Je commence à comprendre votre raisonnement. Cela dit, je ne suis pas d’accord avec, je vais tâcher de vous expliquer pourquoi :
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Bref, il s’agissait donc de vendre ce qui est gratuit, le droit
d’habiter et de travailler la terre, pour se rendre gratuit ce qui
coûte, le travail de la terre, qui est un temps de vie dédié à cette
activité harassante.
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Ça, ce serait plutôt la situation actuelle. Le concept de monarchie repose sur un facteur que vous semblez perdre de vue : le droit divin. Dans ce système-là, le pouvoir se subdivise en deux piliers : temporel et spirituel, et c’est le détenteur du pouvoir spirituel (le pape, le patriarche ou le grand mogol, peu importe) qui nomme le monarque. Le monarque règne d’après les principes de la religion de son peuple, ce qui suppose déjà quelques règles qu’il ne peut outrepasser en théorie.
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Par ailleurs, non, la terre n’est pas « gratuite ». Au minimum il faut la défendre contre les éventuels agresseurs (et en général, ça ne manque pas). Qui s’en charge ? le monarque et ses vassaux. Ils y risquent leur vie, et doivent s’entraîner pour le métier de la guerre donc, il semble juste qu’ils soient « dispensés » de celui de cultivateur.
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Ce qui veut dire que de mon point de vue, la propriété (toujours privé,
jamais publique) commence ou finit (suivant d’où l’on regarde !) à la
frontière de son pays et se termine (ou l’inverse) à la clôture de son
jardin.
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Deux remarques là-dessus. D’abord, demandez-vous de quel droit êtes-vous « propriétaire » de votre jardin. Vous en êtes propriétaire aussi longtemps que l’État s’en accomode. Le jour où pour telle ou telle raison il décide de le réquisitionner, vous irez bien gentiment camper au fond du bois. Qui est le véritable proprio, du coup ? vous, le code de la propriété, l’armée, la banque ou l’État ?
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Ensuite, la propriété publique, ça existe. C’est le cas en Israël actuellement, par exemple. D’après leur loi, un Juif ne peut vendre sa terre à un goy. C’était le cas en URSS (la terre était cédée en bail de 99 ans, non héritable), mais également dans l’Empire russe, où en fait, c’est même pas le Tsar, mais le peuple tout entier qui possédait la terre, le Tsar n’ayant que le pouvoir de la prêter. Sous l’Ancien régime, jusqu’au XVIIIème, c’est le roi qui était propriétaire de la terre, et qui la cédait en jouissance à des tenanciers, mais il pouvait la leur retirer. On est dans une forme de propriété déjà plus personnelle, et il est donc dans une certaine mesure logique que ça ait fini par donner la propriété bourgeoise de nos jours (et tout son développement capitaliste).
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Cependant, il fallut pour que cela se produise, que le pouvoir spirituel devînt discrédité auprès du peuple (enfin, une partie du peuple, mais surtout, auprès des « élites »). Le poisson pourrit toujours par la tête, c’est bien connu. Ça a pris du temps, et ça démarre à peu près en 1378 avec le Grand schisme d’Occident, quoique le précédent du Procès des Templiers ait déjà bien ébranlé la religion dominante auparavant. L’évolution suivante fut la Réforme, qui déboucha ensuite sur le jansénisme et les (soi-disant) « Lumières », pour s’achever par la Révolution française. Voilà pourquoi, en substance, je considère que ceci est faux :
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Voilà la grande manipulation de la bourgeoisie, faire croire en une
rupture entre elle et le système monarchique, alors qu’il s’agit de sa
perpétuation dans ses fondements. Du même système capitalistique.
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Ce n’était pas le même système, voilà tout. Le système féodal se distingue du système bourgeois ou capitaliste par le fait religieux. Ça change tout. De nos jours, la source du droit c’est la force et l’argent, comme je l’écrivais dans mon papier (sans oublier le pouvoir de l’information, qui sera traité dans la partie 2), mais autrefois, c’était l’autorité religieuse suprême. Notez que ça ne fonctionne qu’aussi longtemps que le pouvoir temporel s’abstient de manipuler le pouvoir spirituel, et que le pouvoir spirituel s’abstient de s’occuper d’affaires temporelles. Quand le Temple juif se mêle trop ostensiblement de jouer à la Banque, un Jésus Christ finit par se pointer et les prêtes y laissent leur autorité (dans le cas du Vatican vendant des indulgences en veux-tu en voilà, c’est Martin Luther qui porta le premier coup et les révolutionnaires le coup final).
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Toutefois, c’était dans un processus d’évolution normale... Mais ne l’est plus depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
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Je ne vois pas en quoi c’est « normal », et à fortiori, pourquoi cette normalité aurait cessé après 1945. Quant à ceci :
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Regardez dans l’histoire de l’humanité, des peuples n’ayant pas basé
leur civilisation sur la propriété de la terre, combien ont survécu ? Et
de ceux qui ont survécu, que reste il de leur espace de vie originel ?
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C’est, à mon avis, une autre question. Les peuples nomades et les peuples sédentaires, ce sont deux archétypes différents, qui vivent d’après des règles différentes. Entre autres, le nomade renonce justement à la propriété de la terre, sinon il devient sédentaire (c’est pourquoi Caïn l’agriculteur finit par « tuer » Abel le berger). Il y a un papier de René Guénon là-dessus, je vous en ai retrouvé un extrait ici : http://esprit-universel.over-blog.com/article-rene-guenon-cain-et-abel-80957812.html . Ça devrait vous intéresser.