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Commentaire de Luc-Laurent Salvador

sur « Nudge » : un petit coup de pouce aux grands effets, ou comment le Nudge peut orienter vos décisions


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Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 29 janvier 2014 12:28

Bravo à l’auteur pour cet excellent article, riche et très bien référencé qui éclaire un aspect pas forcément bien connu de la recherche au carrefour de l’économie et de la psychologie.
La réaction de Hunter est attristante mais compréhensible car il est très clair que, malgré les éloges qu’il mérite, cet article présente un défaut sérieux : il est aussi lisse que possible, avec juste un début d’esquisse de controverse concernant la possibilité de manipulation via le Nudge.

La chose amusante est que c’est ce petit grain de sable qui est le plus révélateur du caractère très « lisse » de l’article au point que oui, il peut sembler, en effet, relever d’une forme de publicité bien qu’à mon sens il n’en est pas et constitue, de par son caractère incontestablement informatif un article de qualité qu’Agoravox peut s’honorer et se féliciter d’accueillir.

Revenons à ce grain de sable : il est révélateur de ce quelque chose ne va pas dans la mesure où, comme l’arbre qui cache la forêt, il masque l’immense plage des résultats de la psychologie sociale qui, depuis largement plus d’un siècle a démontré, preuves incontestables à l’appui, la parfaite (sic) irrationnalité de l’homme de la rue.

Autrement dit, l’économie comportementale ne semble novatrice que par effet de perspective, dans le contexte d’une théorie économique imbécile (quel autre mot ?) en cela qu’elle postulait un homo oeconomicus qui serait un agent parfaitement rationnel pour maximiser son intérêt.

Un tel postulat dans le contexte de ce que l’on connaît scientifiquement du comportement humain via la psychologie sociale (et notamment de ses travaux portant sur les dynamiques collectives et leurs ENORMES processsus d’influence dont sont issus toutes des techniques de propagande qui seront bientôt centenaires) est le signe très sûr d’un « autisme mental » assez caractéristique des mathématiciens qui se piquent de modéliser le réel en se donnant toutes les conditions initiales confortables pour résoudre leurs équations en se fichant complètement de savoir si elles sont vraisemblables ou pas.

Pour qui a une once de psychologie, la théorie économique classique, en tant qu’elle est basée sur l’hypothèse d’un agent rationnel est une pure fadaise destinée à raconter à peu près ce que l’on veut aux politiciens qui n’y comprennent rien, d’autant moins que des philosophes se seront piqués de déblatérer à partir de telles hypothèses.

Autant dire que l’approche de l’économie comportementale est la bienvenue au sens où, de par son son axiomatique, elle est et plus réaliste et donc, plus plausible.

Toutefois, elle ne peut pas ne pas laisser un goût de « big manip » précisément parce qu’elle se construit dans un déni de tous les travaux antérieurs de la psychologie sociale qui avait suffisamment établi qu’il est vain de chercher de la rationalité derrière le comportement de l’homme de la rue dans sa vie de tous les jours.

Bref, l’économie comportementale est le pur produit d’un marketing intellectuel assez irritant car in fine terriblement conformiste puisque continuant à favoriser la vision mensongère d’un individu autonome, indépendant du groupe et dont les processus cognitifs présenteraient seulement quelques biais pendant que la réalité de l’humain comme intrinsèquement mimétique, moutonnier continue à être tue, de sorte qu’on peut continuer à jouer à gogo de ce biais maximal qui consiste pour chacun à croire que son comportement découle d’une décision qu’il a prise en toute indépendance, cad, librement et rationnellement, PARCE QUE, par principe, chacun se pense libre et rationnel dans ses processus de pensée et de décision.

Si le grand public était éduqué à cette réalité de son fonctionnement cognitif, il deviendrait un dangereux obstacle au bon fonctionnement panurigque que le système entend perpétuer afin de maximiser son pouvoir sur les masses. Le catéchisme de l’individu libre et autonome comme élément constitutif du mythe démocratique a encore de beaux jours devant lui.

Ne serait-ce que par la volonté farouche avec laquelle chacun tend à refuser de reconnaître sa nature intrinsèquement mimétique.

Voilà, c’était un peu long, mais j’ai dit tout ce que j’avais à dire. Merci à ceux qui m’auront lu jusques là smiley


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