Santé : le point sur les causes de l’autisme
Une récente étude scientifique apporte un éclairage nouveau sur les causes de l’autisme, concernant le rôle de la génétique. Cette étude relance le débat sur ce sujet, pomme de discorde récurrente entre psychiatres, familles, et associations. Faisons le point.
L’étude est parue dans le Journal of the American Medical Association. Elle porte sur 2 millions d’enfants nés en Suède dont 14500 ont été diagnostiqués avec un trouble du spectre autistique, ce qui en fait l’étude la plus complète sur ce sujet. Elle étudie le risque d’autisme au sein d’une fratrie mais aussi entre cousins. Ses conclusions précises sont les suivantes :
- Entre vrais jumeaux, si l’un des deux est autiste, l’autre a 150 fois plus de risque de l’être que dans la population générale (c’est-à-dire une quasi-certitude compte tenu que la prévalence des troubles du spectre autistique est de l’ordre de 1/150)
- Entre faux jumeaux et entre frères ou sœurs non jumeaux, le risque est multiplié par environ 10
- Entre demi-frères et demi-sœurs le risque est multiplié par 3
- Entre cousins germains le risque est multiplié par 2.
Ces chiffres sont très importants pour les familles, tant est fréquente l’interrogation chez les parents ayant déjà un enfant autiste de savoir quel risque il courent à concevoir un autre enfant. C’est la première fois qu’une étude quantifie ce risque au sein d’une fratrie ou entre cousins avec autant de précision.
L’article conclut finalement que l’autisme est causé par des facteurs génétiques à 50%, et que d’autres causes (les facteurs environnementaux) agissent également à 50%. Les auteurs avancent comme exemples de facteurs environnementaux le statut socio-économique du foyer, des complications à la naissance, des infections maternelles et les médicaments pris avant et pendant la grossesse.
Il n’en fallait pas plus pour redonner de la vigueur à certains commentateurs qui s’obstinent à vouloir inclure dans ces « facteurs environnementaux » de possibles carences éducatives ou affectives des parents, la mère en particulier. Même si ces hypothèses psychanalytiques ont été atténuées par leurs promoteurs depuis quelques années pour être rendues politiquement correctes, passant en gros de « c’est la faute de la mère, elle est pathogène » (version Bruno Bettelheim, années 60) à « c’est la faute de la mère mais elle ne l’a pas fait exprès, elle est juste incompétente » (version années 2000).
Rappelons que diverses études scientifiques menées depuis les années 90 sur l’influence des parents n’ont jamais permis de mettre en évidence une quelconque carence parentale qui serait plus fréquente chez les parents d’enfants autistes. C’est pourquoi la HAS a conclu en 2010 dans son Etat des Connaissances sur l’Autisme que « les caractéristiques psychologiques des parents ne sont pas un facteur de risque dans la survenue des TED. La théorie selon laquelle un dysfonctionnement relationnel entre la mère et l’enfant serait la cause du TED de l’enfant est erronée. » Ce qui n’empêche pas certains psychanalystes de renom de s’accrocher à cette idée…
L’autisme est donc causé par une combinaison de facteurs de risques génétiques et environnementaux d’origine non psychogène. En somme, tout comme certains cancers, les maladies cardiovasculaires, le diabète ou l’obésité. Alors quels sont ces facteurs environnementaux qui peuvent déclencher un trouble du spectre autistique ? En particulier, qu’ont voulu dire les auteurs en mentionnant le « statut socio-économique du foyer » ?
Plusieurs facteurs de risque de l’autisme ont été pointés du doigt par diverses études ces dernières années :
- L’âge du père ou de la mère augmente le risque d’autisme chez l’enfant, en raison probablement du vieillissement des cellules reproductrices qui induit des erreurs de transmission du code
- La prise de médicaments pendant la grossesse : anti-épiletiques ou anti-dépresseurs (ce qui explique l’émergence de théories psychanalytiques sur les mères dépressives comme coupables éventuelles…),
- Les complications à la naissance : une anoxie périnatale pouvant causer un dommage au cerveau par défaut
- l'exposition à certains agent infectieux pendant la grossesse : rubéole, grippe
- L’exposition aux pesticides
- L’exposition à la pollution atmosphérique.
C’est là qu’on trouve ce fameux « statut socio-économique du foyer ». Selon son statut socio-économique, la famille résidera dans un environnement plus ou moins exposé à la pollution automobile (ceux qui en ont les moyens évitant d’habiter à proximité d’une autoroute), aux pesticides agricoles, aux maladies…
Il est donc illusoire de voir dans ces travaux une possible justification à la résurgence d’une hypothèse de carence affective ou éducative. En revanche, la quantification précise du risque entre frères et sœurs ou entre cousins est bien l’information importante à en retenir.
En conclusion, on ne trouvera jamais « le gène de l’autisme » car il n’existe pas, ou plutôt il n’y en a pas qu’un seul. L’autisme, comme le cancer, les maladies cardiovasculaires ou le diabète, résulte d’une multitude de facteurs de risques génétiques qui se combinent avec des facteurs environnementaux biologiques ou chimiques comme les polluants ou certains médicaments. Les faits sont là et il faut tourner la page des théories psychogénétiques obsolètes. Nul doute cependant que certains continueront envers et contre tout de s’accrocher à ces idées, car comme le disait Proust, « les faits ne pénètrent pas dans le monde où vivent nos croyances"…
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