Mais, Luc-Laurent Salvador,
je ne m’oppose pas à votre interprétation
du « sacrifice détourné d’Isaac » et, donc, je ne cherche pas des
arguments pour détruire votre idée d’un "tournant religieux qui marque le
refus divin de la violence sacrificielle".
Simplement, moi je pense que
Dieu, s’il existe, n’a jamais commandé
le moindre meurtre, sacrificiel ou pas (*).
Je vois
qu’Abraham a compris, il y a
très longtemps, que Dieu ne lui demandait pas de tuer son fils. Tant mieux !
D’une certaine manière c’est beaucoup plus tard que les chrétiens comprennent que Dieu ne veut plus de massacres. Jésus de Nazareth leur a fait comprendre que « c’est fini, les appels de Dieu à massacrer, c’est du passé ». Là encore tant mieux !
Et pourtant l’idée que Dieu peut massacrer "pour une bonne
cause" est tenace et très logique
(ben oui, s’il l’a fait dans le passé quand c’était nécessaire il peut très
bien le refaire si ça l’est à nouveau).
On a donc - pour ne prendre que quelques
exemples significatifs et inter-religieux - Augustin d’Hippone qui réaffirme au
quatrième siècle que l’église catholique « persécute par amour », le
prophète Mohamed qui réaffirme, au septième siècle, la réalité et l’utilité pour l’avenir de la "bonne violence
de Dieu", Maïmonide qui la rejustifie, à son tour au douzième siècle, dans
Le Guide des égarés.
Et quand Jean-Paul, en 2000 dans le Nouveau Catéchisme réaffirme que la
violence de Dieu a bien été nécessaire
et justifiée mais qu’elle ne l’est plus, ça ne me convainc pas du tout.
Et alors je continue de penser - et de
considérer comme preuve la violence durable des islamistes fidèles à leur
prophète - que ce qui est important ce n’est pas l’histoire des rejets provisoires de
la violence prétendument voulue par Dieu mais le rejet définitif - TOUJOURS AUJOURD’HUI À OBTENIR - de l’idée même
que Dieu a pu vouloir et/ou voudrait encore des « bons massacres ».
(*) Sur la violence sacrificielle j’ai
trouvé d’un grand intérêt le Livre de Bernard Lempert paru au Seuil en 2000 : Critique de la pensée sacrificielle.