@ Aladeen Je suis désolée, j’avais écrit une longue réponse très détaillée à votre commentaire, mais elle a disparu d’un seul coup et je suis incapable de recommencer car je suis une vieille personne malade et j’ai de la fièvre aujourd’hui. Quand j’irai mieux, j’essaierai de faire un nouvel article sur le sujet de l’état actuel de la laïcité en France. Là, je vais me contenter de vous donner un résumé de ce que j’étais en train de vous écrire.
Tout d’abord, je dois rappeler le sens du mot « laïcité » tel qu’il est inscrit dans les dictionnaires en papier des éditeurs reconnus : c’est le principe politique de séparation des religions et de l’Etat.
Dans ces conditions, je ne peux pas considérer que les crimes et attentats soient seulement des atteintes à la laïcité. Ce sont des assassinats, des actes de guerre (pas forcément guerres de religion pour tout le monde). La religion n’est bien souvent qu’un prétexte, mais les auteurs de ces crimes sont manipulés et fanatisés, ce qui n’excuse pas du tout la violence et la férocité de leurs actes. Ils relèvent de la Cour d’Assise.
Par contre, les atteintes à la séparation des religions et de l’Etat sont quotidiennes. La religion la mieux placée pour les faire est quand même la religion catholique qui a déjà, pendant plusieurs siècles, fait vivre notre pays sous son emprise et qui essaie de récupérer son pouvoir perdu depuis le vote de décembre 1905. Les constructions de lieux de cultes postérieurs à la loi bénéficient de larges subventions publiques auxquelles elles n’ont pas droit par des stratagèmes (intégration d’autres domaines, culturels par exemple, au sein des cathédrales) qui sont autant de détournements de la laïcité. J’ai vu récemment que les musulmans commençaient à en faire de même. Les baux emphytéotiques ont parfois été annulés par le Conseil d’Etat, mais une dernière loi que je ne connais pas devait les encadrer et je crains qu’elle les ait facilités. Les écoles privées sous contrat, essentiellement religieuses, bénéficient grâce à la loi Carle du même forfait de scolarité versé par les communes que les écoles publiques, alors que les obligations imposées par le ministère de l’Education Nationale n’existent plus dans la pratique. La loi Debré de 1959 avait donné les mêmes droits aux collèges et aux lycées à charge des conseils généraux et régionaux.
De nombreuses autres mesures ont été accordées par le Ministère de l’Intérieur pour permettre aux cultes d’arrondir leurs fins de mois.
L’influence des religions dans les affaires publiques ne cesse d’augmenter, plus forte pour l’Eglise catholique par l’ancienneté de son existence dans notre pays. Elles ont leur place dans les comités d’éthique, dans des réunions officielles sociales, elles sont entendues dans des commissions parlementaires. Je vous rappelle que la loi de 1905 proclame : « L’Etat ne reconnaît aucune religion ».
L’Etat l’oublie de plus en plus souvent, ainsi il a institué sous Jospin une réunion annuelle avec les religions au Ministère de l’Intérieur, qui a tendance à devenir plus fréquente. Le fait-même d’avoir rassemblé et organisé les musulmans dans le CFCM est un acte « clérical » car l’Etat ne doit pas intervenir dans les affaires des cultes. Valls est le Ministre des Cultes, mais cette fonction n’a été prévue que pour les seuls territoires vivant sous Concordat. Cela aussi a été oublié.
Par ailleurs, l’église Sainte-Clotilde, située à deux pas de l’Assemblée Nationale, a ses entrées officieuses mais habituelles dans les bureaux de nos parlementaires, elle y distribue des informations, son curé reçoit les parlementaires et figure souvent parmi les premiers à être au courant des propositions de lois. Une messe annuelle est organisée chaque année pour permettre à l’Eglise catholique de donner ses indications à tous les politiques des deux sexes qui le souhaitent. Le service pastoral d’études politiques de Sainte-Clotilde dispose d’un site « Liberté Politique ». Les parlementaires peuvent s’inscrire dans le groupe d’amitié avec le Saint-Siège dans nos deux chambres ; celui du Sénat vient d’organiser la rencontre de 40 parlementaires avec le Pape. Vous imaginez la force de ce lobby ? Tout ceci n’est qu’une préparation avec les obligations mentionnées dans les traités de l’UE de libre intervention et d’ association des religions avec les institutions étatiques et européennes.
J’oubliais ! Au niveau fiscal, les associations religieuses sont considérées devoir bénéficier des mêmes avantages que celles ayant reçu l’inscription dans la liste « d’intérêt général ». Ainsi les dons qui leur sont faits bénéficient d’une réduction d’impôt de 66%, voire plus si vous êtes assujettis à l’Impôt sur le revenu. Généralement, les sommes récupérées sont reversées immédiatement et cela recommence... C’est autant de moins pour le budget de l’Etat qui doit donc se servir ailleurs. Par conséquent, c’est bien en fait un détournement d’argent public. De grandes fondations en profitent et elles l’utilisent pour régler des dépenses immobilières pour les écoles privées sous contrat (subventions interdites) ou encore des constructions ou des dépenses de fonctionnement des écoles hors-contrat, dont des établissements appartenant à des intégristes éventuellement.
Il y a encore davantage à dire, mais je suis fatiguée et ce sera pour une autre fois... Cordialement.