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Commentaire de Jean-Philippe Immarigeon

sur Aucune avancée dans la réunion tripartite


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Jean-Philippe Immarigeon Jean-Philippe Immarigeon 21 février 2007 01:01

Sujet polémique à prendre avec des pincettes, les débordements antisémites de la majorité des premiers commentaires le prouvent. Sujet piégé pour l’Europe parce que, suiviste derrière l’Amérique, elle a perdu de vue depuis longtemps le bon sens et la logique. Et ses propres principes.

Voilà que j’écrivais en décembre 2001 dans un article « Le droit en état de guerre » paru dans la revue Défense nationale : « La paix contre les territoires : voilà, sous une apparence d’équilibre, une proposition inacceptable dont le droit est absent. Absent parce que chaque terme de la formulation résume une situation de violence extrême : les actes terroristes d’une part, le fait colonial d’autre part. Or ni l’arrêt du terrorisme ni la fin de l’occupation militaire ne devraient ressortir de la sphère de la négociabilité, puisque aucun des plateaux du fléau de cette balance n’est en lui-même du domaine du droit. Comment mettre en regard deux principes qui doivent s’imposer séparément et être disjoints, l’arrêt du terrorisme d’une part, la fin de la colonisation d’autre part ? Sans doute trouvons-nous là la cause essentielle des échecs répétés de médiation, puisque raisonner en ces termes renvoie dos-à-dos les parties, aux torts partagés, sans que l’on tranche la question de savoir laquelle doit prendre, sans contrepartie, la première initiative raisonnable et juste. »

Quand on occupe et qu’on construit, on colonise. Et il ne saurait exister de colonisation durable ni surtout heureuse. Toute colonisation induit en retour une perversion à laquelle aucune puissance impérialiste n’a pu échapper, quelque soient les méthodes et les politiques mises en place pour l’éviter. L’occupation des terres palestiniennes ne peut aller « sans oppression, répression, expulsion, et il s’y manifeste (contre Israël) une résistance qu’à son tour il qualifie de terroriste », disait Charles de Gaulle dans sa fameuse et, à juste titre par ailleurs, controversée conférence de presse du 27 novembre 1967. Il ne faisait d’ailleurs que prolonger le vote de la non moins fameuse Résolution 242, votée par le Conseil de sécurité des Nations Unies cinq jours plus tôt, où il était rappelé un principe évident : celui du caractère inadmissible de l’acquisition de territoires par la guerre, toute paix juste et durable impliquant le retrait préalable de Tsahal des territoires occupés en juin 1967 (la question des colonies de peuplement ne se posait pas encore à cette date).

La paix en Terre (3 fois) Sainte ne peut venir que du vainqueur qui renonce non seulement aux bénéfices territoriaux de sa victoire de 1967, mais surtout à fonder sa sécurité sur l’abandon de ce bénéfice. Il n’en a d’ailleurs nul besoin, avec ses 200 têtes nucléaires montées sur ses 120 et quelques missiles Jéricho III, ses 2.000 chars de combat, ses 600 avions de chasse, etc... et maintenant un « rideau de fer » de protection. De Gaulle l’avait déjà dit pour le conflit vietnamien : le préalable, parce qu’il faut toujours qu’il y en ait un, c’est le retrait de la puissance occupante. Et ce retrait est non négociable, c’est-à-dire qu’il ne saurait être monnayé. Sharon l’avait compris pour Gaza, lui, le faucon, le général de la blitzkrieg de 1973 sur Suez, le spécialiste des opérations « spéciales » et des coups tordus. Mais Rabin aurait exactement procédé de même. Cette génération qui n’avait pas à prouver son attachement à Israël est partie : elle était la seule à pouvoir sortir de cette confusion délibérée entretenue par les Américains, au nom de leur notion pervertie d’équité, entre ce qui ressort du droit et ce qui n’est que de la guerre.

Mais l’Europe a un autre problème. Elle est prête à reconnaître sa responsabilité partout, y compris au prix de contre-sens historiques graves, et parfois même à se sentir coupable là où elle ne l’est pas (voir le bouquin de Pascal Bruckner sur la religion de la pénitence). Elle fait la leçon à la Turquie, lui expliquant que, sans demander réparation ni même excuses, c’est une souffrance que celle des Arméniens de voir niée par Ankara la réalité du génocide de 1916. Et pourtant la même Europe refuse obstinément de reconnaître la souffrance d’un peuple à qui on a imposé en 1947 le partage de sa terre, pour tenter de calmer la mauvaise conscience de sa participation, au mieux de sa complaisance, à la Shoah. Et parce que aussi, il faut le dire, l’Europe voulait se débarrasser de ce fameux « 7ème million » comme disent les historiens israéliens : les survivants, symbole de sa lâcheté face au mal nazi.

Je suis persuadé que le jour où les nations occidentales reconnaîtront la souffrance des Palestiniens comme elles reconnaissent celles de tous les autres peuples qui souffrent ou ont souffert de leur fait, un obstacle psychologique sera levé. Et les Palestiniens, Hamas compris, dès lors qu’on les reconnaîtra dans leur identité et leur histoire, accepteront ce que, à leur place et en l’absence de cette reconnaissance, nous n’accepterions pas nous-mêmes.


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