Pragmatique, Mme Merkel adopte, à contre cœur, un salaire minimum en Allemagne
Angela Merkel s’apprête à conclure un accord avec le SPD afin de former son troisième gouvernement. Ayant raté de peu la majorité au Bundestag, elle se trouve face à une majorité de fait de gauche en face d’elle, qu’elle ne peut désamorcer qu’avec un contrat d’alliance en bonne et due forme avec le SPD. L’exploration de la piste des Verts n’ayant, comme prévu, rien donné.
Mais un tel accord passe par des négociations et donc des concessions…. Etrange pays que l’Allemagne, celle qui est apparue comme vainqueur des élections se voit contrainte d’engager la pire réforme qui soit pour elle et son camp : un salaire minimum généralisé… Coup de tonnerre, Angela Merkel a déclaré hier : "Nous allons décider des choses que, au vu de mon programme, je ne considère pas comme justes, parmi elles un salaire minimum généralisé".
Oui, alors qu’elle réaffirme clairement qu’une telle mesure n’est pas juste, elle s’apprête à la mettre en œuvre… C’est un peu schizophrénique, et pourtant c’est ce qui va se passer. Les deux grands partis de gouvernement d’Allemagne vont gouverner ensemble à partir d’un programme commun, où l’emblématique salaire minimum généralisé va figurer. Les Sociaux-démocrates allemands n’ont pas lâché et ils ont eu bien raison.
Ce spectaculaire recul de la Chancelière a fait l’effet d’une bombe, dans son propre camp, mais surtout chez les patrons allemands. L’absence jusqu’alors de salaire minimum était largement mis en avant comme un atout pour l’Allemagne dans sa domination économique. On oubliait un peu vite que ses « bons résultats » économiques se faisaient au prix de la misère pour un grand nombre de salariés allemands ; car les accords par branche se faisaient au plus bas… on parle d’un minimum horaire de 8,5 euros, alors que dans les faits aujourd’hui la pratique tourne parfois jusqu’à 5 ou 6 euros. Le bond est spectaculaire pour les ouvriers allemands.
Le chef du gouvernement de Saxe-Anhalt (ex Allemagne de l’Est) déclarait il y a encore peu que « Le salaire minimum fixe a ruiné l'Allemagne de l'Est, Nous ne devons pas refaire la même erreur ». Cette situation oblige Mme Merkel a faire toute sorte d’acrobaties verbales afin de pas mettre en péril cet accord indispensable pour elle, si elle veut encore gouverner l’Allemagne.
Réalisme oblige, elle doit bien aller de l’avant et affronter son patronat vent debout contre une telle mesure et annonçant déjà la fin du ‘plein emploi » et des centaines de milliers de licenciements à venir. La lutte des classes n’est donc pas toujours si loin, chaque fois que l’on essaye d’améliorer un tant soit peu les conditions de vie des travailleurs.
Cette mesure présente pour la France un avantage de taille, François Hollande ne s’en privera pas… pour une fois c’est bien l’Allemagne qui vient sur les positions françaises dans un effort d’harmonisation des politiques économiques. Et cette fois ce sont, bien entendu, les patrons français qui se féliciteront, à voix basses, d’une telle mesure qui va les aider dans leur lutte pour la compétitivité face aux allemands.
On voit bien que c’est par une approche politique, que les problèmes d’harmonisation auxquels se heurte l’Europe, pourront trouver une solution. Les élections européennes à venir sont à prendre en considération pour « pousser » encore plus dans le sens d’une Europe sociale. La CFDT ne s’y est pas trompé en publiant ce communiqué » : "L'annonce d'Angela Merkel est une bonne nouvelle pour le renforcement du socle social européen, qui devrait aller de pair avec l'approfondissement du marché unique de l'Union".
26 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON