Comment expliquez-vous que les chinois, qui sont à l’origine de la poudre à canon, de la boussole, du papier, de l’imprimerie, qui connaissaient le fer à cheval, dont les techniques sont donc la base de notre technologie, comment expliquez-vous qu’ils n’aient pas su évoluer vers la modernité d’eux-même ?
Comment expliquez-vous que la machine à vapeur était déjà inventée sous l’empire romain, mais qu’elle n’a pas été utilisée pour faire progresser les méthodes de production et ainsi amorcer la révolution industrielle ?
Eh bien la réponse, c’est que l’évolution de nos techniques dépend du milieu socio-culturel et des idéologies dans lequel elles ont baignées. La pensée chinoise est marquée par la notion de non-agir, l’homme n’est pas mis au centre de la nature et n’a pas vocation à la dominer comme dans la doctrine judéo-chrétienne. Sous l’empire romain, l’esclavage ne permettait pas de voir le gain produit par l’utilisation de la machine à vapeur à échelle industrielle. Il fallait pour cela que l’idéologie dominante soit marquée par la recherche du profit individuel. Or, si la recherche du profit a toujours existé, jamais elle n’avait été mise au coeur de l’idéologie politique avant l’époque moderne. Il fallait postuler auparavant que l’homme est un individu isolé du reste du monde, n’agissant qu’en fonction de son intérêt propre. Pour cela il fallait attendre que les guerres de religions fassent des ravages en Europe, et que des penseurs imaginent un système politique qui les évite. C’est la naissance de la modernité, puis des Lumières.
On voit donc bien que le progrès n’est pas une donnée intrinsèque de l’évolution humaine, mais que l’idéologie qui le met au coeur de l’histoire a des conditions d’existence historiques particulières, où les religions monothéistes (juive, catholique, protestante) ont eu un rôle, même négatif.