Votre interprétation de l’arrêt de la Cour de Cassation me paraît lacunaire sur deux points :
1- Vous péchez par omission, en ne faisant aucun cas de l’obligation d’analyse circonstanciée des propos litigieux qui pèse sur le juge. Tout comme la Cour de Cassation, vous n’analysez le propos litigieux qu’en dehors de son contexte, ne retenant de l’ensemble d’une interview une unique phrase, comme si celle-ci était totalement autonome de son contexte et faisait sens à elle seule.
2-Vous occultez totalement les motivations de cet arrêt telles que présentées par la Cour de Cassation elle-même.
Elle précise en effet : que les propos de Dieudonné "mettaient précisément en cause la communauté juive à raison de sa religion, ce qui manifestait une conviction ouvertement antisémite ». La Cour de Cassation procède ici à un amalgame flagrant entre la critique du judaïsme et l’antisémitisme. Et c’est bien tout le reproche que je lui fais.
Je reprends à présent les trois griefs que vous me faites, selon lesquels je déformerais l’arrêt de la Cour de Cassation :
« 1) en prétendant que la Cour a capitulé le droit au fait religieux - alors même que ce n’est pas la critique du fait religieux qui a été condamnée mais l’injure aux personnes du fait de leur religion »
- Existe-t-il à votre connaissance un autre moyen juridique que celui de « l’injure aux personnes du fait de leur religion » pour s’opposer à la critique du fait religieux ? Le délit de blasphème n’existant plus, c’est le délit d’injure qui est employé à des fins de censure religieuse.
« 2) en laissant entendre que c’est les propos qui critique Abraham et la notion de »peuple élu« qui ont été censurés - alors que c’est la phrase »Pour moi, les juifs, c’est une secte, une escroquerie« visant les individus qui l’a été ».
- Une fois replacés dans leur contexte, les propos « les juifs, c’est une secte, une escroquerie. C’est une des plus graves parce que c’est la première » renvoient sans équivoque possible la critique de la notion de peuple élu, considérée par Dieudonné comme étant une « escroquerie ». Le propos est certes virulent mais relève à mon sens d’un débat d’intérêt général, tout comme la critique émise par Giniewski à l’encontre du catholicisme. Or, en stigmatisant les propos de Dieudonné, en leur conférant un caractère antisémite et donc répréhensible, elle réduit d’autant le champ d’un débat public déjà considérablement restreint en France sur les causes de l’antisémitisme.
"3) en prétendant que c’est une vision ethnique des Juifs que défendrait la Cour de Cassation - alors que c’est l’appartenance religieuse qui était considérée (elle aussi visée par l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881).
Vous aggravez tout cela en laissant entendre que cette décision a été motivée plus par des « privilèges et indulgences » dont bénéficieraient les Juifs que par une application égalitaire de la loi (en l’occurrence de l’article 33 de la loi sus-citée)."
- S’agissant des « privilèges », avez vous connaissance de jurisprudences où des individus auraient été condamnés pour avoir dit que« l’Eglise catholique était une secte qui avait réussie » ?
- En assimilant l’antijudaïsme à l’antisémitisme, la Cour de Cassation a de facto mis en jeu une « vision ethnique » des juifs.