@ Lord
En attendant que vous réagissiez, comme je l’espère, à mon message du 3 aout 9h30 que
je pensais quasi-conclusif (sur nos points d’accords ET de désaccords)
mais dont je devine qu’il ne saurait l’être en aucune manière, je vais
réagir à certains points de votre message à Eric.
Je reviendrai sur la question théorie scientifique ou non dans ma réponse à
LLS. Donc réponse courte au reste de votre com : en effet, le problème avec
toute théorie (ou idéologie, philosophie, etc… = système de pensée) apparaît souvent
plus lié avec la ou les récupérations que par l’énoncé même de la dite théorie :
néanmoins celui qui produit a aussi une responsabilité : sans aller jusqu’à
demander qu’il accepte qu’elle soit en tout ou partie erronée, verrouiller une
théorie au point que toute critique se voit invalidée tel que le fait Girard en
affirmant que autant mythes, rites, sites, etc… permettant de présumer d’une
activité/origine sacrificielle que mythes, rites, sites, etc… ne le permettant
pas (et de facto bien plus nombreux d’un point de vue empirique) sont des
preuves (« positives » ou « négatives ») de la validé de sa
théorie : en cela rien d’étonnant que les « girardiens » ne soient pas
les plus ouverts à la critique : la théorie originelle autant que le théoricien
l’empêchant. De plus, un « scientifique » évitera généralement l’emploi
de concepts que « vrai » ou « mensonge » : ce qui n’est pas le
cas de Girard qui lui emploie l’idée de mensonges pour tous les mythes, excepté
celui de la révélation christique du mécanisme victimaire postulé qui lui
serait « vrai ». Nous ne sommes plus dans la Science : même avec la
définition la plus large ou plastique qui soit…
Ne le prenez pas en mauvaise part mais il semble ici que
votre propos relève avant tout de la simple opinion et que vous n’avez
pas vraiment envie d’argumenter et plutôt, simplement, de faire un
procès hâtif de Girard.
Je n’attarderai donc guère, seulement pour souligner que la thèse de
Girard est en effet que les mythes sont le récit des évenements
sacrificiels racontés dans la perspectives des persécuteurs, donc
« mensongers » par nature puisqu’il manque le point de vue de la victime
accusée de tous les maux mais silencieuse puisque morte.
Quand on dit qu’un propos est mensonger on ne dit pas qu’il est faux,
car il peut parfaitement contenir du vrai. Presque tout peut être vrai.
Toute la tâche est de faire la part des choses.
Ce que dit ensuite Girard c’est que dans l’ancien et le
nouveau testament on voit apparaître des récits qui présentent la même
structure de lynchage que les mythes fondateurs classiques sur toute la
planète (ce que, je pense, vous expliquerez difficilement par l’effet
placebo ou je-ne-sais-quelle conjecture cognitivo-finaliste) mais que
ces récits présentent une victime innocente. Ils nous donnent à voir
proprement un lynchage, ce que nous reconnaissons comme un bouc
émissaire.
Girard dit il y a une différence fondamentale entre ces deux types de textes.
De deux choses l’une :
a) ou vous niez ces observations et j’attends votre démonstration
b) ou vous admettez la validité de ce constat et j’attends avec intérêt vos explications cognitivo-finalistes.
Concernant le cas de l’homme qui serait dénué de désir mimétique, un certain Landy (le lecteur est ici renvoyé au paragraphe original ci-dessus)
Je ne sais où cet échange nous amènera mais encore une fois je dois dire que j’apprécie votre apport en données empiriques.
Cette information vaut son pesant de cacahuètes comme on dit chez moi.
J’irai regarder cela de très près comme vous l’imaginez bien.
En attendant que je sois informé plus amplement je peux vous dire que j’accorde aucun crédit à ce constat.
M. Landy est mimétique comme vous et moi et il est très facile de le faire apparaître sans même l’avoir rencontré.
Il suffit de savoir qu’il est enseignant à Stanford.
Et il faut surtout savoir démonter les rationalisations qui consiste à
expliquer la généralité d’un comportement par une cause unique, souvent
finaliste.
Nous verrons cela in situ
Ainsi, par exemple, M. Landy :
1) a désiré avoir un poste à Stanford
2) a probablement une famille, une femme, une maison, une voiture (de
marque), part en voyage avec sa famille, va au restaurant, etc.
3) a appris à parler anglais
4) a des valeurs auxquelles il essaie d’être fidèle, peut-être même une religion
5) a des plats préférés, dont une bonne part proviennent de son enfance
Passons ces caractéristiques en revue pour voir en quoi elles sont nécessairement d’origine mimétique :
1) Stanford est une des trois universités les plus
prestigieuses des Etats-Unis. Cette université est donc d’emblée
désignée comme hyperdésirable. Si M. Landy a bougé pour venir à cette
université, alors nier qu’il ait été sous influence mimétique serait une
pure dénégation de sa part, sauf à pouvoir montrer qu’il habite Palo
Alto depuis sa naissance et qu’il était hors de question d’enseigner
dans une autre université que celle-ci.
1b) Au demeurant, on ne devient pas enseignant grâce à une pochette
surprise. On désire devenir enseignant et ce désir ne vient pas de ce
qu’on y a réellement goûté : on a nécessairement des modèles qui nous
donnent envie d’exercer cette profession, donc là encore, il est assuré
que M. Landy est un être mimétique comme les autres.
2) Pareillement, M. Landy a désiré vivre en couple, il a désiré avoir des enfants, vivre dans une maison comme tout le monde fait, avoir une belle voiture de marque, peut-être une porsche comme James Dean, allez savoir. L’impossibilité éventuelle de remonter à la cause de la décision d’aller dans tel ou tel sens ne permet aucunement d’infirmer la nature mimétique (complètement « conforme » donc mimétique de ces comportements). Le seul moyen de prouver le non mimétique serait de faire apparaître dans chaque cas une contrainte incontournable. Il est clair qu’il n’y en a pas dans la société californienne ou étasunienne pour ce qui nous occupe.
3) Quand Landy a appris à parler anglais il était porté (en toute inconscience du fait, bien sûr) par le désir de s’exprimer comme ses parents. C’est du désir mimétique pur sucre.
4) Les valeurs de M. Landy ne résultent pas de choix
rationnels de sa part même s’il peut se le donner à croire pour
certaines d’entre-elles récemment acquises. Dès lors qu’elles ne sont
pas « rationnelles », elles ne peuvent que découler des systèmes de
valeurs explicites ou implicites auxquels il a été exposé durant son
enfance et qu’il aura intériorisé, terme euphémistique pour dire imité.
Dès lors les valeurs qui orientent fondamentalement le comportement
éthique de M. Landy sint la conséquence d’un désir mimétique qu’il a eu
de les faire siennes.
5) M. Landy, c’est certain, préfère certains plats à
d’autres. Parmi ses préférés il s’en trouve nécessairement qu’il préfère
parce qu’il a imité et intériorisé l’attirance manifeste de ses parents
pour le plat en question. Le fait que d’autres plats de son enfance ne
soient pas à son goût ne prouve rien du tout car une stratégie
identitaire d’affirmation de soi dans la différence aura pu l’amener à
ressentir de l’aversion pour un plat que son frère aîné aurait déclaré
adorer. Le fait que les goûts alimentaires soient influencés par
d’autres variables que le modèle familial ne permet pas d’exclure le
modèle familial. Par hypothèse il est toujours à l’oeuvre comme le
montre bien une des expériences que je rapporte dans ma thèse : réalisée
chez le chat avec une mère sous système de récompense par activation de
la zone cérébrale du plaisir lorsqu’elle mangeait de la banane, elle a
permis de constater que tous ses chatons ont pris « mimétiquement » à la
consommation de banane alors que la seule récompense pour eux était...
la banane.
Où l’on voit la force du mimétique et la malléabilité de l’instinct (et
on règle la non expérience CHOUX DE BRUXELLES vue plus bas. Non
expérience car, encore une fois, l’absence de résultat ne permet pas de
conclure à l’absence d’imitation mais seulement à l’échec de
l’expérience)
Bref, le rapport Landy, quel qu’il soit, ne remet aucunement en cause
l’hypothèse mimétique. M. Landy est un individu lambda sous ce rapport,
juste un peu plus grande gueule que les autres et, précisément, dans
la rivalité mimétique avec son double girardien, au sens propre, puisque
lui aussi professeur à Stanford
Vous évoquez comme démonstration empirique : les mythiques batailles de polochon :
1) rivalité, conflit, bouc-émissaire, etc…
peuvent s’envisager autrement
que par le seul biais du mimétisme/imitation : domination (ex : le
bouc-émissaire comme relevant d’une forme d’hyper-domination ou
domination partagée vs dominé unique), hormones (la testostérone semble
être ignorée autant par les girardiens que par les « genderistes »),
socialisation, etc… peuvent soit les expliquer soit aller de pair avec
imitation : ma critique va avant tout à avancer l’imitation comme seul
élément
fondamental : possible qu’il s’agisse bien d’un élément fondamental mais
je
n’irai pas jusqu’à postuler qu’il soit le seul ou le plus déterminant :
encore
moins s’agissant d’agents intelligents et conscients, disposant autant
de
l’Intuition que de la Raison, et à même d’opérer des choix singuliers
(uniques)
–ce qui n’exclut pas d’opérer des choix « particuliers » = par
imitation.
Si vous voulez bien considérer que l’imitation est un processus fondamental, je dirais, parfait, restons en là !
2) l’expérience CHOUX DE BRUXELLES a été réglée plus haut, donc nous n’y revenons pas
Ensuite afin de ne pas se limiter à "bambin
sapiens« , j’invoquerai une autre jurisprudence »ROCCO SIFFREDI"...
Peut-être avez remarqué, j’ai déjà parlé de l’option Bonobo
pour l’homme. Les observations remarquables de l’éthologiste Desmond
Morris sur le corps humain et sa dynamique dans l’acte d’accouplement
laissent clairement à penser que l’Humain a fortement investi la
relation amoureuse au plan physique au point d’avoir une conformation
hyperadaptée à cette activité. Davantage que la taille des pénis, la
disponibilité permanente des femmes est en soi une preuve flagrante de
cet état de fait. La chose intéressante est qu’en dépit de la grande
probabilité que l’Humain ait exploré au maximum de ses possibilités
cette voie, il est clair que ce n’est pas elle qui a dominé et que les
cultures qui ont réussi, celles qui ont couvert toute la planète avec
leurs mythes fondateurs sont les cultures de la violence, de la
réconcilation sacrificielle.
En eût-il été autrement, la plupart des mythes seraient des grandes
partouzes divines et humaines à tous les coins de rue. Je ne dis pas
qu’il n’y en a pas eu. Mais elles sont loin de tenir le devant de la
scène et quand elles y viennent c’est souvent pour apparaître comme la
cause des troubles... qui vont nécessiter la violence du sacrifice pour
laver la faute.
Bref, je crois peu périlleux d’affirmer qu’il n’existe pas de jurisprudence Bonobo ou Sifredi, désolé.
Sinon, l’histoire de l’Advertising ne confirme pas g : les échecs
retentissant de campagnes jouant possiblement sur ce désir mimétique étant
connues : again que ce principe mimétique opère, même à un niveau fondamental
est entendable voir possiblement démontrable, mais que ce soit l’Alpha et
l’Omega est une position beaucoup plus difficile à défendre.
Comme déjà dit, la seule chose qui importe est que vous
reconnaissiez la puissance du mimétique. Vous le faites ? Alors tout est
bien. L’exclusivité du mimétique, on pourra toujours en reparler dans
un second temps.
Enfin, yes j’ai passé l’essentiel de mon enfance
et adolescence en Am. Sud (principalement Amazonie et quelques séjours dans les
Andes, ainsi que quelques trips en Asie et Sibérie : toujours chez les
« primitifs » : raison parents ethno-anthropo) : et par exemple, bien
qu’ayant TOUJOURS été le parfait potentiel bouc-émissaire puisque étranger,
« bizarre », avec une drôle de tête, etc…ayant à chaque fois à
apprendre une nouvelle langue et bien entendu ne la maitrisant pas aussi bien
que mes camarades de jeu, ayant des occupations tout aussi étrange (lecture par
exemple) : j’aurai été un bouc-émissaire parfait en maintes occasions : or cela
ne m’est jamais arrivé : pas plus que je n’ai pu constaté de
« rivalité » supposément mimétique : par contre OUI, le Jeu était un
élément essentiel du quotidien que ce soit chez les enfants que les adultes,
pour la chasse, la pêche ou divers rituels…Je n’ai commencé à découvrir cette
obsession à vouloir ressembler ou posséder à l’Autre qu’en débarquant dans une
autre jungle : urbaine pour le coup…
Ce que vous décrivez est très exactement ce à quoi on se serait attendu à
partir d’une analyse girardienne. Le désir mimétique débridé et
l’absence de stratégie de protection contre la violence de celui-ci
c’est bien sûr pour les sociétés modernes et surtout urbaines plutôt que
les traditionnelles que l’on trouve j’imagine plus facilement en
Amérique du Sud.
Donc encore merci, vous n’aimez pas ça mais vous apportez de l’eau au moulin girardien
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