Nisco,
Libre à vous de rappeler à chaque message ma confusion entre le romanche et l’alémanique. Avez-vous au moins lu l’article d’un sous-directeur de l’Unesco, dont j’ai mis le lien, sur les difficultés que la multitude des dialectes pose aux pays africains en matière d’organisation de l’enseignement ? Et la discussion d’Agora Vos sur le recul du français scientifique ? Celui sur le recul du français dans l’Union européenne ? Quelles que soient nos divergences sur la richesse que constitue le plurilinguisme, il faut rappeler qu’en France, ce n’est pas la diversité linguistique qu’on a introduite à l’école primaire, mais l’anglais obligatoire (à plus de 80%, sans choix des parents), et de plus en plus tôt. On en est à devoir manifester ou pétitionner pour le simple droit de travailler en français en France...
Sur la Suisse, je laisse la parole à ceux qui la connaissent mieux : Ci-dessous un extrait d’un article de Arun Bolkensteyn, Bussigny (VD) Mercredi 14 février 2007, dans Le Temps (2007) :
"Ce qui est par contre inacceptable, c’est le fait d’imposer une langue étrangère au détriment du français et au mépris de la liberté de la langue (qui garantit le droit de bénéficier d’enseignements et de passer des examens en français). Cette généralisation de l’anglais remet en cause, à terme et dans certaines branches (l’économie ou la biologie par exemple), l’existence même du français comme langue académique. Une langue n’est pas un simple outil de communication, mais touche aussi à des questions d’identité, surtout dans un pays plurilingue comme la Suisse. Si l’on veut vraiment des programmes universitaires (majoritairement) anglophones, c’est au niveau politique que la décision doit être prise. En cette période électorale, il est donc souhaitable que les partis et candidats se penchent sur la question."
Toujours sur Le Temps, Anne Fournier, Lundi 27 novembre 2006 :
’Et Zurich, au-delà de son statut de centre démographique et économique, représente un cas particulier. C’est ici que l’ancien conseiller d’Etat Ernst Buchor a réveillé les passions avec sa décision, en 2000, de reléguer le français aux oubliettes pour proposer d’abord l’anglais aux jeunes. La colère avait alors été vive de l’autre côté de la Sarine. En 2004, la CDIP a calmé les esprits -temporairement- avec le modèle 3/5 recommandant l’enseignement de deux langues étrangères en primaire, dont l’une nationale, mais sans préciser l’ordre. Depuis, près de 14 cantons ont suivi la voie zurichoise - et choisi de commencer avec l’anglais."
Loin de moi l’idée de me moquer d’une situation où l’on respecte la langue des autres groupes, mais je n’y vois pas la réussite d’un plurilinguisme heureux. Car si les Suisses avaient réussi à devenir tous polyglottes de bon niveau dans leurs quatre langues nationales, l’envie d’adopter l’anglais comme langue commune serait-elle si forte dans une partie de la population ? Surtout si l’on considère que le français et l’allemand sont (en théorie du moins) langues-pivot de l’Union européenne.
Continuons en changeant de pays, avec un exemple de difficultés linguistiques en Belgique :
Par Alexandra Bogaert - Libération Vendredi 8 septembre 2006 : "Dans cette petite bourgade belge, le maire a interdit l’usage de toute autre langue que le néerlandais à l’école, dans les relations, écrites ou orales, entre parents et enseignants ainsi qu’entre enfants. Des élèves envoyés au coin quand ils interpellent leurs camarades de classe en français. Ça se passe à Merchtem, petite bourgade flamande, au nord-ouest de Bruxelles. Au coeur de la Belgique, terre de deux langues, française et néerlandaise. En interdisant l’usage de toute autre langue que le néerlandais à l’école, dans les relations, écrites ou orales, entre parents et enseignants ainsi qu’entre enfants, le maire libéral de la ville, Eddie De Block, relance la polémique linguistique entre wallons francophones et flamands néerlandophones. Il a pris sa décision le 30 août, quelques jours avant la rentrée scolaire. Officiellement, le but est d’« accélérer l’intégration » des non-néerlandophones, qui ne représentent que 8% des 1400 élèves scolarisés dans les écoles communales. Une petite minorité installée récemment dans la bourgade, et qui sont vus d’un mauvais oeil par les natifs de Merchtem. Ces francophones sont pour la plupart des exilés bruxellois qui déménagent dans la campagne flamande environnante. A Bruxelles, située au cœur de la région flamande -donc néerlandophone-, 90% de la population s’exprime en français. Luc Wilocx, le directeur de l’école « De Plataan », dans le centre de Merchtem, soutient la décision du « bourgmestre ». Selon lui, les enseignants éprouvent en effet « de plus en plus de difficultés à communiquer correctement avec les parents » non-néerlandophones. Lors des réunions avec les enseignants, les parents francophones seront autorisés à se faire accompagner par un interprète ou par leur enfant. Les familles sont censées adhérer au projet pédagogique. Si ce n’est pas le cas, elles n’ont plus qu’à changer leur enfant d’établissement..." Le parti francophone FDF a qualifié d’« affolante » cette mesure, diversement appréciée des parents d’élèves. Une mère flamande et bilingue considère que cette décision est « ridicule. On ne va tout de même pas interdire à un frère de parler en français à sa soeur dans la cour de récré ».
Quand je lis régulièrement des exemples de difficultés linguistiques chez les voisins, je n’ai pas besoin de jouer les explorateurs de l’Afrique pour m’autoriser à penser que vos déclarations sur la richesse que les nombreux dialectes représentent pour les pays d’Afrique sont fortement idéalisées, loin des réalités. L’Unesco est certainement aussi informée que vous sur les problèmes d’éducation. http://www.aulaintercultural.org/article.php3?id_article=372
On est plutôt en train de débattre du plurilinguisme, sujet sur lequel j’envisageais d’ailleurs un article, que des difficultés respectives des langues, mais poursuivons :
Apprendre quelques formules de politesse et quelques phrases basiques est effectivement une marque de respect vis-à-vis des gens chez qui on voyage (et rien ne vous autorise à penser que je ne le fais pas), mais de là à dire que ça permet de découvrir l’âme d’un peuple et de dialoguer, non. On baragouine du charabia dans une totale incompréhension réciproque, c’est tout.
Vous pensez avoir compris ce que je voulais dire. Je pensais avoir été plus clair : le plurilinguisme est une richesse, mais il est le fruit de circonstances particulières, pays à plusieurs langues nationales, langue régionale, familles biculturelles, ou vocations linguistiques, exigences professionnelles, expatriés. Rien ne permet de penser qu’il soit souhaitable et possible de l’étendre à toute la population.
Par ailleurs, je maintiens que c’est une richesse qui n’est pas supérieure à toute autre connaissance que l’environnement familial nous aurait permis d’apprendre : la musique, par exemple, qui est d’ailleurs une langue internationale, ne me paraît pas inférieure. On a trop sacralisé les langues et ce plurilinguisme n’est qu’une idéologie parmi d’autres, thèse fort bien expliquée dans un article de la revue Le Français dans le monde (revue garantie totalement opposée à l’espéranto) : Jean-Claude Beacco Professeur à la Sorbonne Nouvelle (Paris 3) Revue Le français dans le monde, Mars-avril 2001 - N°314, « Les idéologies linguistiques et le plurilinguisme » http://www.fdlm.org/fle/article/314/ideologies.php
Les chantres du plurilinguisme devraient admettre que notre cerveau et notre temps sont limités, et que, pour la plupart des gens, on a tout simplement pas envie de bosser comme des dingues pour parvenir à un bon niveau dans trois langues étrangères, et de se taper des films en VO chaque semaine dans ces mêmes trois langues pour se maintenir à niveau, surtout que sans immersion linguistique et sans pratique régulière, c’est mission impossible. En plus court : on a pas que ça à faire ! Je veux bien croire que les gens du métier, polyglottes, pédagogues, enseignants, s’illusionnent parce que leur métier déforme leur vision des langues en les sacralisant, mais les politiciens, eux, savent pertinemment que ce sont des balivernes, que le plurilinguisme n’est pas une solution à la compréhension entre européens. En vérité, ils nous poussent vers l’anglais de toutes leurs forces, sans en débattre, ni à l’Assemblée ni dans les médias.
27/08 16:10 - Neyane
Article très intéressant qui me rappelles certains articles pro espéranto, cela m’étonne (...)
17/06 01:45 - valer
Article très intéressant ! Toutefois si vous voulez répondre à votre question de départ (Y (...)
04/03 21:49 - Gentil diable
Tant qu’à simplifier la numérotation, je ne vois pas en quoi « octante » et « nonante » (...)
22/02 16:32 - Rocla
Ce qui est sidérant , c’ est l’ incroyable adaptabilité des enfants en dessous de (...)
22/02 15:36 - skirlet
Nisco : non, je ne vois ai pas attribué des choses, c’était juste ma conclusion à partir (...)
22/02 13:07 - nisco
Merci Skirlet de t’immisser dans notre discussion ce qui lui permet de devennir encore (...)
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