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Commentaire de Henrique Diaz

sur Et si les Barbares n'étaient pas ceux que l'on croit


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Henrique Diaz Henrique Diaz 3 mai 2014 14:41

Bon article en ce qui concerne le travail de réappropriation des mots confisqués par l’idéologie néo-libérale : depuis les années 70, parler de barbarie, c’est mal parce que c’est ignorer que toutes les valeurs sont relatives. Résultat : seule compte la force, et on ne peut plus aussi facilement critiquer la barbarie quand elle est pratiquée par nos élites. Mais Levi-Strauss a souvent mal été compris. Quand il disait « le barbare, c’est celui qui croit à la barbarie », ce n’était pas une façon de rejeter l’usage de cette catégorie axiologique, comme le relativisme mercantiliste a voulu l’entendre, c’était une façon de dire que le barbare est factuellement celui qui croit qu’il y a des sous-hommes, des gens avec qui il est a priori inutile de discuter rationnellement, et qu’il faut donc contraindre par la force. Ainsi en a-t-il été d’Alexandre comme d’Attila ou encore de Napoléon et de Hitler.

La définition bien comprise de Levi-Strauss me semble plus fondamentale que celle de l’auteur, mais cette dernière en est une propriété immédiate : quand on pense que l’autre n’est pas vraiment humain, on peut se permettre d’ignorer sa culture et donc de détruire sa civilisation.

Mais nous sommes bien d’accord, les USA sont gouvernés par des gens qui ont tendance à penser qu’ils sont les seuls véritables êtres humains de la planète, les seuls donc à pouvoir bénéficier pleinement des droits de l’homme. C’est leur culture protestante et néo-libérale qui les y conduit : Dieu ou une sorte de divinité new-age les a élu pour leur humanité supérieure, c’est-à-dire leur esprit d’entreprise et leur persévérance (pour ne pas dire leur cupidité et leur entêtement) et les a béni en leur accordant la puissance par laquelle ils doivent civiliser le reste du monde.

De même que l’homme peut être l’animal le plus dangereux pour l’homme, la culture peut être ce qu’il y a de plus destructeur pour la culture. Surtout, comme le disait Levi-Strauss, quand la culture est encore primitive ou qu’elle l’est redevenu. Dans une culture primitive, celui qui parle une autre langue est niaisement considéré comme quelqu’un qui dit rien de sensé, on peut donc le traiter à peu près comme un animal.

A la racine de la barbarie, il y a donc l’ignorance de l’humanité de l’autre, jointe à la connaissance de sa propre humanité. Ainsi, au delà des USA et de leur gouvernement, il y a le corps d’idées qui gouvernent le monde actuellement, qu’on appelle néo-libéralisme, et qui est loin de se limiter aux USA, comme les habitants d’Amérique du Sud le savent bien entre autres. D’après ce système justement, l’Etat est une mauvaise chose par rapport à la liberté des individus (les plus aisés socialement), qui ne doit être toléré que dans la mesure où il protège les plus aisés contre les moins aisés, de façon à maintenir les inégalités sociales qui permettent de continuer de croire qu’on est vraiment élus pour gouverner les non-élus.

Ainsi l’école publique a méthodiquement été détruite dans la plupart des pays occidentaux, tous les services publics et outils de réduction des inégalités sociales ont été déconstruits avec constance. C’est cela la principale barbarie néo-libérale : non pas seulement la destruction des autres civilisations, mais la destruction même, de l’intérieur de la civilisation occidentale ordonnée autour de la recherche d’un véritable bien commun (la liberté comme la justice : pour tous et pas seulement pour les plus habiles). La pensée néo-libérale est le cancer de la civilisation occidentale. 


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