Bonjour Pierre,
Votre article, d’une grande justesse de ton et d’un bel équilibre dans l’argumentation, vise la forme aussi bien qu’il interroge la ligne directrice d’Agoravox.
Je me suis exprimé sur la plupart des sujets que vous évoquez sous le pseudo de Nicolas (en bleu et en blanc, parce que le mot de passe qu’on m’a attribué est trop compliqué à utiliser). J’ai retrouvé une interevention dont voici une copie :
(Sur Agoravox) « Il s’y passe des choses passionnantes et on peut y lire des objets de savoir de deux ordres : des opinions/croyances et des faits/observations/constatations. Dans la plupart des articles les deux sont souvent entremêlés, et cela est lié à la nature de la parole libre ; et celle-ci est parfois confuse... A cela s’ajoute aussi une certaine dose de narcissisme de certains intervenants. Les articles sont nombreux, trop nombreux à mon avis, et les durées de discussion forcément éphémères ne semblent pas dépasser quelques jours. On lit l’article, on y pense un peu et on passe à autre chose. On consomme. Certains thèmes reviennent et certains auteurs citent leurs écrits précédents ou des références très diverses. Il serait souhaitable de « fixer » ce foisonnement et une parcelle du temps (l’élément éphémère) en développant un suivi des thèmes. La lecture linéaire (à la file), le déroulement des commentaires, découragent la production d’arborescences, de liens entre ces écrits. Le sens en souffre.
Je voudrais insister sur le « suivi dans le temps » (formule redondante mais nécessaire) des thèmes, des événements, et de leurs impacts. Nous sommes passés des journaux à la radio, à la télé, puis à l’Internet. Chaque fois, le temps écoulé entre l’avènement du fait et son compte-rendu et sa discussion ont été écourtés. La sélection de la pertinence des faits observés était effectuée par les rédacteurs en suivant la ligne (audience à satisfaire) du médium utilisé, ou encore sa culture éditoriale, ou la « party line ». Cette sélection a fortement diminué avec Internet et ses blogs, forums, et journaux interactifs. Le lecteur peut répondre directement à un article, et cela crée un fourmillement de textes et d’images où le lecteur navigue souvent difficilement et où la pertinence de ces objets « texto-visuels » peine à faire surface dans l’univers du sens. On en arrive au phénomène de l’« infotainement » (information + entertainment), et à la perte possible des repères ou frontières entre le politique, l’éthique, l’économique, le religieux, le social, l’esthétique, le sens de la violence, etc. qui se trouvent télescopés dans l’urgence de la nouvelle, du scoop. Est-ce ce que l’on veut ? Seul un recul dans le temps permet au regard serein de dégager des significations plus fermes à partir de ce que je qualifie de bruit de fond du fourmillement événementiel.
Agoravox permet ce recul en partie à l’aide des dossiers et des thèmes. Mais il serait souhaitable de relier les articles entre eux par un URL et de créer des « strings », chaînettes ou fils que l’on pourrait suivre sur des mois ou des années pour permettre à un sens plus large de se dégager. Cela permettrait de dénoncer les discours vides, les promesses vaines, les projets sans suite ou qui perdent de leur pertinence dans le temps. Bref, d’un mode d’info rapide on passerait à l’information lente, plus filtrée, plus réfléchie, plus exacte, plus riche en réflexions et dévoilant des arborescences plus claires.
La création d’une plate-forme investigation et du suivi des résultats d’enquête serait la bienvenue dans cet effort de concentration et de pertinence. Elle répondrait à la question : que s’est-il exactement (si possible) passé (fait) ? Pourquoi écrire sur ce sujet (pertinence) ? Que deviennent dans le temps les faits mis en lumière (suivi) ? Qui écrit (responsabilité, déontologie) ? Les sources sont-elles fiables (authenticité) ?
Ma conclusion est une question : peut-il y avoir un A’Vox rapide et un A’Vox lent ? Peut-on faire chaque semaine/mois/trimestre/année une collection des articles les plus lus, recherchés, pertinents, humoristiques, pamphlétaires, etc. ? Peut-on faire une chronique nécrologique des projets morts et enterrés, ou des ressuscités ?
Enfin, A’Vox va avoir une concurrence croissante. Saura-t-elle y résister ? »
Agoraox doit définir sa ligne éditoriale, même si cela fait vieux jeu et rappelle la presse « ancienne ». Agoravox est un produit qui se cherche et n’a pas atteint sa maturité. D’où ses maladies infantiles. Il ne s’agit pas seulement d’avoir des idées, il faut savoir les mettre en oeuvre. Et pour cela il faudra prendre des décisions, avec le cortège de doutes et d’espérances qui accompagne ces actes. Moments difficiles du dosage des risques.