Mercredi 12 mars 2014 :
La faute de Christiane Taubira.
La ministre de la justice est disqualifiée. Le 10 mars encore,
Christiane Taubira assurait qu’elle n’était pas au courant de cette procédure
d’écoute de M. Sarkozy. Il s’avère qu’elle a menti. Le procureur général de
Paris, François Falletti, vient de confirmer qu’il avait prévenu la
chancellerie le 26 février, le jour même où les juges ont été saisis des
présomptions à l’encontre de l’ancien président.
Qui était au courant au gouvernement de la mise sur écoute de l’ancien
président Nicolas Sarkozy ? La question fait l’objet d’une polémique, notamment
après que l’opposition a dénoncé une manipulation politique. Loin de parler
d’une seule voix, les ministres ont changé de version ces derniers jours. Après
que Christiane Taubira a affirmé n’être pas au courant lundi, le premier
ministre l’a démenti mardi, déclarant que la garde des sceaux et lui-même ont
été informés de la procédure après l’ouverture d’une information judiciaire le
26 février. Mercredi, Manuel Valls déclarait avoir découvert les révélations
dans la presse.
Il ne pouvait en être autrement. La garde des sceaux avait elle-même
réclamé, par une circulaire du 31 janvier, d’être informée par les procureurs
généraux, « régulièrement, de façon complète et en temps utile », de toutes les
affaires sensibles. On peut faire crédit à la ministre de ne pas intervenir
dans les affaires individuelles. Mais elle a évidemment été informée. L’image
d’intégrité patiemment construite par Mme Taubira s’effondre donc.
Le premier ministre est entraîné dans cette chute. Jean-Marc Ayrault
avait repris à son compte les arguments de sa ministre. Il a été contraint
d’admettre, le 11 mars, qu’il était lui-même au courant. Et le reste de son plaidoyer
– il ignorait le contenu desdites écoutes… – est inaudible.
Quant au ministre de l’intérieur, Manuel Valls, il maintient avoir
appris tout cela dans les journaux, et choisit donc le ridicule d’apparaître
comme l’homme le moins bien informé de France ! Désormais, enfin, le chef de
l’Etat lui-même est interpellé, inévitablement. Qui peut croire qu’il ne savait
pas ?
L’« équipe Sarkozy » a donc réussi à inverser la charge des soupçons et
à faire oublier, pour l’heure, ceux qui pesaient sur elle. Belle performance !
Mais aux conséquences accablantes. Bien des Français doutent, déjà, du sens de
l’intérêt général des responsables politiques. Ces rebondissements ne peuvent
que renforcer leur défiance et leur écoeurement. D’une manière ou d’une autre, majorité
et opposition en paieront le prix.
http://www.lemonde.fr/politique/article/2014/03/12/la-faute-de-christiane-taubira_4381615_823448.html