Enseigner
le fait athée ! Michel
Onfray
Texte
extrait, avec l’autorisation de l’auteur, du livre de Michel
Onfray, La
philosophie féroce,
Galilée 2004, un ouvrage énergique très salutaire car à
contre-courant des conventions actuelles, l’auteur se moque des
censeurs de tous ordres. Des « Exercices anarchistes » à
conseiller vivement.
Oui,
je sais, je professe un antichristianisme primaire... Mais je suis
preneur d’informations sur l’antichristianisme secondaire ! Chaque
fois que j’ai souhaité m’entretenir avec un vendeur d’arrière-monde
juif, chrétien ou musulman - ils vendent les mêmes tapis -, je n’ai
rencontré que des gens doués d’une bonne mémoire, mais qui la
plupart du temps mettent leur intelligence sous le boisseau...
Mémoire des lieux communs enseignés et écrits dans la chair de
leur enfance ; et refus de penser pour mieux entretenir leurs
illusions.
Les
temps sont durs pour les athées radicaux. Ainsi faudrait-il prendre
position pour ou contre l’enseignement du fait religieux à l’école.
Admirez d’abord l’euphémisme : le fait religieux ! On ne dit pas le
catéchisme ou l’histoire sainte, qui sentent trop l’encens et la
fumée des cierges, mais le fait religieux, car la formule rappelle
le fait sociologique de Durkheim, donc le parfum de craie et de
tableau noir des hussards de la République !
Dans
cette école où l’on n’apprend plus à lire, à écrire et à
compter - ne rêvons pas qu’on y apprenne à penser... -, où
l’illettrisme ne concerne plus seulement les élèves, mais aussi une
partie des enseignants, dans cette école, donc, il manquerait un
enseignement, notamment celui de la religion judéo-chrétienne ! Je
rêve...
Et
pour y enseigner quoi, et comment ? Un fils de Dieu qui marche sur
les eaux, puis ressuscite le troisième jour après crucifixion ? Qui
raconterait les bobards pour les enfants que sont les interdictions
d’utiliser un interrupteur électrique les jours de sabbat ? Ou qu’au
paradis on boit du vin à flots, mais pas sur terre ? Un Dieu qui
ouvre la mer en deux pour permettre le passage de son peuple, un
autre qui réserve des vierges en quantité pour le lit du fidèle
qui prend place près du Prophète après avoir trucidé un maximum
d’innocents - pourvu qu’ils ne croient pas à ses balivernes ?
Que
ces histoires pour les enfants soient racontées par les familles,
soit. Elles transmettent déjà assez de sottises, elles peuvent
continuer sans qu’on les inquiète ! Mais que l’école s’y substitue
sous prétexte de fabriquer du lien social, de rendre possible
l’accès à la culture universelle ou de mettre au jour les
fondations de notre civilisation, voilà autant de cache-sexes pour
dissimuler le retour du prêtre à l’école.
Au
bout du compte, derrière ces fabulations apparemment inoffensives,
il s’agit toujours de promouvoir la morale judéo-chrétienne ou
celle des musulmans qui, sous d’apparentes divergences, enseignent
une même haine de la femme, de la vie, de l’ ici et maintenant, de
l’infidèle, de l’incroyant ou de l’athée. Toutes justifient le
passage sur terre comme une punition, une vallée de larmes, une
occasion d’expier. Les trois comptabilisent chaque jour des morts
infligés au nom de leurs livres saints. Au vu de l’état du monde,
l’urgence me semble plutôt l’enseignement du fait athée !