avant tout, je tenais à vous remercier pour le commentaire constructif que vous apportez.
Pour tenter de répondre à votre question, je n’apporterais que quelques hypothèses de réflexion personnelle, loin de vouloir apporter des certitudes et/ou des réponses toutes faites qui me paraissent bien difficile à établir.
1. Je pense que cette tranformation du lien social, cette « déconstruction » (comme vous la nommez) d’une certaine idée de la solidarité, induit une reconstruction (pour rester dans votre terminologie) nouvelle, faite d’alliances plus électives, propices à définir une nouvelle forme de solidarité. A vrai dire, je ne crois pas à la perte de cohésion sociale, à la déréliction du social comme on peut souvent l’entendre mais à une véritable refonte de celui-ci.
2. je pense que cette transformation porte néanmoins des aspects inquiétants, ou pour le moins, qui posent question. En effet, si je reste dans le fil conducteur de mon analyse, le développement de l’horizontalité du lien social va de pair avec le développement du communautarisme, au sens large du terme. Désireux d’être plus libre, l’individu veut aussi s’assurer une plus grande sécurité. Or, quelle meilleure assurance que celle qui consiste à se replier sur soi-même, à privilégier l’entre-soi au détriment de l’ouverture aux autres ? On peut déjà commencer à voir l’application de ce principe au niveau de l’espace urbain. Un très bon livre de Jacques Donzelot montre bien comment nos villes modernes ont tendance à se communautariser. Les classes aisées entre elles, les classes moyennes et moyennes sup dans les résidences pavillonnaires, et les classes défavorisées qui vivent reléguées dans des « banlieues » paupérisées. Chacun se replie sur son pré carré, occuper à « cultiver son propre jardin » pour reprendre une célèbre formule de Candide.
Le risque majeur, à mes yeux, de cette transformation du lien social et de l’impact qu’elle porte sur notre vivre-ensemble, se situe là, dans ce repli identitaire, communautaire, ce « retour des tribus » (Maffesoli).
3. L’autre effet porteur de risque de cette horizontalité du lien, c’est qu’il est avant tout revendiqué et imposé par ceux qui sont correctement intégrés à la société. Cette volonté de sortir des cadres implique que les cadres aient été fixés en amont. Or, effectivement, certains risquent dans ce système de se voir reléguer à une forme d’entre-soi subie plus que choisie. Sous couvert de libéralisme individuel, de démocratisme familial (on peut se séparer et se lier l’envi), certes, les individus bénéficient d’un gain en liberté, mais certains y perdent en sécurité. si je garde l’exemple d’un couple, lorsqu’il y a séparation, il y en a un qui décide, et l’autre qui souvent subi. et dans ce cas, comme vous le soulignez, le risque est de voir les inégalités se creuser encore un peu plus, entre ceux qui disposent des ressources nécessaires à l’émancipation et à l’épanouissement individuel d’un côté et ceux qui risquent de se retrouver exclus, « ghettoïsés » (même si le terme est un peu fort) de l’autre.