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Accueil du site > Tribune Libre > Lettre à la Mort

Lettre à la Mort

Chère Mort,

Tu seras peut-être surprise de recevoir une lettre, j’imagine que ça ne doit pas être bien souvent que tu as du courrier. Moi-même, je t’avoue, en t’écrivant, je me sens fébrile. L'impression est un peu plus glaciale mais ça me rappelle quand j'écrivais, petit, au Père Noël. Après tout, le rapprochement n’est pas si saugrenu : comme l’obèse au bonnet rouge qui visite en quelques heures des millions de maisons de par le monde, tu sillonnes le globe à une vitesse inconcevable pour frapper les uns après les autres des individus éloignés entre eux de plusieurs milliers de kilomètres. La différence, c'est que l'autre feignasse ne travaille qu’une nuit par an, alors que toi tu ne prends jamais de repos.

Si je t’écris aujourd’hui, c’est pour te demander si ça va. Je me fais du souci pour toi, tu sais. Ce n’est pas que j’aie l’impression que tu sois en perte de vitesse ; au contraire je n’ignore pas que ton agenda est toujours bien chargé. Ce n’est pas non plus que je m’inquiète de ta réputation ; tu n’as jamais été spécialement aimée de toute manière, et je crois bien que cela t’es indifférent. Et ce n’est pas non plus que je sois particulièrement pressé de te croiser sur mon chemin, merci. Non, ce qui m’inquiète, c’est ce piège dans lequel l'homme du XXIème siècle veut te faire tomber. Sa volonté aujourd'hui, c'est de te domestiquer, de t’apprivoiser, de te dresser pour que tu n'agisses plus à l'improviste, mais sur commande. Il voudrait que tu ne viennes le chercher que quand lui l'a décidé. Un coma, un handicap, une souffrance, et te voilà illico convoquée. Pas question pour lui de vivre de manière non rentable, il veut tracer des autoroutes à travers les forêts obscures du destin pour t'obliger à y passer selon son bon vouloir. Je te vois mal accepter de voir tes itinéraires si proprement balisés, toi qui es si libre, si imprévisible.

Ta liberté, elle est essentielle à ta fonction. Car c’est en nous prenant par surprise que tu soulèves le rideau d’illusion qui nous aveugle. Toutes les choses que nous croyons importantes, indispensables, précieuses, tu en montres la vacuité quand tu te pointes avec ta faux, sans prévenir. C'est comme à la fin d’une caméra cachée, quand on révèle le pot aux roses : "Ce n’était qu’une blague ! Vous vous êtes bien fait avoir. Si vous voyiez votre tête !". On pourrait prendre bien trop au sérieux cette absurdité qu’est la vie si tu n’étais pas là pour vendre la mèche. C'est la caractéristique des temps présents : prendre tout au sérieux, ou le tourner en dérision, ce qui est au fond la même chose. Personne ne veut plus considérer le ridicule tragique dont est affublée toute existence, du début à la fin, et c'est pour ça que l'on veut te chasser de notre vie quotidienne, te relèguer le plus loin possible de nous pour ne plus te voir, et finalement t'oublier. Alors qu'autrefois tu t'invitais directement chez les gens, sans que ça leur fasse plaisir pour autant, on te prie maintenant de ne passer que par l'hôpital, et encore, uniquement quand nous le voulons bien, c'est-à-dire quand on estime qu'une vie ne vaut plus la peine d'être vécue à force de souffrance. Après tout, il n'y a pas si longtemps on te construisait des camps, ce qui relève de la même logique. Même les militaires, qui faisaient autrefois partie de tes intimes, ne veulent plus entendre parler de toi, et veulent des "guerres propres", à l'abri derrière une télécommande, à 5000 kilomètres de l'endroit où tu te tapes le boulot. Et c'est à peine si tu as le droit de prendre le volant, tant tu es persona non grata sur nos routes. Un jour on te sucrera le permis pour de bon. Pauvre mort ! Si seule, si asservie...

Et si égalitaire, aussi ! C'est toi la grande niveleuse, l'élagueuse absolue. S'il y en a bien une qui ne fait aucune distinction entre les gens, c'est toi. Le ministre comme le chômeur, le riche comme le pauvre, le Blanc comme le Noir, le pédé comme l'hétéro, la femme de gauche comme l'homme de droite, la pute comme le client, tous reçoivent ta visite à un moment ou à un autre, et tu demandes le même tarif pour chacun. Ca explique pourquoi, à une époque où on a que l'égalité à la bouche, tu fascines à ce point. Car ce n'est pas parce qu'on veut taire ton nom que tu ne fascines pas, bien au contraire ! Et c'est là qu'est le paradoxe, car d'un côté on essaie de te circonscrire pour ne plus voir ta tête de Mort, et de l'autre on te met sur un piédestal en tant qu'auxiliaire du Droit, en t'associant à la Dignité. Ce n'est que quand tu te seras encombré de cette coéquipière, que tu ne connais ni d'Eve ni d'Adam d'ailleurs, qu'on t'accordera de la considération. Ne me dis pas que tu te fais avoir aussi facilement. Je te croyais plus intelligente que ça, la Mort. Quoique... Es-tu intelligente ? C'est à voir... Vu le nombre de connards à qui tu tardes tant à faire un petit coucou bien mérité, il y a vraiment de quoi se poser la question.

Tout ça pour dire que la situation n'est pas brillante. Je sais bien que les choses n'ont jamais été simples entre toi et nous, mais là, il faudrait vraiment penser à la relation qui nous lie fatalement. Nous te devons la conscience de l'Infini, car c'est en nous démontrant infailliblement notre finitude que tu nous fais deviner l'Infini, et nous permet de l'effleurer. L'art, la religion, l'amour, qui font vibrer la vie, nous ne les aurions pas sans toi. Mes contemporains, parmi toutes les confusions qu'ils comettent, assimilent l'Infini à l'illimité, ce qui est une erreur car les limites sont ce qui permet à l'Infini de se manifester sous ses divers aspects. Voilà pourquoi ils se méprennent sur ton compte, et croient possible, voire même désirable, de te soumettre à leurs caprices. A force de vouloir l'Homme tout-puissant, et donc de tout contrôler, y compris toi, nous ne savons plus goûter la vie. Ca ne m'étonne pas que tant de gens préfèrent aller à ta rencontre en bas d'un pont ou au bout d'un canon, ils doivent trouver qu'il y a là plus de vérité que dans un hôpital, entouré de toutes sortes de machines. Mais ces quelques-uns qui t'accueillent comme la libératrice que tu n'es pas, je doute qu'ils suffisent pour te faire accepter ta condition présente. Ne vas-tu pas te rebeller un jour ? Est-ce qu'à force d'être traitée comme une domestique tu ne vas pas renverser la situation et devenir l'impératrice des temps futur ? Ce n'est pas non plus ta place, et c'est pour empêcher cette éventualité que je t'écris aujourd'hui, pour te montrer que nous sommes quelques-uns à penser un peu à toi et au jour où on se verra, en chair et en os si je puis dire.

D'ici ce moment, que j'espère le plus tard possible, je te dis bon courage.


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43 réactions à cet article    


  • howahkan Hotah 28 juin 2014 09:41

    Salut rounga....sujet troublant pour l’occident et amis qui ne veut plus mourir.

    je finissais justement le dernier post ici sur le site il y a 2 minutes par :

    et puis on peut se consoler en se disant que tous problèmes résolus, reste le plus gros : maman je vais bientôt mourir.

    je vais faire court...la mort du corps est pour moi, bien sur un absolu, notre cerveau analytique ou « moi je » n’y a simplement pas accès, il ne peut rien y faire lui qui ne peut que analyser le passé , ne vivra en fait jamais le moment de la mort pas plus qu’il ne vit en conscience le moment du sommeil.....et il commet , ce qui est pour moi LA faute irréparable qui est alors d’essayer de la changer , de la nier, de l’apprivoiser, de la tuer, de la rechercher etc etc.....pourquoi LA faute ?

    Parce que on ne peut fuir un absolu, l’absolu ne se rencontre pas si souvent dans une vie, si on en tient un bout wow, ça c’est intéressant non . ?? on ne peut fuir un absolu aussi clairement que je ne peux fuir le fait que soleil soit, il y a , même si je ferme les yeux il est là.....
     Aussi mentalement, plutôt inconsciemment ( en soi je ne vois pas d’inconscient mais notre cerveau devenu de + en + limité de ce fait crée de + en + d’inconscient ) j’essaye de nier ce qui est un fait et de plus il est absolu, ce qui n’est pas possible.....il y a une bataille interne inconsciente en moi même, entre le fait qui lui « est » et ce que je veux que la vie soit.....« je » n’a pas la capacité a décider cela, il peut décider de la taille de l’abri et de la bouffe du soir mais c’est tout......

    Dans des moments de vision étrange, une vraie vision n’est jamais personnelle même si vécu personnellement bien sur, elle concerne tout le monde , il est donné de voir, que le sujet de la mort n’est pas le sujet initial problématique , le sujet de la mort donc de la fin, intervient uniquement quand « je » cherche un continuité quelque part.....voila pourquoi des enfants jusqu’à un certain age n’ont pas encore ce problème de la mort, c’est parce que leur quête de continuité est encore trop mineure pour cela.....cela va concerner le fonctionnement profond même de notre cerveau, non sujet total pour tous, cerveau qui pour moi, je le dis par expérience , a perdu en route certaines de ses capacités pour ne garder que celle qui cherche la continuité en tout, partout et tout le temps..ceci est impossible ,n’existe pas et nous rends déments..

    Mais je vais arrêter là, car le sujet concerne la vie entière , l’espèce entière....et il est là pour tous....tout ce qui est « bon » est là à la porté de tout le monde, on n’y va jamais , qu’y puis je ?


    • Rounga Rounga 29 juin 2014 10:23

      le sujet de la mort donc de la fin, intervient uniquement quand « je » cherche un continuité quelque part

      Oui. La question de la mort ne se pose pas si l’on vit tout entier dans l’instant.


    • claude-michel claude-michel 28 juin 2014 15:56

      A la vie a la mort...ou tu vas..tu mange quoi..tu bouffe trop..tu baise mal..tu bande mou..tu bois n’importe quoi..tu fume de la merde..ta seringue est pas propre..t’as le cancer ?..tu respire mal ?..ben tu passe l’arme à gauche..allez salut.. !

      bof..on en fait tout un fromage...

      • Rounga Rounga 29 juin 2014 10:28

        C’est facile de jouer les détachés quand on s’imagine que la mort viendra nous cueillir à la fin de nos vieilles années, mais seriez-vous aussi blasé si vous saviez que vous deviez mourir dans 5 minutes ?


      • 65beve 65beve 28 juin 2014 18:40

        Quand tout le monde sera mort, est-ce que la mort existera encore ?



        • Rounga Rounga 29 juin 2014 10:24

          Au chômage, ou en vacances, selon les points de vue.


        • Claudius Claudius 28 juin 2014 18:54

          Rounga bon soir .. Bien reçu ton mail : tu accordes bien de l’importance aux bipèdes je trouve !


          Quand j’officie, je ne les vois même pas, mélangés qu’ils sont aux muscas, aux blattes et aux cirons

          Je pense bien à toi

          • Rounga Rounga 29 juin 2014 10:21

            Je pense bien à toi

            Brrrrrrr...


          • Marais 28 juin 2014 20:14

            Bonsoir, Rounga, c’est un très beau texte que vous avez écrit là, je vous félicite.


            • Rounga Rounga 29 juin 2014 10:24

              Merci beaucoup Marais.


            • Marais 28 juin 2014 20:14

              Bravo Rounga, c’est un très beau texte que vous avez écrit là, je vous félicite.


              • Jean Keim Jean Keim 28 juin 2014 21:47

                Cet article est allégorique, toutefois écrire à la mort n’est-ce pas la considérer comme extérieure à soi ? 


                • Rounga Rounga 29 juin 2014 10:25

                  Comme vous le dites, c’est allégorique, donc je ne sais pas quoi répondre à votre question.


                • Rounga Rounga 29 juin 2014 10:26

                  Merci pour cette appréciation très positive, Katherine.


                • Rounga Rounga 30 juin 2014 09:06

                  Sur le paganisme et le christianisme :

                  Dans cet article, je posais la question, essentielle à mes yeux « qu’est-ce qui fait qu’une vie vaut d’être vécue ? ». La réponse à cette question varie selon qu’on pense que l’homme peut réaliser sa perfection d’être par ses propres forces ou s’il a besoin d’une aide extérieure. Dans le premier cas, la vie n’acquiert sa valeur qu’en fonction de ce que nous en faisons, et c’est alors la puissance qui est valorisée. L’accomplissement d’une vie ne se mesure qu’au pouvoir que celle-ci a permis, et alors il est logique de penser que les vies sans puissance (celle des vieux, des handicapés, etc.) n’ont pas de valeur. En revanche, selon la seconde option, la vie a une valeur en elle-même puisqu’elle nous est donnée par quelque chose qui nous dépasse, et alors toute vie vaut d’être vécue. Dans cette optique, ce n’est pas la puissance qui est valorisée, mais au-contraire l’humilité, qui est le moyen par lequel nous pouvons nous unir à l’Infini.
                  Si j’utilise la dialectique christianisme/paganisme, j’ai bien conscience que certaines religions non-chrétiennes ont bien la notion de la transcendance. Mais la plupart du temps, cette révélation n’était réservée qu’à une caste, une race, ou à un cercle d’initiés. Le christianisme, de par sa vocation universelle, a permis de révéler les potentialités de ce que j’ai appelé « humanisme théocentrique ». Nos considérations sur la vie humaine, notamment en ce qui concerne le statut des faibles, ont été façonnées par lui, au point que nous les incorporions dans notre compréhension des droits de l’Homme, qui sont pourtant une émanation de l’humanisme anthropocentrique. Il y a donc bien un mouvement de flux et de reflux qui s’effectue entre ces deux humanismes.
                  L’humanisme anthropocentrique donne le pouvoir, mais il renforce également notre moi égoïste, puisqu’il affirme que notre vie d’a de valeur que si nous en profitons. Le pouvoir acquis sert à satisfaire le moi. L’humanisme théocentrique, s’il ne donne pas le pouvoir, donne la joie. Par le mépris du moi nous avons accès à une joie qui dépasse celle que nous pouvons obtenir par les satisfactions égoïstes. Ce n’est pas qu’il faut rejeter le pouvoir et souhaiter que la vie soit pénible, c’est qu’il ne faut pas s’y attacher au point de sacrifier la joie.

                  Sur le confucianisme et la taoïsme :

                  Si vous trouvez le point de vue par lequel le confucianisme et le taoïsme sont complémentaires, je vous félicite. Car toute la difficulté est là : nous avons face à face deux sagesses qui semblent s’opposer, mais en avançant sur la voie cette dualité s’amenuise car nous allons au-delà des mots. Cela implique un grand travail intérieur, qui prend prendre toute une vie, tant c’est un sujet inépuisable


                • Vipère Vipère 29 juin 2014 13:41


                  Ecrire à Dame Camarde est une démarche intéressante, une manière de dompter sa peur en faisant face à une puissance métaphysique qui a le pouvoir de dominer et de soumettre toute la création terrestre à une fin. La vie porte en elle les germes mortels dès la naissance de tout ce qui existe au monde.

                  La seule vraie justice qui ne recule devant aucune créature, riche ou pauvre, roi ou manant, belle ou laide, jeune ou vieille, elle fait plier toutes les créatures à sa loi.

                  La seule différence est le mode opératoire, elle peut avoir la main douce, emporter sa victime pendant son sommeil sans lui infliger la moindre souffrance, on alors parle d’une belle mort, ou au contraire, se montrer d’une cruauté sans bornes pour d’autres en leurs infligeant les pires souffrances. 

                  Mourir de sa belle mort est un privilège, tous ne peuvent y prétendre et c’est la faucheuse qui décide selon des critères mystérieux, connues d’elle seule.

                   



                  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 29 juin 2014 13:44

                    Il est scandaleux qu’on ne puisse avoir piscine le jour de sa mort !


                  • Vipère Vipère 29 juin 2014 13:54


                    Ainsi, le facétieux BRASSENS, avouait volontiers qu’il voulait bien mourir pour ses idées, mais de mort lente... Autrement dit, le plus tard possible. L’’on comprend aisément que le poète, aujourd’hui disparu n’était pas pressé de casser sa pipe, tant il était amoureux de la vie, dont il était fin gourmet, ses chansons sont là pour en témoigner. 

                    Mais, l’excellent Georges se savait mortel et avait prévu sa dernière demeure de la plus délicieuse et coquine qui soit, jugez-en ! smiley



                  • Francis, agnotologue JL 29 juin 2014 14:39

                    @ Aita Pea Pea,

                    vous oubliez ceux qui y l’y ont trouvée, et ceux qui l’y trouveront.

                    @ Vipère,

                    vous avez oublié le lien : Supplique pour être enterré à la plage de Sète


                  • Vipère Vipère 29 juin 2014 14:41

                     

                     

                    Minutieux jusque dans l’infime détail, voilà comment ce sacré Georges voulait encore célébrer la vie, par delà la vie ;

                     

                    « Qu’en prenant ma bute pour oreiller

                    une ondine viendra gentiment sommeiller avec moins que rien de costume »

                     

                     

                    http://www.youtube.com/watch?v=6uXei215978

                    supplique pour être enterré sur la plage de Sète

                     

                     

                     

                     

                     

                     

                     


                    • Francis, agnotologue JL 29 juin 2014 14:50

                      ’’J’en demande pardon par avance à Jésus,
                      Si l’ombre de ma croix, s’y couche un peu dessus,
                      Pour un petit bonheur posthume.
                      ’’


                    • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 29 juin 2014 14:50

                      J’aime la notion de poussière d’étoile ,de je ne sais plus qui .


                    • Francis, agnotologue JL 29 juin 2014 15:16

                      @ Vipère,

                      pardon de vous avoir grillée la politesse, mais comme vous, j’étais enchanté de pouvoir citer ici cette chanson.


                    • Vipère Vipère 29 juin 2014 14:59

                       

                      Je n’ai pas oublié, la supplique pour être enterré à SETE, (je cherchais le lien et vlan plus de connexion) 

                       

                      Merci JL d’avoir anticipé ma pensée... si l’on connait un tant soit peu le répertoire du bon vieux Georges, il ne pouvait que finir sa carrière sur une énième insolence dont on ne se lasse pas de se régaler.

                      Irrévérencieux jusqu’au bout, mais, prudent, il ne tenait pas à s’attirer pour l’éternité les mauvaises grâces d’un certain Jésus, auquel il demandait « pardon par avance » dans sa fameuse supplique.

                       


                      • Vipère Vipère 29 juin 2014 15:09

                         

                         

                         

                        L’homme est-il vraiment de la « poussière d’étoiles » ?
                        En 1970, le biologiste Jacques Monod écrivait dans Le Hasard et la Nécessité que l’homme avait émergé par hasard dans un Univers qui se souciait de lui comme d’une guigne. Rien n’a de sens. Une vision bien désespérante que je ne partage pas. Je pense au contraire que la cosmologie moderne a réenchanté le monde en redécouvrant l’ancienne alliance entre l’homme et le cosmos. L’astrophysique a en effet précisé à la fin des années 60 cette connexion cosmique en démontrant que tous les éléments chimiques lourds de la table périodique des éléments (plus lourds que l’hydrogène et l’hélium faits dans le big bang) ont été fabriqués dans les étoiles. Soit par l’alchimie nucléaire en leurs centres, soit lors de la mort explosive des étoiles massives, appelées « supernovae ».

                        Si l’Univers ne contenait que l’hydrogène et l’hélium formés dans les trois premières minutes de l’Univers, nous ne serions pas là pour en parler. Et cela, parce que l’hydrogène, dont le noyau est composé d’un seul proton, est trop simple, et l’hélium trop stable pour pouvoir donner naissance à des structures complexes. Il n’y aurait pas eu la complexité nécessaire pour créer l’ADN de la vie ou les neurones qui constituent la base de notre pensée. L’Univers serait vide et stérile.


                        En savoir plus sur http://www.telerama.fr/monde/nous-sommes-tous-des-poussieres-d-etoiles-et-autres-choses-a-savoir-sur-le-cosmos,100813.php#2BBKKhsY5X3RIxO4.99


                        • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 29 juin 2014 15:13

                          Toujours pensé qu’en pétant de l’hydrogène sulfuré je participais de l’univers ... smiley


                        • Christian Labrune Christian Labrune 29 juin 2014 23:28

                          Rounga
                          Vous n’êtes pas bien loin des dernières formules du Cantique des Créatures de François d’Assise : « Loué sois-tu, Seigneur, pour notre soeur la Mort corporelle, à qui nul vivant n’échappe... »
                          On ne saurait vous le reprocher. Considérer lucidement sa finitude, quelque sinistre que puisse être la tonalité de la méditation qui en résulte, ça vaut toujours mieux que de jouer les autruches et d’imaginer qu’on résoudra le problème, le moment venu, par une anesthésie médicale effectuée dans les règles de l’art, au moyen d’une petite seringue maniée par des mains expertes - et parfaitement aseptisée ! Principe de précaution : avec les maladies nosocomiales, ça vaut quand même mieux, on ne sait jamais !
                          J’ai moins de sympathie que vous pour la camarde et les arrangements que les religions ont cru pouvoir nous ménager avec cette saloperie. Je trouve plus « digne » (un mot très à l’ordre du jour !), et plus idoine, l’attitude de tel personnage du « Septième sceau » de Bergman, lequel refuse de s’en accommoder et, dès la nuit tombée s’assoit devant un échiquier pour reprendre sa partie avec la Mort, même s’il sait bien qu’à la fin le mat est inévitable et qu’il n’y coupera pas.
                           Nietzsche prétend quelque part : « On peut mourir d’être immortel ». Je ne suis pas du tout de cet avis, et l’éternité, même si elle dure très longtemps « et surtout vers la fin », comme disait un humoriste, ne m’inquièterait pas le moins du monde. Mort à la mort ! Et vive le transhumanisme !

                          .


                          • Rounga Rounga 30 juin 2014 09:39

                            Si la science nous permettait de vivre mille ou dix mille ans, est-ce qu’on ne trouverait pas ce temps, vers la fin, trop court ? Je ne crois pas que ce soit par l’augmentation de la quantité des années à vivre qu’on règlera le problème. Et même si on parvient à repousser indéfiniment les limites de la mort, ce ne sera toujours pas l’éternité. J’ai écrit que l’Infini n’est pas l’illimité. L’éternité, on peut la vivre l’espace d’un instant. Quand une fille nous dit « je t’aime » pour la première fois, on est tout entier existant dans ce moment-là, en apesanteur dans un présent qui a suspendu sa course folle. On se dit que le monde peut s’écrouler immédiatement sans qu’on en soit affecté, car on a trouvé un petit nuage sur lequel on flotte et qui sera de toute façon préservé. Nous pouvons à tout instant créer de telles percées vers l’infini, qui sont autant de refuges dans lesquels nous savons que nous resterons pour toujours, puisque nous étions totalement là et que nous n’en sommes pas partis.
                            Et puis, si on en revient à des consdérations plus pratiques, une science qui nous permettrait de ne plus mourir ne nous condamnerait-elle pas à vivre toujours vieux ? Et même si elle trouve le secret de la jeunesse perpétuelle, cela ne va-t-il pas poser un problème de surpopulation ? Ou bien il faudra interdire la reproduction, et alors plus de rires enfantins ni de jeux. Sans compter que, si la science était un jour capable de régénérer indéfiniment mon métabolisme, je doute qu’elle soit assez performante pour empêcher qu’une tuile un jour se détache d’un toit pour aller fracasser mon crâne pendant que je me promène tranquillement dans la rue. La mort accidentelle resterait toujours une possibilité. Et qu’en serait-il du travail ? Serai-je obligé de travailler sans espoir de repos ? Et travailler pour quoi faire, d’ailleurs ? J’aurais une quantité indéfinie de temps devant moi, pourquoi me fatiguer maintenant à accomplir un projet que je pourrais bien faire dans dix, cent ou mille ans ?
                            Je crois que les motivations humaines, ainsi que son enthousiasme, sont intimement liées à sa finitude, et que sans elle l’humanité se trouverait plongée dans une léthargie dont elle ne pourrait pas sortir. Je n’ai pas vu Le Septième sceau, mais j’ai vu Zardoz et son tableau cauchemardesque de l’immortalité. Je préfère mille fois ma vie mortelle.


                          • foufouille foufouille 30 juin 2014 09:58

                            1000 ans est pas si long que ça. peut être que je m’ennuirais au bout de 10000, mais j’en doute


                          • Christian Labrune Christian Labrune 30 juin 2014 11:39

                            Rounga,
                            Je ne parlais pas d’une immortalité humaine, mais de l’immortalité d’une pensée dont le support cesserait d’être biologique, d’où mon allusion, à la fin, au transhumanisme. Certains biologistes considèrent qu’on pourrait prolonger de quelques centaines d’années la vie humaine. Ce serait toujours bon à prendre, et je ne cracherais pas là-dessus, mais l’avenir de l’homme, soyons un peu sérieux, c’est la machine pensante ; on devrait voir ça avant la fin de ce siècle, et sa mémoire est déjà parfaitement constituée : c’est l’Internet. L’intelligence humaine n’a pas sensiblement progressé depuis la construction des pyramides, et l’annonce hier de la restauration d’un Califat au Moyen-Orient en serait au besoin une preuve des plus éloquentes. Un système intelligent global, à l’échelle de la planète, en revanche, serait amené à se complexifier en permanence, et selon une progression voisine de celle de la loi de Moore. S’il reste des êtres humains dans un ou deux siècles, il n’y a aucune raison d’imaginer qu’ils seront en butte à l’hostilité des méchants « robots » imaginés par les paranoïaques de la science fiction. Ils seront simplement devenus les animaux de compagnie d’un système plus intelligent qu’eux et qui les aura depuis longtemps dépassés.


                          • Rounga Rounga 30 juin 2014 11:58

                            Christian,
                            Je vous avais mal compris, certes, mais si nous parvenons à fabriquer des machines pensantes, qu’est-ce que ça pourra bien nous faire ? Quel avantage tirerai-je de savoir qu’il y a une machine un million de fois plus intelligente que moi ? Je conçois qu’on atteint une forme d’immortalité en transmettant des pensées et des idées qui nous survivront, mais ça ne règle pas la question de la mort personnelle. Même si je laisse un héritage, une trace, des souvenirs, il n’en reste pas moins que moi, avec mon caractère, mes opinions, mes goûts, mes désirs, mes projets, mes pensées intimes, je vais mourir, et que je dois me faire à cette idée. Sur mon lit de mort, l’idée qu’il existe une machine pensante sera une consolation plutôt maigre, je trouve.


                          • Rounga Rounga 30 juin 2014 12:03

                            Il y a un film qui est sorti il n’y a pas longtemps qui a l’air de traiter du sujet du transhumanisme. Je crois qu’il s’appelle Transcendance, avec Johnny Depp. Je n’ai pas beaucoup de temps pour aller au cinéma, mais si vous en avez, vous pouvez aller le voir et en faire la chronique sur ce site.


                          • Christian Labrune Christian Labrune 1er juillet 2014 12:29

                            "Quel avantage tirerai-je de savoir qu’il y a une machine un million de fois plus intelligente que moi ? Je conçois qu’on atteint une forme d’immortalité en transmettant des pensées et des idées qui nous survivront, mais ça ne règle pas la question de la mort personnelle."
                            Rounga
                            Je suis bien d’accord avec vous sur ce point : en tant qu’individu mortel, ça me fait en effet une belle jambe ! Mais ça change tout de même la représentation qu’on peut se faire d’un monde actuel enlisé dans des problématiques du moyen-âge et condamné de toute façon, à moyenne échéance, à disparaître avec ses religions archaïques et ses fantasmes ridicules. Les obsessions paranoïaques des écologistes, par exemple, qui veulent ménager pour des millénaires la planète et le bonheur d’un Homme qui devait rester éternellement ce qu’il a toujours été, apparaissent pour ce qu’elles sont : de simples délires passéistes et fascisants, déconnectés de toute vision réaliste de l’état des choses et de leur devenir.
                            Le cinéma de science fiction a le mérite d’ouvrir un peu le champ de l’imaginaire et des possibles, mais souvent à partir d’idées assez simples et très fausses. Zardoz, que vous évoquiez et que j’ai revu il y a quelques mois, est un bon film, mais qui parle plus des années 70 que de ce qui nous attend. Je n’ai pas vu le film plus récent que vous évoquez ; je le verrai probablement un jour, mais le cinéma est un divertissement, rien de plus, et ne permet guère de penser ces sortes de questions.


                          • Éric Guéguen Éric Guéguen 30 juin 2014 11:10

                            Bonjour Rounga, et merci pour ce texte plein d’humour.
                            J’ai deux remarques à faire.

                            La première pour relever ce qui pourrait à notre époque passer pour un paradoxe : le fait d’un côté de déplorer l’hygiénisme contemporain et la peur de mourir, le refus d’assumer jusqu’au bout la vie qui nous échoit, de l’autre le fait de faire l’impasse, dans cette « missive », sur l’après-mort qui est précisément, pour nombre de croyants, à tort ou à raison d’ailleurs, une consolation et un vecteur de courage pour endurer le mal.
                            J’ai une tante dont l’un des enfants (mon cousin donc) est actuellement très malade. Elle prie chaque jour. Mais elle ne prie pas pour sa guérison. Non, elle prie pour que Dieu lui donne le courage de se battre contre la maladie, quel que soit l’issue de ce combat.

                            La seconde remarque que je ferais porte sur un constat que je partage : la mort est la seule chose devant laquelle nous soyons effectivement toutes et tous égaux. Je n’irais pas jusqu’à dire que l’égalitarisme est un tropisme mortifère, mais pas loin quand même. Penser le vivant, c’est au contraire, assumer le divers des comportements, des capacités, des réflexes psychologiques, des idiosyncrasies. Cette finesse de jugement n’est malheureusement pas à la portée des époques d’intense médiocrité comme la nôtre.

                            Lors de la première grossesse de ma femme, étant pour ma part d’origine bretonne, un médecin nous a mis en garde contre le risque de certaines maladies héréditaires typiques du nord-ouest du pays. Mais c’était ensuite pour nous dire que ces risques étaient compensés par la vigueur génétique dont était porteuse, sur ces points précis, mon épouse d’origine arabe quant à elle. Voilà clairement le genre de différences génétiques - communautaires, qui plus est !! - sur lesquels on ne s’éternise que rarement, de peur de mettre à mal le beau rêve d’une nature indistincte, donc égalitaire, sur lequel vit l’espèce contemporaine. Penser la vie, c’est penser le divers et faire avec. Seule la mort (ou Dieu ?...) a, comme vous le dites, le pouvoir de niveler.

                            À vous lire,

                            EG


                            • Rounga Rounga 30 juin 2014 11:32

                              Bonjour Eric,

                              J’ai une tante dont l’un des enfants (mon cousin donc) est actuellement très malade. Elle prie chaque jour. Mais elle ne prie pas pour sa guérison. Non, elle prie pour que Dieu lui donne le courage de se battre contre la maladie, quel que soit l’issue de ce combat.

                              C’est effectivement très important. La fin de la souffrance est aujourd’hui réclamée comme un dû, soit à la justice quand il s’agit de « mourir dans la dignité », soit à la science pour qu’elle trouve un moyen de nous dispenser des désagréments de la vie. Si, bien sûr, il ne faut pas souhaiter rendre l’existence plus pénible, cette attitude prend selon moi la question à l’envers. Quand je me cogne le petit orteil sur le coin du lit le matin, je souffre beaucoup, mais ce n’est pas ça qui me donne envie de renoncer à la vie. C’est que j’ai assez de force morale pour supporter cette douleur. La solution consiste donc à rechercher la force de supporter les inconvénients de l’existence, plutôt que de vouloir les supprimer, ce qui revient à fuir quelque chose qui nous rattrapera toujours.


                            • Éric Guéguen Éric Guéguen 30 juin 2014 11:57

                              Vous avez parfaitement compris ce que je voulais dire. Cela dit, je ne suis, personnellement, pas « choqué » par le fait que certains grands malades, à bout de force mais toujours lucides, veuillent en finir. Il y a aussi de nos jours un culte voué à la vie qui me paraît odieux. L’affaire Vincent Lambert est épouvantable, et il est déplacé de la part de chaque spectateur de prendre partie alors que sa famille se déchire déjà à ce sujet. Mais le fait de constater qu’il y ait tant de tergiversations parce que personne, en définitive, ne veut passer pour un bourreau, c’est écœurant.
                              Le culte porté à la vie dans un cas pareil me semble outrancier (opinion qui va, je le sais, à l’encontre des principes chrétiens dans lesquels j’ai été élevé). Celui qui consiste à jeter l’opprobre sur les partisans de la peine de mort ou de l’avortement me paraît être du même tonneau.


                            • Rounga Rounga 30 juin 2014 12:05

                              Effectivement on devrait pouvoir renoncer à se faire soigner, et laisser faire la maladie si on le désire. L’acharnement thérapeutique est aussi contraire à la vie que l’euthanasie. Mais c’est un sujet dont il est difficile de parler globalement, tant chaque cas est particulier.


                            • Éric Guéguen Éric Guéguen 30 juin 2014 12:18

                              Tout à fait.


                            • Éric Guéguen Éric Guéguen 30 juin 2014 12:45

                              Rounga, vous remarquerez que nous avons été « moinssé ». C’est un détail puéril, mais il se trouve que certaines personnes ont une liste de salauds en sous-main, je sais en faire partie et systématiquement, j’ai droit à un déluge de « moins ». Des gens qui, bien sûr, ne sont pas équipés d’autre chose que de leur index pour débattre. Ils peuvent bien s’asseoir dessus. Peut-être êtes-vous d’ailleurs dans le même cas, fasciste que vous êtes, auquel cas nous aggravons mutuellement les choses. smiley


                            • Rounga Rounga 30 juin 2014 13:33

                              Oui, moi aussi, il arrive fréquemment que je sois moinssé dans les cinq minutes suivant l’écriture d’un commentaire, comme si j’étais suivi par un moinsseur hargneux. Mais les arguments sont beaucoup plus rares.


                            • foufouille foufouille 30 juin 2014 14:30

                              pour les moins, c’est par rapport à comment on est catalogué
                              le pire est si tu pense voté FN ou est cureton
                              je me met moins 1
                               smiley



                            • Rounga Rounga 30 juin 2014 14:44

                              Si on traite tout le monde de débile, c’est un peu de la triche. Les gens le prennent pour eux, ils vont pas applaudir.
                              Mais c’est quand même un bon score. Je me souviens du temps où je commençais à intervenir ici, il y avait des triches aux votes. Certains commentaires pouvaient décoller à - ou + 70 en une demi-heure, selon sa teneur. Agoravox semble avoir réglé ce problème.

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