Pour comprendre le virage qui a eux en 1989 , il y a un témoignage qui décrit bien comment cela c’est passé en réaliser.
De l’opposition en ex-RDA aux engagements de la société civile d’aujourd’huiEntretien avec Jens ReichMédecin et biologiste, Jens Reich est l’un des membres fondateurs de Neues Forum, le plus important mouvement de citoyens de l’automne 1989 en ex-RDA. Impliqué depuis de nombreuses années dans les initiatives de l’opposition démocratique, pacifiste, écologiste, il représenta Neues Forum à la table-ronde chargée de négocier les réformes avec le parti au pouvoir. Il fut ensuite élu député sous l’étiquette Bündnis 90, l’alliance électorale des mouvements de citoyens. Après la réunification, Bündnis 90 s’associa aux Grünen et Jens Reich fut leur candidat à la présidence de la République. Il revient ici sur son engagement, sur le bilan de la réunification et sur ses prises de position récentes dans les débats de bioéthique [1] Jens Reich a publié Rückkehr nach Europa, Berlin, 1990... [1] .
M : Quelles furent les principales différences entre l’opposition est-allemande et les mouvements de dissidence en Pologne ou en Tchécoslovaquie ?
J. R. : L’opposition est-allemande a beaucoup souffert de l’existence de l’autre Allemagne. Les gens politiquement les plus actifs disparaissaient toujours après quelque temps, expulsés vers l’Ouest. La pression était telle que le risque d’être chassé, plus ou moins volontairement, était permanent. Cela a rendu très difficile la construction d’un mouvement. Une autre différence, par exemple avec la Pologne, est que nos voisins ont d’emblée théorisé le caractère public de leurs actions, disant par exemple qu’une pétition ou un appel sans noms et adresses ne valait rien. Comme tout le monde agissait de cette façon, ouvertement, ils ont réussi à développer une sorte de société civile au sein du système du parti unique. Comme on disait à l’époque, « ils » ne peuvent quand même pas arrêter toute la nation.
M : Quelle a été l’influence des mobilisations occidentales, et en particulier du mouvement pacifiste, très fort dans les années quatre-vingt, et dont certaines tendances entendaient explicitement développer des relations avec les dissidents de l’Est ?
J. R. : Les seuls contacts personnels qui ont joué un rôle étaient avec l’Est. De l’Ouest, nous recevions la télévision… Parfois, rarement, un numéro du Spiegel ou du Nouvel Observateur. Les contacts avec les pacifistes sont venus très tard, à la fin des années quatre-vingt. De plus, les thèmes agités par la nouvelle gauche avaient un sens très différent à l’Est. Prenez la question des femmes. D’une certaine façon, la RDA était formellement en avance. La bataille n’était plus sur l’égalité juridique mais pour l’égalité réelle, au quotidien. C’était plus difficile et, d’une certaine façon, notre situation de l’époque était plus proche de celle qui existe aujourd’hui dans l’Allemagne unifiée que de celle de la RFA d’alors. La même remarque vaut pour les questions écologiques. Pour nous, la réaction occidentale à Tchernobyl était démesurée, car les problèmes quotidiens de pollution et de dégradation de l’environnement étaient beaucoup plus visibles et plus graves en RDA que dans les pays d’Europe de l’Ouest. À cause de la chimie et de l’utilisation massive du lignite, les rivières étaient littéralement jaunes et l’on ne pouvait tout simplement plus respirer.
M : Comment expliquez-vous qu’en dépit de leur rôle majeur en 1989 les mouvements de citoyens issus des cercles oppositionnels aient totalement disparus de la scène politique après la réunification ?
J. R. : Ils ont été marginalisés. Durant tout l’automne 1989, le soutien de la population à ce que nous demandions était énorme. Tous ceux qui avaient le courage de dire ce qu’ils pensaient exprimaient les mêmes demandes : retour à un État de droit, application de la constitution, transparence, perestroïka. Tout cela était dans l’air, partout. Après la chute du Mur, en novembre, les choses ont changé très vite. Les gens n’étaient plus intéressés à s’engager dans un mouvement de citoyens, sauf sur des thèmes très particuliers comme la liquidation de la Stasi. La seule mobilisation que nous avons réussie après novembre a été la prise de contrôle du siège de la Stasi. Notre objectif était d’empêcher sa recréation comme nouveau service de sécurité et la disparition de ses archives. Après novembre, le message qui nous a été transmis, en particulier avec l’échec électoral de Bündnis 90, l’organisation qui fédérait ce qui restait des mouvements oppositionnels indépendants, était clair : vous avez fait votre travail, c’est bien, maintenant on peut passer à autre chose. C’est-à-dire à une politique faite à la façon de la République fédérale. Une énorme majorité de la population voulait l’unification immédiate, on peut même dire une reddition sans condition. C’était un mouvement populaire très puissant. Les gens ne voulaient plus d’expériences sociales, plus de réformes, plus de troisième voie. Juste le modèle occidental, et tout de suite. Ce changement très brutal nous a pris totalement par surprise. La raison de notre marginalisation est donc simple : la population nous a retiré son soutien.
M : Comment expliquez-vous la différence avec le sort des oppositions tchèque, hongroise ou polonaise ?
J. R. : Je ne suis pas sûr que cela soit si différent. Chez nous les choses ont été plus brutales, plus rapides. Mais on a assisté partout au même phénomène : les mouvements oppositionnels ont perdu leurs soutiens et se sont transformés en une palette de mouvements politiques classiques : conservateurs, sociaux-démocrates, Verts, etc. Les partis ont pris le dessus et les mouvements civiques ont disparu. En République tchèque, par exemple, Havel est devenu une figure symbolique présidant une société où il n’a plus d’influence politique, sauf très ponctuellement.
M : Peu après l’unification, Bündnis 90, qui recueillait l’héritage de la dissidence à l’Est, a fusionné avec les Grünen. Comment analysez-vous cette expérience ?
J. R. : Cela a été une tentative douloureuse. Bündnis 90 a débuté comme un mouvement de citoyens, et non comme un parti. C’était un parti non partidaire qui tentait de se fondre dans la société et dans lequel régnait le sentiment que nous avions eu assez de partis pendant ces dizaines d’années, que cette façon de faire de la politique était discréditée. Ceux qui croyaient à la démocratie des partis sont vite allés rejoindre les anciens partis croupions qui n’existaient auparavant que formellement, en alliance avec les communistes du SED, ou pour en constituer de nouveaux. On a ainsi retrouvé des gens du Neues Forum, le mouvement dissident dont j’étais l’un des principaux animateurs, à la CDU, au SPD, chez les libéraux ou chez les Verts. Même des figures comme Wolfgang Thierse, aujourd’hui président SPD du Bundestag, ou Angela Merkel, aujourd’hui présidente de la CDU, ont commencé par être membres des mouvements de citoyens. Le retour en force de la démocratie des partis a, pour nous, pris la forme suivante. On nous a vite dit : ne rêvez pas, la CDU a mis la main sur la CDU de l’Est, les libéraux du FDP ont pris le parti libéral est-allemand (le LDPD), un parti social-démocrate s’est créé tout seul en RDA mais a vite rejoint le SPD de l’Ouest ; vous, il ne vous reste plus que les Verts, prenez les Verts… C’est ce que nous avons fait. Par défaut d’alternative. Pendant un temps, les personnes venant de Bündnis 90 ont joué un rôle réel dans le parti unifié, mais ils ont ensuite été marginalisés. Simplement parce qu’ils n’étaient plus élus : Bündnis 90/Die Grünen a un poids négligeable dans les Länder de l’Est, où ils n’atteignent que 2-3 % des voix. Si des Verts de l’ex-RDA ont pu être présents dans le dernier Bundestag, c’est uniquement grâce à ceux de l’Ouest. Cette marginalité a renforcé les querelles de personnes et de factions. Le tout est une histoire assez triste.
14/07 19:54 - jef88
13/07 16:29 - filo...
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13/07 16:01 - jef88
Staline a quelque millions de morts sur la conscience ! Mais il n’a pas fait cela tout (...)
13/07 13:38 - filo...
@jeff88 Staline est mort et enterré et cela depuis bien longtemps. D’ailleurs son (...)
13/07 12:29 - jef88
Les russes sont une nation des gens spontanés et naturellement gentils Il faudrait en parler (...)
13/07 11:00 - filo...
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