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Commentaire de Oudeis

sur La France et l'anti-morale de l'Histoire (l'affaire Dieudonné)


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Oudeis (---.---.154.73) 28 février 2007 03:16

@JC Moreau

« Je vous serai reconnaissant de m’expliquer en quoi mon article déforme les propos de la Cour de Cassation, dans la lettre comme dans l’esprit. »

Je vous l’expliquerai donc plus en longueur, puisque vous me le demandez.

Quel propos de Dieudonné a été condamné ? « Pour moi, les juifs, c’est une secte, une escroquerie ». Comme vous l’affirmez vous-même, dans cette phrase, « s’il doit y avoir injure, ce ne peut être qu’à l’intention de la communauté juive au sens religieux du terme » (vous êtes d’ailleurs en contradiction avec votre propre affirmation que « il apparaît que sa diatribe portait sur le judaïsme seul et non sur l’ensemble de la communauté juive » !). Bref, vous reconnaissez qu’il y a injure envers un groupe de personnes du fait de leur religion. Or sont interdites et punies par la l’article 33 de la loi du 299 juillet 1881 les injures commises « envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. »

Nous sommes donc bien dans le cas prévu par la loi d’une injure envers un groupe de personnes (en l’occurrence « les juifs ») en raison de leur appartenance à une religion déterminée (ou, pour reprendre votre terme, d’une injure envers « la communauté juive au sens religieux du terme »).

Notez bien que le propos sanctionné est celui qui s’en prend aux « juifs » et nullement aux phrases concernant le caractère raciste du Judaïsme ou d’Abraham. Ces propos sont contestables (ils montrent même une certaine ignorance du fait religieux), mais ils ne constituent pas une injure raciste et n’ont pas été mis en cause : ils relèvent du droit à la critique du fait religieux. C’est d’ailleurs bien ce qu’explique la Cour : comme vous le rappelez, elle précise que « ces propos mettaient précisément en cause la communauté juive à raison de sa religion ». Elle enfonce même le clou afin d’être bien claire que sa décision ne vise en aucun cas la critique (légale) de la religion : « l’affirmation ’les juifs, c’est une secte, une escroquerie. C’est une des plus graves parce que c’est la première’, ne relève pas de la libre critique du fait religieux, participant d’un débat d’intérêt général mais constitue une injure visant un groupe de personnes en raison de son origine ». Il ne s’agit en aucun cas d’une condamnation d’une critique envers la religion mais de l’injure envers des personnes du fait de leur religion.

En bref, la Cour rappelle qu’on doit respecter les religieux (en tant qu’individus) même si on ne respecte pas la religion (comme idée - ce qui est légal même si cela est outrageant pour les religieux).

Pour dire encore autrement, je citerai la réponse de MaÎtre Eolas à un commentaire au sujet de cet arrêt de la Cour de Cassation : « Relisez bien. ’Les juifs, c’est une escroquerie’. Par le judaïsme. Les juifs. ’Les juifs, ça n’existe pas’. Il me semble pourtant que c’était même une notion juridique de 1941 à 1945. On peut exprimer une opinion disant que le concept de religion doit être rejeté, qu’on ne devrait pas distinguer l’humanité en fonction des croyances et qu’à titre personnel on refuse de le faire. Pas de problème. Exprimer cette opinion en injuriant les populations qu’elle vise n’est pas admis par la loi. » ( http://maitre.eolas.free.fr/journal/index.php?2007/02/21/553-dieudonne-a-t-il-ete-condamne-pour-injure-raciale )

Or que faites vous dire à cette décision ? Au lieu de la reconnaitre comme telle - c’est à dire comme une condamnation de l’injure contre les Juifs - vous cherchez à la faire passer comme une condamnation de la critique de la religion (le Judaïsme). Ainsi, alors que la Cour a clairement exprimée qu’elle ne se prononçait pas sur des critiques de religion mais sur les propos visant « les juifs » (et non le Judaïsme), vous déformez ses intentions en affirmant le contraire : « ce verdict (...) peut-être vient-il même de signer l’acte de capitulation du droit français face au fait religieux », plus loin « risquer une sacralisation de fait du judaïsme » et également « une logique de capitulation du raisonnement juridique qui contribue à aggraver l’influence religieuse sur la consistance même du débat public. ».

Vous vous évertuez ensuite à remplacer le propos condamné (« les juifs, c’est une secte, une escroquerie ») par les autres paroles non condamnées (et légales) de Dieudonné : « lorsque Dieudonné considère que « les juifs, c’est une secte, une escroquerie. C’est une des plus graves parce que c’est la première », il n’affirme rien d’autre que la duperie et la dangerosité de la notion de « peuple élu » ». Vous tentez de faire croire que c’est la première partie des propos (portant sur Abraham et la religion) qui a été censurée, alors que bien au contraire c’est la deuxième partie - fort différente et attaquant cette fois les individus (« les juifs ») - qui l’a été.

Vous amalgamez ainsi « le fait d’imputer la paternité du racisme à une religion déterminée » avec « l’idée que tous les individus de confession juive seraient spirituellement prédisposées à la ségrégation ». Or si la première affirmation n’est qu’« outrageante pour ses croyants » (ce qui n’est pas illégal), la seconde relève de l’injure envers les individus du fait de leur religion (ce qui est bien illégal).

Vous déformez ensuite les propos de la Cour dans l’esprit en affirmant que sa décision implique une définition ethnique et non religieuse des juifs : « Il en va de la distinction entre ce qui relève chez l’individu du libre arbitre - la conviction religieuse - et ce qui lui est consubstantiel, à savoir son origine ethnique ». Lorsque vous écrivez « ce ne peut être qu’à l’intention de la communauté juive au sens religieux du terme, et non à l’encontre d’ « un groupe de personnes en raison de son origine » comme le soutient gauchement la Cour de cassation », vous affirmez que la Cour de Cassation se serait fourvoyée en n’évoquant que l’origine (sous entendu ethnique) et non l’appartenance religieuse (dont vous laisseriez d’ailleurs ainsi entendre à tort que l’injure serait autorisée). Or les propos de la Cour sont clairs : c’est bien l’injure en fonction de l’appartenance à une religion qui est condamnée ici (la Cour précise « ces propos mettaient précisément en cause la communauté juive à raison de sa religion ») - et non en fonction de l’appartenance ethnique comme vous le prétendez. Sachant par ailleurs que les injures en raison de l’appartenance ethnique comme celles en raison de l’appartenance religieuse sont illégales.

Vous vous lancez alors dans une diatribe laissant entendre que la Cour aurait jugé non en droit mais en fonction d’un « politiquement correct », d’une déférence qui serait due au terme « juif » (« Le premier tort de Dieudonné paraît donc de n’avoir pas employé le mot ’juif’ avec l’infinité de guillemets qui prévaut désormais à son usage » puis « Le mot juif semble à lui seul contraindre à la déférence celui qui le prononce »). Vous aggravez par des supposition sur une soi-disant « tutelle d’un devoir de mémoire » qui aboutirait à une « dette imprescriptible que la France a indéniablement contractée auprès du peuple juif ». Bref, vous affirmez gratuitement que la France en générale - et sa justice en particulier - serait inféodée aux Juifs qui bénéficieraient de sa part de « privilèges et indulgences » - qu’aurait en l’occurrence prodigué la Cour de Cassation.

En guise de synthèse, vous déformez les propos de la Cour de Cassation :

1) en prétendant que la Cour a capitulé le droit au fait religieux - alors même que ce n’est pas la critique du fait religieux qui a été condamnée mais l’injure aux personnes du fait de leur religion

2) en laissant entendre que c’est les propos qui critique Abraham et la notion de « peuple élu » qui ont été censurés - alors que c’est la phrase « Pour moi, les juifs, c’est une secte, une escroquerie » visant les individus qui l’a été

3) en prétendant que c’est une vision ethnique des Juifs que défendrait la Cour de Cassation - alors que c’est l’appartenance religieuse qui était considérée (elle aussi visée par l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881).

Vous aggravez tout cela en laissant entendre que cette décision a été motivée plus par des « privilèges et indulgences » dont bénéficieraient les Juifs que par une application égalitaire de la loi (en l’occurrence de l’article 33 de la loi sus-citée).


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