Bonjour, Jean.
Je riais de bon cœur au soir des élections allemandes en entendant les
journalistes, tous unanimes, parler ici d’une « victoire éclatante »,
là d’un « triomphe » de Merkel. C’était, à ce niveau de
responsabilité médiatique, méconnaître de manière ahurissante le
fonctionnement des institutions allemandes et les mentalités qui prévalent dans
la vie politique de ce pays. Dès lors que Merkel n’avait pas la majorité, elle
était contrainte à une coalition, sauf à retourner devant les électeurs pour un
résultat des plus aléatoires et en donnant de surcroît une image brouillée de
son pays. Une coalition qui, compte tenu des résultats et du contexte politique,
passait par le SPD. Un SPD dont il était évident qu’il monnaierait très cher sa
participation, notamment en imposant l’instauration de ce salaire minimum qui
avait été au cœur de ses engagements.
Et ce qui devait arriver s’est bel et bien produit : bien que gagnante
auréolée de sa « victoire éclatante », Merkel a dû céder sur
ce point capital contre son gré. Belle illustration du pragmatisme allemand.
Cette nouvelle est, comme tu l’as souligné, excellente pour notre économie,
l’Allemagne étant placée dans l’obligation de réévaluer de manière parfois
importante (jusqu’à 3 euros de plus par heure
de travail) des centaines de milliers de salaires, notamment dans des secteurs
où nos activités industrielles ou agroalimentaires étaient en grand danger en
raison du différentiel important du coût du travail entre les deux pays. Nous
verrons ce qui en sortira, mais si le patronat allemand fait la gueule, le
patronat français a, quant à lui, de bonnes raisons de se réjouir, et avec lui
les ouvriers qui verront leurs emplois préservés.
Cet épisode de la vie politique allemande ouvre d’ailleurs des perspectives
au niveau de l’Union européenne. Merkel ayant démontré qu’elle pouvait, dans l’adversité,
faire preuve de pragmatisme, cela ouvre potentiellement des perspectives à une
coalition des pays du sud de l’Europe, unis, sous peine d’éclatement de l’UE,
pour tenter d’imposer à la chancelière une renégociation des traités en vue notamment
de les assouplir et de modifier le fonctionnement de la BCE. Qui sait si Merkel
ne montrerait pas alors le même pragmatisme ? Car une chose est sûre :
un effondrement de l’Union serait une catastrophe économique pour tous, y
compris son propre pays.
Cordialement.