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Commentaire de Rounga

sur Lettre à la Mort


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Rounga Rounga 30 juin 2014 09:39

Si la science nous permettait de vivre mille ou dix mille ans, est-ce qu’on ne trouverait pas ce temps, vers la fin, trop court ? Je ne crois pas que ce soit par l’augmentation de la quantité des années à vivre qu’on règlera le problème. Et même si on parvient à repousser indéfiniment les limites de la mort, ce ne sera toujours pas l’éternité. J’ai écrit que l’Infini n’est pas l’illimité. L’éternité, on peut la vivre l’espace d’un instant. Quand une fille nous dit « je t’aime » pour la première fois, on est tout entier existant dans ce moment-là, en apesanteur dans un présent qui a suspendu sa course folle. On se dit que le monde peut s’écrouler immédiatement sans qu’on en soit affecté, car on a trouvé un petit nuage sur lequel on flotte et qui sera de toute façon préservé. Nous pouvons à tout instant créer de telles percées vers l’infini, qui sont autant de refuges dans lesquels nous savons que nous resterons pour toujours, puisque nous étions totalement là et que nous n’en sommes pas partis.
Et puis, si on en revient à des consdérations plus pratiques, une science qui nous permettrait de ne plus mourir ne nous condamnerait-elle pas à vivre toujours vieux ? Et même si elle trouve le secret de la jeunesse perpétuelle, cela ne va-t-il pas poser un problème de surpopulation ? Ou bien il faudra interdire la reproduction, et alors plus de rires enfantins ni de jeux. Sans compter que, si la science était un jour capable de régénérer indéfiniment mon métabolisme, je doute qu’elle soit assez performante pour empêcher qu’une tuile un jour se détache d’un toit pour aller fracasser mon crâne pendant que je me promène tranquillement dans la rue. La mort accidentelle resterait toujours une possibilité. Et qu’en serait-il du travail ? Serai-je obligé de travailler sans espoir de repos ? Et travailler pour quoi faire, d’ailleurs ? J’aurais une quantité indéfinie de temps devant moi, pourquoi me fatiguer maintenant à accomplir un projet que je pourrais bien faire dans dix, cent ou mille ans ?
Je crois que les motivations humaines, ainsi que son enthousiasme, sont intimement liées à sa finitude, et que sans elle l’humanité se trouverait plongée dans une léthargie dont elle ne pourrait pas sortir. Je n’ai pas vu Le Septième sceau, mais j’ai vu Zardoz et son tableau cauchemardesque de l’immortalité. Je préfère mille fois ma vie mortelle.


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