Horizons

Horizons cursifs épiloguant sans fin des rondeurs de la femme, des courbes d'un chemin, chimères en écheveau mouvantes qui s'étirent, se rassemblent et se ressemblent enfin.
Vous nous guidez, repères, ou nous perdez dans un vide anodin ; vous nous guettez, on vous quête, on vous espère en vain.
Retourne-toi, la terre est ronde, l'avenir est derrière, il va plus vite que toi, l'horizon est nos limites juste, et pourtant, on peut...
Sont-ils nos rêves ? Les mêmes depuis toujours jamais atteints
Sont-ils nos attentes ? Illusoires enfantines qui nous rivent au ravin
Sont-ils notre beauté ? Notre art, le trajet de la flèche de nos cœurs enflammés ?
A-t-on idée de l'horizon d'un aigle, d'un martinet ?
Quand mon esprit borné a poussé les rondeurs de ma mère et découvert celles au loin de la mer, de la Terre, quand mes yeux atrophiés ont deviné autour les contours de ma tour de contrôles, alors mon cœur a bondi et mes pas ont franchi l'arche de lumière..
Le ventre d'une jument, l'horizon du poulain qui tète ou bien le profil d'un rocher qui borne ma vallée, un ciel bas de nuages remuants, les arbres de l'allée, les découpes acérées des crêtes dont le passage au col n'est qu'un trait-d'union qui lie ce que la roche sépare ; mes horizons, mes territoires.
Nos horizons nous protègent par leur familiarité, les habitants de la Pampa le savent bien qui errent et serrent les fesses sur le dos de leur mule, harassés d'espace et de vent.
Nos horizons fanés foulés et négligés, certains de parvenir jusqu'au bout de la nuit en ramant fort mais forts de notre croyance en nous ; il y a bien un bout au tunnel, non ?
Oui, le bout c'est la mort, pauvre Homme imbécile ; oui, le bout c'est l'impossible d'aller plus loin car le combat cesse quand il n'y a plus de combattants, et nous le savons bien ! Mais, aujourd'hui c'est pas pareil, nous sommes tellement plus malins !
Nos horizons poétiques sont nucléaires, d'explosions, de déchets, chimiques, de gaz, de poisons, privations, d'air pur et d'eau, nos horizons chimériques sont de plastiques accumulés dans une mer morte après avoir réjoui dans les sabots les petits enfants, et des grands parasités au cerveau lent. Nos horizons joyeux sont tout faits de chimie régulatrice, de chirurgie réparatrice, d'attaques pernicieuses de molécules hargneuses défiant la science tandis que les petits parfaits de leur bocal extraits défieront les horizons défaits.
Il nous suffit d'admettre pour survivre, d'adhérer pour vivre et de s'enthousiasmer pour être heureux.
Aujourd'hui, la sélection passe par là, sauf à ce qu'on nous troue la peau parce qu'on n'est pas au bon endroit, ou à crever de faim pour les mêmes raisons..
Je me suis assise sur un caillou un peu haut, mes pieds ne touchaient pas le sol, c'est très confortable cette réminiscence corporelle d'enfance, et je regardais mes horizons. Ils sont assez lointains pour moi même au galop d'un cheval, je ne m'y sens pas prisonnière, mais je suis casanière, c'est vrai.
Il avait fait une erreur de calcul infime sur le parcours d'un satellite, il était bien payé et pour se distraire le soir, il allait boire dans une boîte de nuit à karaoké ; c'est la mode à Singapour. Cette erreur lui fut fatale, il habitait au trente sixième étage d'une tour, vitrée, il sauta ; il avait trente-six ans.
Un jour, ils se découpent sur un ciel d'orage, le lendemain c'est l'orange des stratus qui les allonge ; à la lumière tout change et pour connaître et aimer chaque endroit de ce lieu limité, il me faudrait trois vies qu'à y faire ; mais soudain les larmes brouillent ma vue, tout s'arrête à l'arête de mon nez, je pleure sur moi, avec chaleur et tant de conviction que tout s'en ratatine et contamine mes rimes et ma mine assassine, je suis vautrée de peine de chaos de chagrin de sourds pressentiments. Mais la peur m'a quittée. Sauvagement. Un peu écorchée, je suis restée sur le flanc, mais remise et cicatrisée aujourd'hui, je ne m'en ressens, plus.
Pourtant rien ne me protège ni dessein ni destin ni amour ; il s'agit d'autre chose, ce n'est plus une sécurité, un foyer, un allant de soi ou une insouciance, ce n'est pas une indulgence, un quant-à-soi, une notoriété, ce n'est pas non plus l'action d'une mission qui aveugle, une passion, fanatisme ou superstition, religion ou chaperon, non, c'est tout bête : la sagesse de la fatigue.
La sagesse qu'apporte la fatigue car, si certains fonctionnent en trop plein permanent qui laisse déborder ce qui n'est pas trié, d'autres, dont je suis, se laissent submerger, en apnée un temps infini, c'est un instinct de vie que de tout laisser ; rendez-vous compte :
Le monde dans lequel nous vivons ne laisse pas de répit ou peu, pour quiconque est lucide et exigeant ; je ne prête à personne assez d'intelligence, même perverse, pour vouloir et prévoir non seulement toutes les régressions que nous subissons ou auxquelles nous assistons mais pour envisager la moindre réussite d'un plan machiavélique qui consisterait à sortir du jeu une partie importante de pions, inutiles, et d'autres dangereux ; pourtant, les théories du complot ont quelque chose d'intéressant dans la crudité donnée à une vérité que l'on dénude de tous ses oripeaux d'acceptabilité et de fatalité. Elle sonne mais réveille cette vérité du possible, elle enquête et examine et toute sa thérapie consiste à dépouiller le monde de ses complexités accessoires. Elle synthétise et le faisant elle rend compréhensible et accessible une réalité qui, au fond, est universelle, éternelle et très sommaire, parce que l'homme est sommaire et simple, identique depuis toujours.
Chomsky nous dit que les affaires du monde sont compréhensibles pour un enfant de quatre ans, et j'étais bien contente de le lire parce que c'est ce que j'avais noté depuis longtemps !
Le risque d'une telle description est de prendre les collines qui dominent notre vallée pour les sommets ; il suffit de monter sur une d'entre elles pour s'apercevoir de notre erreur ! Je pense qu'au fond, c'est nous qui sommes limités et avons besoin d'ordre, de rangements donc, de maîtrise et que cette mesquine propension à se sécuriser est cause de bon nombre de nos maux ; c'est paradoxal, n'est-ce-pas.
Le besoin satisfait d'appréhender le schéma général de ce qui me blesse et me coince, satisfait aussi celui de tracer le chemin de mon possible, un sentier plus qu'un chemin qui tentera d'éviter les écueils fatals mais affrontera les obstacles, dégager ça et là, à la serpette, les fourrés trop obscurs ou les lianes entravant mes pas, cela suffira ; il y aura peut-être une clairière et pourquoi pas, une rencontre.
Je vis, je suis vivante et les larmes me viennent devant cette évidence.
Il n'y a rien d'anodin dans cette évidence pourtant, car le combat n'est jamais le fait de tous, ni l'implication dans les affaires du monde ; il est naturel de paître en paix, et de fuir à la moindre alerte ; c'est ce qu'on nomme aveuglement, indifférence ou égoïsme !
Si l'on fait partie de cette part d'humanité prédatrice - ce que l'on désigne souvent par dominants - il est naturel de chasser, d'être en alerte, d'attaquer, de garder son territoire et de se garder du nomadisme.
Nous voyons bien que tout est mêlé, emmêlé.
Ainsi il me semble que l'horizon que l'on néglige est celui qui se trouve en dessous de nous, nos racines, ou derrière nous, notre passé ; si nous envisageons ou rêvons de repousser nos limites, de grimper éternellement sur le sommet le plus proche, dégringoler pour recommencer au suivant, cela n'a guère d'importance tant que rien n'est imposé à l'autre, mais pour soi comme pour tous, savoir être arbre et savoir que nous ne sommes qu'un infime maillon négligeable - chose que l'on ne peut ressentir que situé -, est d'une urgence primordiale si l'on veut continuer de caracoler par monts et merveilles !
Aujourd'hui filent les météores qui naguère furent étoiles ; il n'y a plus de grands hommes ni plus de bonnes femmes, nous sommes dans une fête foraine qui nous saoule et il n'y a plus que les grimpeurs qui fixent leurs pitons ; dans la surabondance et la surpopulation, dans l'agitation et l'excitation, ils ont bonne mine mes horizons... car pour les élargir et sortir de soi faut-il encore avoir l'espace d'ouvrir les bras.
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