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Commentaire de Scual

sur Pour une dédiabolisation de la musique électronique


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Scual 15 janvier 2014 16:57

Effectivement cet article a complètement laissé de coté la raison de la diabolisation de cette musique : l’indépendance de ses artistes.

Dans les années 90 il s’avérait plus aisé de signer n’importe qui dans une major que de faire signer des DJ/musiciens/producteurs qui avaient presque systématiquement leur propre label... Non seulement ils ne signaient pas et étaient totalement indépendants mais en plus il étaient des concurrents !

Les radios serviles ont donc après quelques années d’hésitation ont donc dans la deuxième moitié des années 90 accepté de suivre les ordres et de se lancer tête baissée dans la promotion des deux styles musicaux exigés par les majors pour supplanter la « techno » (qui ne s’appelait pas encore « électro ») : le Rap suivi un peu plus tard du R’n B « pour les meufs » et le tour est joué.

Passons sur le fait que le Rap et le R’nB des années 1990/2000 sont dans 99% des cas de la musique électronique puisque fait avec des synthétiseurs, des sampleurs ou des sons complètement altérés par des logiciels, et pas avec des instruments enregistrés en live. A eux deux ils étaient loin de faire le poids artistiquement et créativement face à l’émergence d’un courant majeur comparable tout les 2 ou 3 mois. En effet c’est seulement APRÈS le lancement de ces styles par les radios que l’effet de mode les a fait croitre au point d’élargir la quantité de production loin au dessus des autres styles. Bref quand Skyrock à misé sur le rap au tout début y avait qu’une quinzaine de groupe crédibles dans toute la France et c’est le choix de Skyrock qui a entrainé la vague de Rap... y avait aussi une quinzaine de types crédible dans la plupart des autres styles de musique électronique... une question de choix arbitraire de la part de Skyrock a façonné la culture musicale de la jeunesse de ce pays, sans aucune exagération, c’est ça le pouvoir du monopole radios/majors. Et là je parle du Rap qui a vraiment pris rapidement, mais pour le R’nb à partir des années 2000, y avait tout simplement personne ! Il a fallu des années de martelage de R’nB américain avant d’en entendre du français, et encore qu’il a fallu que les majors les produisent elles mêmes ex nihilo...

Un style majeur tout les trois mois, c’était comme ça à l’époque avant que ça se calme vers 2000, une fois que presque tout ait été réinventé. Entre 1989 et 2000 une bonne centaine de styles sont apparus. La plus grande explosion créative musicale... de l’histoire de l’humanité (si, si), même si au niveau qualitatif, on reste généralement très loin de la musique scientifique (et vraiment hein, faut pas déconner). Les productions ont atteint une qualité sonore tout à fait comparable à toutes les musiques pop instrumentales du 20 siècle, jazz, blues, rock et autres inclus, à partir de la fin des années 90 grâce à l’amélioration des instruments et outils de production, ce qui n’enlève bien sur rien au génie créatif des morceaux crées avant.

Voila donc en termes de créativité pure ce qui c’est passé entre disons 1990 et 2005. Tout le rock des années 60 pourrait tenir dans seulement 5 ou 6 styles à tout casser. Voila l’ampleur de ce qui vous a été complètement occulté par les radios...

Ajoutez y une gigantesque campagne de dénigrement sur deux niveau : le plan artistique, comme si la plupart des groupes de pop avaient la moindre légitimité à prétendre avoir quoi que ce soit de supérieur, et bien sur cette fameuse drogue qu’on ne trouvait bien entendu absolument jamais dans les concerts ou boites de nuit où il n’y avait pas de techno, c’est tellement évident.

Bref la diabolisation de l’électro est en réalité ni plus ni moins qu’une opération de propagande des majors avec pour seul et unique but le maintient de leur quasi monopole sur le marché de la vente, de la production et de la distribution de la musique pour les années 1990/2000. Guerre gagnée grâce à leur relations incestueuses avec un autre monopole, celui des radios sur la diffusion.

Si vous croyiez que la mode est une question de gout, désolé de vous l’apprendre mais non, c’est le gout qui est une question de mode. A ce jeu là c’est la diffusion qui compte car on ne peut aimer que ce que l’on connait, pas ce qui nous est inconnu. Ainsi le jeu était couru d’avance, les majors ont gagné car elles avaient la télé et la radio derrière elles pour ne faire connaitre que ce que les majors décidaient que vous connaitriez et en faire automatiquement la mode que vous le vouliez ou pas.

L’effet néfaste de ce véritable attentat contre la libre circulation de la culture et preuve du caractère dictatorial des majors est à mettre en parallèle avec l’importance complètement occultée pour l’histoire globale de la culture humaine de cette révolution musicale.

On peut évidement en relativiser l’importance. Une grosse partie des « nouveaux » styles ne sont que des versions électroniques d’anciens styles instrumentaux, démontrant d’ailleurs la bêtise de certaines critiques pratiquant une sorte de « racisme » sonore absurde alors qu’ils écoutent de fait quasiment la même chose. Les limites des premiers instruments (ou outils, ça dépend desquels on parle) sont également pour beaucoup dans l’émergence de certains styles vraiment propres à la musique électronique. De même que la distorsion des amplis de guitare électrique est la vraie raison du rock, les séquenceurs et boites à rythmes sommaires des débuts sont la raison de la Trance, un certain synthétiseur de Rolland est même carrément à lui tout seul la seule est unique raison de l’apparition de l’acid. Mais tout cela n’enlève rien à l’ampleur du phénomène. Aujourd’hui le travail de post production sur n’importe quel album de « chanson française » est suffisant pour entrer largement dans la définition de musique électronique des début... en vérité il n’y a plus que ça. Et à ce propos je laisse de coté la question de la « loudness war » qui à elle seule démontre que c’est bel et bien tout les styles qui sont touchés par le travail des ingénieurs du son qui s’il n’est pas forcément artistique et bel et bien présent dans tout les style et totalement électronique...

En vérité cette musique n’est pas un style musical, elle est la multiplication par l’infini des possibilités des anciens styles musicaux, autrefois cantonnés à un nombre réduit d’instruments et de notes et désormais ouvert à tout les sons et tonalités pouvant être entendus par l’oreille humaine, INSTRUMENTS INCLUS. La musique électronique n’est ni une mode, ni un style mais une révolution sans précédent de la production musicale. Elle permet aux artistes d’utiliser pour leur musique potentiellement l’ensemble des sons audibles par l’oreille humaine. Rien ne peut aujourd’hui rendre justice au choc que pouvait provoquer l’expérience de certains « nouveaux sons » au caractère tellement « différent » de tout ce qu’on connaissait qu’il faudrait comparer à découvrir une nouvelle couleur. Aujourd’hui on a tout entendu et on ne peut pas faire comprendre le caractère résolument pionnier des débuts. Il ne peut pas y avoir de nouvelle révolution de cette ampleur avant que l’on ait amélioré les capacités de l’oreille elle-même... tout un programme.

Personnellement je ne crois pas que cette musique soit toujours diabolisée aujourd’hui. Certains styles sont dénigrés par certains mais on est loin de ce qu’on pouvait entendre au plus fort de la campagne anti-techno des années 90. Il y a même des milieux ou il fait très élitiste de dire que l’on écoute certains styles dont le seul nom fait prétentieux. Il faudrait juste enseigner le gout des beaux sons, et apprendre aux gens comment appréhender la musique répétitive ou « qui monte », qui est incompréhensible pour beaucoup d’entre eux. Cela dit il est effectivement peut-être temps de revenir sur cette période en la jugeant enfin pour ce qu’elle est plutot qu’en parlant des années Rap ou du succès de la BO de Titanic...


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