ASSEMBLÉE NATIONALE
OFFICE PARLEMENTAIRE D’ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES
« LES EFFETS DES PESTICIDES
SUR LA SANTÉ HUMAINE »
Audition publique, ouverte à la presse
Jeudi 9 avril 2009«
(...) Par phytosanitaires, on entend les pesticides, les antiparasitaires humains
et animaux, les produits à usage anti-fourmis, anti-cafards ou autres qui
constituent la première cause d’exposition dans les maisons.(...)
Milieu concerné par la présence de résidus de pesticides, les sols,
milieu jusqu’à présent largement oublié. Avant que l’ORP ne travaille sur le sujet, on ne disposait que de très peu de données, d’ailleurs disparates. Aussi avons-nous défini une méthodologie, que nous avons appliquée à la zone qui s’étend de la Seine maritime jusqu’au Nord et sur une ligne allant de Brest à Colmar. Ce travail a permis de trouver les dépôts de pesticides existant d’est en ouest. Le lindane se retrouve partout, dans
100 % des échantillons, et son taux n’est jamais inférieur à la limite de quan tification. Nous avons été surpris d’en trouver une concentration élevée même dans la zone du Nord et du Pas-de-Calais, car cette région ne possède pas d’usines pouvant expliquer des rejets industriels, et n’a pas une production agricole plus importante qu’ailleurs. Il semble que cela soit dû aux dépôts humides suite à des précipitations localement fortes dans une zone de dépression. Ce constat conduit d’ailleurs à considérer les sols comme une réserve de certains polluants, cela dans des lieux parfois
surprenants, ce qui impose de les rechercher et de s’assurer que les personnes y sont le moins possible exposées. Je pense en particulier aux jardins familiaux, où pourraient se concentrer certains produits phytosanitaires anciens. »
(...)
M. Pascal Gauduchon, directeur du Groupe régional d’études sur le
cancer (GRECAN)
La population agricole française représente 1,3 million d’actifs, 700 000 chefs d’exploitation, et deux fois plus si l’on inclut les retraités.
« Pour ce qui est du lien entre cancer et agriculture, on peut évidemment
identifier les pesticides parmi les facteurs de risques en milieu agricole. C’est sur ce type de contaminants ou de nuisances que les études les plus nombreuses ont été réalisées. Mais il ne faut pas oublier les autres expositions, intégrées dans l’étude AGRICAN, qui vont des substances naturelles, comme les mycotoxines, à des virus animaux et à des substances issues de l’activité humaine.
En ce qui concerne les pathologies en milieu agricole, le cancer a sans
doute été le plus étudié. Ce n’est que plus récemment que
l’on s’est intéressé auxtroubles de la reproduction et aux maladies neurologiques. (...)
Les risques supérieurs de cancer sont cependant limités si l’on s’intéresse
au milieu agricole en général. Ce n’est que si l’on s’intéresse aux applicateurs de pesticides, que le risque apparaît alors un peu plus élevé, par exemple pour les cancers de la prostate, les adénopathies malignes, dont les lymphomes non Hodgkiniens.
Ces études présentent des limites : il s’agit souvent d’études
rétrospectives ; la puissance statistique n’est pas toujours atteinte ; la qualité des données d’exposition aux pesticides reste limitée » ;
Une étude en cours d’exploitation permettait de mettre en évidence, dans durant les cinq années de suivi, une augmentation du risque de :
- 14 % pour les cancers de la prostate dans le cas de cultures où l’exposition est de 50 % de la population concernée,
- et de 32 % dans le cas d’expositions beaucoup moins fréquentes, soit 5 % de la population par exemple.
- Il devrait en aller de même pour les pathologies moins fréquentes comme les lymphomes non Hodgkiniens.
Les études portant sur les cancers de l’enfant sont plus alarmantes.
Plusieurs d’entre elles montrent une augmentation du risque de leucémie et de tumeurs cérébrales lorsque les parents ont utilisé des pesticides dans le cadre domestique au moment de la conception ou pendant la grossesse. Mais cesrésultats doivent être confirmés dans la mesure où ces études, peu nombreuses, présentent un problème de mémorisation : les mères d’enfants malades font davantage l’effort de se rappelerles circonstances d’exposition. (...)
La notion, apparue dans les années 1970, de dose journalière admissible – signifiant que le risque est permanent –, détermine le seuil d’acceptabilité sociale et le rapport entre coûts et bénéfices :
combien peut-on admettre de malades, de morts, et dans quels types de populations, pour le bénéfice (...) de la population
générale ? Des rapports d’institutions internationales font état de ces questions de façon très détaillée, voire crue.
La question est donc de savoir comment faire pour retrouver une
liberté de soins agronomiques, avec des technicités différentes, en diminuant l’usage des produits phytosanitaires, sachant qu’une telle diminution se traduit par un avantage en termes de santé et d’environnement.
Reste bien sûr la question fondamentale de la compétitivité. Aujourd’hui,
des agriculteurs réussissent à utiliser 50 % de moins de produits phytosanitaires que d’autres – il ne s’agit pas d’agriculteurs biologiques : ceux-ci utilisent 100 % de produits phytosanitaires de moins. Or ces
agriculteurs sont les plus compétitifs au niveau mondial. Il n’y a donc pas d’opposition entre moindre utilisation de produits phytosanitaires et compétitivité. Si les autres ne les suivent pas, c’est parce que les
plus compétitifs sont aussi les mieux formés, les plus actifs dans la recherche d’information. Ils se structurent en réseaux."
Ce rapport confirme les risques avérés sur la santé des produits phytosanitaires. Ils sont encore insuffisamment étudiés au moment de la sorite de ce rapport, qui explicite les enjeux : combien de vies individuelles une société accepte-t-elle de sacrifier pour le maintien du travail de plusieurs et mais aussi des bénéfices de quelques autres ?
La question n’est pas tranchée puisque le nombre des victimes est mal connu.
D’autre part, les effets de la disparition de la faune et de la flore, garant de la perennité du fruit de l’agriculture, notre alimentation, n’est ici pas développé.
Jusqu’à quand l’homme survivra-t-il aux espèces qu’il fait disparaitre de façon beaucoup plus large que par la seule action de l’agriculture ?