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Commentaire de bakerstreet

sur Les guerres 14-18


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bakerstreet bakerstreet 28 juin 2014 09:36

Cette ballade entre les barbelés est intéressante. 

La mémoire c’est vrai est suggestive, et la musique des commémorations n’arrête pas de changer. 
La guerre de 14 redevient depuis quelque temps furieusement moderne.
 On ne fera jamais le tour de cette abomination qui nous a formaté. 
« la der des der » disaient-ils. 
Pauvres poilus, pauvres gueules cassées !

 Et mon grand père à qui je rêve parfois, perdu dans les champs de la Somme et de Verdun, baragouinant son breton incompréhensible, son cheval mort trois fois sous lui. 
Voilà ce que me racontait mon père quand j’avais dix ans, et que je l’accompagnais dans ses tournées de vendeur ambulant.
Peut être que rouler, ce long blues de la route facilite la parole !
Les souvenirs de guerre et de solitude. 
Les pires, c’était les officiers et les flics derrière, qui traquaient ceux qui reculaient, qui tentaient de fuir en se bouchant les yeux.

C’est drôle, plus tard, j’ai fait moi aussi le chemin des dames, toute cette terre changée en terrain de moto cross avec ces mémorial, ces villages disparus, ces trucs étranges qui ressortent de la terre torturée, dont on ne sait plus s’ils appartenaient aux animaux ou aux hommes. 
C’était en Novembre 1973. 
Un sac à dos rempli de pierres, pour le fun, et un fusil mitrailleur entre les mains chargé de balles à blanc. 
C’était pour de rire, le service militaire, mais quand même !

Cent kilomètres et la peau des pieds qui se décolle dans les rangers et la veste du treillis mouillé qui vous colle à la peau sous la pluie froide de novembre, alors que tombe la nuit, voilà la meilleure façon de vous remettre dans la peau de votre grand père, même si je n’avais pas de cheval sous moi. 

Au bout des cent kilomètres, il a fallu se taper la visite d’un mémorial, qu’une gueule cassée garantie d’origine nous a fait visiter ce grand phallus dressé vers le ciel gris, au garde à vous du souvenir. 
Des trucs, des bouts de chair et de machines et d’armes et puis des cartes de no man’s land exposés dans des vitrines.
On était rincé mort !
Un mois sans voir le moindre objet civil, et puis chouette un matin j’ai vu un camion de laitier avec un petite fleur dessus.
C’était en 14 !
C’était en novembre 73 ; des lambeaux de souvenirs qui ne m’appartenaient pas venaient me hanter, et me faisaient presque pleurer de fatigue et de dépit. 

Le coup d’état de Pinochet venait de déchirer le Chili. 
Des choses dont nous parlions le soir, après que les gradés aient fini de nous assommer sous leurs ordres et leur humiliations. 
Il me semble que nous ressentions la terreur des chiliens un peu plus que les autres
Et tous à coup, le temps et les kilomètres, n’existaient plus.

Mon grand père avait bien raison. Le pire, c’était les officiers, et puis les flics derrière, pour vous forcer à avancer vers les autres.

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