« La Cause du Peuple »
Ce journal que l’on attribue en priorité à Jean Paul Sartre puis à Serge July, a d’abord été créé par Georges Sand en 1848 et c’est l’occasion de prendre conscience d’une réalité : la révolution française reste à faire.

Bien sûr, il y a eu 1789, la prise de la Bastille et tout le reste, mais peut-on qualifier de révolution ce qui s’est passé, puisqu’il s’agissait seulement pour la bourgeoisie de déposséder le Roi de son pouvoir ? lien
Pour faire court, le Roi avait congédié Necker, le grand argentier du royaume, lequel avait toute la confiance des bourgeois, et ceux-ci ont décidé d’armer la population afin de renverser le monarque, puis une fois la mission réussie, ils ont récupéré les armes qu’ils avaient distribué, en échange du versement de 40 sols, ce qui équivalait à 2 journées de travail. lien
Il faudra attendre 1791 pour voir débouler la révolution du peuple, laquelle sera anéantie par La Fayette qui fera tirer sur les insurgés. lien
Bien sur, il reste la célèbre « déclaration des droits de l’homme et du citoyen », mais n’est-elle pas encore aujourd’hui plus du domaine de la fiction que de la réalité... ?
Les hommes sont-ils « libres et égaux en droits »…la loi est-elle « la même pour tous »…tous les hommes sont-ils toujours « présumés innocents jusqu’à ce qu’ils aient été déclarés coupables ?… »
Et quid de « la liberté d’exprimer une opinion, même religieuse ? ». lien
Puis est venue la Commune, matée par un certain Adolphe Thiers.
Etonnante carrière que celle de cet homme.
Il avait sur la religion des idées très arrêtées, affirmant que « la religion va plus loin que la philosophie », ajoutant que « seule la religion qu’est le Christianisme a donné un sens à la douleur »… il serait intéressant de savoir ce qu’en pensent les bouddhistes tibétains martyrisés par le pouvoir chinois, et d’autres…
Cet homme qui se disait « un homme de progrès », un « Républicain » avait refusé les chemins de fer, et était en réalité le chantre de la défense de la propriété et du protectionnisme, œuvrant toujours pour le camp monarchiste ou bourgeois. lien
Il est probable qu’il dut son succès à une indéniable éloquence, maniant allègrement le cynisme : « la science de gouverner est toute dans l’art de dorer les pilules » disait-il. lien
Celui qui avait déclaré : « la République sera conservatrice ou ne sera pas » s’était toujours opposé aux idées défendues par la gauche. lien
Lors des 3 glorieuses, épouvanté par les coups de feu, il fuit Paris, puis une fois le calme revenu, se met au service de Louis Philippe, devenant à 37 ans ministre de l’intérieur. lien
En 1834, lors de la fameuse révolte des Canuts Lyonnais, ces ouvriers de la soie, Thiers va commander au Préfet de Lyon : « ne reculez devant aucun moyen de destruction », ordonnant très clairement de résoudre au besoin par la force des canons tous ces trublions. lien
A 43 ans, il devient Président du Conseil, mais ne le restera pas longtemps, Louis Philippe trouvant inquiétant sa volonté d’entrer en guerre contre les Britanniques. lien
Il va ronger son frein quelques années, puis à la faveur du soulèvement de 1848, il va d’abord se mettre à l’abri, appliquant la règle du « courage, fuyons… », et une fois l’ordre rétabli, il analyse la nouvelle situation : 2 groupes monarchistes s’affrontent pour prendre le pouvoir, et il se fera le chantre de la République, avec comme devise : c’est le régime qui divise le moins.
Contre toute attente, c’est Louis-Napoléon Bonaparte, un vague descendant de l’empereur Napoléon, qui va l’emporter.
Thiers considère que le nouvel élu est « un crétin manipulable », ce en quoi il se trompe lourdement, puisque Louis-Napoléon Bonaparte va tout renverser, la République et le reste, en se faisant nommer Empereur, exerçant son pouvoir pendant 18 ans. lien
Arrive la guerre, et la catastrophe de Sedan, provocant la chute de l’Empire, Thiers, à 74 ans, rêve que son heure est enfin venue.
A cette époque, un romancier nommé Elémir Bourges, fera de lui une description cruelle : « une espèce de nain ridé, à figure de vieille fée, les cheveux dressés en huppe, un petit nez crochu, entre des lunettes ». lien
Toujours est-il que Thiers préfère provisoirement rester dans l’ombre, conscient que le nouveau gouvernement ne va pas rester trop longtemps populaire, parce qu’obligé de « se salir les mains » : il faudra céder l’Alsace et la Lorraine à l’ennemi, et surtout, tout comme après la prise de la Bastille, reprendre les armes au peuple.
En effet devant la menace allemande, le pouvoir impérial avait fait rentrer dans la garde nationale, laquelle en principe était issue des milieux nantis, monarchistes ou bourgeois, des milliers d’hommes issus des milieux populaires : pour 250 000 gardes, ceux-ci représentaient plus de la moitié, et il fallait vite les désarmer.
Alors Thiers ne veut pas se mêler de ça : espérant que ceux qu’il appelle « les Jules » vont faire le sale boulot, se couvrant les mains de sang, et il va faire le tour de l’Europe, se présentant dans les chancelleries étrangères comme le sauveur républicain, futur président d’un état neutre, et pacifique.
De retour à Paris, il se prétend porte parole des gouvernements européens, chargé d’une mission humanitaire.
Sauf qu’à ce moment, le général Achille Bazaine, et son armée de 180 000 hommes, a tourné sa veste, faisant allégeance à la Prusse, provocant la colère populaire parisienne, laquelle soutiendra son gouvernement. lien
Thiers, comprenant qu’il va falloir attendre encore un peu, se réfugie chez le chancelier Bismarck, lequel est à Versailles, lui promettant, une fois de plus, que lorsqu’il sera au pouvoir, il aura l’Alsace et la Lorraine.
C’était sans compter sur Gambetta qui à Tours, en 3 semaines, est parvenu à lever une armée considérable bien armée, forte de 125 000 hommes, artillerie, cavalerie, et qui est décidé à faire une guerre nationale.
Or Metz n’est toujours pas tombé, et Bismarck ne dispose que de 40 000 hommes pour se défendre, ce qui inquiète beaucoup Thiers, qui avait recueilli les confidences de Gambetta, décidé à attaquer le 29 octobre.
Ce qui n’arrange pas beaucoup les affaires de Thiers qui a bien compris que la fatale victoire de Gambetta fera de lui un héros, et probablement le futur chef du gouvernement.
Il va donc convaincre le général en chef des forces armées de Gambetta, un certain D’Aurelle de Paladines, de ne pas lancer l’attaque, qu’il qualifie d’insensée du point de vue social.
Ce dernier va donc justifier auprès de Gambetta le report de l’attaque, prétextant la pluie, un terrain peu favorable, et tergiversera pendant 13 jours (lien) amenant la capitulation… l’armistice sera signée le 28 janvier (lien) et le peuple français réclamera une assemblée, provocant les élections du 8 février 1871, laquelle sera majoritairement composée de nobles et de bourgeois, enfin provisoirement réconciliés.
Il y eut sur 650 députés, 500 monarchistes, sauf que la vieille querelle entre légitimistes de Charles X et les Orléanistes de Louis Philippe perdurait, et Thiers va reprendre l’idée qu’il avait lancée en 1848 : en attendant que la fusion entre les monarchistes se réalise, il se propose en chef d’une république conservatrice.
Dans le camp des républicains, se trouve d’abord Louis Blanc, un homme défendant les idées de la gauche, et qui avait fait l’un des meilleurs scores (216 000 voix), suivi par Victor Hugo, opposant notoire à Napoléon III, mais aussi Gambetta, piégé par la manœuvre honteuse de Thiers, ce qui lui avait fait perdre de son aura, Garibaldi complétant le trio de tête.
Or Thiers élu dans 26 départements (à l’époque, on pouvait se présenter dans plusieurs départements), et auréolé de ce succès électoral sera finalement nommé « chef de l’exécutif ».
Il doit encore résoudre un problème, c’est mater la fronde de Paris : il évoquait à l’époque le concept de « réduire Paris », opération délicate, car ses prédécesseurs n’avaient pas désarmé la garde nationale, dont on n’a pas oublié que 150 000 d’entre eux venaient du petit peuple.
Alors que faire ?
Thiers va d’abord se rendre auprès de Bismarck, toujours à Versailles et qui n’est pas tout à fait content : il a bien obtenu l’Alsace, validée par la conférence des neutres qui s’était tenue à Londres, mais n’avait pas eu gain de cause pour la Lorraine.
C’est Thiers qui va « tout arranger », demandant, via son gouvernement, à Belfort qui avait résisté à l’ennemi, de se rendre, (lien) et Belfort servira de monnaie d’échange à Bismarck lequel otiendra enfin la Lorraine. lien
Vient le soulèvement de la Commune de Mars 1871, et devant les « dérives » de la garde nationale parisienne qui s’est érigée en fédération républicaine, il nomme à sa tête un monarchiste, lequel pour la reprendre en main commence par supprimer les soldes, seule ressource financière des fédérés.
Puis Thiers se fera aider par les armées de Bismarck pour combattre la commune : près de 40 000 communards vont perdre la vie, 35 000 autres seront emprisonnés, jugés, et pour certains condamnés à mort. lien
Aujourd’hui la devise présente sur le fronton de nos mairies « liberté, égalité, fraternité » n’est pas toujours d’actualité, et les politiques sont plus souvent tenté de « se servir », plutôt que d’être au service de ceux qui les ont élus.
Rien n’est donc encore fait.
Comme dit mon vieil ami africain : « qui veut du miel doit affronter les abeilles ».
L’image illustrant l’article vient de « lacausedupeuple.blogspot.fr »
Merci aux internautes pour leur aide précieuse
Olivier Cabanel
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