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Commentaire de jullien

sur « La Cause du Peuple »


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jullien 5 août 2014 12:40

@ Olivier
Thiers a toujours été l’incarnation jusque à la caricature de ce que pensait la bourgeoisie française de son époque. S’il n’avait pas existé, il aurait fallu l’inventer.

Il y a une petite erreur dans ce que vous écrivez : à la faveur du soulèvement de 1848, il va d’abord se mettre à l’abri, appliquant la règle du « courage, fuyons… ».
Non : il avait proposé à Louis-Philippe un plan de réduction de l’insurrection. Celui-là même qu’il reprendra en mai 1871. C’est Louis-Philippe qui, convaincu d’être devant une vaste conspiration, préféra abdiquer. Un mois plus tard, Thiers se mit en campagne électorale devenu « miraculeusement » républicain mais toujours aussi attaché à défendre la « propriété » et « l’Ordre » (les gens de droite écrivaient vraiment ce mot avec une majuscule). Vous n’avez pas mentionné son arrestation lors du coup d’Etat du 2 décembre 1851 : elle lui a pourtant permis de se faire passer pour un martyr de la liberté. Il ne précisait pas qu’il avait rêvé de se présenter à l’élection présidentielle de 1852 une fois le « crétin » parti et était convaincu d’être élu haut la main.

Quant à la religion, qu’on me pardonne l’auto-citation mais voici ce que j’écrivais il y a quelques mois (http://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/une-histoire-et-un-bilan-du-148456) :
Il ne faut cependant pas croire que l’affrontement entre conservateurs et libéraux était celui des chrétiens encore plongés dans l’obscurantisme contre les audacieux libres-penseurs. Beaucoup de conservateurs étaient des « chrétiens par peur ». La bourgeoisie française* (à l’époque ce terme désignait ceux résidant en ville et tirant leurs revenus d’une profession libérale ou de la terre, non les rares industriels : nous dirions les classes moyennes et les élites urbaines) était imprégnée de voltairianisme. À une époque où les idées de Voltaire n’avaient pas été triées de façon à ne retenir que les appels à la liberté de pensée et à la tolérance religieuse, cela signifiait que ses propos sur le rôle essentiel de la religion pour maintenir l’ordre social et la moralité des masses étaient considérés comme allant de soi. En d’autres termes, Dieu selon les bourgeois était un service supérieur de police. D’où cette fameuse phrase d’Adolphe Thiers que l’on est censé trouver admirable : « Je veux rendre toute-puissante l’influence du clergé, parce que je compte sur lui pour propager cette saine philosophie qui apprend à l’homme qu’il est ici-bas pour souffrir et non cette autre philosophie qui dit au contraire à l’homme : « Jouis » ». Cela était compatible avec un anticléricalisme méprisant et l’absence de pratique religieuse car il était entendu que c’était le peuple (sans pouvoir et sans droit de vote, le suffrage étant censitaire) qui avait besoin de discipline
Avec des amis pareils, l’Église n’avait pas besoin d’ennemis !

Quant à son ralliement à la République, c’est parce qu’il trouvait que la place était bonne et qu’il craignait qu’un régime monarchique soit de nouveau renversé par le peuple. Le résultat est qu’il y a longtemps eu une controverse entre d’une part ceux qui disaient « Il a massacré les communards ! C’est un salaud » et ceux qui répondaient « Mais il a rétabli la République ! Il faut le commémorer ». Dans le chef-lieu de département où je vis, il y a longtemps eu un petit jeu : à chaque changement de majorité municipale, le « Boulevard des fédérés » devenait le « Boulevard Adolphe Thiers » ou vice-versa. On a fini il y a quelques années par décider que désormais le boulevard porterait les deux noms.

Je suis partisan de mettre ce grand anti-démocrate au programme et de le donner en (contre-)exemple aux enfants : ce serait une tâche de salubrité publique ! J’espère que vous n’en voudrez pas à un « jeunot » qui n’était pas né en 1973 d’être intervenu.


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