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Commentaire de Darkhaiker

sur Réponse non-violente à l'article « La quête du sens dans un monde à la dérive » de Kookaburra, AgoraVox, 19 juin 2014


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Darkhaiker Darkhaiker 26 juin 2014 12:40

Merci de vos réflexions pleines de logique, de rigueur biologique et de simplicité. Hélas plus rien, ou rien du, de tout cela ne nous paraît tangible, crédible, audible ou même plausible, bien que nous

entendions bien certaines choses, bonnes à dire c’est d’accord, comme vraies dans un sens que nous acceptons volontiers et avec « plaisir ».


Tout ce qui concerne un certain bon sens dans le plaisir pris naturellement à accomplir chaque acte de satisfaction d’un appétit ou d’une fonction essentielle qui lui est aussi liée, semble en effet

« parfait » en soi au niveau de la fonction « perfectionnée » par et analysée de ce plaisir. Je suis d’accord. Mais il n’y a qu’une analyse rationnelle qui nous oblige à introduire une notion de plaisir «  rapportée », dans un but logique, à une fonction découpée dans la masse dynamique de la vie. Il n’y a pas de fonction dans la nature : il y a un tout où tout est lié dans une sorte de création apparemment spontanée mais orientée. Je ne peux personnellement justifier en logique les choses en fonction de cette orientation évidente. Au contraire : on dirait que chaque acte construit l’orientation et la transcende de ce qu’elle a en apparence de plus primaire jusqu’au plus « subtil ».


Arrivé à ce niveau, je ne ferais aucune différence entre homme et animal, si l’on accepte l’idée que le plaisir, d’ajouté serait passé d’un côté codifié en culturel, ce qui n’est pas un mal en soi. Le mal

pour moi est quand ce plaisir, ayant pris un certain pouvoir culturel hégémonique prétend à la fois orienter la culture et définir la vie ou la biologie, à partir d’une analyse telle que décrite plus haut.


C’est pourquoi aussi je suis en désaccord avec toute notion de motivation sexuelle (contradiction dans les termes) – même si effectivement, elle est très présente dans le règne animal et notamment chez les singes – en particulier chez les guenons menacées par des mâles dominant notamment, par exemple.

Pour ma part je ne confond pas ruse ou stratégie sexuelle liée à la peur ou la sécurité par exemple, passant par une procuration de plaisir « de remplacement », avec une jouissance équilibrée naturellement dans une vraie fonction. La motivation ou remotivation des stratégies de certaines guenons sont une sorte de

symbole du social en tant que social dans une fonction d’auto-protection ou de survie d’un « individu », d’un groupe ou de l’espèce. Ce n’est même pas une question de critique mais de foi : je n’y crois naturellement pas comme essentielle, profonde et « finale ».


Pour ces mêmes raisons je ne crois en rien à la motivation, qui me paraît être une notion tout droit sortie des sociologies d’entreprise. A observer beaucoup d’animaux, notamment les oiseaux non urbains dans leur vie quotidienne, je ne les vois nullement passant par des motivations mais libres comme l’air et spontanés comme le vent. Je ne nie pas les déterminismes : au contraire je dis que ne voyons que des nécessités, sans être sensibles à la liberté essentielle qu’elles ouvrent comme une porte magique.


Ainsi le sexe est-i aussi magie non analysable – non par un romantisme présupposé mais par le mystère de ses canaux et de sa sensibilité, quand l’acte s’accorde et suit le chemin de valeurs

supérieures  : pourquoi n’y aurait-il nulle beauté dans l’animalité ou la sexualité ? Si vous l’enlevez il ne reste plus que du plaisir pensé, calculé. Ce que donc nous nous trouvons contraint de nommer « plaisir ».


Etes-vous certains de plus ou mieux jouir d’une chose quand vous avez conscience du plaisir que vous éprouver ? C’est peut-être aussi ce en quoi les animaux nous sont supérieurs : ils sont liés à ce qui les dépasse, sans rupture de continuité provoqué par l’arrêt sur l’instant « suprême ». Si l’instant est suprême, ce n’est pas pour ce qu’il « renferme » mais par ce qu’il ouvre au delà de soi et du moi qui l’emprisonne dans une détermination qui nous fait peur et nous menace d’une chute imaginaire dans un état animal supposé mécanique – sans que la preuve véritable puisse d’ailleurs en être

apportée autrement que par une sorte de projection qui me paraît des plus arbitraires et dangereuse en ce qu’elle tend justement à nous priver « logiquement » d’une ouverture vitale au delà de nous- mêmes et des apparences objectives que nous construisons à partir de cette fermeture analytique autant que morale ou parfois religieuse (tout ça revient au même).

C’est pourquoi le plaisir comme il « devient » culturellement ne paraît plus être qu’une sorte de leurre psychologique à côté de la vraie vie. Qu’une majorité humaine prenne plaisir de cette situation ne serait pas si terrible si elle n’allait pas jusqu’à nier toute vérité non utilitariste le concernant, ainsi que l’essentielle fonction de compensation socialement construite autour de lui qui

essaie depuis un siècle de réécrire l’histoire du monde en forme de sociologie appliquée à une universelle fourmilière structuraliste remplaçant le mystères de sciences de la vie qui nous dépassent.


Je ne cherche évidemment pas à imposer ces intuitions pré-scientifiques mais je ne n’accepte pas qu’on les nie comme on nie l’irrationalisme de peuples pré-industriels sans lesquels aucune modernité n’aurait pu piller de richesses, de savoir-faire ou d’idée d’aucune sorte avant leur mise en boîte équationnelle. Cette réduction de tête n’est pas acceptable – surtout elle n’est pas plus digne que véritablement scientifique. Elle est encore directement responsable de l’impasse totale dans laquelle nous sommes à tous les niveaux de nos vies, et cette prise de conscience ne peut pas plus nous inciter au laxisme qu’au conformisme intellectuel : nous sommes au cœur d’un combat masqué, occulté par la puissance même d’un seul projecteur dans la nuit infinie que nous traversons.

Les animaux (non domestiques) ne pensent pas : ils sont et n’ont nullement besoin de savoir pourquoi ils ne sont pas, comme nous. Ils ne sont qu’ émotions alors que chez nous cette émotion est rarement sans calcul froid, c’est la part du « réchauffé ». L’instinct animal est un mystère qui n’a rien à voir avec la motivation : il est bien au dessus de ça. Êtes-vous motivés pour apprécier l’air que vous respirez ? Tout est jouissance dans ce sens et le plaisir culturel ou psychologique fait penser à ces libertés de (…) découpées dans des limite sociales piégeant le narcissisme à des fin de productivité séparée ou analytique (individuelle) purement abstraite (psychologique).

La faim n’est pas une sensation, elle produit des sensations : elle est une force nue, essentielle qui cherche son chemin de satisfaction pour poursuivre son voyage dans la liberté de la dépendance à dépasser en permanence – au cœur d’une lutte et d’une tension liée à la détermination incontournable des conditions. Une déviation et tout s’écroule : la culture est donc au cœur de ce voyage « chamanique  » depuis toujours, mais une culture non anthropocentrée. Sortir de ces motivations, ce que certains effectivement nomment libre arbitre ne me paraît être qu’un dépassement parfaitement naturel : la satisfaction est un chemin vers l’ailleurs, vers l’au delà, vers l’inconnu, vers un autre stade. La satisfaction est une nourriture de base, pas un point d’arrivée. Je dirais plutôt liberté dans l’équilibre et un dépassement naturel ascendant, comme passage d’un état à autres, plus subtil et plus profond.


C’est pourquoi croire pouvoir créer des motivations étrangères ou supérieures à l’état animal me paraît bien dangereux ou faux, et en tous cas absolument illusoire : nous ne connaissons rien de l’état animal dans ses connexions illimitées avec le monde, biologiques ou informationnelles subtiles et nous sommes sur la voie, en agissant ainsi, de perdre définitivement contact avec les sources et ressources naturelles les plus belles, les plus vraies et les plus essentielles. Une reproduction sexuée qui aurait logiquement besoin des expédients d’une telle supposée motivation me fait penser à ce film de Woody Allen où des machines auxiliaires s’affairent autour des spermatozoïdes « au travail » ou à renforcer l’érection d’un pénis défaillant. J’imagine l’hilarité de certains de nos ancêtres à l’idée qu’un pénis puisse un jour défaillir ou manquer de motivation !


Mais l’élevage industriel est passé par là et le parc humain rationalise l’absurde survie dans laquelle il s’est enfermé avec «  plaisir » (tout est dans l’anticipation psy). La nature ou l’animalité étaient d’abord une santé avant d’être un auxiliaire de vie « autonome inventée » au service exclusif d’un humanisme utilitariste « sanitaire ». Mais nous avons épuisé cette prodigalité, plus royalistes que le roi, nous parlons maintenant d’apprendre au

« vieux singe à faire la grimace » en nous vantant d’inventer la vie ou plutôt une vie nouvelle et bien sûr meilleure, « supérieure ». Nous sommes en plein mysticisme positiviste. Plus que le pouvoir

d’une illusion il y a là l’illusion d’un pouvoir, assis sur la destruction de toute culture naturelle et surtout de son sens profond, lié au respect de lois qui nous dépassent sans nous soumettre alors que celles de la science dite moderne nous soumettront en nous empêchant définitivement de nous dépasser.


On voit malheureusement très bien pourquoi : nous allons inventer une animalité humaine inédite – même dans le monde animal sauvage le plus inhumain. Mais il est bien de pouvoir encore en parler sans manier le gourdin à venir d’une post-histoire culturelle. Merci en tous cas pour vos commentaires posés et pacifiques, que je respecte en tant que tels, sans pouvoir évidemment tout partager, mais rend le débat intéressant.


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