pierre si vous permettez je vous raconterai au lieu de vous dire et j’umprunte à edward said, le poète palestinien, les mots de l’histoire des palestiniens...(et par transposition des arabes). le point de vue ( forcément retréci et surtout fragmenté (pas facile pour la cohérence du texte, mais tant pis...)
nos pères (les vrais et les gouvernants nationaux) ont été nombreux à travers l’histoire. alors que la mère (la terre) est toujours unique. ma terre natale (palestine ou moyen orient en général) est le lieu de convergence de messages divins, de civilisations et de cultures, de prophètes et d’envahisseurs. ils ont tous en commun d’avoir été passagers aussi long que furent leurs séjours. à la différence de la mère qui incarne l’idée de la continuité physique et historique. de là notre force à l’adhésion culturelle mère-terre. j’appartiens à une génération qui reproche à ses pères la responsabilité des départs, de l’exil et de l’échec. ils ont échoué à défendre notre terre. quand à la mère, elle conserve cette image idéale.
le destin a voulu que mon histoire individuelle se confonde avec l’histoire collective et que l’on se reconnaisse dans ma voix.
l’image avec l’ennemi fut multiple et variée. il n’existe pas chez moi de vision unique et définitive de l’Autre. celui qui m’a éduqué était juif, celui qui m’a persécuté l’était aussi. le femme qui m’aima était juive, celle qui me détesta aussi.
mais elle et toujours présente en moi. même si l’histoire reste ambiguë. avant 1967, je ne me sentais pas tout le temps l’objet d’un racisme ou d’une haine venus des entrailles. c’est la guerre de 1967 qui a bouleversé les choses. elle s’installa au figuré entre nos deux corps et aiguisa une incompatibilité jusqu’à là inconsciente. imaginez votre ami(e)soldat( d’une armée d’occupation qui arrête les filles de votre peuple à naplouse, jérusalem. cela ne pèse pas seulement sur le coeur, mais sur la conscience. la guerre de 1967 a rompu les relations affectives entre les jeunes hommes arabes et les jeunes filles juives.
mais même sans la guerre, cet amour ne pouvait être heureux. il ne pouvait aller loin. restent alors les désirs les penchants les sentiments, mais sans horizons. et la raison en est la différence sociale, culturelle. l’Autre société accepte difficilement l’arabe. nous sommes des étrangers à leurs yeux. l’idée d’ennemi avait en fait pénétré la relation. l’homme et la femme s’enlacent mais l’ennemi est là, tapi sous le lit.
les choses sont certes différentes lorsque chacun perçoit l’Autre comme individu. j’avais de nombreux amis juifs mais
les individus sont toujours rappelés à l’ordre par leur communauté, à un moment ou à un autre.une de mes meilleurs amis, juif, est venu me trouver la veille de la guerre de 1967. pour des adieux et me proposer un pacte. chacun d’entre nous protégerait l’autre selon qui aura remporté la guerre. après victoire israelienne, il quitta israel pour toujours car il ne voulait pas être un rouage dans une machine de guerre. c’était un humaniste et son éducation était fondée sur le pluralisme et l’ouverture. venu en israel avec des idées idéalistes, il avait découvert une réalité bien différente. il a repris son indivudualité mais le combat fut rude avec la pression collective.
la notion d’étranger peut être saisie à plusieurs niveaux. le premier, tout simple est que nous sommes considérés comme des étrangers dans notre propre pays. la majorité juive, victorieuse et dominante considère que nous ne sommes pas chez nous.un autre niveau tout aussi simple est que mon village n’existe plus, rasé. alors je suis chez des voisins. c’est un exil au sein d’une même société, au sein d’une même idendité. il y a ensuite une notion plus complexe, inhérente à la condition humaine.nous sommes tous étrangers sur cette terre.
comme adam, passager sur la terre, le mélange des peuples, les migrations ne sont que cheminements d’étrangers.
la paix aussi peut être la reconnaissance d’étrangers, si bien qu’il devient impossible aux uns et aux autres de savoir qui est le véritable étranger. mais je fais la différence entre l’étranger et l’ennemi. car l’étranger n’est pas seulement l’Autre. il est aussi en moi.
aujourd’hui nous faison face à une idée reçue selon laquelle nous n’aurions pas de passé. comme s’il était la propriété exclusive de l’Autre. On nous affirme que notre Histoire a débuté il y a peu et il est requis de nous, de concevoir notre existence sur cette base. c’est pourquoi je pense que la défense du passé se confond avec la défense du droit du présent à prendre son élan. c’est la condition nécessaire pour faire un premier pas vers l’avenir.
cette terre est mienne, avec ses cultures multiples : cananéenne, hébraique, grecque, romaine, persane, égyptienne, arabe, ottomane, anglaise et française. je veux vivre toutes ces cultures. il est de mon droit de m’identifier à toute ces voix qui ont résoné sur cette terre. car je n’y suis nis un passant, ni un intrus.
j’ai choisi d’être un poète troyen. je suis dans le camp des perdants. les perdants qui ont été privés du droit de laisser quelque trace que ce soit, de leur défaite, privés du droit de la proclamer. j’incline à cette défaite. mais il n’est pas question de reddition.
il est de mon devoir de dire la défaite et de reconnaitre et de dire la perte. mon éducation, ma manière d’être, mon expérience sont toutes celle d’une victime. et mon conflit avec l’Autre tourne autour d’un e seule question : qui de nous deux aujourd’hui mérite le statut de victime ? j’ai souvent dit à l’Autre en plaisantant : échangeons nos rôles. vous êtes une victime victorieuse, hérissée de têtes nucléaires. je suis une victime dominée hérissée de t^tes poétiques. mais je ne sais pas si la poésie nous donnera une légitimité nationale.
j’aurais souhaité être victorieux pour mettre à l’épreuve mon humanisme, ma capacité à être solidaire d’une victime.mais je suis comme les troyens qui n’ont pas raconté leur histoire. à ce jour nous n’avons pas relaté la notre. celui qui impose son récit hérite la Terre du Récit
le paradoxe fait que j’apparais comme le vainqueur, car la langue du désespoir est plus forte que celle de l’espoir. vopus savez pourquoi le géolier ne chante pas ?alors que le captif chante parce qu’il est seul avec lui-même. le geolier lui n’existe que parce qu’il le garde. il veille tant à l’isolement du captif qu’il en oublie sa propre solitude.
depuis le début, l’ennemi et moi vivons une cohabitation imposée. aussi ses traits ont-ils été de tout temps humains.il respire l’air que nous respirons,et notre antagonisme relève d’un conflit politique et idéologique.
je suppose que la paix peut me rendre plus fort en ce sens qu’elle liberera avant tout mon humanité et m’innocentera de l’accusation de refus absolu. elle me donnera sur le plan humain une supériorité sur l’ennemi, qui lui, manque d’humanité à mon égard.
tant que les israeliens n’auront pas opté pour une coexistence réelle, basée sur une reconnaissance mutuelle, eux qui ne cessent de me réclamer des propos plus diplomatiques, ils devront attendre. car j’ai besoin que l’on reconnaisse l’humain en moi. en échange de ma reconnaissance de l’humain en l’Autre. alors nous pourrions nous réconcilier. mais la réconciliation est plus malaisée pour l’Autre. il ne la veut pas.
l’ennemi veut que j’habite l’image qu’il a choisi pour moi. mais il ne m’y entrainera pas. même s’il est mobile et s’il a plusieurs masques. l’ennemi n’est pas une figure abstraite, nous nous interpénétrons et il nous arrive d’échanger nos rôles. nous vivons dans des conditions humaines complexes sans une quelconque distance entre eux et nous. il s’infiltre même parfois en moi.
quand à le laisser m’habiter, construire mon imaginaire, me dicter ma propre version des choses, devenir ma mémoire, c’est une toute autre affaire.
il est clair que l’ennemi ne se contente pas d’un affrontement à distance avec moi. il vaut être moi et parler en mon nom. nous pourrions lui et moi dire que nos deux rêves dorment dans un même lit. je pourrais le dire et le penser vraiment, mais il veut en plus dessiner les contours de mon rêve sans m’autoriser à partager avec lui le champ du rêve.
nous pouvons faire des concessions et nous entendre sur tout, sauf sur l’Histoire. nous pouvons partager la terre, les fenêtres des songes, la fusion de la flûte avec la flûte, les mythes nés sur cette terre, tout ce que vous voudrez. mais pas l’Histoire.
et je devance l’ennemi dans ce registre. je considère que la bible est partie intégrante de mon héritage, alors que l’islam ne fait pas partie du sien. je n’ai aucun problème à me considérer comme le produit métis, de tout ce que cette terre palestienienne a dit, de tout ce que l’humanité a dit. mais il refuse de faire de même, m’interdissant de m’associer à son idendité culturelle et humaine. c’est lui qui réduit sa propre idendité et la rend sélective. nous pourrions nous entendre sur tout sauf sur l’Histoire. et il n’y a pas de résolutions internationales qui nous imposera de nous entendre sur l’Histoire. nous ne ferons pas de compromis sur elle.
le problème est que nous nous sentons obligés de nous rattacher à nos racines et ce, pour fortifer nos défenses. les autres nous y contraignent, bien plus que nous n’en avons envie ou le voulons.
car je ne crois pas qu’il y ait au monde, un seul peuple à qui l’on demande tous les jours de prouver son idendité comme les arabes. personne ne dit aux grecs ou aux français ; vous n’êtes pas grecs, vous n’êtes pas français ; mais l’arabe doit en permanence présenter ses papiers d’idendité parce qu’on cherche à le faire douter de lui-même. je ne suis pas obsédé de généalogie ou de parentèle. dailleurs la seule idendité que je proclame, c’est « je suis ma langue ». pas plus. pas moins. et je dis que dans cette langue, on perçoit le voisinage, des romains,des perses et de tant d’autres peuples. je ne crois pas aux races pures ni au moyen orient ni ailleurs, et ne suis pas préoccupé par ces différences. au contraire je suis convaincu que le métissage m’enrichit et enrichit ma culture. c’est l’Autre qui, sans cesse, me demande d’être un arabe, selon bien entendu, sa propre définition de l’arabité.
je peux accepter d’être étrangeer sur cette terre puisque nousommes tous passagers sur cette terre. mais l’ennemi me demande d’être le seul étranger, le seul intrus. et il insiste pour se dire le seul « authentique ».
la lutte pour le lieu, la spoliation de mon lieu, de la matrice première, ont fait de ce lieu une composante essentielle de mon idendité., même si mon idendité est en réalité encore plus large.
je suis arabe et je parle arabe. quand à mon appartenance à la nation arabe, quand à savoir si elle est fondée d’aspirer à l’unité c’est une toute autre question. je suis arabe et ma langue a connu son plus grand épanouissement quand elle s’est ouverte sur les autres, sur l’humanité toute entière. parmi les éléments de son développement, il y a le pluralisme. c’est ainsi que je lis le siècles d’or de la culture arabe.
à aucun moment nous arabes n’avons été totalement repliés sur nous mêmes, comme certains voudraient nous voir aujourd’hui. il n’y a pas de ghetto dans mon, notre idendité. mon problème réside dans ce que l’Autre a décidé de voir dans mon idendité. je luis dis pourtant :voici mon idendité, partage la moi avec moi. ellest suffisamment large pour t’accueillir.
nous les arabes, nous n’avons eu de vraie civilisation que lorsque nous sommes sortis de nos tentes pour nous ouvrir au multiple et au différent.alors je ne fais pas partie de ceux qui souffrent d’une crise d’idendité, ne de ceux qui ne cessent de se demander : qui est arabe ? qui sont les arabes ?
je suis arabe parce que l’arabe est ma langue, et dans le débat en cours, je mène une défense acharnée de la langue arabe, non pour sauvegarder mon idendité, mais pour prouver mon existence, ma musique, ma poésie et mon droit de rire et de chanter.
mon désir de témoigner est peut être dû à la peur de voir le passé confisqué. une nouvelle étape historique se dessine aujourd’hui qui recèle ce danger. elle est d’une ampleur telle qu’elle ne peut être affrontée par le silence.
cette défense d’un monde, d’une période qui se meurent s’apparente à la riposte des petites créatures lorsqu’elles sont menacées par la tempête. elles se cachent dans les failles, dans les trous, dans l’écorce des arbres. son extrême fragilité est sa force.
l’objet n’est pas seulement la palestine, et il est temps de passer au sujet : le palestinien. il ne s’agit pas d’un repliement sur soi, d’une surdité à la réalité extérieure, mais c’est le choix de se tenir au croisement du dehors et du dedans. il est temps que résonne la voix de l’individu palestinien, arabe : brisée, ambivalente, douloureuse. le palestinien tient aujourd’hui son rêve dans ses mains et peut apprécier son degré de véracité, apprécier s’il est encore fidèle à lui-même, identique à son image originelle. les palestiniens n’ont pas encore dit leur tragédie et ils peuvent enfin le faire. notre réalité est transportée elle n’est jamais fixée dans un lieu. la réalité des palestiniens est portée sur les épaules, dans la langue, les perceptions ou la conscience. nous vivons tous simultanément au centre de la scène et en dehors d’elle. nous avons enfin l’occasion de nous pencher sur nous-mêmes et de scruter l’image que nous en avons. parviendrons-nous à trouver un nouvel horizon ? nous sommes aujourd’hui à l’orée d’une période ou toutes les possibilités sont ouvertes. mais aucune circonstance atténuante ne nous sera désormais accordée.
il y a la guerre, la douleur, les sentiments à fleur de peau, sans oublier les gens qui meurent, les déchirements, la fragmentation des vies, les malheurs provoquées par la colonisation. il y a le devoir national mais aussi l’émotion et en tant de guerre l’émotion est exacerbée. en somme notre présent ne se résout ni à commencer ni à finir.
voilà pierre, vous pouvez transposer ça à tout peuple colonisé :aujourd’hui la palestine, l’irak, le liban qui a cher payé cet été, la syrie et l’iran menacés. hier, l’afrique, algérie en particulier et tous les pays du moyen orient (et d’ailleurs) qui en bavent depuis trop longtemps.
Yeats à écrit pratiquement les mêmes mots pour décrire la colonisation anglaise de son irlande. ce sont les mêmes douleurs humaines dès lors qu’un humain veut en soumettre un autre.
je ne crois pas avoir vraiment répondu à votre post, mais les raisons sont nombreuses et celles exposées sont vitales. le reste est trop facile à comprendre...
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