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Commentaire de nico8585

sur Madame la Présidente de la République Française


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nico8585 (---.---.112.72) 3 mars 2007 07:58

Cher électeur potentiel de François Bayrou, sachez que le terme « UMPS » est une expression du Front National, très appréciée de M.Le Pen. En fait, votre candidat reprend la même rhétorique qui a permis dans notre pays les plus belles heures du poujadisme dans les années 50 (« tous pourris, incompétent, et dangereux pour la France ») et le succès grandissant de l’extrême droite de nos jours, depuis maintenant plus d’une vingtaine d’années.

Il n’y a strictement rien à attendre de Bayrou du fait de l’impossibilité technique de la mise en pratique de son programme liée à la nature de notre système politique et de notre système partisan qu’il ne pourra évidemment pas bouleverser entre une hypothétique victoire le 6 mai 2007 et les Législatives de juin. Il incarne le candidat de la « posture » plus que celui qui avance des propositions réalistes. On a beau jeu de faire un battage médiatique faramineux sur le financement des programmes des candidats (qui dépend essentiellement de la croissance et de la conjoncture économique de la future législature, qui a d’ailleurs permis l’efficacité conjoncturelle des 35h entre 1998 et 2001), on ferait mieux de se pencher sur la mise en pratique institutionnelle et politique des programmes. Et sur ce point, Royal comme Sarkozy sont bien plus crédibles que Bayrou.

Les électeurs sensibles au discours social-libéral du candidat centriste, à qui on ne peut pas reprocher de ne pas avoir une approche originale (bien que contestable) au niveau économique et social feraient mieux de lui accorder sa confiance au moment des Législatives.

En effet, tout plaide à croire que la mise en pratique technique de ces idées passe par une victoire de Ségolène Royal à la présidentielle et un bon score de l’UDF aux législatives qui obligerait le PS à composer un gouvernement avec lui, comme ça a failli être le cas en 1988, ou le PS ne bénéficiait que d’une courte majorité relative de 13 députés grâce aux 25 députés communistes.

Une victoire de Bayrou en mai ne peut vraisemblablement se penser pour le moment que sur un duel remporté face à Nicolas Sarkozy au second tour, ce qui ne serait possible sans un report massif des voix de la gauche du premier tour, décidant plus « d’éliminer » Sarkozy que de « choisir » Bayrou. Une telle hypothèse, dynamique de l’entre deux tours oblige, suppose une cuisante défaite de la gauche aux Législatives, comme ce fut le cas en 2002. M.Bayrou se trouverait alors dans une position inédite, et malheureusement pour les doux rêveurs, d’une difficulté inextricable : sa légitimité présidentielle serait partie liée à la gauche et aux voix du PS, mais il devrait composer avec une Assemblée Nationale à majorité bleu claire UDF-UMP, au sein de laquelle il serait vraisemblablement mis en minorité du fait du scrutin majoritaire qui ne pourra être réformer entre le 6 mai et le premier tour des Législatives.

Comment alors former un gouvernement « d’union nationale », qui n’a été possible en France que très brièvement après la Seconde guerre mondiale, autour d’une personnalité autrement plus charismatique que M.Bayrou ?

Comment nommé un premier ministre de gauche (autre promesse forte du centriste pour se rallier les sympathisants socialistes) face à une assemblée ou l’UMP pèserait bien plus que le PS ? Comment cette majorité bleu claire au sein de laquelle l’UMP serait supérieure à l’UDF pourrait approuver la traditionnelle déclaration de politique générale faite par le Premier ministre devant l’Assemblée au moment de son investiture, censée sinon maintenir ou renverser le premier ministre, donner le crédit nécessaire au gouvernement pour mener son action ?

Compte tenu de cette hypothèse réaliste, quelle serait l’intérêt du PS à accepter de gouverner avec cette assemblée de centre droit ? Il n’en aurait aucun et préférera jouer pleinement son rôle dans l’opposition assurant d’ailleurs par là une certaine forme de salut démocratique en contrecarrant ainsi le jeu des extrêmes favorisé mécaniquement par le concept même « d’union nationale » de laquelle ils seraient pourtant évidemment exclus, alors que ces derniers représentent environ 26 pour 100 des voix au premier tour (sondage CSA du 1/03/07), ou « l’on choisit » comme le veut la coutume instituée par l’élection du président de la République au suffrage universel direct à deux tours ?

Il apparaît donc que la velléité de M.Bayrou de former un gouvernement « d’union nationale » sur laquelle il fonde cependant la majeure partie de sa légitimité médiatique et sondagière, en martelant notamment l’idée peu plausible de la nomination d’un Premier ministre de gauche, soit irréaliste et entraînerait en réalité une désunion du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif.

En effet, en admettant que M.Bayrou parvienne à nommer à la tête de son gouvernement un socialiste, on assisterait à un différentiel de légitimité entre son chef de gouvernement, avec qui le président de la République co-détermine et co-conduit dans les faits la politique de la Nation, et l’Assemblée Nationale, dont normalement il est issu sous la Vème République et dans tous les régimes parlementaires dignes de ce nom. Dans l’hypothèse plus réaliste ou M.Bayrou ne parviendrait pas à nommer ce premier ministre de gauche, on assisterait à une « désunion nationale » encore plus forte et sans doute plus lourde de conséquences pour la santé de notre démocratie : il y aurait alors un différentiel de légitimité entre le président de la République et la Nation qui l’aurait porté au pouvoir. En effet, une importante partie de l’électorat de la majorité présidentielle, - correspondant en partie au report des voix de la gauche mais également aux séduits du premier tour par la perspective de « l’union nationale » avec un Premier ministre de gauche - constitutive de la victoire de François Bayrou, se retrouverait en quelque sorte trahie dès les premiers jours de son mandat. On se retrouverait alors à peu près dans la même situation qu’en 2002, que dénonce par ailleurs Bayrou, et qui est pourtant à la source de la défiance croissante des citoyens à l’égard du politique.

En effet en 2002, Jacques Chirac a été plébiscité par la Nation rassemblée, pour faire barrage à l’extrême droite. De cette situation exceptionnelle, pourtant plus propice à la création d’une néanmoins difficile « union nationale », il n’a pas su tirer les conséquences, et a agi dans la conformité de la pratique de la constitution, en ne gouvernant qu’avec sa famille politique, « à sa botte » au Parlement. Il n’a ainsi pas tenu compte des attentes inhérentes au plébiscite spectaculaire de mai 2002, en ne tenant pas compte des millions d’électeurs de gauche qui ont voter pour lui. Le paradoxe de cette situation complexe est que pour des raisons institutionnelles et politiques, il ne pouvait en fait pas faire autrement. Il a du faire le choix entre une tentative « d’union nationale » qui aurait bloqué nos institutions en désuniant en même temps l’exécutif et le législatif (ou l’UMP disposait d’une majorité absolue du fait du scrutin majoritaire, de son statut de « grand parti » et de la dynamique entraînée par l’élection présidentielle) et la désunion vis-à-vis de son électorat du second tour, qui avait pourtant constitué à l’époque une inédite et réelle cette fois-ci « union nationale » sous la Vème République. Emprisonné dans les logiques institutionnelles de notre régime politique, Chirac a fait le seul choix possible au prix d’une rupture intensifiée des citoyens à l’égard de la politique qui a conduit à de nombreux immobilismes sous la dernière législature, dus en partie à la logique de conflit social entraîné par le traumatisme et la frustration de 2002.

Il convient donc lorsqu’un candidat veut porter un programme, aussi bon soit-il là n’est pas la question, de se pencher sur sa mise en pratique institutionnelle et politique. Cette question apparaît tout aussi légitime que celle du coût et du financement des programmes. Et ce d’autant plus lorsque un candidat tente de placer son projet sous la bannière d’une irréaliste « union nationale », aux conséquences douteuses comme nous avons tenter de le démontrer. Précisons pour finir que contrairement à François Bayrou cette année, Jacques Chirac n’avait pas fait campagne sur cette thématique, cœur névralgique de la campagne du centriste. On peut donc penser que les conséquences d’une impossible « union nationale » si le président de l’UDF parvenait à la magistrature suprême seraient plus graves encore qu’elles ne l’ont été en 2002...

NB : l’exemplification de cette réflexion repose principalement sur l’hypothèse d’une victoire de François Bayrou sur Nicolas Sarkozy au second tour, qui aurait vraisemblablement pour conséquence une large défaite de la gauche aux Législatives et la formation d’une majorité naturelle entre l’UDF et l’UMP, ou la formation centriste ne serait même pas certaine d’être supérieure à l’UMP, dans le cadre d’un scrutin majoritaire lui étant structurellement défavorable.

Il en irait tout à fait différemment si Bayrou l’emporterait face à Royal. L’application du « volet social » du programme centriste sur lequel François Bayrou fonde son actuelle légitimité serait alors envisageable bien que difficile (récurrence des conflits au sein de la majorité) dans le cadre d’une coalition PS-UDF, inédite également sous la Vème République. Cependant, comme dans le cas précédent l’idée « d’union nationale » serait exclus, l’UMP préférant jouer son rôle de parti d’opposition plutôt que de pantin de la majorité (comme le PS dans le premier cas).

Cependant force est de constater que cette seconde hypothèse est nettement moins plausible que la première, explicité tout au long du texte. La première aurait des conséquences plus néfaste dans la mesure ou la stratégie clairement affichée par Bayrou est de se déporter, au moins formellement sur sa gauche, en annonçant par exemple (alors même qu’il n’est pas encore qualifié pour le second tour) souhaiter un Premier ministre de gauche à la tête de son gouvernement pour séduire l’électorat socialiste traditionnel. L’impossibilité de son projet trop ambitieux conduirait alors comme on l’a dit à une trahison à l’égard de son électorat bien plus grave que celle de Chirac en 2002.


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