« Pas beau, César, votre fatalisme vivement approuvé
par Arnaud ! »
Ce n’est pas du fatalisme, mais de la lucidité fondée sur l’observation.
« On peut certes penser que le passé n’a jamais été
guidé que par la raison et l’intelligence. »
On le constate.
« Mais je trouve répugnante la condamnation de l’homme,
roi, philosophe ou manant à ne pouvoir faire rien d’autre que chercher à
dominer, avec des résultats contrastés, ses instincts, sentiments et passions. »
Vous trouvez cela répugnant, parce que cela ne correspond à
l’homme dont vous avez besoin pour édifier le monde de demain, tel que vous le
souhaitez.
« L’altruisme, la générosité, la solidarité seraient
donc des chimères non-humaines ? »
Ce que j’appelle chimère, c’est la croyance que le monde de
demain sera édifié rationnellement par des gens raisonnables. Arnaud69 a rappelé
à quoi cette prétention conduit.
L’altruisme, la générosité et la solidarité sont
choses humaines, mais elles n’ont à voir ni avec la raison ni avec l’intelligence.
Elles sont frappées du sceau de l’affectivité et de la sentimentalité (sans
connotation péjorative).
« Victor
Schoelcher militant jusqu’à son obtention pour l’interdiction de l’esclavage
n’était donc pas un homme guidé par la raison et l’intelligence ?Jésus non plus
quand il acceptait de mourir sous la torture plutôt que de renier son message d’amour
et de paix universels ? Jean Moulin non
plus quand il luttait jusqu’à sa propre mort dans des conditions semblables
plutôt que d’accepter l’occupation et l’asservissement de son pays et de son
peuple ? Gandhi ou Nelson Mandéla non plus quand ils refusèrent, avec les mêmes
risques, les mêmes asservissements dans leur propre pays ? »
Vous ne vous en êtes certainement pas avisé, mais vous
considérez comme rationnels et réfléchis, les comportements qui vont dans le
sens de ce que vous estimez être le bien. Et cela vous dissimule la dimension
irrationnelle de tout engagement, « héroïque » ou pas.
Je vais m’en
expliquer, mais après vous avoir cité une dernière fois : « Gardons-nous,
parce que nous ne nous sentons pas personnellement capables d’héroïsme… »
L’héroïsme est un concept de spectateur. Aucun « héros »
ne pense « Je suis un héros », il dit, et ce n’est pas de la modestie,
« J’ai fait ce que je ne pouvais pas ne pas faire » et cette
impossibilité n’a rien à voir ni avec la raison, ni avec l’intelligence. Elle
est 100 % affective. C’est la raison pour laquelle, tout en leur reconnaissant
des mérites, je n’ai pas le culte des héros.
D’autant moins, au demeurant, que ce ne sont surtout pas eux
qui introduisent de la raison et de l’intelligence dans le monde, pour en
revenir à mon propos initial.