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Commentaire de Christophe

sur Beaucoup de révoltés, si peu de syndiqués


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Christophe (---.---.181.80) 3 avril 2006 15:36

Votre article met en évidence plusieurs problématiques du monde syndical.

Tout d’abord la fonction d’un syndicat. Dans l’environnement hors paritarisme et représentation par voie électorale, le syndicalisme, par essence, ne défend que les intérêts de ses adhérents.

Par extension au paritarisme et à la représentation, ils se doivent de défendre l’intérêt des non syndiqués. Mais il ne doit pas souffrir la moindre ambiguité ; c’est uniquement dans ce périmètre qu’un syndicat défendra l’intérêt des autres salariés. Pour tout ce qui touche la négociation nationale, les négociateurs représentent leur centrale syndicale et par ce biais, uniquement les valeurs défendues par ses adhérents qui peuvent influencer la politique syndicale.

Vous insistez, à raison, sur la forte (mais relative) représentation syndicale du secteur public. Etant majoritaires, les forces de la fonction publique influencent naturellement, ou devrais-je dire démocratiquement, la ligne de conduite politique des centrales syndicales. En France, nous avons beaucoup de gens qui ont des idées, mais peu qui veulent s’engager pour se faire entendre ; ainsi les salariés du privé critiquent ouvertement la politique à forte tendance publique des centrales syndicales, mais que font-ils pour que cela change : rien !

Vous comparez le syndicalisme français au syndicalisme européen. En Allemagne, la puissance de syndicats comme IG-Metal est dû à l’obligation de syndicalisation. En Angleterre, des lois forcent à la syndicalisation (pre-entry closed-shop et post-entry closed-shop). Il faut d’ailleurs souligner que les Trade-Union anglais, réunis sous le TUC, ont créé le Labor Party ; donc possède une branche politique.

Vous abordez, en mettant en opposition, le comportement syndical à l’encontre du CPE et du CNE. Le CNE ne s’applique qu’aux TPE ; en soit qu’à des entreprises privées. La domination du service public donnant ainsi une large minorité du secteur privé est suffisamment criant pour se rendre compte que malgré l’opposition syndicale à l’égard du CNE, les forces en présence (uniquement du privé) sont très faible ; certes les syndicats doivent en porter une part de responsabilité tout autant que les opposants individuels au CNE du privé qui n’ont jamais eu la moindre envie de s’engager dans l’un ou l’autre syndicat.

Vous rappelez l’hémorragie d’adhérents CFDT suite à la signature de l’accord sur les retraites. Certes, la CFDT a négociée, comme d’autres organisations qui n’ont pas abondé dans le sens des modalités qui ont trouvé une fin contractuelle. Cependant, Le chef de file de la CFDT a reconnu lui-même, quelques semaines après avoir apposé sa signature, avoir fait une erreur (non pour les besoins d’une réforme, mais bien sur les modalités). Il faut signaler que d’autres hémorragies se sont produites au préalable (Sécu et Routiers).

Il est à mon sens nécessaire de souligner que chaque organisation a ses propres problèmes à gérer, et les autres ne sont pas en reste ! Mais il n’est pas regrettable, pour des organisations ayant une approche constructive, de voire leurs adhérents « extrémistes » partir à SUD.

Ce qu’il faut aussi souligner, à mon sens, et cela pourtant est un élément primordial du monde social du privé, est que les meilleurs compromis sont souvent les résultats des négociations de branches, portant avenants aux conventions collectives, à défaut de capacité de contracter au niveau national (quoique une cinquantaine d’accord nationaux ont été signé en 2005 ce qui n’est pas rien, même si ils étaient moins médiatiques).

Mais les salariés du privé posent une autre ambiguité. Certes, ils n’adhèrent pas à des structures syndicales ; c’est leur choix et ils se doivent d’en assumer les conséquences ; mais en plus, ils ne se déplacent pas aux élections professionnelles. Cela ne les empêche pas de crier au loup en constatant que la CGT reste le syndicat le plus représentatif compte tenu des élections et qu’ils en portent, là aussi une part de responsabilité.

En tant que responsable syndical dans une PME privée, je n’ai cure de la pensée qui anime ceux qui critiquent et ne s’engage nul part ; je prends mes responsabilités en fonction de ce que nous décidons par voie démocratique au sein de notre structure syndicale. Certes, cette démarche ne permet pas d’obtenir une majorité aux élections professionnelles, mais quel est notre rôle ? Celui d’être élu ou celui de rechercher le meilleur compromis permettant à chaque partie d’obtenir une bonne part de satisfaction compte tenu des revendications (patronales et syndicales) et des contraintes afférentes, en bref la recherche d’accords équilibrés évitant de déséquilibrer les facteurs productifs, économiques et sociaux.

Il me semble que là est notre but, le bien fondé de notre fonction. Quand je lis les propos écris au-dessus de mon intervention, il y a de quoi être furieux tant il est incontestable que ceux qui critiquent le monde syndical n’y connaissent finalement rien ou si peu. Certes, dans la métallurgie, nous avons la chance d’avoir une branche patronale et une majorité de patrons qui ont aussi cette approche, celle de construire ; car faut-il le rappeler, pour construire et contracter, il faut être au moins deux.

Il est regrettable qu’au fond, la culture du compromis qui est l’émanation de la culture de la négociation constructive soit absente de la culture française en général ; au niveau national chez les syndicats, les gouvernements, les patronnats. Il est même surprenant que le MEDEF actuel, fort d’un grand nombre de patrons de la métallurgie (qui dans sa branche a cette culture du compromis) dans son comité directeur continue sur la même voie. Pour les syndicats, la résolution passera obligatoirement par une plus forte adhésion dans le privé, mais il est évident que les salariés ne viendront pas plus dans le monde syndical après les évènements du CPE ; s’ils partagent certaines idées, il ne les partagent pas toutes et cela fait qu’ils ne peuvent adhérer ; même si la notion de compromis s’acquière, le plus difficile est de faire le premier pas !


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