne renvoie donc aucunement à ce qui était la norme avant le Néolithique : c’est une adaptation engendrée par l’apparition de groupes guerriers…avec pour choix : l’extermination (rappel : les groupes chasseurs-cueilleurs sont « individualistes » pas de leadership, ni de héroïsme), ou la fuite avec pour conséquence généralement de migrer vers des régions isolées avec environnement hostile.
Par contre, ici je remarque que malgré ce profil-type vous ne réagissez pas à un de mes propos où j’évoquais l’absence jusqu’à une période récente (Néolithique again) d’armes à fonction homicide : si comme vous le défendez ces groupes primitifs vivaient en état pré-crise ou violence mimétique constante : en toute logique, à côté des armes destinées à la chasse, des armes homicides ou a minima défensives auraient du être développées : ici, je parle bien de violences intra-groupes : étrangement ce sont dans les groupes d’agriculteurs ou pasteurs que nous trouvons des armes traditionnelles dont la fonction est clairement homicide (généralement des poignards) et non pas chez les chasseurs-cueilleurs (préhistoriques ou contemporains) où les armes présentes sont destinées à la chasse…
A nouveau, cela me semble un élément ne supportant pas l’idée de groupes primitifs minés par les violences internes…car dans une telle situation, le premier réflexe serait de développer des armes efficaces pour soit se protéger, soit attaquer…nous ne parlons pas ici des primates et de leur puissante musculature mais du genre Homo.
Autre point : et ici différence notable entre une approche pluridisciplinaire ou multiple et l’approche de G ou la vôtre (i.e. : tout est interprété selon une unique perspective) : en faisant ce constat de a) absence d’armes homicides, b) groupe connaissant l’abondance en termes de nourriture et c) en intégrant par exemple Rocco Siffredi –soit donc une évolution possible uniquement si la compétition (ergo rivalité) ne concerne pas l’accès aux femelles/femmes mais ce qui se produit a posteriori : j’ai un profil de groupe (assez proche d’ailleurs à celui des chasseurs-cueilleurs « modernes ») où les possibles causes de conflit (mimétique ou autre) se voient singulièrement réduite :
a) l’objet « femelle/femme » étant accessible à tous : il ne peut produire de rivalité et conflit conséquent
b) la chasse : les proies « prestigieuses » (c.à.d dépassant la taille d’un gros rat) nécessite la coopération, ergo prestige partagé pas de rivalité à nouveau, même dans le cas de proies moins prestigieuses, où le nombre de proies pourrait servir d’indicateur de prestige, soit la coopération est aussi requise (compliqué d’attraper de petites proies) : bref prestige partagé donc absence de prestige
c) autres objets genre outils, armes, etc… les sites préhistoriques nous informent d’une production et quasi industrielle et coopérative/collective : à savoir donc que tout le groupe participait, et que si effectivement il y avait imitation (i.e. outils, pointes, harpons, etc… montrant essais ratés ou approximatifs donc processus d’apprentissage) elle était nécessaire du fait de l’urgence : à savoir espérance de vie réduite impliquant une transmission rapide des techniques
bref, un profil de groupes qui à l’évidence ne correspondent pas au profil girardien de la horde primitive, empêtrée dans ses cycles de violence mimétique : ou si vous préférez forte probabilité que le profil de ces groupes archaïques ne soit pas girardien.
Et à nouveau, sur les points sus-cités, il faut attendre le Néolithique pour voir apparaitre mutations, changements et groupes pour lesquels un profil girardien pourrait s’appliquer...
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Franchement, je suis très à l’aise pour vous dire que oui, oui, bien sûr, dans un petit groupe comme ça, on ne va pas tirer à la courte paille pour savoir qui va être le sacrifié.
Nous ne sommes pas dans le bateau de Jonas.
Il n’y en a aucun besoin car pour chacun de ces groupes il y a l’entour sacré qui recèle toutes les forces supra-humaines tellement dangereuses et duquel surgira le sacrifié, celui qui viendra s’offrir aux armes du chasseur pour le bien de la horde.
La seule chose que j’ajoute donc aux données que vous présentez, c’est le présupposé de l’existence d’une culture (de représentations) du sacré articulées à l’activité de chasse.
Nous avons là du religieux en acte qui pourra attendre le moment qui vous semble approprié pour permettre l’avènement d’un religieux institutionnalisé parce que précisément des institutions (royauté, prêtrise) apparaissent.Donc si je comprends bien : pour vous, un groupe d’une dizaine d’individus est une horde, quand bien même existe une « culture » du sacré liée à la chasse…j’ai du mal à concilier l’idée de horde a) avec ce type de groupe (bande) et b) avec l’idée d’une culture, donc de structures sociales…mais peu importe, ici je note que pour vous la chasse est de nature sacrificielle : ce qui bien entendu n’est pas mon opinion (rassurez-vous, je suis loin d’être le seul) la seule chose sur laquelle je vous rejoindrais est l’association soit de représentations singulières du Monde soit d’une forme de sacré à l’activité « chasse ».
Néanmoins, vous me semblez avoir une vision assez « élaborée » de la chasse : les primitifs sont bien plus pragmatiques : existent certes divers rituels ponctuels liés à la chasse, voir même des chasses rituelles, mais pour l’essentiel la chasse est équivalente à aller au supermarché…je caricature mais c’est bien cela à la base.
Il est clair qu’en présentant les choses ainsi je peux sembler décaler considérablement le sacrifice girardien sur le versant de la chasse.
Mais ce décalage n’existe pas pour moi car, comme explicité dans le texte original, il est clair que les chimpanzés de Gombé sont engagés dans une pratique qui est mi-chasse mi-sacrifice.J’ai donc toujours vu les deux comme indissociables à l’origine et dans une lettre à Girard que je publierai ultérieurement, j’essaierai de montrer que cette unité englobe la guerre.
Ce qui est clair est que a) vous réfutez les fondations théoriques du modèle girardien concernant le processus d’hominisation et b) persistez pour je ne sais quelle raison à défendre un modèle dont vous réfutez l’hypothèse de base…étrange mais bon…
Quant à votre association chasse/sacrifice chez les chimpanzés : disons que c’est votre interprétation : il faudrait en faire la démonstration : mais même dans ce cas, nous parlons du genre Pan qui bien que proche n’est pas le genre Homo : quelques millions d’années d’évolution divergente et différente se sont écoulées : partant de là, si le propos est d’évoquer une supposée antériorité « animale » sur la base des pratiques de chasse supposément sacrificielles chez les chimpanzés : il faudrait en premier lieu offrir une chronologie sur l’apparition et le développement de ses pratiques « pan-iennes » et comparer tout aussi chronologiquement avec le genre Homo…
Good. Nous avons là de quoi résoudre le problème du tabou de l’inceste et de la nécessaire exogamie.
Maintenant, il est clair que les occasions de conflits se sont multipliés et que l’on va pouvoir insensiblement glisser d’un sacrificiel centré sur la chasse à un sacrificiel plus organisé et plus conforme aux stéréotypes.Vraisemblablement pendant l’essentiel de l’histoire de l’Humanité : cette question de l’inceste n’a pas posé problème : puisque stricto sensu : il n’y avait pas d’autres moyens de faire : néanmoins ici revenons aux Piranha qui au niveau langage ne disposent que du strict minimum pour les relations de parenté : un seul mot pour père/mère, pareil pour frère/sœur et aucun pour quelque autre parent que ce soit, au niveau mémoire comme dit précédemment excepté les ascendants directs aucune évocation…
Dans un tel système, l’inceste est plus ou moins un concept absent : puisque les relations de parenté qui généralement déterminent les règles sur cette question de l’inceste (dont la définition varie culturellement) sont beaucoup mieux définies et établies : imaginons que les Piraha dans leur « expérience immédiate » du Monde, dans la simplicité de leur langage –notamment l’absence de récursion qui limite considérablement les possibilités quasi infinies de tout langage en termes de création, représentation, abstraction, etc… soit un groupe qui pourrait justement renvoyer à ces groupes primitifs limités au niveau langage, représentations, etc… dès lors aucune nécessité de résoudre cette question de l’inceste avant l’apparition de sociétés plus élaborées ou complexes que ce soit socialement ou culturellement…il me semble donc que des bandes de chasseurs-cueilleurs nomades isolés n’avaient à l’évidence pas de concept d’inceste…on observe d’ailleurs souvent des clusters génétiques avec les groupes de chasseurs-cueilleurs : ce qui implique que même l’exogamie n’est qu’une pseudo-exogamie…certainement encore plus à l’ère préhistorique concernée où la pop. mondiale était entre quelques milliers ou quelques dizaines de milliers disséminés en Afrique au départ…
Quant au reste de votre propos : à nouveau, vous spéculez mais ne me fournissez rien de concret…la seule raison d’une multiplication des conflits est l’accroissement démographique qui n’apparaît justement qu’avec l’émergence de sociétés agro-pastorales et donc de sociétés fondés sur le Collectif : et à nouveau voilà quand factuellement et archéologiquement les sacrifices collectifs élaborés apparaissent aussi…
Ce que vous présentez n’est aucunement une alternative.
ça ne pourrait le devenir que si pouviez faire une démonstration par a plus b de l’absence de tout élément sacrificiel.
Vous ne pouvez faire cela car il vous faudrait pour cela passer par la case : "je dispose de tous les éléments culturels présents à un moment donné".Il est amusant que vous invoquez mon incapacité à faire telle ou telle démonstration sur la base que je ne disposerai pas de tous les éléments culturels : alors que que ce soit vous ou Girard : vous postulez, si ce n’est affirmez que TOUT découle d’une activité sacrificielle originelle, unique… sans vous imposer de passer par la case concernée…
Après je ne sais pas mais il me semble que vu que la manifestation matérielle d’un sacrifice implique au minimum une victime, que vu que selon le modèle girardien, cela produit des « signes » ; en conséquence toute manifestation sacrificielle devrait être marquée dans le Réel (rien que pour les besoins de commémoration ou réactualisation au sein de groupes à l’espérance de vie réduite) ergo dans l’Espace : et donc présence de sites sacrificiels à proprement dit ou a minima de tombes de sacrifiés (après tout pour rester dans le quasi-universel le culte des morts, martyrs, héros, soldats tombés, etc… est universellement manifesté dans les sociétés concernées par un marquage dans le territoire : un espace « sacré » en dehors du temps, de l’espace…) : étrangement bien qu’il semble que cela ait été une activité répétée pendant des centaines de millénaires : rien de cela n’apparait…alors certes ce n’est pas une démonstration par a plus b de l’absence de tout élément sacrificiel pour les périodes concernées : s’en est simplement le constat empirique : pour rappel un constat empirique a souvent valeur de démonstration.
Vous ne pourrez faire cela et je dirais même que vous n’essayerez même pas car les éléments de nature sacrificielle, une fois que vous commencerez à les chercher résolument, tout comme Girard, vous les trouverez partout.
je suis sûr qu’ils fourmillent dans ces moments de rencontres ritualisées entre groupes épars qui se retrouve pour telle ou telle fête où l’on échange les objets dangereux car désirables, comme les femmes par exemple.Tout à fait, tout comme lorsque je me suis amusé avec les Anciens Astronautes : j’ai pu constater que je les retrouvais partout : dans toutes les cultures, mythes, religions, etc…sans parler côté culture matérielle : peintures pariétales, fresques antiques, temples païens, etc…même dans la Bible, entre le pluriel Elohim, les « fils de Dieu » et les hybrides angélo-humains, Ezechiel et ses chars, etc…sans parler des Annunaki sumériens, ou des croyances Dogon…PARTOUT se retrouve la croyance en des entités stricto sensu exoterrestres…et vu que c’est bien plus universel que le sacrifice : vous imaginez ce que je devrais en conclure…mais bon après les Aliens, je passerai aux Thétans chers aux sciento (alternative crédible au désir mimétique), à l’Intelligent Design, à la lutte des classes ou à l’Eros freudien : et à chaque fois : je les trouverais partout parce que je traiterai et envisagerai toute information collectée sous ces seules perspectives…Voilà le problème avec les « girardiens » ou autres : n’envisager qu’une SEULE interprétation ou compréhension de tel ou tel objet culturel : quand bien même parfois une simple remise en contexte permet de s’éviter approximations ou erreurs grossières..
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je m’arrêterai donc là pour cette réponse à votre message : les autres points me semblent relever plus d’une discussion autour des personnes (la mienne ou celle de Girard : bien qu’à nouveau, je rejette toute accusation de la pratique de l’ad hominem...) plutôt que d’apporter quelque chose à cette discussion somme toute passionnante...
sinon, un dernier pour la route : Bien venu au club.Je pense qu’à force d’entraînement je peux démonter à peu près tout.
Et précisément, quand ça résiste, alors j’y croisdémonter pour démonter n’est absolument pas ma motivation : débattre certes, émettre des critiques ou des objections mais étant somme toute un être raisonnable, dévouer mon temps à une simple entreprise de démontage -pour je ne sais quelle raison : je tire mes jouissances d’autres entreprises- serait aussi absurde que stérile. Donc ici il ne s’agit pas d’autre chose que d’une discussion ou débat si vous préférez : qui bien entendu aurait un intérêt moindre si je me contentais de hocher la tête en signe d’acquiescement à chacun de vos propos...
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@ Lord
Réponse à vos posts du 5 août 2:21
Vos deux premiers paragraphes m’incitent à penser que nous n’avons pas de définition consensuelle de ce qu’il faut entendre par sacrificiel. Peut-être qu’un certain nombre de malentendus viennent de là.
Pour ma part, considérant par hypothèse que nous nous situons après l’invention du sacrificiel et que le sacrificiel est la base fondamentale des représentations du monde par les humains, toute leur ontologie en est dérivée plus ou moins directement.
Que dans le contexte paléolithique cette ontologie se soit structurée autour de la figure du guérisseur en lien avec des individus ne la rend pas moins sacrificielle pour autant. Pour ma part, je considère que dès qu’on est dans l’attribution de causalité, donc dans l’ontologie, physique ou métaphysique cad, tout bêtement, dans l’explication, peu importe qu’elle soit de nature religieuse ou à prétention scientifique, on est dans une forme héritée du sacrificiel.
Partant, tout ce qui nous amène à faire ceci cause de cela est une forme de pensée sacrificielle.
Les prêtres/shaman/guérisseurs qui sont constamment dans cette activité d’assignation de cause peuvent donc être vus comme opérant des formes « light » ou tardives ou évoluées d’une activité sacrificielle.
Leurs pratiques ne devraient donc pas, selon moi, être opposées à l’hypothèse girardienne sous prétexte de non conformité au stéréotype du sacrifice humain.
Les x mythes assimilables par le modèle girardien eux se retrouvent donc dans le 1% restant, et datent des périodes les plus récentes (app. 5000 ans) donc OUI effectivement j’ai quelque peine à envisager que l’étude sélective et orientée de mythes relatifs à des cultures HISTORIQUES puissent permettre de conclure définitivement sur les origines supposément sacrificielles de l’Humain, quelque 2 voir 3 millions d’années auparavant…
Si ce que j’ai exposé plus est pris en compte, vous comprenez que la statistique ne sera plus la même et peut-être qu’alors l’hypothèse sacrificielle pourra être considérée autrement
"Et ce qu’il y a de plus commun aux religions et aux mythes fondateurs de par le monde, c’est le sacrifice, ne vous en déplaise".
Disons que –pour l’intérêt de la discussion- j’accepte la supposée universalité du sacrifice dans les mythes fondateurs : considérant que le sacrifice dès lors n’est pas limité au sacrifice girardien (ergo fonction/participation de nature collective) mais est –je me répète- principalement à dimension individuelle –le sacrifice collectif est propre avant tout aux sociétés agraires et urbaines : assez souvent guerrières : élément à ne pas ignorer quant comparaison avec les sociétés de chasseurs-cueilleurs où le sacrifice (principalement du fait des shamans) est principalement individuel : considérant l’antériorité des sociétés chasseurs-cueilleurs : en suivant votre logique : plutôt que de voir la pratique sacrificielle originelle comme à fonction/participation collective : je peux considérer cette fonction collective comme dérivant de la manifestation première du sacrifice : à savoir magique/thérapeutique et à dimension individuelle (sans fonction sociale a priori), et initialement animal et non humain.
Nous sommes presque d’accord en somme.
Le différend qui persiste tient seulement au fait que je ne crois pas une seconde à l’originiarité du sacrificiel individuel.
Comme expliqué plus haut il est pour moi nécessairement dérivé d’un sacrificiel collectif tel qu’il s’en observe DEJA chez les chimpanzés.
Il y a une autre raison théorique (donc fragile) pour laquelle il faut postuler un moment collectif initial du sacrificiel avant une évolution vers des déclinaisons individuelles, c’est que le collectif est la condition sine qua non de la genèse du symbolique.
Et pour le coup, la mise à l’épreuve sur le terrain va plus dans ce sens : puisque jusqu’à aujourd’hui : a) les pratiques sacrificielles les plus anciennes impliquent des victimes animales et b) sont toujours associés à des pratiques shamanistes/animistes (ou apparentées) tandis que les pratiques sacrificielles collectives et sacrifices humains apparaissent progressivement avec a) le basculement vers des sociétés agro-pastorales, b) complexification/élaboration des structures sociales et enfin c) explosion démographique ainsi que d) déclin physique des proto-agriculteurs comparativement aux chasseurs-cueilleurs (en meilleure santé, de plus grande taille, diète plus riche, etc…)
Je pense l’avoir clairement signifié, ce tableau ne me semble poser aucun problème à l’hypothèse girardienne dans sa version progressive où, à l’origine chasse et sacrifice sont probablement indissociables
Enfin, depuis une perspective anthropologique : il est parfaitement entendable que des sociétés « individualistes » – au sens anthropo ergo égalitaires, non hiérarchiques, ne performent pas de sacrifices à vertu collective : ce qui est par contre entendable pour des sociétés « altruistes » – au sens antrhopo hiérarchiques, division du travail, leadership/héroïsme (= sacrifice individuel dans l’intérêt du groupe), notion de collectif…
Mon intuition est qu’ici vous réifiez les effets pour en faire des causes. Mais il n’y a pas lieu, je crois, pour le moment, de s’attarder sur cet aspect.
Vous refusez de l’entendre : c’est votre choix…
Vous ne pensez pas que nous commençons à nous entendre, même sur nos désaccords ?
"Le fait que toutes les religions actuelles ou sub-actuelles ne présentent pas tel ou tel caractère ne permet aucunement de nier son statut ancestral ou « original » (au sens de présent aux origines)"
Le seul moyen d’affirmer ce statut ancestral ou original est de faire l’impasse sur le nombre encore plus important de mythes ne se fondant pas sur quelque idée de sacrifice, et bien entendu de considérer que la seule étude des mythes puisse permettre de conclure sur une telle question…retour au terrain : si comme vous le répétez le sacrifice est autant universel qu’originel : cela ne devrait pas être difficile à confirmer via une mise à l’épreuve des faits : i.e. : les recherches sur le terrain : en toute logique : n’importe quel site préhistorique devrait présenter une forte probabilité de retrouver des évidences de pratiques sacrificielles : étrangement ce n’est pas le cas : les sites sacrificiels faisant toujours la une quand découverts…et jusqu’à aujourd’hui on remonte rarement au-delà du Néolithique (sacrifices humains) : quelques sites du Paléolithique tardif permettant de spéculer sans conclure à de possibles pratiques sacrificielles…
Je pense l’avoir à présent assez souvent répété : ce que vous dites ne vaut que dans le contexte du modèle girardien original, catastrophiste, dont on pouvait imaginer qu’il postulait du sacrifice humain reproduit depuis l’origine et donc durant toute la longue nuit des temps. Rien de tel ne peut ni ne doit être postulé lorsqu’on se situe dans le modèle girardien révisé, évolutionniste, darwinien que j’ai proposé. L’absence de traces manifestes de sacrifices humains au paléolithique est non problématique dans ce contexte.
La chose hyperintéressante si je vous suis bien c’est qu’on peut penser en voir des premières traces à la fin du paléolithique et que la chose est avérée au Néolithique.
La question que j’ai envie de vous poser c’est vous-même comment vous vous expliquez le passage du sacrificiel individuel sur l’animal au sacrificiel collectif sur des humains ?
Quelle logique est ici invoquée dans la recherche paléo/archéo ?
Vous rappelez mon évocation de la warlessness paléolithique : et bien entendu l’expliquer par l’isolation ou l’absence d’interactions : c’est en effet une des explications : une autre serait celle de la dissuasion : les armes de chasse étant principalement des armes de jet ou à propulsion, particulièrement efficaces : la destruction mutuelle à distance assurée : les relations étaient paisibles ; néanmoins même en situation d’interactions entre groupes de chasseurs-cueilleurs préhistoriques (exemple groupes occupant un même espace : domaines tels que le M.O ou l’Europe pré-Néolithique) on observe la même warlessness doublée d’évidences répétées d’échanges autant culturels que « commerciaux » et bien entendu « génétiques » : à nouveau l’approche du Néolithique et les mutations conséquentes voit l’apparition de la guerre comme nouvelle composante de l’Histoire et des cultures humaines…un scénario probable étant l’élimination des groupes de chasseurs-cueilleurs (plutôt pacifistes) par les groupes d’agriculteurs/pasteurs : une des raisons des conceptions radicalement différentes de concepts tels que Territoire, ressources naturelles par exemple…en cela, la pratique guerrière des groupes chasseurs-cueilleurs post-néolithiques ne renvoie donc aucunement à ce qui était la norme avant le Néolithique : c’est une adaptation engendrée par l’apparition de groupes guerriers…avec pour choix : l’extermination (rappel : les groupes chasseurs-cueilleurs sont « individualistes » pas de leadership, ni de héroïsme), ou la fuite avec pour conséquence généralement de migrer vers des régions isolées avec environnement hostile.
Merci pour cet éclairage dont je retiens que même au paléolithique on doit supposer un « commerce » entre les groupes avec échanges et/ou partages dont j’imagine mal qu’ils aient pu se réaliser hors de représentations religieuses du monde, cad, en fait, d’un contexte sacrificiel, quel qu’il soit.
Je ne crois à la fable du bon sauvage qui serait toujours-déjà disposé à la rationalité marchande du troc.
Par contre, ici je remarque que malgré ce profil-type vous ne réagissez pas à un de mes propos où j’évoquais l’absence jusqu’à une période récente (Néolithique again) d’armes à fonction homicide : si comme vous le défendez ces groupes primitifs vivaient en état pré-crise ou violence mimétique constante : en toute logique, à côté des armes destinées à la chasse, des armes homicides ou a minima défensives auraient du être développées : ici, je parle bien de violences intra-groupes : étrangement ce sont dans les groupes d’agriculteurs ou pasteurs que nous trouvons des armes traditionnelles dont la fonction est clairement homicide (généralement des poignards) et non pas chez les chasseurs-cueilleurs (préhistoriques ou contemporains) où les armes présentes sont destinées à la chasse…
Je considère manquer d’éléments pour prendre position ici.
Pour ma part, je vois mal que des lances destinées à la chasse ne puissent devenir à l’occasion des armes à fonction homicide.
A nouveau, cela me semble un élément ne supportant pas l’idée de groupes primitifs minés par les violences internes…car dans une telle situation, le premier réflexe serait de développer des armes efficaces pour soit se protéger, soit attaquer…nous ne parlons pas ici des primates et de leur puissante musculature mais du genre Homo.
Je vous ai déjà confirmé que je ne vois aucune pertinence à supposer l’existence de guerres civiles (nécessitant des armes) à l’intérieur de petits groupes d’humains tels que vous les avez décrits. On peut raisonnablement penser que la solidarité dont ils ont besoin est suffisamment entretenue par l’adversité, cad la dangerosité de l’espace sacré qui les environne et dont provient l’animal sacrifié (via l’activité de chasse) qui suffit amplement à tenir rassemblés de tels groupes.
[hypothèse de groupes de chasseurs cueilleurs pacifiques, à tendance bonobos et donc « non girardiens »]
Je n’ai aucun problème avec votre hypothèse sauf à dire qu’elle est non girardienne puisque le système explicatif que je défends est girardien même si c’est une version révisée.
Pour que cet âge d’or bonoboïde que l’on peut postuler au paléolithique reste girardien, il a seulement besoin de connaître des moments de rassemblement pacifique autour de la mise à mort d’un être vivant, mise à mort perçue comme bénéfique pour le groupe. Que le « sacrifié » soit issu d’une activité de chasse ne change rien à l’affaire. Qu’il n’y ait pas de crise de violence généralisée dans le groupe est une conséquence logique de la version révisée de l’hypothèse girardienne. Donc, franchement, aucun problème à ce niveau. La seule activité de chasse satisfait les conditions nécessaires pour la compatibilité avec l’hypothèse girardienne dès lors qu’on s’autorise à y associer des représentations, une symbolique et un protolangage, serait-il seulement gestuel.Que durant cette période, l’activité « sacrificielle » ainsi désignée ait fait une contribution qu’on pourrait juger secondaire à la cohésion et la paix du groupe comparée à celle, tout à fait imaginable, d’intenses pratiques bonoboïdes, je l’admets sans difficulté. Ce qu’il importe à mon sens c’est de comprendre que le sacrificiel a accompagné de bout en bout le développement de l’humain même s’il a seulement connu le « succès » tout récemment.
Toutes choses égales par ailleurs, il y a le postulat d’une dynamique évolutionnaire assez classique puisque ressemblant à celle des reptiles mammaliens qui ont existé bien avant l’ère des dinosaures et ont attendu leur déclin de ces derniers avant de s’affirmer comme mammaliens avec le succès que l’on sait. -
@ Lord
Réponse à votre message du 5 août 2:22 & 2:29
je note que pour vous la chasse est de nature sacrificielle : ce qui bien entendu n’est pas mon opinion (rassurez-vous, je suis loin d’être le seul) la seule chose sur laquelle je vous rejoindrais est l’association soit de représentations singulières du Monde soit d’une forme de sacré à l’activité « chasse ».
Néanmoins, vous me semblez avoir une vision assez « élaborée » de la chasse : les primitifs sont bien plus pragmatiques : existent certes divers rituels ponctuels liés à la chasse, voir même des chasses rituelles, mais pour l’essentiel la chasse est équivalente à aller au supermarché…je caricature mais c’est bien cela à la base.
Non, pas à la base ni même après coup car je pense que tous les groupes de chasseurs-cueilleurs s’adonnent à l’activité de chasse dans un contexte dont le sacré n’est jamais complètement absent. Seuls les braconniers en prise sur l’économie occidentale et les chasseurs occidentaux issus d’une culture qui a radicalement désacralisé la nature peuvent « aller au supermarché » quand ils partent en chasse.
Il me semble qu’a contrario on peut postuler que les protohominiens avaient à l’origine une alimentation conforme à celle observée chez les grands singes et que l’inclusion progressive de la consommation de chair dans leur régime a justement été l’occasion de reproduire, d’élaborer et d’évoluer vers des représentations sacrées qu’on peut imaginer comme étant à l’origine semblables à celles des chimpanzés de Gombé, cad, réduites à leur plus simple expression, à savoir quelque chose qui pourrait être, simplement, la conscience de l’apaisement qu’amène la mise à mort et la consommation collective, « unanime » de cet être de chair.
Ce qui est clair est que a) vous réfutez les fondations théoriques du modèle girardien concernant le processus d’hominisation et b) persistez pour je ne sais quelle raison à défendre un modèle dont vous réfutez l’hypothèse de base…étrange mais bon…
Je ne réfute pas les fondations théoriques du modèle girardien.
Si je le faisais Girard l’aurait refusé comme il a objecté à une foule d’autres positions moins importantes pour lui que j’ai prises (par exemple dans ma thèse j’explique la construction mimétique du « soi » sur une base complètement « mécaniste »).
Si vous voyez les choses ainsi c’est que vous vous tenez à une version stéréotypée du modèle girardien.
On est dans le modèle girardien dès lors qu’on tente de faire fonctionner la double hypothèse mimétique + sacrificiel.
C’est ce que je fais après avoir assoupli le modèle girardien en le rendant progressiste, darwinien, mais c’est toujours le modèle girardien.
Où voyez-vous un problème ici ?
Quant à votre association chasse/sacrifice chez les chimpanzés : disons que c’est votre interprétation : il faudrait en faire la démonstration : mais même dans ce cas, nous parlons du genre Pan qui bien que proche n’est pas le genre Homo : quelques millions d’années d’évolution divergente et différente se sont écoulées : partant de là, si le propos est d’évoquer une supposée antériorité « animale » sur la base des pratiques de chasse supposément sacrificielles chez les chimpanzés : il faudrait en premier lieu offrir une chronologie sur l’apparition et le développement de ses pratiques « pan-iennes » et comparer tout aussi chronologiquement avec le genre Homo…
Dès lors que Pan Troglodytes avec ses capacités cognitives somme toute sommaires est capable d’inventer une activité de « mise à mort et consommation sans visée alimentaire, apaisante, en collectif unanime et sans hiérarchie, de la chair d’un quasi semblable vivant au sein même de la troupe » (ce qui est je crois assez conforme à l’idée qu’on peut se faire d’une activité de nature sacrificielle), il me semble qu’il n’y a rien d’extravagant à postuler que des protohominiens avec des capacités cérébrales supérieures aient pu eux aussi découvrir de manière quasi subsidiaire l’effet pacificateur d’une telle pratique pour ensuite la déployer, à force de répétition sur des dizaines ou centaines de millénaires, pour en faire une activité vitale très élaborée tant au plan des représentations sacrées, qu’au plan des techniques ou qu’au plan alimentaire. Autrement dit, je pense qu’il ne serait pas insensé de considérer la chasse comme la forme originelle de pratique sacrificielle.
[...] il me semble donc que des bandes de chasseurs-cueilleurs nomades isolés n’avaient à l’évidence pas de concept d’inceste…
Je pense que la question reste ouverte car, pour autant que je sache, les (certains) grands singes respectent une forme de tabou à ce niveau. Il me semble bien avoir lu ça chez Cyrulnik.
Quant au reste de votre propos : à nouveau, vous spéculez mais ne me fournissez rien de concret…
Ah je que vous avez repéré mon grand défaut.
La spéculation, c’est mon pêché mignonla seule raison d’une multiplication des conflits est l’accroissement démographique qui n’apparaît justement qu’avec l’émergence de sociétés agro-pastorales et donc de sociétés fondés sur le Collectif :
ben oui, les sacrifices c’est fait pour souder le collectif non ?
Ceci dit, j’entends ici que, selon vous, l’imitation n’est pas à l’origine de la multiplication des conflits, mais que c’est plutôt la concurrence issue du nombre et de la difficulté ou impossibilité de partager autrement que par le conflit.
Je pense que ces facteurs spatiaux, territoriaux, « objectifs » contribuent à la conflictualité mais cela n’empêche absolument pas l’imitation de jouer le rôle amplificateur postulé par Girard.
et à nouveau voilà quand factuellement et archéologiquement les sacrifices collectifs élaborés apparaissent aussi…
OK, ici ça colle non ?
Il est amusant que vous invoquez mon incapacité à faire telle ou telle démonstration sur la base que je ne disposerai pas de tous les éléments culturels : alors que que ce soit vous ou Girard : vous postulez, si ce n’est affirmez que TOUT découle d’une activité sacrificielle originelle, unique… sans vous imposer de passer par la case concernée…
Comme les théorèmes de limitation en mathématique, la démonstration de l’absence est très exigeante puisqu’elle suppose de pouvoir rassembler le TOUT.
Il faut que tous les élèves soient rassemblés sous le regard pour que l’on puisse objectiver qu’il en manque un.
Pareillement, pour démontrer l’absence d’un élément culturel, il faut que vous puissiez en dresser le catalogue complet.
Si ce n’est pas possible, vous ne pourrez conclure à l’absence de l’élément en question.
C’est tout autre chose que d’extrapoler (peut-être indûment) à partir d’éléments positifs mais parcellaires.
Les conjectures ne coûtent pas cher vous pourriez me dire, non sans quelque raison.
Mais c’est tout ce qui fait la différence entre la recherche théorique et la recherche empirique.
Les empiristes ne devraient pas reprocher aux théoriciens d’être dans la conjecture.
A contrario, les théoriciens ne devraient pas reprocher aux empiristes la pauvreté de leurs élaborations théoriques.
L’idéal serait qu’ils se rencontrent, qu’ils s’accordent et qu’ils coopérent comme on sait le faire en physique, (la reine des sciences), où, pour le coup, les théoriciens ne sont pas vu comme des "chercheurs en fauteuil"
Chacun fait profession de ce qui lui va bien
Après je ne sais pas mais il me semble que vu que la manifestation matérielle d’un sacrifice implique au minimum une victime, que vu que selon le modèle girardien, cela produit des « signes » ; en conséquence toute manifestation sacrificielle devrait être marquée dans le Réel (rien que pour les besoins de commémoration ou réactualisation au sein de groupes à l’espérance de vie réduite) ergo dans l’Espace : et donc présence de sites sacrificiels à proprement dit ou a minima de tombes de sacrifiés (après tout pour rester dans le quasi-universel le culte des morts, martyrs, héros, soldats tombés, etc… est universellement manifesté dans les sociétés concernées par un marquage dans le territoire : un espace « sacré » en dehors du temps, de l’espace…) : étrangement bien qu’il semble que cela ait été une activité répétée pendant des centaines de millénaires : rien de cela n’apparait…alors certes ce n’est pas une démonstration par a plus b de l’absence de tout élément sacrificiel pour les périodes concernées : s’en est simplement le constat empirique : pour rappel un constat empirique a souvent valeur de démonstration.
Vous projettez une représentation actuelle sur le passé et vous regrettez de ne pas la trouver.
Encore une fois, cela n’est pas censé vous mener ailleurs qu’à la remise en question de votre anticipation.C’est précisément l’objet de ce papier de montrer que les conceptions initiales de Girard sur le sacrifice nécessitaient un aménagement.
Je vous invite à présent à chercher le sacrificiel du côté de la chasse comme évoqué plusieurs fois déjà.
J’ai l’audace de croire que nous pourrions tomber d’acord sur cet aspect du problème.
"Vous ne pourrez faire cela et je dirais même que vous n’essayerez même pas car les éléments de nature sacrificielle, une fois que vous commencerez à les chercher résolument, tout comme Girard, vous les trouverez partout.
je suis sûr qu’ils fourmillent dans ces moments de rencontres ritualisées entre groupes épars qui se retrouve pour telle ou telle fête où l’on échange les objets dangereux car désirables, comme les femmes par exemple."
Tout à fait, tout comme lorsque je me suis amusé avec les Anciens Astronautes : j’ai pu constater que je les retrouvais partout : dans toutes les cultures, mythes, religions, etc…sans parler côté culture matérielle : peintures pariétales, fresques antiques, temples païens, etc…même dans la Bible, entre le pluriel Elohim, les « fils de Dieu » et les hybrides angélo-humains, Ezechiel et ses chars, etc…sans parler des Annunaki sumériens, ou des croyances Dogon…PARTOUT se retrouve la croyance en des entités stricto sensu exoterrestres…et vu que c’est bien plus universel que le sacrifice : vous imaginez ce que je devrais en conclure…mais bon après les Aliens, je passerai aux Thétans chers aux sciento (alternative crédible au désir mimétique), à l’Intelligent Design, à la lutte des classes ou à l’Eros freudien : et à chaque fois : je les trouverais partout parce que je traiterai et envisagerai toute information collectée sous ces seules perspectives…Voilà le problème avec les « girardiens » ou autres : n’envisager qu’une SEULE interprétation ou compréhension de tel ou tel objet culturel : quand bien même parfois une simple remise en contexte permet de s’éviter approximations ou erreurs grossières..
Vous avez déjà utilisé ce thème supposément argumentatif.
ça ne fonctionne pas.
Vous pourriez aussi bien dire que Girard fait comme les théoriciens du complot.
Cela ne mène nulle part.
démonter pour démonter n’est absolument pas ma motivation : débattre certes, émettre des critiques ou des objections mais étant somme toute un être raisonnable, dévouer mon temps à une simple entreprise de démontage -pour je ne sais quelle raison : je tire mes jouissances d’autres entreprises- serait aussi absurde que stérile. Donc ici il ne s’agit pas d’autre chose que d’une discussion ou débat si vous préférez : qui bien entendu aurait un intérêt moindre si je me contentais de hocher la tête en signe d’acquiescement à chacun de vos propos...
démontage ne veut pas dire mauvais esprit.
Cela veut dire simplement « mettre à l’épreuve », voir ce qui résiste.
Je ne crois pas que vous soyez contre a priori.
Quoi qu’il en soit nous sommes d’accord, c’est une bonne chose de préserver le débat,
en évitant les acquiescements complaisants.
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MUTILATION ...... MEURTRE ou SACRIFICE
en Grèce antique bien sûr.d’ailleurs : Qu’est ce qui est toléré en temps de guerre versus en temps de paix ?d’où la création et spécialisation de corps d’armées de métier.MERCI ;-
Mais le pire n’est-il pas, brieli, que l’on tolère encore aujourd’hui la confirmation et la justification, par les autorités religieuses, des prétendus bons massacres jadis commandés par le Dieu auquel elles demandent de croire et d’obéir ? -
c’est dans le cadre merveilleux et baroque de chapelle Saint Ignace de l’imposante Eglise (St Georges) des Jésuites
que se sont déroulés les procès de sorcellerie de Molsheimautre lieu Bergheim dans le 68 avec MuséeVADE RETRO SATANAStoujours d’actualité.NB devriez donc connaître Hans Küng--- la star de Tübingen !-
Bonjour,
Je reviens à notre intéressant débat de ces derniers jours. J’ai finalement bcp appris de nos échanges, car ils m’ont permis d’avoir davantage assuré la confiance de ma position, étant partagée, parfois à la remarque près, par Lord. Etant lui et moi de même formation anthropologique, j’en déduis que notre désaccord avec la méthode girardienne est vraiment d’ordre disciplinaire. De mon point de vue en tout cas, j’évoque la démarche de validation des hypothèses par les faits (« par le terrain »). Je vois bien que vous n’êtes pas d’accord et considérez que vos hypothèses sont également testables et réfutables, ce que je conteste.
Difficile de mieux vous expliquer mon avis que je ne l’ai fait longuement (Lord aussi), sinon en me répétant encore. Il faut croire que nos « heuristiques » sont trop radicalement différentes, alors qu’elles apparaissent proches, au premier regard. Mais non, il y a une distance sémantique infranchissable dans le maniement de certains concepts (théorie, invalidation, faits, tests, causalité, origine, imitation, cognition…) qui crée le désaccord (ou le malentendu).
Et puis, il y a aussi le contexte émotionnel différent qui vient aussi brouiller les cartes. Vos longs développements sur le « milieu » scientifique sont pour moi hors sujet, mais importants pour vous. Chez vous, ils font sens et interviennent fortement. J’imagine que le parcours hors « système », le côté penseur « maudit » de Girard participent de son attractivité (ce qui donne sans doute son aspect secte, gourou…). Pour moi, ce trait aurait plutôt tendance à provoquer ma méfiance, mais sans plus. J’aime les chercheurs audacieux qui s’aventurent hors des clous. Mais… toujours à la limite (épistémologique).
Je vais résumer le coeur de mon désaccord. Vous n’aimez pas mon expression de théorie « totalisante ». Ok, elle n’est pas assez claire. Je pourrais utiliser une autre perspective : c’est une théorie « unitaire », qui explique le grand tout par une seule cause. Une seule… c’est pour moi impossible de considérer une théorie anthropologique ainsi.
J’ai souvent dit ici combien j’avais apprécié les travaux d’E. Morin dans l’émergence en France, du « paradigme » des systèmes complexes. Sans rentrer dans le détail, l’idée d’une cause unique dans le « fonctionnement » d’un système complexe n’a pas de sens. Que la résolution des conflits dans une société humaine ait pu engendrer des mécanismes de focalisation bénéfique sur le « bouc émissaire », ok. Qu’elle soit à l’origine de Tout, excluant le système multifactoriel d’une évolution complexe (biologique et culturelle) est si extravagant que je n’en vois pas l’utilité (ni la pertinence scientifique). D’autant que rien, absolument aucune donnée factuelle, ne viennent étayer l’hypothèse d’une origine de la religion par le sacrifice pour les premiers hommes. Il y a un truc qui cloche.
J’entends bien le rôle que vous faites jouer à la petite scène de la chasse au colobe. Mais la place que vous lui donnez dans la justification de votre hypothèse est hors de toute proportion. J’ai lu une quantité considérable de publications en primatologie, et la masse des observations forme une base de connaissances d’un très grand intérêt dans la perspective de nourrir un éclairage sur l’hominisation. La quasi-totalité des données est d’ordre (proto-)culturel, technique, économique, politique, social, familial… mais quasiment rien sur le symbolique ou le spirituel. Qqes supputations sur la conscience de la mort (l’exemple de la mère qui a gardé longtemps son bébé mort, par ex), mais rien sur une « transcendance » ! la chasse au colobe a été reconnue comme une activité rare, nécessitant une coopération pour sa réussite, et des anthropologues y ont vu une explication d’un mécanisme d’hominisation, vers une plus grande sociabilité.
Je vous suis quand vous envisagez que l’hominisation, dans le fond, peut se comprendre encadrée par ses deux extrêmes, pré-humains / humains. Ce cadre méthodo sert par exemple à modéliser l’évolution des techniques, ou l’évolution des formes sociales du pouvoir, ou de la famille. Mais ni le sacrifice ni le religieux n’existent dans le monde animal non humain. Il faut des capacités cérébrales, cognitives (eh oui…
) qui autorisent les facultés d’abstraction, d’anticipation, et sans doute les facultés langagières.
Voilà. J’aurais encore bcp à vous dire à la suite de votre réponse… mais le temps me manque.
En tout cas, ces échanges m’ont permis de me replonger dans les réflexions sur la théorie girardienne. Elle me dérangeait et je sais mieux pourquoi.
C’était un plaisir enrichissant de discuter avec vous…-
hMMM...je sens poindre une accusation de mimétisme académico-groupal voir même -honni soit qui mal y pense..rait- de mimétiser en coulisses, si ce n’est de bouc-émissariser ce bon vieux G...ce qui bien entendu (sans évoquer le caractère vicieux d’une telle attaque à l’égard d’un homme d’âge aussi vénérable) apporterait de nouveau de l’eau au moulin girardien...
bon trève de jokeries... sur un désaccord d’ordre disciplinaire : anthropo et linguistique sont certes mes formations de base, mais après je suis passé aux sciences « dures » ergo supposément plus « scientifiques » et quelque soit la casquette que je porterais mes objections seraient similaires : cela dépasse donc une simple rivalité ou différence entre disciplines différentes : il y a un problème de fond qui d’emblée pose problème si le modèle girardien se présente comme « scientifique » : quelque soit la définition de la dite Science (des plus strictes aux plus hétérodoxes) : pour que telle théorie soit considérée comme scientifique, il faut qu’elle se présente telle quelle. Bref envisageons tout cela sous un angle ludique : soit on accepte les règles du jeu, soit on opère en dehors dès lors on ne peut clamer la propriété de la Rue de la Paix ou un « échec et mat ».Ensuite, vu que G a fait sa carrière aux USA : un des problèmes aussi quant à la réception de ses théories est le paysage « philosophique » dominé par la philosophie analytique donc trés pointilleux sur la « clarté » formelle, si ce n’est logique, avec naturellement (yankee oblige) un intérêt particulier dans le domaine religieux : dans un tel contexte, G avec son côté trés « continental » et peu conforme avec les us et coutumes au Yankistan (excepté les adeptes outre-atlantiques de la French Theory et des post-modernes du Vieux Monde) est d’emblée reçu avec circonspection et cela non pas dans le champ anthropo spécifiquement -il y a tellement d’écoles qu’une approche de plus ou de moins ne va d’emblée produire un refus catégorique : bref open mind a priori, mais dans le champ SCIENTIFIQUE...cf Sokal par exemple. Le reproche étant toujours ce manque de précision, si ce n’est de décision dans la formulation de telle ou telle hypothèse : bref les yankee n’aiment pas quand on « brode » : le hasard ayant voulu que ce soit en ces contrées que j’étudie : indépendamment de mon cursus anthropo, mes exigences sont assez souvent similaires à ce niveau là, et mes « allergies » aussi...Sinon pour le reste, à l’évidence, nous sommes d’accord sur l’essentiel. -
Salut Lord… mmh…
peut-être… Sinon, je n’utilisais pas le vocable « disciplinaire » dans son sens étroit de « disciplines scientifiques ».
Point de rivalité dans mon esprit. J’évoquais surtout les différents… euh… « champs » ? « domaines » ? Ainsi, la littérature ne fonctionne évidemment pas avec les codes des domaines scientifiques, ni l’art ni l’histoire de l’art, ni la philosophie ni la religion… Je trouve que la théorie girardienne est « hors champ » du domaine scientifique, ce qui ne la rend pas moins « respectable » mais on n’échange pas sur le même plan. Elle me rappelle les systèmes philosophiques, une sorte de jeu intellectuel dont le but ultime est la cohérence. Construire une belle mécanique, qui n’est pas attaquable, qui n’a pas de défauts, qui fonctionne parfaitement à l’économie… et qui plaît, séduit, à la manière d’une doctrine transcendentale, où toutes les questions ont leur réponse, où tout est à sa place, où l’homme sait d’où il vient et où il va… etc.
Je pense que LLS a un pied de chaque côté… il a sans doute davantage d’ambition « scientifique » que RG, et il est profondément séduit par les grandes théories de l’esprit qui embrassent le Tout (la théorie des catastrophes, les théories du chaos…) et certaines sont « border-line » (je veux dire « spirituelles » ou « religieuses », pour ne pas dire « sectaires »…).
En tout cas, c’est très agréable de discuter avec lui car il n’est pas de mauvaise foi. Le dialogue est ouvert et les désaccords sont clairement déchiffrés.
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« Elle me rappelle les systèmes philosophiques, une sorte de jeu intellectuel dont le but ultime est la cohérence.... »
Tu n’es pas la seule puisqu’au sein des x dénominations yankistanaises des écoles/courants d’anthropologie : Girard est classé en « anthropologie philosophique » (ou philo anthropologique, c’est selon l’humeur du jour...) avec donc à nouveau des racines « continental » comme les yankizz disent... c’est aussi comme cela que je l’entends en général : un système philosophique (doublé d’une dimension chrétienne ou christo-centrée) : bref une « vision » comme dit LLS : rien d ’étonnant puisque G a pas mal lu Hegel (particulièrement la synthèse/présentation des idées d’Hegel par Kojeve), se présente un peu comme un anti-Nietzsche, digère mal Freud, etc...peu de références directes au final à des concepts/théories strictement issus de l’Anthropologie : même les conceptions girardiennes peuvent être plus facilement opposées/confrontées aux concepts hegeliens, nietzschéens ; etc...qu’aux concepts et théories du champ de l’ethno-anthropo (excepté ses piques à ’légard des ethno/anthropo, dont ce bon vieux Levy-Strauss) ...on est plus ou moins dans le champ philosophique a priori, voir même dans le Littéraire : Girard dans un de ses opus ayant invité le lecteur à lire son oeuvre comme un « thriller » : constat lucide, et pouvant expliquer pourquoi il est aussi « attractif » : meurtre originel, culpabilité refoulée ou ignorée, épopée mythique, mystère de choses cachées, révélation finale, etc...la recette du parfait « thriller » .
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