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Commentaire de Bruno Guigue

sur Sauvons la dictée !


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Bruno Guigue Bruno Guigue 1er mai 2014 09:14

Lisons André Ouzoulias :

"De bonnes connaissances orthographiques rendent possible une identification directe des mots donnant un accès immédiat à la signification portée par le contexte . Chez le lecteur habile, c’est cette voie orthographique (dite aussi «  directe ») qui est massivement empruntée, la voie indirecte, celle du décodage, restant toujours disponible pour identifier des mots rares.

 Demandons au lecteur du présent article de lire la phrase suivante, écrite selon un système fictif soumis aux seules exigences de la régularité graphophonologique : Leu kliyan pri ün bêl émrôd dan sa min é,  passiaman, l’opsêrva d’in euy ki parêssê seului d’in ékspêr.

Cette situation permet au lettré de se représenter la procédure utilisée par un lecteur peu familier de l’orthographe lexicale : la disparition des marques orthographiques l’a obligé à utiliser systématiquement le décodage (transformation des fragments écrits en formes sonores et interprétation de celles-ci sous forme d’une énoncé sensé). Cette procédure est plus séquentielle et beaucoup plus lente que la reconnaissance directe via l’orthographe lexicale.

 Demandons maintenant au lecteur du présent article de lire cette autre phrase  : – « Scie tue bûche toux lait jour six tares, thon fisse nœud verrat  plu ça maire … » Tous les mots de cet énoncé sont des homophones. Mais leur orthographe a été contrefaite pour induire des significations sans rapport avec l’énoncé, sur le modèle du rébus. Ainsi, quand l’œil du lecteur fixe le mot scie, il se représente irrépressiblement l’outil du menuisier, exemple d’une lecture par la voie orthographique. Pour comprendre cet énoncé à l’orthographe loufoque, il doit donc inhiber ses connaissances orthographiques, ce qui rend cette situation plus difficile que la précédente .

 Ces deux situations visaient à asseoir cette conviction : si les lettrés ont conscience d’utiliser leurs connaissances orthographiques en situation d’écriture, ils ne doivent pas ignorer qu’ils les mobilisent constamment, le plus souvent de façon non consciente, en situation de lecture. En réalité, les connaissances orthographiques servent principalement à la lecture et c’est sous cet angle qu’il conviendrait d’aborder en priorité la question de l’enseignement de l’orthographe. Du reste, le vrai motif de l’exigence du respect de l’orthographe en écriture — les élèves aussi doivent le comprendre — c’est de prendre soin des destinataires, pour leur rendre plus aisée la compréhension du texte qu’on écrit pour eux et non de se conformer à des règles auxquelles l’école confèrerait un caractère sacré. "


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