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Commentaire de Bubble

sur L'Affaire Séralini rebondit


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Bubble Bubble 2 décembre 2013 12:07

Bonjour, Martha.
D’abord, un petit constat sur la forme, vous ne pouvez pas prétendre argumenter scientifiquement en terminant par « un point c’est tout ». Qu’on soit pour ou contre quelque chose, le minimum c’est la remise en question.

Un voisin de bureau a été chargé de la discussion statistique sur l’étude de Séralini, et j’ai confiance dans sa compétence comme dans sa probité. Si vous voulez voir la discussion, j’ai posté un lien plus haut. Pour résumer, je ne suis pas compétent pour parler de la méthodologie biologique de l’expérimentation, mais en terme de statistique, j’ai vu les chiffres et il est clair que le nombre de rats soumis aux tests est très insuffisant, au point que si on retire un seul rat malade de l’étude, les résultats sont inversés. Bref, statistiquement ce n’est pas concluant.
Mr. Séralini évoque à ce sujet un manque de moyens, ce qui est plausible vu les circonstances de la recherche publique aujourd’hui. Le gros avantage d’avoir fait passer l’étude dans les journaux est justement celui d’avoir intéressé les politiques et d’avoir pu récolter des fonds pour mener des études plus complètes. L’autre avantage, répétons aussi, est celui de montrer que les études de Monsanto sont tout aussi peu fiables, même si dans ce cas on ne dispose pas des données brutes qui sont gardées sous secret industriel.

Au sujet des OGM, je dirais qu’il faut déjà séparer la méthode de modification génétique des pratiques qui y sont associées par les industriels.
Il est relativement clair que l’OGM de blé qui rend la plante résistante au round up est nocif, puisqu’il permet d’augmenter les doses d’herbicide -> De fait cet OGM est refusé en Europe.
Pour le maïs Mon810, la seule variété OGM cultivée en France, il y a bien une raison pour qu’elle ait été autorisée : la variété possède la capacité à produire du pesticide pour lutter contre la pyrale qui est un ravageur important près des frontières espagnoles, mais de façon ciblée, seulement dans la tige, là où vient attaquer la pyrale. En résultat, il y a théoriquement moins besoin de pesticide (même si les pratiques agricoles ne suivent pas toujours), ce qui représente une amélioration sanitaire (très peu de pesticide dans les grains, moins qu’avec épandage extérieur de pesticide) et environnementale.

Pour votre gouverne, Limagrain fait aussi des tests d’OGM. Il y a des différences notables entre Limagrain et les gros semenciers américains, sur le plan de la politique commerciale : Limagrain est habitué à travailler avec des exploitations agricoles de petite taille, le paysage agricole traditionnel européen et africain. Monsanto est adapté aux empires agricoles américains, et il est clair que la bataille économique qui se joue autour des OGM est une opposition entre ces deux modes d’agriculture. La dépendance aux semences est faite pour favoriser les gros exploitants, Monsanto le reconnait d’ailleurs.

A propos de la conclusion de l’article : Malheureusement, le buzz causé par l’article de Séralini tend à montrer une dérive de l’opinion publique, qui est celle de ne considérer le risque associé aux OGM que sous son aspect alimentaire et d’oublier les autres risques. De fait, si les études comme celle de Séralini sont rares, c’est parce que biologiquement parlant, la technique OGM en elle même n’a pas de raison de causer un danger pour l’alimentation ; ça dépend surtout du caractère qu’on donne par modification génétique : une plante qui produit elle même son pesticide est dangereuse.

En revanche, les études européennes sur les OGM concernent en majorité les moyens de contrôler que l’ADN OGM ne se répand pas dans la nature au détriment des variétés cultivées non-OGM voisines et des espèces sauvages qui peuvent être contaminées par pollinisation, avec le risque de diminuer la diversité génétique naturelle ou agricole de l’espèce. (Ça ne concerne pas que les OGM mais toute agriculture produisant des clones)
Par exemple, les piscicultures de saumons au Canada ont quelques fuites et les saumons qui s’échappent viennent contaminer les saumons sauvages canadiens.
Là encore, la question c’est quoi et où : il n’y a pas de maïs sauvage en France, et de nombreuses études ont pu montrer qu’éloigner les champs de maïs OGM des non-OGM de quelques dizaines de mètres, tout en décalant la date de semis de deux semaines, permet de contenir la contamination. Un argument supplémentaire qui explique l’autorisation du Mon810, il est traçable et ne pose pas de risque environnemental. De même, le coton OGM en Amérique du Sud n’est évidemment pas dangereux à la consommation (on ne le mange pas) mais fait des ravages sur la diversité génétique des espèces sauvages voisines. Cultiver du blé OGM en France est impensable avec toutes les espèces sauvages compatibles.

Dernier point sur les risques d’envahissement d’OGM sur le marché : d’une part, il y a des cas où on n’a plus le choix aujourd’hui. Le soja est importé à 93% en Europe du reste du monde, et le reste du monde produit de plus en plus OGM -> il n’y a plus assez d’offre de non-OGM, donc il faut reconnaitre que pour le soja on bouffe déjà de l’OGM. Et du soja, il y en a partout aujourd’hui, à commencer par l’alimentation du bétail. D’autre part, comme ça a été dit plus haut, Monsanto s’oppose à la vignette OGM (on non-OGM), et dans le cas d’une ouverture des marchés, les filières OGM et non-OGM ne seront peut être plus reconnaissables. (en cas d’ouverture des marchés, les petites exploitations européennes risquent aussi de couler à tour de bras, ce qui est le but premier de Monsanto : éliminer des concurrents) Enfin, l’Europe qui s’oppose à l’ouverture aux OGM a usé et usé de l’argument du principe de précaution sur le dossier et ne va plus pouvoir s’opposer sur ce plan juridique pour très longtemps encore.


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