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Commentaire de asterix

sur Santé : le point sur les causes de l'autisme


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asterix asterix 26 mai 2014 11:47

Bonjour Egalited,

Comme vous le savez de par mon intitulé en tant qu’auteur sur Agoravox, mon fils Nicolas né en 1976 est autiste.
A la vue du titre de votre article, je me suis immédiatement dit : enfin, je vais peut-être savoir quoi, comment, pourquoi...
En fait, vous ne donnez pas de réponse, seulement quelques pistes.
Je ne vous en veux certainement pas. L’autisme est et, à mon avis, restera un mystère. Il y a autant d’autismes que d’autistes. Preuve en est, ce mot est même rentré dans le langage courant pour qualifier une attitude de « refus de la prise en considération de l’opinion d’autrui ». Un mot employé en général pour qualifier les hommes politiques indifférents au sort d’autrui alors que « psychopathe » conviendrait beaucoup mieux.
Mais « psychopathe » est une injure... Aussi préfère t’on « autiste » ce mot déjà si difficile à vivre et qui nous fait mal à tout un chacun. J’engage donc ceux s’adressent à un lectorat ou un auditorat quelconques à faire attention aux termes qu’ils emploient, d’autant qu’un autiste est, par essence, incapable de faire le mal. Le psychopathe, lui, ne vit que de cela.
Autiste ! Je vais vous raconter l’histoire que fut celle de ma petite famille... Une histoire somme toute ordinaire devenue dantesque quand l’autisme est venu y poser son empreinte. Ayant épousé une demoiselle « qui n’était pas de mon milieu » disaient mes ascendants qui étaient d’un consevatisme affligeant, notre mariage conclu parce que mon épouse était enceinte et que je, je n’ai pas dit nous, refusais la solution de l’avortement, a vite battu de l’aile.
Cinq ans après la venue au monde de notre ainé alors que nos relations étaient quasiment au point mort, naquit Nicolas, une naissance qui allait tout réparer.
Comme si ce genre de remarque pouvait être vrai...
Nicolas ayant atteint l’âge de cinq ans, la différence entre son comportement et celui des autre enfants grandit, grandit et son intégration au monde devenait de plus en plus flagrante par rapport à la norme. Sa mère et moi avons finalement divorcé et c’est moi qui ai abandonné ma carrière professionelle pour exercer la garde de mes deux enfants après un long itinéraire fait de juges, de constats policiers, d’avocats et autres spécialistes du couple ou du droit familial.
Dont acte, sans plus.
Mais Nicolas était bizarre, étrange. Il jouait uniquement avec ses schtroumpfs de caoutchouc, ses playmobils et rien d’autre. Il était gauche, donnait l’impression de subir le monde sans aucune interaction avec celui-ci, ne savait pas calculer mais donnait l’impression qu’il savait lire. Preuve en est, comme il aimait tant ses schtroumpfs, je lui en lisais toutes les aventures, Ensuite, toujours seul dans son coin, il les reprenait tout seul sans omettre une ligne ni la moindre intonation. Mais il ne savait toujours pas écrire ni calculer. Bizarre, non ?
Je suis donc allé voir des docteurs, des spécialistes de tout et n’importe quoi, des cliniques, des psys et que sais-je encore.
A la 84ème visite - oui, vous avez bien lu la 84ème ! un petit docteur d’origine asiatique qui ne payait pas de mine m’a dit : votre fils est autiste.
J’étais presque ravi d’avoir enfin un diagnostic.
Autiste, qu’est-ce que c’est que ça ?
C’est là que le calvaire a commencé...
L’interprétation de l’époque était sans appel : l’autisme était causé par l’absence d’amour de la mère qui, avant même la naissance, rejettait inconsciemment ou non la créature qu’elle portait. Vu l’itinéraire qui fut le nôtre, je ne vous dis pas la haine qui s’en est suivi. Ni le décuplement de motivation pour tenter de combler cela. Ni, voyez mon intitulé, les conséquences qui s’en sont suivies sur mon ainé que j’ai négligé pour tenter de résoudre l’impossible. Ni cette blessure au fer rouge imposée par ma « famille » de hauts bourgeois bien-pensants que fut cette phrase que je n’oublierai jamais : « c’est de ta faute, tu n’avais pas besoin d’épouser une fille de pauvre ».
J’ai tenu dix ans, le temps que Nicolas puisse enfin rentrer au Village Numéro Un, un village pour handicapés mentaux cité en exemple dans le monde entier. Avoir un handicapé à élever, c’est dur. Mais le plus dur, l’impossible est d’un tout autre ordre : que va t’il advenir de lui lorsque leurs parents ne seront plus là ?
Question plus immédiate : comment joindre la nécessité constante de s’en occuper et l’exercice d’une carrière du genre 8 à 16h30 ?*
J’ai donc, par la force des choses, créé mon propre journal gratuit qui connut un grand succès. Puis j’ai craqué... Mon ainé était tombé dans la drogue, j’étais poursuivi par une masse de politicards de tous bords qui me disaient si gentiment : continue seulement à faire l’imbécile, à ruer dans les brancards. Nous allons te faire procès sur procès pour délit de presse et tu finiras bien par en perdre un. C’est arrivé au onzième, je me suis retrouvé sans rien, ai tout vendu : journal, maison etc etc... S’ensuivit un itinéraire personnel qui m’a mené d’un Cabinet Ministériel à une carrière de fonctionnaire et d’antiquaire en chambre, merde au système. Un accident sur le chemin du travail, un peu exagéré mais je m’en fous, m’a donné le droit à la pension à l’âge de 48 ans. J’ai donc tout plaqué, y compris Nicolas que je recevais un week-end sur deux et suis parti dans le monde. Mon ex-épouse, je lui rends cette justice, s’est alors enfin occupée de son second fils et le reprend tous les week-end depuis maintenant quinze ans.
Et tous les jours, tous les jours, maintenant que j’en suis à mon quatrième pays de résidence je pense encore à cette vie que je et surtout Nicolas mais il en est moins conscient n’avons rien fait pour mériter.
Et à cette question lancinante : mais c’est quoi l’autisme ?
Ai-je été lâche de ne pas avoir eu la force d’assumer ?
Bon Dieu de bon sang, c’est quoi l’autisme ?

Bien à vous, Egalited.
 


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