Emmanuel Giboulot, infirmier de la terre et protecteur des abeilles, condamné ?
24 février 2014 -
481 746 signatures à la lettre de soutien à Emmanuel Giboulot ont été recensées en 10 jours.
Ce même jour -
Son procès souvre à Dijon. Il risque 30 000€ d'amende et 6 mois d'emprisonnement.
"La terre… Combien sommes-nous à comprendre cette glèbe silencieuse que nous foulons durant toute notre vie, quand nous ne sommes pas confinés dans des agglomérations hors-sol qui nous la rendent encore plus étrangère ? La terre nourricière est, parmi les quatre éléments majeurs, celui qui n’a pas existé dès l’origine. Il a fallu des millénaires pour que la mince couche de terre arable d’une vingtaine de centimètres à laquelle nous devons la vie puisse se constituer."
Pierre Rabhi, L'agroécologie, l'être humain dans sa responsabilité à l'égard du vivant.
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Emmanuel Giboulot est viticulteur bio en biodynamie en Bourgogne.
Depuis 43 ans, il choisit de restaurer la vie qui fourmille dans la terre, cette vie que tuent les produits chimiques en agriculture industrielle ou chimique. Cette vie, gage de respiration des plantes qui s'y développent, confère à la terre sa qualité et sa fertilité naturelle. Le sol des forêts, humus noir au parfum remarquable, nourri longuement par les feuilles des arbres qui se décomposent lentement chaque automne, est le plus fertile qui soit, fourmillant de bactéries, champignons, vers et multiples organismes microscopiques.
Emmanuel Giboulot a passé alliance avec la faune naturelle (insectes, oiseaux, hérissons, crapauds...) alliée de l'homme parce qu'il l'aide à protéger les cultures en se nourrissant de leurs prédateurs. C'est ainsi que les larves de coccinelles se nourrissent de pucerons, le hérissons se délectent de limaces et les mésanges dévorent les chenilles...
Il utilise une pharmacopée à base de plantes macérées selon des recettes précises pour soigner ses plants.
Les produits chimiques de synthèse dont les effets secondaires sont meurtriers n'ont pas de place sur son terroir. Il est également vigilants à refuser l'utilisation de produits naturels s'ils sont toxiques pour la petite faune.
Il veille à l'équilibre et à la santé du petit coin de terre dont il a la responsabilité depuis 43 ans et produit un vin de qualité et reconnu.
Lundi 24 février, il est passé en procès à Dijon pour avoir refusé d'intoxiquer sa terre et la petite faune à laquelle il s'est allié. Les vignes du département voisin sont atteintes par une maladie qui les déciment. Préventivement, le préfet a ordonné à tous les viticulteurs de Côte d'Or de traiter leurs vignes. Cependant, le produit qu'aurait dû utiliser Emmanuel Giboulot détruit les abeilles et la petites faune alliée, détruit la vie du sol restaurée patiemment depuis des dizaine d'années. Il n'est actuellement pas démontré que l'efficacité réelle de l'insecticide obligatoire soit totale. Certains départements en sont au troisième traitement. Les foyers n'y sont pas éradiqués. La maladie est présente en france depuis les années 1950. Elle persiste malgré les traitements systématiques obligatoires.
"Plutôt que de traiter automatiquement, Emmanuel Giboulot et d’autres vignerons privilégient la « prospection collective ». Ils surveillent les parcelles, recensent les pieds atteints, vérifient en laboratoire que les symptômes sont bien ceux de la flavescence dorée, impossible à diagnostiquer à l’œil nu, avant d’arracher les pieds. « Il faut que chacun fasse une prévention systématique et obligatoire », préconise t-il.
Mais le Service régional de l’alimentation, une sorte de « police du vignoble » rattaché à la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, ne l’entend pas de cette façon. Il le contrôle le 30 juillet dernier pour vérifier s’il a bien traité ses vignes. « Les viticulteurs en bio en Bourgogne représentent 13 % de la surface en vignoble. Or, 50 % des viticulteurs en bio ont été contrôlés », note t-il. Un de ses collègues dans le Beaujolais vient d’ailleurs lui aussi d’être contrôlé, « après avoir clamé haut et fort sur TF1 qu’il ne traitait pas ses vignes »." écrit Sophie Chapelle dans Bastamag
Pourtant le choix d'Emmanuel Giboulot est réfléchi et s'appuie sur une longue expérience de la terre. Il témoigne de son engagement pour la vie et pour la terre, ici
Ce qui inquiéte Emmanuel Giboulot, c'est moins l'issue personnel qu'aura ce procès, que ses conséquences pour la filière bio qui pourrait à son aboutissement recevoir l'interdiction de préserver la vie qu'elle a si patiemment restaurée dans ses parcelles et de protéger la santé de chacun. Engagements qui fondent l'existence des agriculteurs bios.
Cet homme ne se présente pas comme un radical. Il accepte la nécessité d'un traitement losque l'urgence est présente. Dans la situation actuelle, il remet en cause l'application du principe de précaution tellement anticipé qu'il a l'effet contraire à son but, faisant des dégâts graves sur l'équilibre du vivant pour supprimer un insecte inexistant.
Le procès d'Emmanuel Giboulot nous interpelle sur notre choix face à la vie. Menacée de façon grave par les activités humaines depuis la montée de l'ère industrielle, la vie sous sa forme actuelle pourrait majoritairement disparaitre si des décisions politiques radicales ne sont pas prises.
La survie de pieds de vignes par des méthodes stérilisantes semblent plus importantes aux représentants de l’État que la sauvegarde des insectes qui assurent la croissance de nos légumes et de nos fruits, notre nutrition quotidienne.
Nos dirigeants renient notre dépendance à la nature et à son équilibre alors que le mythe d'une nourriture par pilules des années 1980 a vécu.
L'être humain pense s'être élevé au-dessus de son appartenance au système vivant de la planète. Il croit être sorti de la solidarité qui lie chaque élément vivant de la planète aux autres éléments vivants.
Il se considère comme un être de technologie, un être de consommation, un être de pouvoir et d'argent, un être de savoir. Mais il a perdu la co - naissance. Il oublie qu'il est fait d'une matière qui se nourrit de matière vivante. Que si cette matière vivante est malade, chimiquement perturbée par des produits toxiques comme les engrais ou la pollution, il en deviendra lui-même malade. Que si cette matière vivante est en voie d'extinction, il créera les conditions de sa famine.
"Au cours des 65 derniers millions d’années, le taux d’extinction moyen [des espèces] a tourné autour d’une extinction par an pour un million d’espèces. Aujourd’hui, (...) beaucoup affirment que ce taux serait 100 fois plus important et qu’il continue d’augmenter.© DR (...) Le rapport du Millennium Ecosystem Assessment (2005) (groupe de scientifiques internationaux), évoque la disparition de 12% des oiseaux, 25% des mammifères et 32% des amphibiens d’ici à 2100. (...) Selon d’autres études, les deux tiers de l’ensemble des espèces vivant sur Terre risquent de s’éteindre d’ici 100 ans simplement sous l’effet de la destruction de leurs habitats. Si l’on ajoute les récents travaux concernant l’extinction possible de 15% à 37% des espèces de la planète d’ici 2050 sous l’effet du réchauffement climatique, il est possible d’affirmer, même si ces études donnent encore lieu à des discussions, que l’on se trouve dans une période d’extinction massive." expliquent René Aufray et Manuelle Rovillé du CNRS
Quand l'être humain de pouvoir s'attaque aux agriculteurs biologiques et biodynamiques, ce sont les infirmiers de la terre qu'il tue.
La terre arable, aujourd'hui, est morte. Les produits chimiques (insecticides, pesticides, engrais) ont exterminé la vie qui l'animait et qui faisait sa fertilité et sa qualité, comme ils tuent chaque année des agriculteurs. Il faut des quantités de plus en plus grandes de produits chimiques pour obtenir des résultats de production pourtant en régression sur certaines terres.
Si le gouvernement est en train de reconnaitre timidement les maladies graves et décès dus aux produits chimiques chez les travailleurs de la terre, il est loin d'en reconnaitre les conséquences sur la faune, la flore et par conséquent sur chacun de nous.
L'être humain a perdu le contact avec l'instinct de conservation et travaille à sa propre extinction.
Emmanuel Giboulot a reçu le soutien :
- D'un Institut bruxellois qui a fait connaître son combat : L'IPSN
- D'une députée européenne, juriste environnementale de formation : Sandrine Bélier
- De nombreuses associations de défenses environnementalistes et naturalistes
- Et de 481 746 personnes signaire d'une lettre de soutien au 24 février à midi : Voir la lettre de soutien
Une amende de 1 000 euros, assortie pour moitié du sursis, a été requise à l'encontre d'Emmanuel Giboulot. La décision a été mise en délibéré pour le 7 avril. L'infirmier de la terre, protecteur des abeilles, encourait une amende de 30000€ et une peine de prison de 6 mois.
Pour en savoir plus :
- Microbiodiversité : vie et mort des sols par Lydia et Claude Bouguignon, microbiologistes des sols. A voir ici
- Solutions locales pour un désordre globale par Coline Serreau, réalisatric. A voir ici
- Sauvegardons les semences de la vie par Pierre Rabhi, agriculteur, écrivain et penseur. A lire ici
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