« ils ont bonne mine mes
horizons... car pour les élargir et sortir de soi faut-il encore
avoir l’espace d’ouvrir les bras. »
On ne
sort pas de soi seul. Ni collectivement. Mais d’abord savoir :
soi ou moi ?
C’est
que ce n’est pas la même chose, derrière les mots. Bien que les
mots ne soient que des mots, signes vers la chose, il
faut bien qu’ils lui soient liés autrement que par de l’arbitraire
pur, sinon à quoi sert leur histoire ? A quoi sert ce qu’ils
sont dans leur « sacre », prétexte à massacre ?
Donc
supposons, sortir de l’ego.
L’horizon
casanier peut être infini à condition qu’il ne se donne pas de
limites, oui. Les limites ne viennent pas de lui, lui qui est la
première d’entre elles. De là dire qu’elles viennent de nous, il
n’y a pas qu’un pas, justement. L’infini qui fait l’expérience du
fini fait face à des limites qui tiennent à sa nature de grain de
sable dans le désert des mondes, donc des limites qui n’en sont pas.
La limite n’est qu’une fixation vitale momentanée sur un passage
infranchissable.
On ne
navigue pas par gros temps, y compris en soi, où les gouffres sont
sans fond dès que l’on abandonne l’ordre du monde que nous incarnons
sans plus rien vouloir en savoir. L’ordre est désormais considéré comme
une limite inhumaine bouchant un horizon désiré démesuré.
Pourquoi confondons-nous désormais infini et démesure ?
Comment avons-nous « fini » par croire que l’infini était
une absence de mesure ?
En
exilant cette part de soi, au nom d’un moi dominant, qui sait depuis
toujours que tout est don, et que l’échange infini exige des
qualités non mesurées, impensables et naïves, comme celles ces
bêtes industrielles que l’on tue littéralement « avec leur
amour », comme dans La Ligne verte, le film.
Nous
sommes ces bêtes à face d’ange déchu, prisonnières du mal de
vivre encagé, scrutant sans fin l’horizon derrière les barreaux
de leurs idées fixes circulaires : le centre est partout et le
cercle nulle part. Celui du moi, le plus impitoyable plomb dans
l’aile, le centre du zoo bouchant l’horizon.
Pour
ouvrir ses bras, l’espace intérieur est illimité : personne
n’a de problème de territoire.
Mais
comme l’oisillon ou même l’aiglon, il faut se jeter dans le vide, du
haut de la rassurante falaise du moi. Ce n’est pas l’espace qui
manque, c’est le Souffle, la Confiance. Cette lumière, qui à
certaines heures étranges du jour seulement, fait qu’on accepte tout, ouvert,
par delà le pire. Cet espace-là, c’est la face heureuse de
l’absence de limites, le temps d’un instant enfin libéré de la
peur.
Le passage.