@LLS
Je ferai une réponse « courte » ici, puis reviendrai plus tard ou durant le weekend sur vos réponses, ainsi que le com d’Eric.
En premier lieu, il me semble avoir été clair : mon problème principal est l’incapacité (mon constat) de fournir des éléments factuels concernant la validité de cette théorie (ici, je renvoie au processus d’humanisation et à l’anthropogénèse) : et je me répèterai donc (bien qu’ayant lu vos réponses) interpréter tout élément (mythes, cultures, symboles, rites, etc…) comme confirmant la théorie girardienne -en invoquant tel que le fait d’ailleurs Girard soit le mensonge à fonction « camouflage », soit le travestissement, soit une mémoire collective approximative, etc…. – ne suffira pas à me convaincre : j’ai lu, relu Girard, suis allé à certaines de ses conférences, ai « papoté » avec des girardiens…à chaque fois toujours ce même constat : quelque soit le sujet discuté : TOUT même en l’absence d’évidence confirme –selon les girardiens – le modèle girardien…Ce que vous faites d’ailleurs lorsque je vous cite quelques exemples de groupes ethniques : ex : le groupe Bushmen cité : quand bien l’adoption d’une telle stratégie peut renvoyer à une volonté de réguler les éventuelles violences intra-groupes, rien ne permet d’affirmer qu’en cela serait validé la théorie girardienne : et que donc ce mode de régulation serait « post-sacrificiel » alors qu’autant les pratiques sacrificielles ne se limitent à la fonction/définition girardienne (= fonction collective, et participation collective) encore moins dans les groupes animistes/shamanistes où si/quand elles existent sont principalement d’ordre individuel, avec une fonction thérapeutique :
ex : aucune dimension collective ou même « sacrificielle » au sens où Girard l’entend lorsque que « Petit Glaçon Suave » une ravissante beauté eskimaude se rend chez le « shaman » local parce que souffrant de troubles « psychologiques » et que le shaman après avoir tenté le sang de phoque fermenté, les séances de transe en igloo, voir même être allé au store "civilisé local pour acheter de quoi préparer un mix de whisky et valériane, en arrive à diagnostiquer que le désordre dont souffre Petit Glaçon Suave est lié à un déséquilibre entre son corps matériel et son esprit : et que le seul choix thérapeutique est de greffer à son âme l’esprit d’un quelconque oiseau arctique : bien entendu le shaman se rappelle ses leçons d’apprenti-shaman, et sait très bien que le seul moyen de réussir une telle opération spirituo-chirurgicale est de s’assurer que l’esprit de l’oiseau concerné ne soit plus relié au domaine matériel : ergo il faut séparer cet esprit de son corps : d’où le « sacrifice »…ici bien entendu il ne s’agit d’un « sacrifice » que si on l’entend selon une définition propre à notre paradigme, dans le paradigme de Petit Glaçon Suave il ne s’agit pas d’un sacrifice mais bel et bien d’une opération thérapeutique : greffe d’esprit volatile pour rétablir un déséquilibre intérieur…
L’étude des différentes formes et manifestations symboliques préhistoriques laissant à penser/supposer que ce type de paradigmes, représentations du monde, etc… animiste/shamaniste était commun (sans certitude quant à leurs relations avec des systèmes similaires contemporains) : envisager le sacrifice uniquement sous l’angle girardien me semble une réduction injustifiée de ce que ce concept peut entendre.
J’en arrive à cette question de « curseur temporel » à déplacer : en effet, le modèle girardien pourrait me sembler plus pertinent voir valide dans le cadre de sociétés plus complexes où la démographie aggrave ces potentielles violences/conflits « mimétiques » (à noter que je ne partage pas plus la définition girardienne du désir comme étant mimétique, ou de la rivalité mimétique étant automatiquement productrice potentielle de violence) autant que la multiplication des « objets » potentiellement vecteurs de ces tensions.
Pour faire court : le profil démographique à l’aube de l’Humanité : ce sont des groupes de chasseurs-cueilleurs de 10 à 30 personnes max. (en moyenne 10-15) à espérance de vie réduite (20-25 ans), avec une probabilité bien souvent nulle de rencontrer un autre groupe humain au cours de leur existence : donc des groupes de 10-15 personnes, composés principalement de femelles/femmes et d’enfants (fort déséquilibre préhistorique ratio mâle/femelle constaté via la génétique) : soit principalement des femmes/adolescentes, des enfants, et 2-3 ados ou jeunes adultes mâles vivant sous la menace constante de prédateurs divers et variés et disposant d’une surface géographique dont nous n’avons pas idée (rappel : démographie globale quelques milliers voir dizaines de milliers à l’échelle du globe, avec des bottlenecks où ne restaient que quelques centaines d’individus voir moins) : il m’est donc difficile de considérer qu’aucun autre mode de régulation que le sacrifice d’un membre de groupes aussi réduits n’ait pu existé : considérant le rôle de diplomates des femelles, le nombre limité de testostéronés potentiellement agressifs, et bien entendu l’instinct de survie.
D’autant plus qu’il est connu que lorsque la tension dans un groupe de chasseurs-cueilleurs s’accroit (notamment en cas de surnombre = dépassement de 20-30 sur un territoire donné) : des sous-groupes se constituent et se séparent, chacun allant dans une direction (un des modes de régulation ayant autant permis la survie de nos ancêtres, autant que leurs migrations dans l’ensemble du globe, ainsi que la diffusion de techniques/savoirs mais aussi langage) : assez souvent ces sous-groupes se retrouvent pour un temps en un territoire donné (notamment pour grandes chasses, alliances, « mariages », …) avant de se séparer à nouveau sans heurts ni fracas.
Bref au niveau ethno/anthropo/paléo…, nombre de pistes et alternatives existent et sont suffisamment étayées par x indices pour que je demeure dubitatif quant au modèle proposé par Girard.
Aussi donc, ma réticence n’a ni à voir avec ma supposée « incompréhension » ou compréhension biaisée du modèle girardien, ni avec quelque pression de mon « entourage intellectuelle » , pas plus qu’avec qu’une quelconque vision « orthodoxe et rigoriste » de « LA » science : je suis ouvert à nombre de théories et idées, suis plutôt plastique et n’ai aucun problème à changer d’opinion si on me fournit suffisamment d’éléments le permettant. Enfin, de mon expérience (USA) Girard n’est absolument pas « ignoré » suffisamment de débats, critiques, etc… ont été produites au cours des dernières décennies, montrant que ses idées sont discutées au niveau universitaire – de même que le « girardisme » dispose de nombre de « fondations » assurant la diffusion/promotion de ses théories – donc pas de manque de $$$, néanmoins je me répète du point de vue de l’anthropologie (culturelle et religieuse) : énoncer que si un mythe ne confirme pas « objectivement » (littéralement) votre thèse, ce n’est en fait qu’une confirmation de la dite thèse, puisque c’est là la preuve du mensonge/travestissement supposément inhérent aux mythes ergo preuve/confirmation de la dite thèse…risque effectivement de poser quelques problèmes, ne serait-ce que d’ordre méthodologique : i.e. mythologie comparée, ethnologie, anthropo culturelle/religieuse, etc… ne fonctionnent pas selon les mêmes approches que la critique littéraire dont Girard est issu…Il faut donc a minima fournir autre chose que de simples lectures interprétatives de tel ou tel mythe ou tel ou tel rite.
Enfin, ma raison principale est qu’ayant stricto sensu grandi dans la jungle avec des « primitifs » : je ne peux que constater que l’Erisanthropus Mimeticus de Girard est aussi « réaliste » que le bon sauvage de Rousseau, ou le sauvage barbare selon d’autres…
Je n’ai donc aucun problème d’ordre « blocage intellectuel », je demeure simplement dubitatif en l’absence d’autres choses qu’une grille d’interprétation suffisamment large pour que de fait G ou les « girardiens » l’appliquent à TOUT : pour reprendre un pasteur yankee, girardien convaincu : tout du Neurone à l’Eschaton confirme les théories de Girard : vous conviendrez alors que je demande au minimum quelques éléments factuels…Mais rassurez-vous, mes réticences ne se limitent pas au girardisme : je suis un sceptique c’est tout…
Sur ce, je reviendrai sans doute later afin de répondre à Eric et à vos coms.
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