@l’auteur : une lettre pour Amadou.
Salut Amadou.
J’ai besoin de
toi, tout va mal : rien ne vas plus !
Ma chèvre est
morte avant-hier et Fatoumata, à présent,
dépérit à chaque heure de mal en pis !
Je suis venu te
demander un service que justifient l’entraide, l’amitié et la nécessité.
Peut-être as-tu
conservé des galettes de maniocs ou du mil, pour nous permettre de subsister
quelques temps, jusqu’à la prochaine pluie ?
Tu ne dis rien
... pas un mot ! As-tu perdu l’usage de ta langue ? Es-tu malade Amadou ?
Que t’arrive-t-il
qui te mette dans un tel état, mi-
renfermé, mi- léthargique ? Amorphe !
Ne sois pas
affligé ! Certes la famine nous ruine et fait rage, mais nous en avons vu
d’autres. Nous repartirons, si le vent tourne dans le bon sens, et il tournera
comme d’accoutumée, puis viendront les pluies.
Amadou, nous
avons besoin de toi, comme tu as besoin de nous !
Ta force et ta
vigueur sont des atouts pour notre communauté.
Ne les gâche pas
! Nous n’avons ni le droit, ni les moyens de nous morfondre ...
Viens, sors de ta
case et accompagne-moi un bout sur la route qui mène à Ndjamena.
Tu sais, même
dans les cas désespérés, la nature prodigue encore quelques soins.
Amadou,
secoue-toi ! Tu sembles absent du monde et si loin de tes semblables !
Isolés, nous ne sommes plus rien. Nous ne pouvons
tenir les uns sans les autres ...
Regarde-toi !
As-tu mal aux dents pour te tenir ainsi la joue, comme un fardeau inutile ?
Notre disgrâce
est laissée pour compte du monde des blancs, il n’y a plus que nous.
Nous formons une
famille où le sort de l’un n’indiffère à personne !
Naguère à la
chasse, ton œil était vif et perçant. Mais alors, qu’as-tu fait de tes yeux
noirs et saillants qui rivalisaient d’audace avec les antilopes gerenuks ou les
phacochères ?
Je les ai vu
briller maintes fois pour l’une ou pour l’autre ; ou lorsque après les
semences, les récoltes étaient engrangées dans la hutte de ton grand-oncle, au
centre de notre village.
Amadou, j’ai peur
du vide ! Ton regard s’est obstrué et ne laisse entrevoir qu’amertume, peine,
misère, lassitude et le renoncement prématuré d’un jeune homme de 25 ans.
C’est un masque délavé d’où ne filtre plus la moindre
larme, ni la moindre étincelle.
Réveille-toi
Amadou, tu as le cuir tanné des chasseurs et du sang rouge dans les veines.
Il chauffe nos corps.
Résigné, que penseront nos aînés ? Quels exemples pour nos enfants ?
Amadou, même avec
le ventre vide, tu as des bras habiles, des jambes et des épaules solides, une
tête bien faite, plus que jamais nous comptons sur toi :
La dépression est un luxe auquel nous ne pouvons souscrire.